2.1 La loi de Darcy
La naissance de l’hydrologie des eaux souterraines en tant que science quantitative remonte à l’année 1856. C’est cette année-là que l’ingénieur hydraulicien français Henry Darcy publia son rapport sur l’approvisionnement en eau de la ville de Dijon, en France. Dans le rapport, Darcy décrit une expérience de laboratoire qu’il a effectuée pour étudier le flux d’eau à travers du sable. Le résultat de son expérience peut être généralisé dans la loi empirique qui porte désormais son nom.
Considérons une approche expérimentale semblable à celle montrée dans la Figure 2.1. Un cylindre de section transversale A est rempli de sable, bouché à chaque extrémité, et équipé de tubes d’entrée et de sortie ainsi qu’une paire de manomètres. L’eau est introduite dans le cylindre, et s’écoule jusqu’à ce que tous les pores soient remplis d’eau et que le débit entrant Q soit égal au débit sortant. Si nous considérons un point arbitraire à l’altitude z = 0, les altitudes de prise des manomètres sont z1 et z2, et celles des niveaux de fluide sont h1 et h2. La distance entre les prises de manomètre est Δl.
Nous allons définir v, le débit spécifique du cylindre, comme étant :
(2.1)
Si les dimensions de Q sont [L3/T], et ceux de A sont [L2], v a les dimensions d’une vitesse [L/T].
Les expériences effectuées par Darcy ont démontré que v est directement proportionnel à (h1 – h2) quand Δl est constant, et inversement proportionnel à Δl quand (h1 – h2) est constant. Si nous définissons Δh = h1 – h2 (une convention de signe arbitraire qui nous servira bien par la suite), nous avons et . La loi de Darcy peut alors être exprimée comme
(2.2)
ou bien sous forme différentielle,
(2.3)
Dans l’équation (2.3), h est la charge hydraulique, et dh/dl est le gradient hydraulique. K est une constante de proportionnalité. Elle doit être une propriété du matériau dans le cylindre, car si le gradient hydraulique est considéré comme constant, le débit spécifique sera à coup sûr plus grand pour certains types de matériaux. En d’autres termes, si dh/dl est constant, v K. Le paramètre K est fonction non seulement du milieu, mais aussi du fluide qui s’écoule au travers.
Une forme alternative de la loi de Darcy peut être obtenue en substituant l’équation 2.1 dans l’équation 2.3, ce qui donne :
(2.4)
qui est parfois simplifier sous la forme :
(2.5)
où i est le gradient hydraulique.
La loi de Darcy s’applique pour l’écoulement des eaux souterraines dans n’importe quelle direction de l’espace. En ce qui concerne la Figure 2.1 et l’équation 2.3, si le gradient hydraulique dh/dl et la conductivité hydraulique K sont constantes, v est indépendante de l’angle θ. Ceci est vrai même pour les valeurs de θ excédant 90 ° quand l’écoulement est forcé dans le cylindre contre les forces de gravité.
Nous avions noté que le débit spécifique v a les dimensions d’une vitesse, ou flux. Pour cette raison, elle est parfois connue comme la vitesse de Darcy ou flux de Darcy. Le débit spécifique est un concept macroscopique qui est simple à mesurer. Il doit être clairement différencié des vitesses microscopiques associées aux trajectoires réelles des particules individuelles d’eau qui serpentent à travers les grains de sable (Figure 2.2). Les vitesses microscopiques sont vraies, mais elles sont presque impossibles à mesurer. Pour le restant du chapitre, nous allons travailler exclusivement avec les concepts d’écoulement à l’échelle macroscopique. Malgré ses dimensions, nous allons éviter de considérer v comme une vitesse ; nous allons utiliser la terminologie plus correcte, soit le débit spécifique.
Ce dernier paragraphe peut paraître inoffensive, mais il annonce une décision d’importance fondamentale. Lorsque nous décidons d’analyser l’écoulement des eaux souterraines selon l’approche darcienne, cela signifie en effet que nous allons remplacer l’ensemble réel des grains de sable (ou particules d’argile ou fragments de roche) qui constituent le milieu poreux par un continuum représentatif pour lequel nous pouvons définir des paramètres macroscopiques, tels que la conductivité hydraulique, et utiliser des lois macroscopiques, telles que la loi de Darcy, pour fournir des descriptions macroscopiquement moyennées du comportement microscopique. C’est une étape simple et logique ; par contre, cette étape s’appuie sur des fondements théoriques épineux. Dans son texte avancé portant sur l’écoulement dans les milieux poreux, Bear (1972) discute ces fondements en détail. Dans la Section 2.12, nous explorerons davantage les interrelations entre les descriptions microscopiques et macroscopiques de l’écoulement des eaux souterraines.
La loi de Darcy est une loi empirique qui s’appuie sur une démonstration expérimentale. Plusieurs essais ont été effectués pour faire dériver la loi de Darcy de lois physiques fondamentales, point qui est aussi discuté en détail dans le texte de Bear (1972). Les approches les plus réussies tentent d’appliquer les équations de Navier-Stokes, largement connues dans l’étude de la mécanique des fluides, à l’écoulement de l’eau dans des chenaux de pores des modèles conceptuels idéalisés des milieux poreux. Hubbert (1956) et Irmay (1958) ont été apparemment les premiers à tenter cet exercice.
Ce texte fournira de nombreuses preuves de l’importance fondamentale de la loi de Darcy dans l’analyse de l’écoulement des eaux souterraines. Il convient de noter ici qu’il est tout aussi important dans de nombreuses autres applications de l’écoulement des milieux poreux. Il décrit le flux d’humidité du sol et est utilisé par les physiciens du sol, les ingénieurs agronomes et les spécialistes de la mécanique des sols. Il décrit le flux de pétrole et de gaz dans les formations géologiques profondes et est utilisé par les analystes des réservoirs pétroliers. Il est utilisé dans la conception de filtres par des ingénieurs chimistes et dans la conception de céramiques poreuses par des spécialistes des matériaux. Il a même été utilisé par les biologistes pour décrire le flux de fluides corporels à travers les membranes poreuses dans le corps.
La loi de Darcy est une loi empirique puissante et ses composantes méritent notre plus grande attention. Les deux sections suivantes donnent un aperçu plus détaillé de la signification physique de la charge hydraulique et de la conductivité hydraulique K.
2.2 Charge hydraulique et potentiel de fluide
L’analyse d’un processus physique impliquant un flux nécessite généralement la connaissance d’un gradient potentiel. Par exemple, il est connu que la chaleur s’écoule à travers des solides à partir des températures les plus élevées vers les températures les plus basses, et que le courant électrique circule à travers les circuits électriques à partir des tensions les plus élevées vers les plus basses. Pour ces processus, la température et la tension sont des quantités potentielles, et les débits de chaleur et d’électricité sont proportionnels à ces gradients de potentiel. Notre tâche consiste à déterminer le gradient potentiel qui contrôle le flux d’eau à travers les milieux poreux.
Heureusement, cette question a été considérée par Hubbert dans son traité portant sur l’écoulement des eaux souterraines (Hubbert, 1940). Dans cette première section, nous allons passer en revue ses concepts et leurs dérivations.
L’analyse de Hubbert du potentiel de fluide
Hubbert (1940) définit le potentiel comme une « quantité physique, mesurable en tout point dans un système d’écoulement, dont les propriétés sont telles que l’écoulement se produit toujours des régions où les valeurs sont les plus élevées vers celles où elle est la plus faible, quelle que soit la direction dans l’espace » (p. 794). Dans les essais de Darcy (Figure 2.1) la charge hydraulique h, indiquée par les niveaux d’eau dans les manomètres, semblerait satisfaire la définition, mais comme le fait remarquer Hubbert, « l’adopter de manière empirique sans plus d’investigation serait comme lire la longueur de la colonne de mercure d’un thermomètre sans savoir que la température est la quantité physique indiquée » (p. 795).
Deux options quant à la quantité de potentiel sont l’altitude et la pression de fluide. Si l’appareil de Darcy (Figure 2.1) avait été mis en place avec le cylindre à la verticale (θ = 0), l’écoulement serait à coup sûr du haut vers le bas du cylindre, en raison de la gravité. Mais si le cylindre est mis en place à l’horizontale (θ = 90 °) pour que la gravité ne joue pas un rôle, l’écoulement pourrait être induit en augmentant la pression à une extrémité et en la diminuant à l’autre. Individuellement, ni l’altitude, ni la pression ne représentent des potentiels adéquats, mais ce sont certainement des composantes de la quantité de potentiel totale.
Ce ne sera pas une surprise pour ceux à qui des concepts de potentiel en physique élémentaire ou en mécanique des fluides ont été exposés, que la meilleure façon de répondre à notre question est d’examiner les relations d’énergie pendant le processus d’écoulement. En fait, la définition classique du potentiel telle qu’elle est habituellement présentée par les mathématiciens et les physiciens est en termes de travail effectué pendant le processus d’écoulement ; et le travail effectué pour déplacer une masse unitaire de fluide entre deux points quelconques dans un système d’écoulement est une mesure de la perte d’énergie de la masse unitaire.
L’écoulement de fluide à travers un milieu poreux est un processus mécanique. Les forces de fluide entraînant le fluide vers l’avant doivent surmonter les forces de friction établies entre le fluide en mouvement et les grains du milieu poreux. Le flux s’accompagne donc d’une transformation irréversible de l’énergie mécanique en énergie thermique à travers le mécanisme de résistance au frottement. La direction de l’écoulement dans l’espace doit donc partir des régions où l’énergie mécanique par unité de masse de fluide est la plus élevée et vers les régions où elle est inférieure. Si l’énergie mécanique par unité de masse en n’importe quel point d’un système d’écoulement peut être définie comme le travail requis pour déplacer une masse unitaire de fluide d’un état standard arbitrairement choisi au point en question, il est clair que nous avons découvert une quantité qui satisfait à la fois à la définition de Hubbert d’un potentiel (en termes de direction du flux) et à la définition classique (en termes de travail effectué). Le potentiel de fluide à traverser les milieux poreux est donc l’énergie mécanique par unité de masse de fluide.
Il reste maintenant à relier cette quantité aux termes d’altitude et de pression dont nous avions déjà discuté. Considérons un état standard arbitraire (Figure 2.3) à une altitude z = 0 et à une pression p = p0, où p0 est la pression atmosphérique. Une unité de masse de fluide de densité ρ0 occupera une volume V0, où V0 = 1/ρ0. Nous voulons calculer le travail nécessaire pour monter l’unité de masse de fluide de son état standard à un point P dans le système d’écoulement, qui est à l’altitude z et où la pression de fluide est p. Ici, l’unité de masse de fluide aura une densité ρ et occupera un volume V = 1/ρ. De plus, nous supposons que le fluide a une vitesse v = 0 à l’état standard, et une vitesse v au point P.
Il y a trois composantes pour le calcul du travail. Premièrement, il y a le travail requis pour monter la masse de l’altitude z = 0 à l’altitude z :
(2.6)
En second lieu, il y a le travail requis pour accélérer le fluide de vitesse v = 0 à la vitesse v :
(2.7)
Enfin, il y a le travail fait sur le fluide en montant la pression de p = p0 à p :
(2.8)
Si le fluide s’écoule du point P à un point à l’état standard, l’équation 2.6 représente la perte d’énergie potentielle, l’équation 2.7 est la perte en énergie cinétique, et l’équation 2.8 est la perte en énergie élastique, ou le travail p – V.
Le potentiel de fluide Φ (énergie mécanique par unité de masse) est la somme de w1, w2, et w3. Pour une unité de masse de fluide m = 1 dans les équations 2.6, 2.7 et 2.8, nous avons :
(2.9)
Pour l’écoulement en milieu poreux, les vitesses sont extrêmement faibles ; nous pouvons donc négliger le deuxième terme. Pour les fluides incompressibles (fluides avec densité constante, de sorte que ρ n’est pas une fonction de p), l’équation 2.9 peut être simplifié davantage l’expression :
(2.10)
Nos pressentiments antérieurs sur les composantes probables du potentiel de fluide sont maintenant considérés comme corrects. Le premier terme de l’équation 2.10 implique l’altitude z et le second terme implique la pression du fluide p.
Mais comment ces termes sont-ils reliés à la charge hydraulique h ? Retournons au manomètre de Darcy (Figure 2.4). À P, la pression du fluide p et donné par :
(2.11)
où ψ est la hauteur de la colonne de liquide au-dessus de P et p0 est la pression atmosphérique ou pression à l’état standard. De la Figure 2.4 et de l’équation 2.11, il devient évident que :
(2.12)
En substituant l’équation 2.12 dans l’équation 2.10, nous obtenons :
(2.13)
ou en annulant les termes,
(2.14)
Notre long exercice nous a conduits à une conclusion simple. Le potentiel de fluide Φ en tout point P dans un milieu poreux est simplement la charge hydraulique au point multipliée par l’accélération due à la gravité. Comme g est presque constant au voisinage de la surface de la terre, Φ et h sont presque parfaitement corrélés. Connaître l’un, c’est connaître l’autre. La charge hydraulique h est donc tout aussi appropriée comme potentiel que Φ. Pour rappeler la définition de Hubbert : c’est une grandeur physique qu’on est capable de mesurer, et le flux se produit toujours des régions où les valeurs de h sont les plus élevées vers les régions où elle est la plus faible. En fait, en se référant à l’équation 2.14, on démontre que, si Φ est l’énergie par unité de masse, h est l’énergie par unité de poids.
Il est courant en hydrologie des eaux souterraines de définir la pression atmosphérique p0 égale à zéro et de travailler avec les pressions standard (c’est-à-dire des pressions supérieures à la pression atmosphérique). Dans ce cas les équations 2.10 et 2.14 deviennent :
(2.15)
En divisant par g, nous obtenons
(2.16)
En mettant l’équation 2.11 en termes de pressions standard, cela donne :
(2.17)
et l’équation 2.16 devient :
(2.18)
La charge hydraulique h est ainsi perçue comme la somme de deux composantes : l’altitude du point de mesure, ou charge d’altitude, z, and la charge de pression, ψ. Cette relation fondamentale est un concept de base quant à la compréhension de l’écoulement des eaux souterraines. La Figure 2.4 montre la relation pour un manomètre de Darcy en laboratoire, et la Figure 2.5 la montre pour un site de terrain.
Ceux qui sont familiers avec les concepts de base de la mécanique des fluides ont peut-être déjà reconnu l’équation 2.9 comme étant l’équation de Bernoulli, une formulation classique démontrant la perte d’énergie lors de l’écoulement des fluides. Quelques auteurs (Todd, 1959 ; Domenico, 1972) se servent de cette équation comme point de départ pour le développement des concepts de charge hydraulique et de potentiel de fluides.
Si nous exprimons l’équation 2.9 en termes de charge et dans une notation simplifiée, elle devient :
(2.19)
où hz est la charge d’altitude, hp la charge de pression, et hv la charge de vitesse. Dans notre notation antérieure, hz = z, hp = ψ, et hv = v2/2g. Le terme hT est la charge totale, et dans le cas spécial où h0 = 0, il est égal à la charge hydraulique, h, et l’équation 2.18 demeure vraie.
Dimensions et unités
Les dimensions des termes de charge h, ψ, z sont en termes de longueur, [L]. Par convention, ils sont exprimés comme des « mètres d’eau » (ou « pieds d’eau »). La spécification « d’eau » souligne que les mesures de la charge dépendent de la densité du fluide à travers de la relation de l’équation 2.17. Étant donné la même pression de fluide ρ au point P de la Figure 2.5, la charge hydraulique h et la pression ψ auraient des valeurs différentes si le fluide dans les pores de la formation géologique était de l’huile plutôt que de l’eau. Dans ce texte, où nous traiterons toujours de l’eau, la phrase adjectivale sera généralement supprimée et nous donnerons les charges en mètres.
Quant aux autres termes introduits dans cette section, dans le système SI, avec sa base [M][L][T], la pression a des dimensions [M/LT2], la densité de masse a des dimensions [M/LT3], et le potentiel du fluide, d’après sa définition, est de l’énergie par masse d’unité avec les dimensions [L2/T2]. Le Tableau 2.1 clarifie les dimensions et les unités communes pour tous les paramètres importants introduits jusqu’ici. Sinon, une référence à l’Appendice I éclaircira n’importe quelle confusion pour le lecteur. Dans ce texte, nous allons nous servir des unités SI métrique comme système d’unités de base. Le Tableau 2.1 inclut les équivalents FPS. Le Tableau A1.3 dans l’Appendice I fournit les facteurs de conversion.
Il faut noter que dans le Tableau 2.1, la densité du poids de l’eau, γ, est défini comme étant :
(2.20)
C’est un paramètre mieux adapté que la densité de masse ρ pour le système FPS, qui a la force comme une des dimensions fondamentales.
Système International† SI |
Système pied-livre-seconde,‡ FPS |
|||||
Paramètre | Symbole | Dimensions | Unités | Dimensions | Unité | |
Charge hydraulique | h | [L] | m | [L] | pi | |
Charge de pression | ψ | [L] | m | [L] | pi | |
Charge d’altitude | z | [L] | m | [L] | pi | |
Pression de fluide | p | [M/LT2] | N/m2 ou Pa | [F/L2] | lb/pi2 | |
Potentiel de fluide | F | [L2/LT2] | m2/s2 | [L2/LT2] | pi2/s2 | |
Densité de masse | ρ | [M/L3] | kg/m3 | – | – | |
Densité de poids | γ | – | – | [F/L3] | lb/pi3 | |
Décharge spécifique | v | L/T | m/s | [L/T] | pi/s | |
Conductivité hydraulique | K | [L/T] | m/s | [L/T] | pi/s |
Piézomètres et nids de piézomètres
Le dispositif de base pour la mesure de la charge hydraulique est un tube ou un tuyau dans lequel l’altitude d’un niveau d’eau peut être déterminée. Au laboratoire (Figure 2.4), le tube est un manomètre ; sur le terrain (Figure 2.5), le tuyau est appelé un piézomètre. Un piézomètre doit être scellé sur toute sa longueur. Il doit être ouvert à l’écoulement de l’eau au fond et être ouvert à l’atmosphère au sommet. L’entrée est généralement une section de tuyau fendue ou une crépine, disponible dans le commerce. Dans les deux cas, l’ouverture doit être conçue pour permettre l’entrée de l’eau, et non pas celle des grains de sable ou des particules d’argile qui constituent la formation géologique. Il faut souligner que le point de mesure dans un piézomètre est à sa base et non au niveau de la surface du fluide. On peut voir le fonctionnement d’un piézomètre comme celui d’un thermomètre. C’est simplement l’instrument, si on peut l’appeler ainsi, utilisé pour déterminer la valeur h d’un point P dans un réservoir d’eau souterraine. Au cours des dernières années, le simple piézomètre a été remplacé dans certaines applications par des conceptions plus complexes utilisant des capteurs de pression, des dispositifs pneumatiques et des composants électroniques.
Les piézomètres sont habituellement installés en groupes afin de déterminer la direction de l’écoulement de l’eau souterraine. Dans la Figure 2.6 (a), trois piézomètres surveillent une formation géologique aquifère. Un exercice utile est de retirer les instruments de mesure du diagramme [Figure 2.6 (b)] et de ne considérer que les valeurs mesurées. L’écoulement est établi de la plus forte valeur de h vers la plus faible, dans ce cas de la droite vers la gauche.
Si la distance entre les piézomètres est connue, le gradient hydraulique dh/dl peut être calculé ; si la conductivité hydraulique K de la formation géologique est connue, la loi de Darcy peut être utilisé pour calculer le débit spécifique (ou le taux de volume de l’écoulement à travers n’importe quelle coupe transversale perpendiculaire à la direction d’écoulement).
Parfois, c’est le gradient vertical potentiel qui est intéressant. Dans ces cas, un nid de piézomètres est utilisé, composé de deux (ou plus) piézomètres installés l’un à côté de l’autre (ou dans le même trou), chacun d’eux se terminant à une profondeur différente et éventuellement dans une formation géologique différente. La Figure 2.6 (c) et (d) montre un nid de piézomètre dans une zone d’écoulement ascendant des eaux souterraines.
La distribution des charges hydrauliques dans un système aquifère est tridimensionnelle dans l’espace. Les regroupements de piézomètres dans la Figure 2.6 ne représentent que l’existence des composantes de l’écoulement dans les directions indiquées. Si un grand nombre de piézomètres pouvait être réparti dans tout le système hydrogéologique tridimensionnel, il serait possible de déterminer les contours de même charge hydraulique. En trois dimensions, le lieu de ces points forme une surface équipotentielle. Dans n’importe quelle coupe transversale, horizontale, verticale ou autre, les traces de surfaces équipotentielles sont appelées les lignes équipotentielles. Si la répartition des charges hydrauliques est connue pour une coupe transversale, des lignes d’écoulement peuvent être construites perpendiculairement aux lignes équipotentielles (dans la direction du gradient maximal). L’ensemble des lignes équipotentielles et de lignes d’écoulement qui en résultent est appelé un réseau d’écoulement. Le Chapitre 5 fournira des instructions détaillées sur la construction des réseaux d’écoulement, et le Chapitre 6 justifiera leur utilité dans l’interprétation du flux régional des eaux souterraines.
Flux couplé
Il existe désormais un grand nombre de preuves expérimentales et théoriques montrant que l’écoulement d’eau souterraine dans des milieux poreux peut être induit par des gradients autres que celui de la charge hydraulique. Par exemple, la présence d’un gradient de température peut provoquer un écoulement des eaux souterraines (ainsi qu’un flux de chaleur) même lorsque les gradients hydrauliques n’existent pas (Gurr et al., 1952, Philip et de Vries, 1957). Cette composante devient importante dans le phénomène de cryoclastie dans le sol (Hoekstra, 1966, Harlan, 1973).
Un gradient électrique peut créer un flux d’eau de la haute tension vers la basse tension lorsque les courants terrestres s’établissent dans un sol. Le mécanisme d’écoulement implique une interaction entre les ions chargés dans l’eau et la charge électrique associée aux minéraux argileux dans le sol (Casagrande, 1952). Ce principe est utilisé en mécanique des sols dans l’approche électrocinétique du drainage des sols (Terzaghi et Peck, 1967).
Les gradients chimiques peuvent provoquer l’écoulement de l’eau (ainsi que le déplacement des constituants chimiques dans l’eau) des régions où l’eau a une salinité plus élevée vers les régions où la salinité est plus faible, même lors de l’absence d’autres gradients. Le rôle des gradients chimiques dans la production d’écoulements de l’eau est relativement peu important, mais leur influence directe sur le mouvement des constituants chimiques est d’importance critique lors de l’analyse de la contamination des eaux souterraines. Ces concepts apparaîtront dans les Chapitres 3, 7 et 9.
Si chacun de ces gradients joue un rôle dans l’écoulement des eaux, il s’en suit qu’une loi d’écoulement plus générale que l’équation (2.3) peut être écrite ainsi :
(2.21)
où h est la charge hydraulique, T est la température, et c est la composition chimique ; L1, L2, L3 sont des constantes de proportionnalité. Pour la suite de cette discussion, nous allons définir dc/dl = 0. Il nous reste alors une situation où l’écoulement du fluide se produit en réponse à la fois à un gradient de charge hydraulique et à un gradient de température :
(2.22)
En général, L1 dh/dl dT/dl.
Si un gradient de température peut induire un flux de fluide en plus d’un flux de chaleur dans un milieu poreux, il n’est pas surprenant de constater qu’un gradient hydraulique peut induire un flux de chaleur, en plus d’un flux de fluide. Cette interdépendance reflète le concept thermodynamique de flux couplé. Si nous supposons dh/dl = i1, et dT/dl = i2, nous pouvons écrire deux équations sur la base de l’équation (2.22) :
(2.23)
(2.24)
où v1 est le débit spécifique de fluide à travers le milieu et v2 est le débit spécifique de chaleur à travers le milieu. Les coefficients L sont connus comme étant des coefficients phénoménologiques. Si L12 = 0 dans l’équation (2.23), nous obtenons la loi de Darcy avec une conductivité hydraulique L11. Si L21 = 0 dans l’équation (2.24), nous obtenons la loi de Fourier pour le flux de chaleur avec une conductivité thermique L22.
Il est possible d’écrire un ensemble complet d’équations couplées. L’ensemble des équations aurait la forme de l’équation (2.23) mais impliquerait tous les gradients de l’équation (2.21) et peut-être d’autres. Taylor et Cary (1964) ont développé la théorie des écoulements couplés dans les milieux poreux. Olsen (1969) a mené d’importantes recherches expérimentales. Bear (1972) a fourni un développement plus détaillé des concepts que ce qui peut être tenté ici. La description thermodynamique de la physique de l’écoulement des milieux poreux est puissante du point de vue conceptuel, mais dans la pratique il y a très peu de données sur la nature des coefficients hors-diagonaux dans la matrice des coefficients phénoménologiques Lij. Ici nous supposons que l’écoulement des eaux souterraines est entièrement décrit par la loi de Darcy [équation (2.3)] ; que la charge hydraulique [équation (2.18)], avec ses composantes d’altitude et de pression, est une représentation appropriée de la charge totale ; et que la conductivité hydraulique est le seul coefficient phénoménologique important dans l’équation (2.21).
2.3 Conductivité hydraulique et perméabilité
Comme l’a fait remarquer Hubbert (1956), la constante de proportionnalité dans la loi de Darcy, qui a été baptisée comme étant la conductivité hydraulique, est fonction non seulement du milieu poreux mais aussi du fluide. Considérons encore une fois le dispositif expérimental de la Figure 2.1. Si Δh et Δl sont maintenus constants pour deux essais utilisant le même sable, mais l’eau est le fluide dans le premier essai et la mélasse dans le second, il ne serait pas surprenant de trouver un débit spécifique v beaucoup plus faible dans le second essai que dans le premier. En conséquence de cette observation, il serait instructif de rechercher un paramètre qui pourrait décrire les propriétés conductrices d’un milieu poreux indépendamment du fluide qui le traverse.
A cette fin, des expériences ont été réalisées avec des milieux poreux idéaux constitués de billes de verre uniformes de diamètre d. Lorsque différents fluides de densité ρ et de viscosité dynamique μ traversent l’appareil sous un gradient hydraulique constant dh/dl, les relations de proportionnalité suivantes sont observées :
Associée à l’observation de Darcy que v – dh/dl, ces trois relations mènent à une nouvelle forme de la loi de Darcy :
(2.25)
Le paramètre C est une autre constante de proportionnalité. Pour de vrais sols, cette constante doit inclure l’influence des autres propriétés du milieu qui affectent l’écoulement, autres que le diamètre moyen des grains : par exemple, la distribution des tailles de grains, la sphéricité et la rondeur des grains, ainsi que la nature du remplissage.
La comparaison de l’équation (2.25) avec la loi originale de Darcy [équation (2.3)] montre que :
(2.26)
Dans cette équation, ρ et μ sont fonction du fluide et Cd2 est fonction du milieu. Si nous définissons
(2.27)
puis
(2.28)
alors le paramètre k correspond à la perméabilité intrinsèque. Si nous considérons toujours K comme la conductivité hydraulique, il est commode d’omettre les adjectifs et de traiter k comme la perméabilité. C’est la convention qui sera suivie dans ce texte, mais cela peut conduire à une certaine confusion, en particulier lorsqu’il s’agit de textes anciens et de rapports où les auteurs réfèrent à la conductivité hydraulique comme étant le coefficient de perméabilité.
Hubbert (1940) a dérivé les équations (2.25) à (2.28) à partir de principes fondamentaux en considérant les liens entre des forces motrices et résistantes à l’échelle microscopique lors de l’écoulement dans un milieu poreux. Les considérations dimensionnelles inhérentes à son analyse nous ont permis d’inclure la constante g dans la relation de proportionnalité donnant l’équation (2.25), ce qui a pour conséquence que la constante C est une constante sans dimension.
La perméabilité k est uniquement fonction du milieu et a pour dimensions [L2]. Le terme est largement utilisé dans l’industrie pétrolière, où l’existence de gaz, d’huile et d’eau dans les systèmes d’écoulement multiphase rend l’utilisation d’un paramètre de conductivité sans fluide intéressant. Quand il est mesuré en m2 ou en cm2, k est très petit, de sorte que les ingénieurs pétroliers ont défini le darcy comme unité de perméabilité. Si l’équation (2.28) est substitué dans l’ équation (2.3), la loi de Darcy devient
(2.29)
Selon cette équation, un darcy est défini comme la perméabilité qui permet un débit spécifique de 1 cm/s pour un fluide de viscosité de 1 cp sous un gradient hydraulique qui fait que le terme ρg dh/dl est égal à 1 atm/cm. Un darcy est approximativement égal à 10-8 cm2.
L’industrie des forages en Amérique du Nord exprime en général la conductivité hydraulique en US gal/jour/pis2. Sa pertinence est évidente lorsque la loi Darcy est exprimée dans les termes de l’équation (2.4) :
Les premières définitions fournies par la Commission Géologique des États-Unis en ce qui concerne cette unité font la distinction entre un coefficient de laboratoire et un coefficient de terrain. Cependant, une mise à jour récente de ces définitions (Lohman, 1972) a éliminé cette différenciation formelle. Il suffit de noter que l’écart entre les températures mesurées sur le terrain et dans le laboratoire peuvent influencer les valeurs de conductivité hydraulique au travers du terme de viscosité dans l’équation (2.28). L’effet est généralement minime, de sorte que les facteurs de correction sont rarement introduits. Il est toujours logique de signaler si des mesures de conductivité hydraulique ont été effectuées en laboratoire ou sur le terrain, car les méthodes de mesure sont très différentes et les interprétations appliquées aux données peuvent dépendre du type de mesure. Pourtant, cette information est d’importance pratique plutôt que conceptuelle.
Le Tableau 2.2 donne la gamme de valeurs de la conductivité hydraulique et de la perméabilité dans cinq systèmes différents d’unités pour une variété de matériaux géologiques. Le Tableau s’inspire en partie des données résumées dans la revue faite par Davis (1969). La conclusion principale qui peut être tirée des données est que la conductivité hydraulique varie sur une très large gamme. Il y a très peu de paramètres physiques qui prennent des valeurs excédant une gamme de 13 ordres de grandeur. En termes pratiques, cette propriété implique qu’une connaissance de l’ordre de grandeur de la conductivité hydraulique peut être très utile. Inversement, la troisième décimale d’une valeur de conductivité a probablement peu d’importance.
Le Tableau 2.3 fournit un ensemble de facteurs de conversion pour les différentes unités communes de k et K. Par exemple, notez qu’une valeur en cm2 peut être convertie en un en pi2 en multipliant par 1,08 × 10-3. Pour la conversion inverse de pi2 en cm2, multiplier par 9,29 × 102.
Les différentes approches de mesure de la conductivité hydraulique en laboratoire et sur le terrain sont décrites dans les Sections 8.4 à 8.6.
Perméabilité, k* | Conductivité hydraulique, K | ||||||
cm2 | pi2 | darcy | m/s | pi/s | U.S. gal/jour/pi2 | ||
cm2 | 1 | 1,08 × 10–3 | 1,01 × 108 | 9,80 × 102 | 3,22 × 102 | 1,85 × 109 | |
pi2 | 9,29 × 102 | 1 | 9,42 × 1010 | 9,11 × 105 | 2,99 × 106 | 1,71 × 1012 | |
darcy | 9,87 × 10–9 | 1,06 × 10–11 | 1 | 9,66 × 10–6 | 3,17 × 10–5 | 1,82 × 101 | |
m/s | 1,02 × 10–3 | 1,10 × 10–6 | 1,04 × 105 | 1 | 3,28 | 2,12 × 106 | |
pi/s | 3,11 × 10–4 | 3,35 × 10–7 | 3,15 × 104 | 3,05 × 10–1 | 1 | 6,46 × 105 | |
U.S. gal/jour/pi2 | 5,42 × 10–10 | 5,83 × 10–13 | 5,49 × 10–2 | 4,72 × 10–7 | 1,55 × 10–6 | 1 |
Perméabilité, k* | Conductivité hydraulique, K | ||||||
cm2 | pi2 | darcy | m/s | pi/s | U.S. gal/jour/pi2 | ||
cm2 | 1 | 1,08 × 10–3 | 1,01 × 108 | 9,80 × 102 | 3,22 × 102 | 1,85 × 109 | |
pi2 | 9,29 × 102 | 1 | 9,42 × 1010 | 9,11 × 105 | 2,99 × 106 | 1,71 × 1012 | |
darcy | 9,87 × 10–9 | 1,06 × 10–11 | 1 | 9,66 × 10–6 | 3,17 × 10–5 | 1,82 × 101 | |
m/s | 1,02 × 10–3 | 1,10 × 10–6 | 1,04 × 105 | 1 | 3,28 | 2,12 × 106 | |
pi/s | 3,11 × 10–4 | 3,35 × 10–7 | 3,15 × 104 | 3,05 × 10–1 | 1 | 6,46 × 105 | |
U.S. gal/jour/pi2 | 5,42 × 10–10 | 5,83 × 10–13 | 5,49 × 10–2 | 4,72 × 10–7 | 1,55 × 10–6 | 1 |
2.4 Homogénéité et isotropie de la conductivité hydraulique
Les valeurs de conductivité hydraulique montrent généralement des variations spatiales dans une formation géologique. Elles peuvent aussi suivre des variations selon la direction de mesure en un point donné dans l’unité géologique. La première propriété est appelée hétérogénéité et la deuxième anisotropie. La preuve que ces propriétés sont communes est donnée par la distribution des mesures obtenues dans la plupart des programmes d’échantillonnage de terrain. Le raisonnement géologique qui explique leur prévalence tient dans la compréhension des processus géologiques qui produisent les différents environnements géologiques.
Homogénéité et Hétérogénéité
Si la conductivité hydraulique K est indépendante de sa position dans une formation géologique, cette formation est dite homogène. Si la conductivité hydraulique K dépend de son emplacement dans une formation géologique, cette formation est dite hétérogène. Considérons un système de coordonnées xyz dans une formation homogène, K(x, y, z) = C, avec C constant, tandis que dans une formation hétérogène, K(x, y, z) ≠ C.
Il existe presque autant de types de configurations hétérogènes que d’environnements géologiques, mais il est intéressant de mettre l’accent sur trois classes générales. La Figure 2.7 (a) est une coupe transversale verticale qui montre l’hétérogénéité de strates, qui est commune dans les roches sédimentaires, ainsi que dans les dépôts marins ou lacustres non-consolidées. Dans cette figure, les strates individuelles composant la formation ont chacun une valeur de conductivité hydraulique K1, K2, etc. ; mais le système dans son ensemble peut être considéré comme étant hétérogène. L’hétérogénéité de strates peut produire des K contrastes de presque toute la gamme des 13 ordres de grandeur (Tableau 2.2), comme par exemple dans les dépôts interstratifiés d’argile et de sable. Des contrastes également importants peuvent survenir en cas d’hétérogénéité discontinue causée par la présence de failles ou de caractéristiques stratigraphiques à grande échelle. La caractéristique discontinue la plus omniprésente est peut-être le contact entre des dépôts de surface et le substratum rocheux. La Figure 2.7 (b) est une carte qui montre un cas d’hétérogénéité orientée. Les orientations sont possibles dans tout type de formation géologique, mais elles sont particulièrement fréquentes en réponse aux processus de sédimentation qui créent des deltas, des cônes alluviaux et des plaines d’alluvions glaciaires. Les horizons A, B et C du sol démontrent souvent des orientations verticales de la conductivité hydraulique, tout comme les types de roches dont la conductivité dépend principalement de la concentration des joints et des fractures. L’hétérogénéité des grandes formations sédimentaires consolidées ou non peut atteindre des gradients de 2 à 3 ordres de grandeur en quelques kilomètres.
Plusieurs hydrogéologues et géologues pétroliers se servent des distributions statistiques afin de fournir une description quantitative du degré d’hétérogénéité dans une formation géologique. Il existe maintenant un grand nombre de preuves directes à l’appui de l’affirmation que la fonction de densité de probabilité pour la conductivité hydraulique est log-normale. Warren et Price (1961) et Bennion et Griffiths (1966) ont trouvé que c’était le cas dans les gisements pétroliers, et Willardson et Hurst (1965) ainsi que Davis (1969) soutiennent cette conclusion pour les aquifères se trouvant dans les formations non-consolidées. Une distribution log-normale de K est une distribution pour laquelle un paramètre Y, défini comme Y = log K, montre une distribution normale. Freeze (1975) a fourni un tableau, basé sur les références ci-dessus, montrant que l’écart-type (qui est indépendant des unités de mesure) est généralement compris entre 0,5 et 1,5. Cela signifie que les valeurs K dans la plupart des formations géologiques montrent des variations hétérogènes internes de 1 à 2 ordres de grandeur. La tendance à l’hétérogénéité au sein d’une formation géologique peut être considérée comme une tendance de la valeur moyenne de la distribution de probabilité.
Le même écart-type peut être lié à des mesures prises en différents points d’une même formation ; mais la tendance des moyennes conduit à une augmentation de la gamme globale observée pour la formation.
Greenkorn et Kessler (1969) ont fourni un ensemble de définitions de l’hétérogénéité qui sont cohérentes avec les observations statistiques. En effet, ils soutiennent que si toutes les formations géologiques présentent des variations spatiales de K selon les définitions classiques, alors il n’existe pas de formation homogène. Ils redéfinissent une formation homogène comme celle dans laquelle la fonction de densité de probabilité de la conductivité hydraulique est monomodale. Autrement dit, la formation montre des variations de K, mais maintient une moyenne constante de K dans l’espace. Une formation hétérogène est définie comme une formation dans laquelle la fonction de densité de probabilité est multimodale. Pour décrire un milieu poreux qui satisfait à la définition classique de l’homogénéité (K constante partout, comme dans un environnement expérimental de billes de verre de diamètre d), ils utilisent le terme uniforme. Si nous souhaitons adapter les définitions classiques discutées au début de cette section à cet ensemble plus rationnel de concepts, nous pouvons le faire en ajoutant l’adjectif « moyen » et en donnant les définitions originales en termes de conductivité hydraulique moyenne.
Isotropie et anisotropie
Si la conductivité hydraulique K est indépendante de la direction de la mesure en un point d’une formation géologique, la formation est isotrope en ce point. Si la conductivité hydraulique K varie avec la direction de la mesure en un point d’une formation géologique, la formation est anisotrope en ce point.
Considérons une section verticale bidimensionnelle dans une formation anisotrope. Si θ est l’angle entre l’horizontale et la direction de mesure d’une valeur en un certain point de la formation, alors K = K(θ). Les directions dans l’espace correspondant à l’angle q pour lequel on atteint des valeurs maximales et minimales de K sont connues comme les directions principales d’anisotropie. Elles sont toujours perpendiculaires entre elles. En trois dimensions, si un plan est perpendiculaire à l’une des directions principales, les deux autres directions principales sont les directions du maximum et du minimum K dans ce plan.
Si un système de coordonnées xyz est établie de sorte que les directions de coordonnées coïncident avec les directions principales d’anisotropie, les valeurs de conductivité hydrauliques dans ces directions principales peuvent être reconnues comme Kx, Ky, Kz. En n’importe quel point (x, y, z), on aura Kx = Ky = Kz pour une formation isotrope, tandis que pour une formation anisotrope on aura Kx ≠ Ky ≠ Kz. Si Kx ≠ Ky ≠ Kz, ce qui est commun dans les dépôts sédimentaires ayant des strates horizontales, la formation est dite transversalement isotrope.
Afin de décrire complètement la nature de la conductivité hydraulique dans une formation géologique, il est nécessaire d’utiliser deux adjectifs, un pour l’hétérogénéité et l’autre pour l’anisotropie. Par exemple, pour un système homogène et isotrope en deux dimensions, Kx(x, z) = Kz(x, z) = C pour tout valeur de (x, z), avec C constant. Pour un système homogène et anisotrope, Kx(x, z) = C1 pour toute valeur de (x, z) et Kz(x, z) = C2 pour toute valeur de (x, z), mais C1 ≠ C2. La Figure 2.8 illustre les quatre combinaisons possibles. La longueur des vecteurs est proportionnelle aux valeurs de Kx et Kz pour les points (x1, z1) et (x2, z2).
La cause principale de l’anisotropie à petite échelle est l’orientation des minéraux argileux dans les roches sédimentaires et les sédiments non consolidés. Les échantillons de carottes d’argiles et de shales montrent rarement une anisotropie horizontale rapportée à l’anisotropie verticale supérieure à 10 : 1 ; en fait, elle est généralement inférieure à 3 : 1.
À plus grande échelle, on peut montrer (Maasland, 1957, Marcus et Evenson, 1961) qu’il existe une relation entre l’hétérogénéité stratifiée et l’anisotropie. Considérons la formation en strates de la Figure 2.9. Chaque couche est homogène et isotrope avec des valeurs de conductivité hydraulique K1, K2, . . . , Kn. Nous allons montrer que le système dans son ensemble se comporte comme une seule couche homogène et anisotrope. Considérons d’abord l’écoulement perpendiculaire à la stratification.
Le débit spécifique v doit être le même à l’entrée et à la sortie du système ; en fait, il doit être constant à travers tout le système. Définissons Δh1 comme la perte de charge hydraulique dans la première couche, Δh2 comme la perte de charge dans la deuxième couche, et ainsi de suite. La perte de charge totale est Δh = Δh1 + Δh2 + . . . + Δhn, et, selon la loi de Darcy,
(2.30)
où Kz est une conductivité hydraulique verticale équivalente pour l’ensemble de couches. En résolvant la relation externe de l’équation (2.30) pour Kz, et en se servant des relations internes pour Δh1, Δh2, . . . , nous obtenons :
ce qui donne :
(2.31)
Considérons maintenant ce qui se passe parallèlement aux couches. Nous avons Δh comme perte de charge sur une longueur horizontale l. Le débit Q à travers une épaisseur unitaire du système est la somme des débits à travers chaque couche. Le débit spécifique v = Q/d est défini ainsi :
où Kx est la conductivité hydraulique horizontale équivalente. En simplifiant, on a :
(2.32)
Les équations (2.31) et (2.32) fournissent les valeurs de Kx et Kz pour une seule formation homogène mais anisotrope qui est hydrauliquement équivalente à un système de couches homogènes et isotropes dans la Figure 2.9. Une manipulation algébrique des deux équations permet de montrer que Kx > Kz pour toute valeur possible de K1, K2, . . . . , Kn. En fait, si nous considérons un ensemble de couplets cycliques K1, K2, K1, K2, . . . avec K1 = 104 et K2 = 102, alors Kx/Kz = 25. Pour K1 = 104 et K2 = 1, Kx/Kz = 2500. Sur le terrain, il n’est pas rare que l’hétérogénéité des couches conduise à des valeurs d’anisotropie régionale de l’ordre de 100:1, ou même plus.
Snow (1969) a démontré que les roches fracturées se comportent de manière anisotrope en raison des variations directionnelles d’ouverture et d’espacement. Dans ce cas, il est commun que Kz > Kx.
La loi de Darcy en trois dimensions
Pour l’écoulement en trois dimensions dans un milieu qui peut être anisotrope, il est nécessaire de généraliser la forme unidimensionnelle de la loi de Darcy (Eq. 2.3). En trois dimensions, la vélocité v est un vecteur avec les composantes vx, vy et vz, dont la généralisation la plus simple sera :
(2.33)
où Kx, Ky et Kz sont les valeurs de la conductivité hydraulique dans les directions x, y et z. Étant donné que h est une fonction de x, y et z, les dérivées seront partielles.
Dans ce texte, nous supposerons que cette simple généralisation est une description adéquate du flux tridimensionnel ; mais il convient de noter qu’un ensemble plus général d’équations pourrait être écrit sous la forme
(2.34)
Cet ensemble d’équations fait apparaître qu’il existe en réalité neuf composantes de la conductivité hydraulique dans le cas le plus général. Si ces composantes sont transformées sous forme matricielle, elles forment un tenseur symétrique de second ordre connu sous le nom de tenseur de conductivité hydraulique (Bear, 1972). Pour le cas particulier de Kxy = Kyx = Kyz = Kzx = Kzy = 0, les neuf composantes se réduisent à trois, et l’équation (2.33) est une généralisation appropriée de la loi de Darcy. La condition nécessaire et suffisante qui permet l’utilisation de l’équation (2.33) plutôt que l’équation (2.34) est que les principales directions d’anisotropie coïncident avec les axes et les coordonnées x, y et z. Dans la plupart des cas, il est possible de choisir un système de coordonnées satisfaisant cette exigence ; mais on peut concevoir des systèmes anisotropes hétérogènes dans lesquels les directions principales d’anisotropie varient d’une formation à l’autre et dans de tels systèmes le choix des axes appropriés serait impossible.
L’ellipsoïde de conductivité hydraulique
Considérons une ligne d’écoulement arbitraire dans le plan xz dans un milieu homogène et anisotrope avec des conductivités hydrauliques principales Kx et Kz [Figure 2.10 (a)].
Sur la ligne d’écoulement,
(2.35)
où Ks est inconnu, mais situé dans la gamme Kx – Kz. Nous pouvons séparer vs dans ses composantes vx et vz, telles que :
(2.36)
Étant donné que h = h(x, z),
(2.37)
Géométriquement, ∂x/∂s = cosθ et ∂z/∂s = sinθ. La substitution de ces relations avec les équations (2.35) et (2.36) dans l’équation (2.37) donne :
(2.38)
Cette équation relie les composantes principales de conductivité Kx et Kz à la résultante Ks dans n’importe quelle direction angulaire θ. Si nous transformons l’équation (2.38) en coordonnées rectangulaires en supposant que x = r cos θ et z = r sin θ, nous obtenons :
(2.39)
qui est l’équation d’une ellipse avec les axes majeurs et [Figure 2.10 (b)]. En trois dimensions, ce dernier devient une ellipsoïde avec les axes majeurs de , et , qui est connue comme étant l’ellipsoïde de conductivité hydraulique. Dans la Figure 2.10 (b), la valeur de conductivité Ks pour n’importe quelle direction d’écoulement dans un milieu anisotrope peut être déterminée graphiquement si Kx et Kz sont connues.
Dans la Section 5.1, la construction de réseaux d’écoulement dans les milieux anisotropes sera discutée. Nous tenterons de démontrer que, contrairement aux milieux isotropes, les lignes d’écoulement ne sont pas perpendiculaires aux lignes équipotentielles dans un milieu anisotrope.
2.5 Porosité et indice des vides
Si le volume total unitaire VT d’un sol ou d’une roche est divisé entre le volume de la portion solide Vs et le volume des vides Vv, alors la porosité n est définie par n = Vv/VT. Elle est en général donnée en nombre décimal ou en pourcentage.
La Figure 2.11 montre la relation entre différentes textures de roches et de sols, et la porosité. Il est important de distinguer la porosité primaire, qui est due à la matrice du sol ou de la roche [Figure 2.11 (a), (b), (c), et (d)], et la porosité secondaire, qui peut être due à des phénomènes tels que la dissolution [Figure 2.11 (e)] ou la fracturation contrôlée par la structure régionale [Figure 2.11 (f)].
Le Tableau 2.4, basé en partie sur les données compilées par Davis (1969), donne des intervalles représentatifs de porosité pour différents matériaux géologiques. En général, les roches ont des porosités plus faibles que les sols ; les graviers, sables et silts, qui sont de forme angulaire et arrondie, ont des porosités plus faibles que les sols riches en minéraux argileux à structure lamellaire ; les dépôts mal triés [Figure 2.11 (b)] ont des porosités plus faibles que les dépôts bien triés [Figure 2.11 (a)].
n(%) | |
Dépôts non consolidés | |
Gravier | 25–40 |
Sable | 25–50 |
Silt | 35–50 |
Argile | 40–70 |
Roches | |
Basalte fracturé | 5–50 |
Calcaire karstique | 5–50 |
Grès | 5–30 |
Calcaire, dolomie | 0–20 |
Schiste | 0–10 |
Roche cristalline fracturée | 0–10 |
Roche cristalline compacte | 0–5 |
La porosité n peut avoir une influence importante sur la conductivité hydraulique K. Dans les campagnes d’échantillonnage effectuées dans des dépôts de sable bien triés ou des formations de roches fracturées, les échantillons ayant une porosité plus grande ont aussi généralement une K plus grande. Cependant, ce lien ne fonctionne pas à l’échelle régionale, lorsque divers types de roches et de sols peuvent être présents. Les sols riches en argile, par exemple, ont généralement des porosités plus grandes que les sols sableux ou graveleux, mais ont des conductivités hydrauliques plus faibles. Dans la Section 8.7, des techniques pour l’estimation de la conductivité hydraulique à partir de la porosité et des analyses granulométriques, seront présentées.
La porosité n est étroitement liée à l’indice des vides e, qui est largement utilisé en mécanique des sols. L’indice des vides est défini par e = Vv/Vs, et est relié à n par :
e prend généralement des valeurs comprises entre 0 et 3.
La mesure de la porosité d’échantillons de sols en laboratoire sera traitée à la Section 8.4.
2.6 Écoulement non saturé et surface libre
Jusqu’à présent, la loi de Darcy et les concepts de charge hydraulique et de conductivité hydraulique ont été traités dans le cas d’un milieu poreux saturé, c’est-à-dire dont les vides sont remplis d’eau. Il est évident que certains sols, notamment ceux proches de la surface, sont rarement saturés. Leurs vides sont généralement seulement partiellement remplis d’eau, le reste de l’espace interstitiel étant occupé par l’air. L’écoulement de l’eau à travers de telles conditions est qualifié de non saturé ou partiellement saturé. Historiquement, l’étude de l’écoulement en zone non saturée fut le domaine des scientifiques en physique des sols ou des ingénieurs agronomes, mais récemment, les spécialistes des sciences du sol et de l’hydrologie souterraine ont reconnu la nécessité de regrouper leurs aptitudes dans le développement d’une approche intégrée pour l’étude de l’écoulement souterrain, à la fois saturé et non saturé.
Dans cette section, nous mettrons l’accent sur l’hydraulique du transport de l’eau en phase liquide dans la zone non saturée. Le transport en phase gazeuse et les interactions plante-eau ne seront pas discutés. Ces derniers sujets sont particulièrement intéressants pour les sciences agricoles et jouent un rôle important pour l’interprétation de la géochimie des sols. Plus de détails sur la physique et la chimie des transferts d’humidité dans les sols non saturés peuvent être trouvés à un niveau introductif dans Baver et al. (1972) et à un niveau plus avancé dans Kirkham et Powers (1972) et Childs (1969).
Teneur en eau
Si le volume unitaire total VT d’un sol ou d’une roche est séparé entre le volume de la portion solide Vs, le volume de l’eau Vw et le volume de l’air Va, alors la teneur en eau volumique θ est définie par θ = Vw/VT. Comme la porosité n, la teneur en eau volumique est en général reportée en nombre décimal ou en pourcentage n. Pour les écoulements saturés, θ = n pour les écoulements non saturés, θ < n.
Surface piézométrique ou surface de la nappe
La configuration hydrologique la plus simple illustrant des conditions saturées et non saturées est celle d’une zone non saturée à la surface et d’une zone saturée en profondeur [Figure 2.12 (a)]. On pense communément que le toit de la nappe, aussi appelée surface piézométrique, correspond à la frontière entre les deux, même si l’on est conscient qu’il y a souvent une frange capillaire saturée au-dessus du toit de la nappe. Connaissant ce type de complications, nous nous devons de mettre en place un ensemble cohérent de définitions pour les différents concepts en situation saturée – non saturée.
La surface piézométrique est mieux définie comme la surface sur laquelle la pression du fluide p dans les interstices d’un milieu poreux est exactement à la pression atmosphérique. La position de cette surface est révélée par le niveau auquel l’eau se situe, dans un forage ouvert peu profond, et pénétrant les dépôts superficiels juste assez profondément pour rencontrer l’eau au fond. Si p est mesurée en pression relative, alors à la surface piézométrique, p = 0. Ceci implique que ψ = 0, et puisque h = ψ + z, alors la charge hydraulique en tout point de la surface libre doit être égale à l’altitude z de la surface piézométrique en ce point. Sur les figures, nous indiquerons souvent la position de la surface piézométrique à l’aide d’un petit triangle inversé, comme sur la Figure 2.12 (a).
Pression négative et tensiomètre
Nous avons vu que ψ > 0 (tel qu’indiqué par les mesures au piézomètre) dans la zone saturée et que ψ = 0 au niveau de la surface piézométrique. Il en découle que ψ < 0 dans la zone non saturée. Ceci reflète le fait que l’eau dans la zone non saturée est retenue entre les interstices du sol sous l’effet de la tension superficielle. Une inspection microscopique révélerait un ménisque concave s’étendant entre les grains à travers chaque chenal interstitiel [comme le montre l’encart du haut sur la Figure 2.12 (c)]. Le rayon de courbure sur chaque ménisque reflète la tension superficielle sur cette interface microscopique air-eau individuelle. En référence à ce mécanisme physique de rétention d’eau, les scientifiques en physique du sol appellent souvent le terme de pression y, quand ψ < 0, la tension ou la succion. Dans ce texte, sur la base qu’un même concept ne mérite qu’un seul nom, nous utiliserons le terme pression pour y à la fois positive et négative.
Quel que soit le signe de ψ, la charge hydraulique h est toujours égale à la somme algébrique de ψ et de z. Cependant, au-dessus de la surface libre, où ψ < 0, les piézomètres ne sont plus des instruments adaptés pour la mesure de h. À la place, h doit être obtenu indirectement à partir de mesures de ψ déterminées avec des tensiomètres. Kirkham (1964) et S.J. Richards (1965) ont fourni des descriptions détaillées de la conception et de l’utilisation de ces instruments. En bref, un tensiomètre consiste en une coupelle poreuse attachée à un tube hermétique rempli d’eau. La coupelle poreuse est insérée dans le sol à la profondeur désirée, où elle entre en contact avec l’eau du sol et atteint l’état d’équilibre hydraulique. Le processus d’équilibre implique le passage de l’eau à travers la coupelle poreuse du tube vers le sol. La dépression engendrée en haut du tube hermétique est une mesure de la pression dans le sol. Elle est habituellement mesurée par un vacuomètre attaché au tube au-dessus de la surface du sol, qui peut être vu comme l’inverse du manomètre montré au point 1 dans le profil de sol sur la Figure 2.12 (c). Pour obtenir la charge hydraulique h, la valeur négative ψ indiquée par le vacuomètre sur un tensiomètre doit être additionnée algébriquement à l’altitude z du point de mesure. Sur la Figure 2.12 (c) l’instrument au point 1 est un tensiomètre ; celui au point 3 est un piézomètre. Le diagramme est bien sûr schématique. En pratique, le tensiomètre ressemblerait à un tube avec une jauge et une coupelle poreuse à la base ; le piézomètre serait un tube perforé avec une pointe filtrante à la base.
Courbes caractéristiques des paramètres hydrauliques en zone non saturée
Il yexiste des complications supplémentaires à l’analyse de l’écoulement en zone non saturée. La teneur en eau θ et la conductivité hydraulique K sont fonctions de la pression y. En y réfléchissant, la première de ces conditions n’est pas une surprise. En effet, puisque l’humidité du sol est retenue entre les grains sous l’effet de la tension superficielle qui est représentée par le rayon de courbure de chaque ménisque, on s’attend à ce que les fortes teneurs en eau présentent des rayons de courbure plus grands, des tensions superficielles plus faibles, et des tensions plus faibles (c’est-à-dire, des pressions négatives moins négatives). En outre, il a été observé expérimentalement que la relation θ – ψ est hystérétique, c’est-à-dire qu’elle prend une forme différente selon que le sol s’humidifie ou s’assèche. La Figure 2.13 (a) montre le phénomène d’hystérésis entre θ et ψ pour un sol sableux naturel (d’après Liakopoulos, 1965a). Si un échantillon de ce sol était saturé à une pression plus grande que zéro, et que la pression soit ensuite descendue étape par étape jusqu’à atteindre des niveaux bien inférieurs à la pression atmosphérique , alors les teneurs en eau à chaque étape suivraient la courbe d’assèchement (ou courbe de drainage) comme sur la Figure 2.13 (a). Si de l’eau était ensuite ajoutée au sol sec par petites étapes, les pressions prendraient la route de retour le long de la courbe d’humidification (ou courbe d’imbibition). Les lignes internes sont appelées courbes de passage. Elles montrent le chemin que θ et ψ suivraient si le sol était seulement partiellement mouillé, puis séché, ou vice versa.
On s’attendrait à ce que, sur la base de ce qui a été présenté jusqu’à présent, la teneur en eau θ soit égale à la porosité n pour tout ψ > 0. Pour les sols à grains grossiers c’est le cas ; mais pour les sols à grains fins cette relation se maintient sur un intervalle légèrement plus grand ψ > ψa, où ψa est une faible pression négative [Figure 2.13 (a)], appelée pression d’entrée d’air. La pression correspondante pa est appelée pression de bullage.
La Figure 2.13 (b) montre les courbes d’hystérésis reliant la conductivité hydraulique K à la pression y pour le même sol. Pour ψ > ψa, K = K0, où K0 est la conductivité hydraulique saturée. Puisque K = K(ψ) et 0 = 0(ψ), il est également vrai que K = K(θ). Les courbes sur la Figure 2.13 (b) reflètent le fait que la conductivité hydraulique d’un sol non saturé augmente avec la teneur en eau. Si nous écrivons la loi de Darcy pour un écoulement non saturé dans la direction x dans un sol isotrope de la manière suivante :
(2.41)
alors nous voyons que l’existence d’une relation K(ψ) implique que, sous un certain gradient hydraulique, le débit spécifique v augmente avec la teneur en eau.
Dans la réalité, il serait impossible de maintenir un gradient hydraulique constant pendant qu’on augmente la teneur en eau. Puisque h = ψ + z et θ(ψ), alors la charge hydraulique h est aussi affectée par la teneur en eau. En d’autres termes, un gradient de charge hydraulique suppose un gradient de pression (sauf pour les écoulements gravitaires purs), qui provient d’un gradient de teneur en eau. Dans la Figure 2.12, les profils verticaux de ces trois variables sont montrés schématiquement pour un cas hypothétique d’infiltration descendante à partir de la surface. L’écoulement est descendant, puisque les charges hydrauliques apparaissant sur la Figure 2.12(e) décroissent dans cette direction. La grande valeur positive de h suppose que . En d’autres termes, le référentiel z = 0 se situe à une certaine profondeur. Dans un cas réel, ces trois profils seraient quantitativement interreliés par les courbes θ(ψ) et K(ψ) relatives au sol en place. Par exemple, si la courbe θ(ψ) était connue pour le sol et le profil θ(z) mesuré sur le terrain, alors le profil ψ(z), et donc le profil h(z), pourraient être calculés.
Le couple de courbes θ(ψ) et K(ψ) montré sur la Figure 2.13, est caractéristique de n’importe quel sol. Un ensemble de mesures effectué sur différents échantillons du même sol homogène, montrerait seulement les variations statistiques habituelles, associées à des points d’échantillonnage séparés spatialement. Ces courbes sont généralement appelées courbes caractéristiques. Dans la zone saturée, nous avons les deux paramètres hydrauliques fondamentaux K0 et n ; dans la zone non saturée, ils deviennent les relations fonctionnelles K(ψ) et θ(ψ). De manière plus succincte,
(2.42)
(2.43)
La Figure 2.14 montre quelques courbes caractéristiques hypothétiques (sans hystérésis) élaborées pour montrer l’effet de la texture du sol sur la forme des courbes. Pour une description plus complète de la physique de la rétention d’eau dans les sols non saturés, le lecteur est dirigé vers White et al. (1971).
Zone saturée, zone non saturée et frange capillaire
Cela vaut la peine de résumer les propriétés des zones saturée et non saturée puisqu’elles n’ont pas été listées jusqu’à présent. Pour la zone saturée, on peut dire que :
- Elle se situe en-dessous la surface piézométrique.
- Les pores du sol sont remplis d’eau, et la teneur en eau θ est égale à la porosité n.
- La pression du fluide p est supérieure à la pression atmosphérique, donc la pression ψ (mesurée en pression relative) est positive.
- La charge hydraulique h doit être mesurée avec un piézomètre.
- La conductivité hydraulique K est une constante ; elle n’est pas fonction de la pression ψ.
Pour la zone non saturée, (ou, comme elle est parfois appelée, la zone d’aération ou la zone vadose) :
- Elle se situe au-dessus de la surface piézométrique et de la frange capillaire.
- Les pores du sol sont seulement partiellement remplis d’eau ; la teneur en eau θ est inférieure à la porosité n.
- La pression du fluide p est inférieure à la pression atmosphérique ; la pression ψ est négative.
- La charge hydraulique h doit être mesurée avec un tensiomètre.
- La conductivité hydraulique K et la teneur en eau θ sont fonctions de la pression ψ.
En résumé, pour l’écoulement saturé, ψ > 0, θ = n, et K = K0 ; pour l’écoulement non saturé, y < 0, θ = θ(ψ), et K = K(ψ).
La frange capillaire ne rentre dans aucun de ces groupes. Les pores sont saturés, mais les pressions sont inférieures à la pression atmosphérique. Une explication à ces propriétés semblant anormales peut être trouvée sur la Figure 2.13. C’est l’existence de la pression d’entrée d’air ψa < 0 sur les courbes caractéristiques qui est responsable de l’existence de la frange capillaire. ψa est la valeur de ψ au toit de la frange capillaire, comme indiqué par ψA au point A sur la Figure 2.12 (d). Puisque ψa a des valeurs négatives plus grandes dans les argiles que dans les sables, ces sols à granulométrie fine développent des franges capillaires plus grandes que les sols à granulométrie grossière.
Certains auteurs considèrent la frange capillaire comme faisant partie de la zone saturée, mais dans ce cas, la surface piézométrique n’est plus la frontière entre les deux zones. Du point de vue de la physique, il est probablement mieux de retenir les trois zones – saturée, frange capillaire, non saturée – comme concept du système hydrologique complet.
Un point découlant directement de la discussion précédente, pourrait valoir un traitement spécifique : celui des pressions de fluide inférieures à la pression atmosphérique, qui impliquent qu’il ne peut pas y avoir de résurgence naturelle vers l’atmosphère depuis un affleurement de sol non saturé ou la frange capillaire. L’eau peut être transférée de la zone non saturée à l’atmosphère par évaporation et transpiration, mais les décharges naturelles, comme les sources sur les berges des rivières ou les infiltrations dans les forages, proviennent de la zone saturée. Le concept de surface de ruissellement saturée est introduit à la Section 5.5, et son importance dans l’hydrologie en terrain pentu est soulignée à la Section 6.5.
Nappe perchée et renversée
Jusqu’à présent nous avons considéré une configuration hydrologique simple et commune, avec une seule zone non saturée au-dessus de la masse d’eau saturée. Telle est la règle lorsqu’il s’agit de dépôts géologiques homogènes s’étendant jusqu’à une certaine profondeur. Cependant, des environnements géologiques complexes peuvent provoquer des conditions saturées – non saturées plus complexes. L’existence d’une couche d’argile de faible perméabilité dans une formation de sable à forte perméabilité par exemple, peut conduire à la formation d’une lentille d’eau saturée discontinue, avec des conditions non saturées à la fois au-dessus et en-dessous. Si nous considérons que la ligne ABCDA sur la Figure 2.15 correspond à l’isobare ψ = 0, nous pouvons nommer la ligne ABC, toit de la nappe perchée, et ADC, toit de la nappe inversée. EF est le véritable toit de la nappe.
Les conditions saturées peuvent être discontinues dans le temps et l’espace. Une pluie abondante peut provoquer la formation d’une zone saturée temporaire à la surface du sol, sa limite inférieure étant le toit d’une nappe inversée, sus-jacente à des conditions non saturées. Les zones saturées de ce type se dissipent avec le temps sous l’influence de la percolation verticale et de l’évaporation depuis la surface. Dans le Chapitre 6, nous examinerons plus en détails les interactions entre la pluie et l’infiltration, dans les systèmes saturés – non saturés.
Écoulement polyphasique
L’approche de l’écoulement non saturé, présentée dans cette section, est l’approche utilisée presque universellement par les physiciens du sol ; mais elle est, à la base, une méthode approximative. L’écoulement non saturé est en fait un cas particulier de l’écoulement polyphasique à travers un milieu poreux, avec deux phases, l’air et l’eau, qui coexistent dans les chenaux interstitiels. Soient θw la teneur en eau volumique (précédemment appelée θ) et θa la teneur en air volumique, définie de manière analogue à θw. Il y a maintenant deux pressions de fluide à considérer : pw pour la phase eau et pa pour la phase air ; et deux pressions, ψw et ψa. Chaque sol possède maintenant deux courbes caractéristiques de teneur en fluide en fonction de la pression, une pour l’eau θw(ψw), et une pour l’air, θa(ψa).
En ce qui concerne les relations avec la conductivité hydraulique, il est plus logique de travailler avec la perméabilité k [éq. (2.28)] plutôt qu’avec la conductivité hydraulique K, puisque k est indépendante du fluide, mais que K ne l’est pas. Les paramètres d’écoulement kw et ka sont appelés perméabilités effectives du milieu pour l’eau et l’air. Chaque sol a deux courbes caractéristiques de perméabilité effective en fonction de la pression, une pour l’eau kw(ψw), et une pour l’air, ka(ψa).
L’approche en phase unique pour les écoulements non saturés mène à des techniques qui sont suffisamment correctes pour la plupart des cas pratiques ; mais il y a certains problèmes d’écoulements non saturés où l’écoulement polyphasique air et eau doit être considéré. Ces problèmes concernent des cas où une accumulation de pression de l’air piégé à l’avant du front mouillé, influence le taux de propagation du front à travers un sol. Wilson et Luthin (1963) ont rencontré ces effets expérimentalement, Youngs et Peck (1964) offrent une discussion théorique, et McWhorter (1971) présente une analyse complète. Comme nous allons le montrer à la Section 6.8, l’air piégé influence aussi les fluctuations du toit de la nappe. Bianchi et Haskell (1966) discutent des problèmes d’emprisonnement de l’air dans le contexte d’une étude de terrain, et Green et al. (1970) décrivent une application de terrain de l’approche polyphasique pour l’analyse d’un système d’écoulement souterrain.
La plus grande partie de la recherche sur l’écoulement polyphasique à travers un milieu poreux a été effectuée par l’industrie pétrolière. L’ingénierie des réservoirs pétroliers implique l’analyse de l’écoulement triphasique pétrole, gaz et eau. Pirson (1958) et Amyx et al. (1960) sont des références standards dans le domaine. Stallman (1964) offre une revue interprétative des contributions de l’ingénierie pétrolière sur les écoulements polyphasiques, puisqu’elle appartient à une branche de l’hydrogéologie.
L’analyse biphasique de l’écoulement non saturé est un exemple de déplacement non miscible ; c’est-à-dire que les fluides se déplacent sans se mélanger, et il y a une interface fluide-fluide distincte à l’intérieur de chaque pore. Le flux simultané de deux fluides qui sont solubles entre eux est appelé déplacement miscible, et dans ce cas précis, il n’y pas d’interface fluide-fluide. Bear (1972) fourni un traitement technique avancé des deux types de déplacements dans un milieu poreux, miscible et non miscible. Ici, les seuls exemples abordés de déplacement non miscible sont ceux discutés dans cette sous-section. Dans le reste du texte, l’écoulement non saturé sera traité comme un problème à une seule phase, en utilisant les concepts et l’approche vus à la première partie de cette section. Le cas le plus commun de déplacement miscible en hydrogéologie comprend le mélange de deux eaux de différentes chimies (comme l’eau salée et l’eau douce, l’eau pure et l’eau contaminée). Les processus de transport associés à ces déplacements miscibles et les techniques d’analyse de contamination des eaux souterraines seront discutés au Chapitre 9.
2.7 Aquifères et Aquitards
Parmi tout le vocabulaire de l’hydrogéologie, le terme aquifère est probablement celui qui a le plus de zones d’ombre. Il signifie différentes choses pour différentes personnes, et peut-être différentes choses pour la même personne à des moments différents. Il est utilisé pour se référer à des couches géologiques individuelles, à des formations géologiques complètes, ou même pour des groupes de formations géologiques. Le terme doit toujours être perçu selon l’échelle et le contexte.
Aquifères, aquitards et aquicludes
La meilleure définition d’un aquifère est une unité géologique perméable et saturée, qui peut transmettre des quantités importantes d’eau sous des gradients hydrauliques ordinaires. Un aquiclude est défini comme une unité géologique saturée qui ne peut pas transmettre des quantités d’eau importantes sous des gradients hydrauliques ordinaires.
Une paire de définitions alternatives largement utilisée dans l’industrie des forages d’eau est qu’un aquifère est assez perméable pour permettre l’extraction d’eau à partir de puits de manière économique, alors que ce n’est pas le cas pour les aquicludes.
Ces dernières années, le terme aquitard a été inventé pour décrire les niveaux moins perméables d’une séquence stratigraphique. Ces niveaux doivent être suffisamment perméables pour laisser passer l’eau en quantité significative à l’échelle de l’écoulement régional ; mais leur perméabilité n’est pas suffisante pour y permettre l’installation de puits de production. La plupart des couches géologiques sont classées comme aquifères ou aquitards ; très peu de formations conviennent à la définition classique d’un aquiclude. De ce fait, l’usage tend vers le recours aux deux premiers termes aux dépens du troisième.
Les aquifères les plus communs sont les formations géologiques qui ont des valeurs de conductivité hydraulique dans la moitié supérieure de l’intervalle observé (Tableau 2.2) : sables et graviers non consolidés, roches sédimentaires perméables comme les grès et les calcaires, et les roches volcaniques et cristallines fortement fracturées. Les aquitards les plus répandus sont les argiles, les shales, et les roches cristallines denses. Dans le Chapitre 4, les principaux types d’aquifères et aquitards seront examinés plus en détails dans le contexte d’une discussion sur la géologie contrôlant l’apparition de l’eau souterraine.
Les définitions d’aquifère et d’aquitard par rapport à la conductivité hydraulique sont volontairement imprécises. Cela laisse ouverte la possibilité de les utiliser en termes relatifs. Par exemple, dans une séquence de couches sable-silt, les silts peuvent être considérés comme aquitards, alors que dans un système silt-argile, ils sont considérés comme aquifères.
Les aquifères sont souvent nommés par le nom du niveau stratigraphique. Les grès du Dakota par exemple doivent leur renommée géologique à l’étude de Meinzer (1923) sur les propriétés de cet aquifère. Deux autres aquifères bien connus en Amérique du Nord sont les grès de St. Peter en Illinois et les calcaires d’Ocala en Floride. Un résumé des principaux systèmes aquifères des États-Unis peut être trouvé dans McGuinnes (1963) et Maxey (1964), basé sur les compilations antérieures de Meinzer (1923) Tolman (1937), et Thomas (1951). Brown (1967) offre des informations sur les principaux aquifères canadiens.
Dans un monde idéal, sur lequel reposent plusieurs sections de ce livre, les aquifères apparaissent comme homogènes, isotropes, d’épaisseur constante et de géométrie simple. Nous espérons que le lecteur gardera à l’esprit que la réalité est quelque peu différente. L’hydrogéologue est constamment confronté à des systèmes aquifères – aquitards complexes, avec des formations hétérogènes et anisotropes, plutôt que des cas idéaux illustrés dans les textes. Il semblera souvent que les processus géologiques ont malicieusement conspirés pour maximiser les difficultés interprétatives et analytiques.
Aquifères confinés et non confinés
Un aquifère captif ou confiné est un aquifère qui est confiné entre deux aquitards. Un aquifère non captif, ou aquifère à nappe libre, est un aquifère pour lequel la surface libre forme la limite supérieure. Les aquifères confinés se situent en profondeur, les aquifères non confinés proche de la surface du sol (Figure 2.16). Une lentille saturée qui est bornée par une surface libre perchée (Figure 2.15) est un cas spécial d’aquifère non confiné. De telles lentilles sont parfois appelées aquifères à nappe perchée.
Dans un aquifère captif, le niveau d’eau mesuré dans un puits est généralement au-dessus du toit de l’aquifère. Si tel est le cas, le puits est appelé puits artésien et l’aquifère existe sous des conditions artésiennes. Dans certains cas le niveau d’eau peut monter au-dessus de la surface du sol, le puits est alors appelé puits artésien jaillissant et l’aquifère existe sous des conditions artésiennes jaillissantes. À la Section 6.1, nous examinerons les conditions géologiques et topographiques qui permettent les conditions artésiennes jaillissantes. Le niveau d’eau dans un puits dans un aquifère libre correspond à la surface de la nappe.
Surface piézométrique
Pour les aquifères captifs, qui sont massivement exploités pour l’alimentation en eau, une représentation traditionnelle, qui n’est pas particulièrement judicieuse, mais qui est fermement ancrée dans les usages, s’est développée. Si les altitudes du niveau d’eau dans des puits installés dans un aquifère captif sont reportés sur une carte et des lignes de contours sont tracées, la surface qui en résulte, qui est en fait une carte de la charge hydraulique dans l’aquifère, est appelée surface piézométrique. La carte piézométrique d’un aquifère fournit une indication sur les directions d’écoulement des eaux souterraines dans l’aquifère.
Le concept de surface piézométrique est rigoureusement valide uniquement pour l’écoulement horizontal dans les aquifères. La condition d’écoulement horizontal est rencontrée uniquement dans les aquifères dont les conductivités hydrauliques sont bien plus importantes que celles des couches de confinement. Dans certains rapports hydrogéologiques, on trouve des cartes de surface piézométrique basées sur les données de niveau d’eau provenant d’un ensemble de puits ayant à peu près la même profondeur mais qui ne sont pas associés à un aquifère confiné spécifique bien défini. Ce type de surface piézométrique est essentiellement une carte des contours hydrauliques sur un profil horizontal en deux dimensions résultant du profil de charge hydraulique en trois dimensions qui existe dans le sous-sol à cet endroit. S’il y a des composantes verticales d’écoulement, comme c’est souvent le cas, les calculs et les interprétations basées sur ce type de surface piézométrique peuvent être grandement erronés.
Il est aussi possible de confondre la surface piézométrique avec la surface libre dans les zones où il existe à la fois des aquifères captifs et non captifs. La Figure 2.16 illustre la distinction entre les deux. En général, comme nous le verrons sur les champs d’écoulement au Chapitre 6, les deux ne correspondent pas.
2.8 Écoulement en régime permanent et en régime transitoire
L’écoulement en régime permanent survient quand, en tout point d’un champ d’écoulement, la magnitude et la direction de la vitesse d’écoulement est constante avec le temps. L’écoulement en régime transitoire (ou non permanent) existe, quand, en tout point d’un champ d’écoulement, la magnitude et la direction de la vitesse d’écoulement change avec le temps.
La Figure 2.17 (a) montre un schéma d’écoulement souterrain en régime permanent (équipotentielles en tirets, ligne de courant en trait plein) à travers un dépôt alluvial perméable sous un barrage en béton. Le long de la ligne AB, la charge hydraulique hAB = 1000 m. Elle est égale à l’altitude de la surface de la réserve au-dessus de AB. De même, hCD = 900 m (altitude de l’eau dans le canal de fuite au-dessus de CD). La diminution de charge hydraulique Δh le long du système est de 100 m. Si les niveaux d’eau dans la réserve au-dessus de AB et dans le canal de fuite au-dessus de CD ne changent pas avec le temps, alors le champ d’écoulement sous le barrage ne changera pas avec le temps. La charge hydraulique au point E, par exemple, sera hE = 950 m et restera constante. Sous ces conditions la vitesse v = -K ∂h/∂l restera aussi constante au cours du temps. Dans un système d’écoulement en régime permanent, la vitesse peut varier d’un point à un autre, mais elle ne variera pas avec le temps en un même point.
Considérons maintenant le problème d’écoulement en régime transitoire montré schématiquement sur la Figure 2.17 (b). Au temps t0, le champ d’écoulement sous le barrage est identique à celui de la Figure 2.17 (a) et hE = 950 m. Si le niveau de la réserve peut diminuer, sur une période de t0 à t1, jusqu’à ce que les niveaux d’eau en amont et en aval du barrage soient identiques au temps t1, alors les conditions finales sous le barrage seront statiques sans écoulement d’eau entre l’amont et l’aval du barrage. Au point E, la charge hydraulique hE va subir une diminution avec le temps, de hE = 950 m au temps t0, à sa valeur finale hE = 900 m. Il peut y avoir un délai dans un tel système, qui fera que hE n’atteindra pas sa valeur finale hE = 900 m jusqu’à un certain temps après t = t1.
Une différence importante entre les systèmes d’écoulement en régimes permanent et transitoire réside dans la relation entre leurs lignes de courant et les trajectoires d’écoulement. Les lignes de courant indiquent les directions instantanées de l’écoulement à travers un système (en tout temps en régime permanent, ou à un instant donné en régime transitoire). Elles doivent être orthogonales aux lignes équipotentielles à travers la région d’écoulement en tout temps. Les trajectoires d’écoulement tracent la route qu’une particule d’eau suit à travers une région d’écoulement pendant un évènement en régime permanent ou transitoire. En régime permanent, une particule d’eau entrant dans le système par une frontière de flux d’entrée s’écoule vers la frontière de sortie de l’écoulement le long d’une trajectoire d’écoulement qui coïncide avec la ligne de courant, comme illustré par la Figure 2.17 (a). En régime transitoire, par contre, les lignes de courant et les trajectoires d’écoulement ne coïncident pas. Alors qu’un champ d’écoulement peut être construit pour décrire les conditions d’écoulement en tout instant en régime permanent, les lignes de courant représentées à ce moment donné représentent seulement les directions de mouvement en cet instant. Puisque la configuration des lignes de courant change avec le temps, les lignes de courant ne peuvent pas décrire la trajectoire complète d’une particule d’eau au fur et à mesure qu’elle traverse le système. La détermination des trajectoires d’écoulement a une importance évidente dans les études de contamination des eaux souterraines.
Un hydrogéologue doit comprendre les techniques d’analyse en régime permanent ainsi qu’en régime transitoire. Dans les dernières sections de ce chapitre, les équations de flux seront développées pour chaque type d’écoulement, sous des conditions saturées et non saturées. Les méthodologies pratiques qui sont présentées dans les derniers chapitres sont souvent basées sur les équations théoriques, mais il n’est pas forcément nécessaire pour le praticien hydrogéologue de connaître les mathématiques sur le bout des doigts. La première application des méthodes en régime permanent est l’analyse de l’écoulement régional souterrain. La compréhension de l’écoulement en régime transitoire est nécessaire pour l’analyse de l’hydraulique des puits, la recharge en eau souterraine, et beaucoup d’applications géochimiques et géotechniques.
2.9 Compressibilité et contrainte effective
L’analyse de l’écoulement souterrain en régime transitoire nécessite l’introduction du concept de compressibilité, une propriété du matériau qui décrit la variation de volume, ou la déformation, induite dans un matériau sous une contrainte qui lui est appliquée. Dans l’approche classique de la force à l’égard des matériaux élastiques, le module d’élasticité est une propriété du matériau plus couramment évoquée. Il est défini comme le rapport de la variation de contrainte appliquée dσ sur la déformation dε en résultant. La compressibilité est simplement l’inverse du module d’élasticité. Elle est définie comme déformation/contrainte, dε/dσ, plutôt que contrainte/déformation, dσ/dε. Le terme est utilisé à la fois pour les matériaux élastiques et non élastiques. Pour l’écoulement de l’eau à travers un milieu poreux, il est nécessaire de définir deux termes de compressibilité, un pour l’eau et un pour le milieu poreux.
Compressibilité de l’eau
Une contrainte est appliquée à un fluide par une pression p. Une augmentation de pression dp mène à une diminution de volume Vw d’une masse d’eau donnée. La compressibilité de l’eau β est ainsi définie par :
(2.44)
Le signe négatif est nécessaire pour que β soit un nombre positif.
L’équation (2.44) suggère une relation linéaire d’élasticité entre la déformation volumique dVw/Vw et la contrainte induite dans le fluide par la variation de pression du fluide dp. Pour l’eau, la compressibilité β est donc la pente de la droite reliant la déformation à la contrainte, et cette pente ne varie pas avec l’intervalle de pression rencontré en hydrogéologie (incluant les pressions inférieures à la pression atmosphérique rencontrées dans la zone non saturée). Pour l’intervalle de températures rencontré habituellement dans les eaux souterraines, la température a une influence minime sur β ; de ce fait, dans la plupart des cas pratiques, on considère β comme une constante. Les dimensions de β sont l’inverse de celles de la pression et de la déformation. La valeur généralement utilisée est 4,4 x 10-10 m2/N (ou Pa-1).
Pour une masse d’eau donnée, il est possible de réécrire l’équation (2.44) sous la forme :
(2.45)
où ρ est la masse volumique du fluide. L’intégration de l’équation (2.45) donne l’équation d’état de l’eau :
(2.46)
où ρ0 est la masse volumique du fluide en tout point où la pression est p0. Si p0 est la pression atmosphérique, l’équation (2.46) peut être écrite en termes de pression relative comme suit :
Un fluide incompressible est un fluide pour lequel β = 0 et donc ρ = ρ0 = constante.
Contrainte effective
Considérons maintenant la compressibilité du milieu poreux. Supposons qu’une contrainte soit appliquée à une masse unitaire de sable saturé. Il existe trois mécanismes par lesquels une réduction de volume peut avoir lieu : (1) par compression de l’eau dans les pores, (2) par compression de chaque grain de sable, et (3) par un réarrangement des grains de sable en une configuration plus compactée. Le premier de ces mécanismes est contrôlé par la compressibilité du fluide β. Supposons que le second mécanisme soit négligeable, c’est-à-dire, que les grains de sables sont incompressibles. Notre tâche est de définir un terme de compressibilité qui va refléter le troisième mécanisme.
Pour ce faire, nous devrons évoquer le principe de contrainte effective. Ce concept a d’abord été proposé par Terzaghi (1925), et a été étudié en détail par Skempton (1961). La plupart des textes de mécanique des sols, comme ceux écrits par Terzaghi et Peck (1967) et Scott (1963), offrent une discussion complète.
Pour répondre à notre objectif, considérons la contrainte d’équilibre dans un plan arbitraire traversant une formation géologique saturée à une certaine profondeur (Figure 2.18). σT est la contrainte totale exercée vers le bas dans le plan. Elle est due au poids de la roche et de l’eau sus-jacentes. Cette contrainte est supportée en partie par le squelette granulaire du milieu poreux et en partie par la pression du fluide p de l’eau interstitielle. La portion de la contrainte totale qui n’est pas supportée par le fluide est appelée contrainte effective σe. C’est cette contrainte qui est exercée par les grains du milieu poreux. Le réarrangement des grains et la compression du squelette granulaire résultant sont causés par des variations de contrainte effective, et non par des variations de contrainte totale. Les deux sont reliées par la simple équation suivante :
(2.48)
ou, en termes de variations,
(2.49)
Beaucoup de problèmes d’analyse d’écoulement souterrain en régime transitoire n’implique pas de variations de la contrainte totale. Le poids de la roche et de l’eau sus-jacent à chaque point du système reste souvent constant avec le temps. Dans ce cas, dσT = 0, et :
(2.50)
En de telles conditions, si la pression du fluide augmente, la contrainte effective diminue de la même valeur ; et si la pression du fluide diminue, la contrainte effective augmente de la même valeur. Pour les cas où la contrainte totale ne varie pas avec le temps, la contrainte effective en un point du système et la déformation volumique résultante sont contrôlées par les pressions de fluide en ce point. Puisque p = ρgψ et ψ = h – z (z étant constant au point en question), alors les variations de contrainte effective en un point sont, dans les faits, gouvernées par les variations de charge hydraulique en ce point :
(2.51)
Compressibilité d’un milieu poreux
La compressibilité d’un milieu poreux est définie comme :
(2.52)
où VT est le volume total d’une masse de sol et dσe la variation de contrainte effective.
Rappelons que VT = VS + Vv, où VS est le volume des solides et Vv est le volume des vides saturés. Une augmentation de contrainte effective dσe produit une réduction dVT dans le volume total de la masse de sol. Dans les matériaux granulaires, cette réduction survient presque entièrement du fait d’un réarrangement des grains. Il est vrai que les grains eux-mêmes peuvent être compressibles, mais l’effet est généralement considéré comme négligeable. En général, dVT = dVS + dVv ; mais pour notre objectif, nous supposerons que dVS = 0 et dVT = dVv.
Considérons un échantillon de sol saturé placé dans une cellule de pression en laboratoire comme celle montrée à la Figure 2.19 (a). Une contrainte totale σT = L/A peut être appliquée à l’échantillon grâce à des pistons. L’échantillon est latéralement confiné par les murs de la cellule, et l’eau piégée peut s’échapper à travers les trous d’aération des pistons vers un réceptacle extérieur gardé à une pression de fluide constante connue. La réduction de la taille volumique de l’échantillon de sol est mesurée pour différentes valeurs de L, car L est augmentée par paliers. A chaque palier, l’augmentation de la contrainte totale dσT est initialement supportée par l’eau sous des conditions d’augmentation de pression de fluide, mais le drainage de l’eau provenant de l’échantillon vers le réceptacle extérieur transfère la contrainte de l’eau vers le squelette granulaire. Ce processus transitoire est connu sous le nom de consolidation, et le temps nécessaire pour que le processus de consolidation atteigne l’équilibre hydraulique à chaque L peut être considérable. Cependant, une fois l’équilibre atteint, on sait que dp = 0 à l’intérieur de l’échantillon, et d’après l’équation (2.49), dσe = dσT = dL/A. Si l’échantillon de sol a un indice des vides initial e0 (où e = Vv/VS) et une hauteur initiale b [Figure 2.19 (a)], et en supposant que dVT = dVv, l’équation (2.52) peut être écrite comme suit :
(2.53)
La compressibilité α est habituellement déterminée à partir de la pente de la courbe déformation-contrainte de la forme e en fonction de σe. La courbe AB de la Figure 2.19 (b) correspond à la charge (augmentation de σe), BC correspond à la décharge (diminution de σe). En général, la relation déformation-contrainte n’est ni linéaire, ni élastique. En fait, pour des charges et des décharges répétées, beaucoup de sols à granulométrie fine montre des propriétés hystérétiques [Figure 2.19 (c)]. La compressibilité du sol α, contrairement à la compressibilité du fluide β, n’est pas une constante ; elle est fonction de la contrainte appliquée et est dépendante des charges et décharges subies précédemment.
La Figure 2.19 (d) montre une comparaison schématique des courbes e – σe pour l’argile et le sable. La pente plus faible pour la courbe du sable implique un α plus petit, et sa linéarité implique une valeur de α qui reste constante sur un large intervalle de σe. Dans les systèmes hydrogéologiques, les fluctuations de σe en fonction du temps sont souvent faibles, si bien que même pour les argiles, un α constant peut avoir du sens. Le Tableau 2.5 présente des valeurs de compressibilité indiquant des intervalles de valeurs mesurés pour différents types de matériaux géologiques.
Compressibilité, α (m2/N or Pa–1) | |
Argile | 10–3–10–8 |
Sable | 10–7–10–9 |
Gravier | 10–8–10–10 |
Roche fracturée | 10–8–10–10 |
Roche saine | 10–9–10–11 |
Eau (β) | 4,4 × 10–10 |
Les sources des données de compressibilité incluent Domenico et Mifflin (1965) et Johnson et al. (1968). Les dimensions de α et β sont inverses à celles de la contrainte. Les valeurs sont exprimées en unités SI en m2/N ou Pa-1. Notons que la compressibilité de l’eau est du même ordre de grandeur que la compressibilité des matériaux géologiques les moins compressibles.
Comme noté sur la Figure 2.19 (b) et (c), la compressibilité de certains sols en expansion (expansibilité) est bien moindre que ceux en compression. Pour les argiles, le rapport entre les deux α est en général de l’ordre de 10 : 1 ; pour des sables uniformes, il approche 1 : 1. Pour les sols qui ont des valeurs de compressibilité significativement moins grandes en expansion qu’en compression, les déformations volumiques qui surviennent en réponse à une augmentation de contrainte effective (peut-être du fait d’une diminution des charges hydrauliques comme suggéré par l’équation (2.51)) sont largement irréversibles. Elles ne sont pas rétablies quand les contraintes effectives sont ensuite diminuées. Dans un système aquifère – aquitard argile – sable, les importants tassements qui surviennent dans les aquitards d’argile (du fait des grandes valeurs de α) sont largement irréversibles ; alors que les petites déformations qui surviennent dans les aquifères de sable (du fait des faibles valeurs de α) sont largement élastiques.
Compressibilité d’un aquifère
Le concept de compressibilité découlant de l’équation (2.53) et des Figures 2.18 et 2.19 est unidimensionnel. Sur le terrain, en profondeur, un concept unidimensionnel n’a de sens que si l’on fait l’hypothèse que les sols et les roches subissent des contraintes seulement dans la direction verticale. La contrainte totale verticale σT en tout point est due au poids de la roche et de l’eau sus-jacentes ; les matériaux adjacents assurent le confinement horizontal. La contrainte verticale effective σe est égale à σT – p. Sous ces conditions, la compressibilité de l’aquifère α est définie par la première égalité de l’équation (2.53), où b est maintenant l’épaisseur de l’aquifère plutôt qu’une hauteur d’échantillon. Le paramètre α est une compressibilité verticale. S’il doit être déterminé avec un appareil de laboratoire comme celui de la Figure 2.19 (a), les carottes de sol doivent être orientées verticalement, et la charge doit être appliquée avec les bons angles sur les litages horizontaux d’un aquifère, α peut varier avec la position horizontale, c’est-à-dire peut être hétérogène avec α = (x, y).
Dans les analyses les plus générales, il faut reconnaître que le champ de contrainte existant à une certaine profondeur n’est pas unidimensionnel mais tridimensionnel. Dans ce cas, la compressibilité de l’aquifère doit être considérée comme un paramètre anisotrope. La compressibilité verticale α est alors invoquée par les variations de la composante verticale de la contrainte effective, et les compressibilités horizontales sont invoquées par les variations des composantes horizontales de la contrainte effective. L’application de ces concepts d’analyse de contrainte tridimensionnelle dans la considération de l’écoulement d’un fluide à travers un milieu poreux est un sujet sophistiqué qui ne peut pas être abordé ici. Heureusement, dans beaucoup de cas pratiques, les variations du champ de contrainte horizontale sont très faibles, et dans la plupart des analyses on peut supposer qu’elles sont négligeables. Pour notre objectif, il est suffisant de considérer la compressibilité α de l’aquifère comme un seul paramètre isotrope, mais il faut garder en tête que c’est en fait la compressibilité dans la direction verticale, et que c’est la seule direction pour laquelle des variations importantes de contrainte effective sont anticipées.
Pour illustrer la nature des déformations qui surviennent dans les aquifères compressibles, considérons l’aquifère d’épaisseur b montré à la Figure 2.20. Si le poids des matériaux sus-jacents reste constant et que la charge hydraulique dans l’aquifère est diminuée de -dh, alors l’augmentation de contrainte effective dσe est donnée par l’équation (2.51), c’est-à-dire égale à ρg dh, et le tassement de l’aquifère, d’après l’équation (2.53) est :
(2.54)
Le signe négatif indique que la diminution de charge hydraulique produit une réduction d’épaisseur b.
Un des moyens par lequel la charge hydraulique dans un aquifère peut être diminuée est le pompage à partir d’un puits. Le pompage produit des gradients hydrauliques horizontaux dans l’aquifère, dirigés vers le puits. Il en résulte une diminution de la charge hydraulique en chaque point au voisinage du puits. En conséquence, les contraintes effectives sont augmentées en ces points, et engendrent un tassement de l’aquifère. Inversement, injecter de l’eau dans un aquifère augmente les charges hydrauliques, diminue les contraintes effectives, et génère l’expansion de l’aquifère. Si le tassement d’un système aquifère-aquitard dû au pompage de l’eau se propage jusqu’à la surface du sol, le résultat est un affaissement de terrain. Ce phénomène est étudié en détail à la Section 8.12.
Contrainte effective dans la zone non saturée
La première égalité de l’équation (2.51) indique que la relation entre contrainte effective σe et pression ψ doit être linéaire. Cette relation, et le concept de la Figure 2.18 sur lequel elle est basée, reste valide dans la zone saturée ; mais maintenant de nombreuses preuves suggèrent qu’elle ne se maintient pas dans la zone non saturée (Narasimhan, 1975). Pour l’écoulement non saturé, Bishop et Blight (1963) suggèrent de modifier l’équation (2.51) ainsi :
(2.55)
où le paramètre χ dépend du degré de saturation, de la structure du sol et des étapes d’humidification et de drainage précédentes. La courbe ABC sur la Figure 2.21 montre cette relation de manière schématique. Pour ψ > 0, χ = 1 ; pour ψ < 0, χ ≤ 1 ; et pour , χ = 0.
L’approche en χ est une approche empirique ; son utilisation reflète le fait que la capacité des pressions de fluide négatives supportant une partie de la contrainte totale dans un champ d’écoulement non saturé, n’est pas encore totalement compris. Comme première approximation, il n’est pas insensé de supposer qu’elles n’ont pas cette capacité, comme suggéré par la courbe ABD sur la Figure 2.21. Avec cette hypothèse, pour ψ < 0 et χ = 0, dσe = dσT, et les variations de pression (ou de teneur en eau) dans la zone non saturée ne mènent pas à des variations de contrainte effective.
La définition de la compressibilité d’un milieu poreux dans la zone non saturée est encore donnée par l’équation (2.52) comme pour la zone saturée, mais l’influence de la pression du fluide sur la contrainte effective est considérée comme limitée voire non-existante.
2.10 Transmissivité et emmagasinement
Il faut connaître six propriétés physiques de base des fluides et des milieux poreux pour comprendre les aspects hydrauliques de l’écoulement saturé des eaux souterraines. Toutes les six ont été introduites. Ce sont, pour l’eau : la densité ρ, la viscosité μ et la compressibilité β ; pour le milieu : la porosité n (ou l’indice de vides e), la perméabilité k et la compressibilité α. Tous les autres paramètres utilisés pour décrire les propriétés hydrogéologiques des formations géologiques peuvent être dérivés de ces six-là. Par exemple, nous avons vu dans l’équation (2.28) que la conductivité hydraulique en milieu saturé K est une combinaison de k, ρ et μ. Dans cette section nous allons introduire les concepts d’emmagasinement spécifique Ss, de coefficient d’emmagasinement S, et de transmissivité T.
Emmagasinement spécifique
L’emmagasinement spécifique (Ss) de la zone saturée d’un aquifère est défini comme le volume d’eau qu’un volume unitaire d’aquifère libère du fait de la diminution d’une unité de la charge hydraulique. Dans la Section 2.9, nous avons appris qu’une diminution de la charge hydraulique h entraîne une diminution de la pression du fluide p et une augmentation de la contrainte effective σe. L’eau qui est libérée du stockage dans des conditions de diminution de charge h est produite par deux mécanismes : (1) la compaction de l’aquifère causée par l’augmentation de σe, et (2) l’expansion de l’eau causée par la diminution de p. Le premier de ces mécanismes est contrôlé par la compressibilité de l’aquifère α et le second par la compressibilité du fluide β.
Considérons d’abord l’eau produite par la compaction de l’aquifère. Le volume d’eau émis d’un volume unitaire de l’aquifère pendant le compactage sera égal à la réduction de volume du volume unitaire de l’aquifère. La réduction volumétrique dVT sera négative, mais la quantité d’eau produite dVw sera positive, comme le montre l’équation suivante (d’après l’équation 2.52) :
(2.56)
Pour un volume unitaire VT = 1, et d’après l’équation (2.51), dσe = ρg dh. Pour une baisse unitaire de la charge hydraulique, dh = -1, nous avons :
(2.57)
Considérons ensuite le volume d’eau produit par l’expansion de l’eau. De l’équation (2.44), on déduit :
(2.58)
Le volume d’eau Vw dans le volume unitaire total VT est nVT, n étant la porosité. Avec VT = 1 et dp = ρg dψ = ρg d(h – z) = ρg dh, l’équation (2.58) devient, pour dh = -1,
(2.59)
L’emmagasinement spécifique Ss est la somme des deux termes donnés par les équations (2.57) et (2.59), soit :
(2.60)
L’analyse dimensionnelle de cette équation montre que Ss a la dimension particulière [L]-1. Cela découle également de la définition de Ss qui est un volume par volume par unité de baisse de la charge hydraulique.
Transmissivité et emmagasinement d’une nappe captive
Pour une nappe captive d’épaisseur b, la transmissivité (ou transmissibilité) T est définie ainsi :
(2.61)
et le coefficient d’emmagasinement (ou storativité) S est défini ainsi :
(2.62)
Si nous remplaçons l’équation (2.60) dans l’équation (2.62), on voit que la définition de S devient :
(2.63)
Le coefficient d’emmagasinement d’une nappe captive saturée d’épaisseur b peut être définie comme étant le volume d’eau qu’un aquifère libère de son stockage par unité de surface au-dessus l’aquifère par unité de diminution dans la composante de la charge hydraulique normale à cette surface. La charge hydraulique pour une nappe captive est illustrée sous la forme d’une surface potentiométrique, et la Figure 2.22 (a) illustre le concept du coefficient d’emmagasinement dans ce cas.
Dans la mesure où la conductivité hydraulique K a des dimensions [L/T], il ressort de l’équation (2.61) que la transmissivité T a les dimensions [L2/T]. L’unité métrique SI est m2/s. T et S sont des termes largement utilisés dans l’industrie des forages d’eau en Amérique du Nord, et sont souvent exprimés en unités d’ingénierie FPS (pieds par seconde). Si K est exprimé en m3/jour/m2 (gal/jour/pi2), alors T est exprimé en m3/jour/m (gal/jour/pi). La gamme de valeurs peut être calculée en multipliant les valeurs pertinentes du Tableau 2.2 par la gamme d’épaisseurs d’aquifères raisonnables, disons 5 à 100 m. Les transmissivités supérieures à 0,015 m2/s (ou 0,16 pi2/s ou 100 000 gal/jour/pi) sont celles de bons aquifères pour l’exploitation des forages. Le coefficient d’emmagasinement est sans dimension et, dans les nappes captives, sa valeur varie de 0,005 à 0,00005. En se référant à la définition de S, associée à la réalisation de sa gamme de valeurs, on montre que de grands changements de charge hydraulique sur des zones étendues sont nécessaires pour produire des rendements d’eau substantiels à partir de nappes captives.
Les transmissivités et les coefficients d’emmagasinement peuvent être donnés pour les aquitards comme pour les aquifères. Cependant, dans la plupart des applications, la conductivité hydraulique verticale d’un aquitard a plus de signification que sa transmissivité. On peut aussi noter que dans les aquitards d’argile , et le terme nβ dans la définition du coefficient d’emmagasinement [équation (2.63)] et de l’emmagasinement spécifique [équation (2.60)] devient négligeable.
Il est possible de définir un seul paramètre de formation qui couple les propriétés de transmission T ou K et les propriétés de stockage S ou Ss. La diffusivité hydraulique D est définie comme étant :
(2.64)
En pratique ce terme n’est pas largement utilisé.
Les concepts de transmissivité T et de coefficient d’emmagasinement S ont été développés principalement pour l’analyse de l’hydraulique des puits dans les aquifères captifs. Pour un écoulement horizontal bidimensionnel vers un puits dans une nappe captive d’épaisseur b, les termes sont bien définis ; mais ils perdent leur sens dans de nombreuses autres applications des eaux souterraines. Si un problème d’eau souterraine a des connotations tridimensionnelles, il est préférable de revenir à l’utilisation de la conductivité hydraulique K et de l’emmagasinement spécifique Ss ; ou – encore plus utile – aux paramètres fondamentaux : perméabilité k, porosité n et compressibilité α.
Transmissivité et rendement spécifique dans les nappes libres
Dans une nappe libre, la transmissivité n’est pas aussi bien définie que dans une nappe captive, mais elle peut être utilisée. Elle est définie par la même équation (2.61), mais b est maintenant l’épaisseur saturée de l’aquifère, ou la hauteur d’eau de la zone saturée au-dessus du toit de l’aquitard sous-jacent qui délimite l’aquifère.
Le terme de stockage pour les nappes libres est connu comme étant le rendement spécifique Sy (specific yield en anglais). Il est défini comme étant le volume d’eau qu’une nappe libre libère de son stockage par unité de surface de l’aquifère par unité de baisse la zone saturée. On l’appelle parfois coefficient d’emmagasinement libre. La Figure 2.22 (b) illustre le concept.
L’idée de rendement spécifique peut être mieux visualisée en référence à l’interaction saturée-non saturée qu’elle représente. La Figure 2.23 montre la position de la nappe phréatique et le profil vertical de la teneur en eau en fonction de la profondeur dans la zone non saturée à deux moments, t1 et t2. La zone hachurée représente le volume d’eau libéré par le stockage dans une colonne de section transversale unitaire. Si la baisse de la nappe phréatique représente un déclin unitaire, la zone hachurée représente le rendement spécifique.
Les rendements spécifiques des aquifères non captifs sont beaucoup plus élevés que les emmagasinements des aquifères captifs. La gamme typique de Sy est de 0,01 à 0,30. Les valeurs plus élevées reflètent le fait que l’eau qui vient des aquifères non captifs représente une déshydratation réelle des pores du sol, alors que l’eau qui vient des aquifères captifs ne représente que les effets secondaires de l’expansion de l’eau et du compactage de l’aquifère. Les propriétés de stockage favorables des aquifères non captifs les rendent plus efficaces pour l’exploitation par des puits. Par rapport aux aquifères captifs, le même rendement peut être obtenu avec des changements de charge hydraulique plus faibles sur des zones moins étendues.
Stockage dans la zone non saturée
Dans les sols non saturés, les changements de teneur en eau θ, comme le montre la Figure 2.23, s’accompagnent de changements dans la charge hydraulique ψ, par la relation θ(ψ) montrée sur la courbe caractéristique de la Figure 2.13 (a). La pente de cette courbe caractéristique représente la propriété de stockage non saturé d’un sol. On l’appelle la capacité d’humidité spécifique C et est définie ainsi :
(2.65a)
Une augmentation de dψ de la charge hydraulique (disons de -200 cm à -100 cm sur la Figure 2.13) doit s’accompagner d’une augmentation de dθ l’humidité stockée dans le sol non saturé. Comme θ(ψ) est non linéaire et hystérétique, il en va de même avec C. Ce n’est pas une constante ; c’est une fonction de la charge hydraulique ψ : C = C(ψ). Dans la zone saturée, en fait pour tout ψ > ψa, la teneur en eau θ est égale à la porosité n, qui est constante, de sorte que C = 0. Une formulation parallèle à l’équation (2.42) pour C est :
(2.65b)
Les propriétés de transmission et de stockage d’un sol non saturé sont entièrement décrites par la courbe caractéristique K(ψ) et l’une des deux courbes θ(ψ) ou C(ψ).
De façon analogue à la formulation de l’équation (2.64), la diffusivité sol-eau peut être définie ainsi :
(2.66)
2.11 Équations d’écoulement des eaux souterraines
Dans presque tous les domaines de la science et de l’ingénierie, les techniques d’analyse sont basées sur la connaissance des processus physiques et, dans la plupart des cas, il est possible de décrire mathématiquement ces processus. L’écoulement des eaux souterraines ne fait pas exception. La loi fondamentale de l’écoulement est la loi de Darcy, et lorsqu’elle est associée à une équation de continuité qui décrit la conservation de la masse de fluide pendant l’écoulement à travers un milieu poreux, il en résulte une équation différentielle partielle. Dans cette section, nous présenterons de brefs développements des équations de l’écoulement pour (1) l’écoulement saturé en régime permanent, (2) l’écoulement saturé transitoire et (3) l’écoulement non saturé transitoire. Les trois équations de l’écoulement sont bien connues des mathématiciens, et les techniques mathématiques pour leur manipulation sont largement disponibles et couramment utilisées en science et en ingénierie. En général, l’équation de l’écoulement apparaît comme une composante d’un problème aux limites, donc dans la dernière partie de cette section, nous explorerons ce concept.
Dans la mesure où un grand nombre des techniques d’analyse standard en hydrologie des eaux souterraines reposent sur des problèmes de valeur limite impliquant des équations aux dérivées partielles, il est utile d’avoir une compréhension de base de ces équations pour apprendre les différentes techniques. Heureusement, ce n’est pas une exigence absolue. Dans la plupart des cas, les techniques peuvent être expliquées et comprises sans retourner à chaque étape aux fondements mathématiques. Les chercheurs hydrogéologues doivent travailler quotidiennement avec les équations de l’écoulement ; par contre les hydrogéologues praticiens peuvent généralement éviter les mathématiques avancées s’ils le désirent.
Débit saturé en régime permanent
Considérons un volume unitaire de milieu poreux tel que celui représenté à la Figure 2.24. Un tel élément est généralement appelé un volume élémentaire représentatif.
La loi de conservation de la masse pour l’écoulement en régime permanent à travers un milieu poreux saturé impose que la vitesse de circulation du fluide entrant dans n’importe quel volume élémentaire représentatif soit égale à la vitesse d’écoulement du fluide sortant de n’importe quel volume élémentaire représentatif. L’équation de continuité qui traduit cette loi sous forme mathématique peut être écrite, en référence à la Figure 2.24, ainsi :
(2.67)
Une analyse dimensionnelle sur les termes ρv montre qu’ils ont les dimensions d’un débit massique à travers une section transversale de l’unité du volume élémentaire représentatif. Si le fluide est incompressible, ρ(x, y, z) = constante et les ρ peuvent être supprimés de l’équation (2.67). Même si le fluide était compressible et ρ(x, y, z) ≠ constante, on peut montrer que les termes de forme ρ ∂vx/∂x sont beaucoup plus grands que les termes de forme vx ∂ρ/∂x, qui se produisent lorsque la règle de la chaîne est utilisée pour établir l’équation (2.67). Dans les deux cas, l’équation (2.67) se simplifie ainsi :
(2.68)
La substitution de la loi de Darcy pour vx, vy et vz dans l’équation (2.68) donne l’équation de l’écoulement pour un écoulement permanent à travers un milieu poreux saturé anisotrope :
(2.69)
Pour un milieu isotrope, Kx = Ky = Kz, et si le milieu est également homogène, alors K(x, y, z) = constante. L’équation (2.69) se réduit alors à l’équation de l’écoulement pour un écoulement stationnaire à travers un milieu isotrope homogène :
(2.70)
L’équation (2.70) est l’une des équations aux dérivées partielles les plus basiques connues des mathématiciens. On l’appelle l’équation de Laplace. La solution de l’équation est une fonction h(x, y, z) qui décrit la valeur de la charge hydraulique h en un point quelconque d’un champ d’écoulement tridimensionnel. Une solution à l’équation (2.70) nous permet de produire une carte des contours équipotentiels de h, et en ajoutant les lignes d’écoulement, un réseau d’écoulement.
Dans le cas d’une régime permanent, saturé dans un champ d’écoulement bidimensionnel, disons dans le plan xz, le terme central de l’équation (2.70) serait abandonné et la solution serait une fonction h(x, z).
Débit saturé en régime transitoire
La loi de la conservation de la masse pour un écoulement transitoire dans un milieu poreux saturé exige que la proportion nette de fluide circulant dans n’importe quel volume élémentaire représentatif soit égale au temps de changement du stockage de fluide dans l’élément. En référence à la Figure 2.24, l’équation de continuité prend la forme :
(2.71)
et en remplaçant le terme à droite :
(2.72)
Le premier terme à droite de l’équation (2.72) est le débit massique d’eau produit par une expansion de l’eau en cas de changement de densité ρ. Le second terme est le débit massique d’eau produit par le compactage du milieu poreux, dû au changement de sa porosité n. Le premier terme est contrôlé par la compressibilité du fluide β et le second terme par la compressibilité de l’aquifère α. Nous avons déjà effectué l’analyse (Section 2.10) nécessaire pour simplifier les deux termes de droite de l’équation (2.72). Nous savons que le changement de ρ et le changement de n sont tous les deux produits par un changement de charge hydraulique h, et que le volume d’eau produit par les deux mécanismes pour une baisse unitaire de la charge est Ss, où Ss est l’emmagasinement spécifique donné par SS = ρg(α + nβ). La masse d’eau produite (temps de changement de stockage de masse de fluide) est ρSS ∂h/∂t, et l’équation (2.72) devient :
(2.73)
En développant les termes du côté gauche et en reconnaissant que les termes de la forme ρ ∂vx/∂x sont beaucoup plus grands que les termes de la forme vx∂ρ/∂x nous permet d’éliminer ρ des deux côtés de l’équation (2.73). En introduisant la loi de Darcy, nous obtenons :
(2.74)
C’est l’équation qui décrit comment l’écoulement transitoire s’effectue à travers un milieu poreux anisotrope saturé. Si le milieu est homogène et isotrope, l’équation (2.74) se simplifie ainsi :
(2.75)
ou en développant Ss,
(2.76)
L’équation (2.76) est connue comme l’équation de diffusion. La solution h(x, y, z, t) décrit la valeur de la charge hydraulique à tout moment dans un champ d’écoulement. Une solution nécessite la connaissance des trois paramètres hydrogéologiques de base K, α et n, et les paramètres du fluide, ρ et β.
Pour le cas particulier d’un aquifère confiné horizontal d’épaisseur b, S = Ssb et T = Kb, et la forme bidimensionnelle de l’équation (2.75) devient :
(2.77)
La solution h(x, y, t) décrit le champ de la charge hydraulique à tout moment sur un plan horizontal à travers l’aquifère horizontal. Cette solution nécessite la connaissance des paramètres de l’aquifère S et T.
L’équation de l’écoulement pour un écoulement transitoire et saturé, dans n’importe laquelle des formes données par les équations (2.74) à (2.77), repose sur la loi d’écoulement établie par Darcy (1856), sur la clarification du potentiel hydraulique par Hubbert (1940) et sur la reconnaissance des concepts d’élasticité aquifère par Meinzer (1923), et le stress effectif par Terzaghi (1925). Le développement classique a été mis en avant par Jacob (1940) et peut être trouvé sous sa forme la plus complète dans Jacob (1950). Le développement présenté dans cette section, avec les concepts de stockage des sections précédentes, est essentiellement celui de Jacob.
Ces dernières années, il y a eu une réévaluation considérable du développement classique. Biot (1955) a reconnu que dans le compactage des aquifères, il est nécessaire de transposer la loi de Darcy en termes de vitesse du fluide relative aux grains, et Cooper (1966) a souligné l’inconsistance de prendre un volume élémentaire représentatif fixe dans un milieu déformant. Cooper a montré que le développement classique de Jacob est correct si l’on considère la vitesse comme relative et le système de coordonnées comme déformant. Il a également montré que la tentative de De Wiest (1966) de résoudre ce problème, qui apparaît également dans Davis et De Wiest (1966), est incorrecte. L’annexe II contient une présentation plus rigoureuse du développement de Jacob-Cooper que ce qui a été tenté ici.
Le développement classique, utilisant le concept de compressibilité verticale de l’aquifère, suppose que les contraintes et les déformations dans un aquifère en cours de compactage ne se produisent que dans la direction verticale. L’approche couple un champ d’écoulement tridimensionnel et un champ de contrainte unidimensionnel. L’approche plus générale, qui couple un champ d’écoulement tridimensionnel et un champ de contrainte tridimensionnel, a d’abord été considérée par Biot (1941, 1955). Verruijt (1969) fournit un résumé élégant de cette approche.
Pour la plupart des travaux pratiques, il n’est pas nécessaire de considérer les vitesses relatives, les coordonnées de déformation ou les champs de contraintes tridimensionnels. Les équations classiques de l’écoulement présentées dans cette section sont suffisantes.
Débit non saturé en régime transitoire
Définissons le degré de saturation θ’ comme θ’ = θ/n, où q est la teneur en eau et n, la porosité. Pour l’écoulement dans un volume élémentaire représentatif qui peut n’être que partiellement saturé, l’équation de continuité doit préciser le taux de variation de la teneur en eau ainsi que le taux de changement de stockage dû à l’expansion de l’eau et au compactage aquifère. Le terme rn dans l’équation (2.71) doit devenir ρnθ’, et l’équation (2.72) devient :
(2.78)
Pour un flux non saturé, les deux premiers termes du côté droit de l’équation (2.78) sont beaucoup plus petits que le troisième terme. Rejeter ces deux termes, en annulant les ρ des deux côtés de la manière habituelle, en insérant la forme non saturée de la loi de Darcy [équation (2.41)], et sachant que n dθ’ = dθ, cela donne :
(2.79)
Il est habituel de mettre l’équation (2.79) dans une forme où la variable indépendante est soit θ, soit ψ. Dans ce dernier cas, il est nécessaire de multiplier le numérateur et le dénominateur du côté droit par ∂ψ. Puis, en reprenant la définition de la capacité d’humidité spécifique C [équation (2.65)] et en notant que h = ψ + z, nous obtenons :
(2.80)
Montre ici l’équation (2.80) est la forme d’équation d’écoulement basée sur ψ, l’écoulement transitoire à travers un milieu poreux non saturé. On l’appelle souvent l’équation de Richards, en l’honneur du physicien du sol qui l’a le premier développé (Richards, 1931). La solution ψ(x, y, z, t) décrit la charge hydraulique maintenue à tout moment dans le champ d’écoulement. Il peut facilement être converti en une solution de charge hydraulique h(x, y, z, t) par la relation h = ψ + z. Résoudre l’équation de Richards nécessite la connaissance des courbes caractéristiques K(ψ) et C(ψ) ou θ(ψ).
Le couplage de l’équation d’écoulement non saturée (équation (2.80)) avec l’équation d’écoulement saturé (équation (2.74)) a été tenté par Freeze (1971a) et par Narasimhan (1975). Les améliorations de la théorie de bases aux systèmes saturés – non saturés doivent attendre une meilleure compréhension du principe de la contrainte effective dans la zone non saturée.
Problèmes de valeur limite
Un problème de valeur limite est un modèle mathématique. La technique d’analyse déduite par ce dernier terme est un processus en quatre étapes, impliquant (1) l’examen du problème physique, (2) le remplacement du problème physique par un problème mathématique équivalent, (3) la résolution du problème mathématique avec (4) l’interprétation des résultats mathématiques en termes de problème physique. Les modèles mathématiques basés sur la physique des écoulements prennent généralement la forme de problèmes de limites du type expérimenté par les concepteurs de théorie des champs potentiels et appliqués en physique à des problèmes tels que la conduction de la chaleur dans les solides (Carslaw et Jaeger, 1959).
Pour définir pleinement un problème de valeur limite transitoire pour l’écoulement souterrain, il faut connaître (1) la taille et la forme de la région des écoulements, (2) l’équation de débit dans la région, (3) les conditions aux limites de la région, (4) les conditions initiales dans la région, (5) la distribution spatiale des paramètres hydrogéologiques qui contrôlent le flux, et (6) une méthode mathématique de la solution. Si le problème de la valeur limite concerne un système en régime permanent, l’exigence (4) ne s’applique pas.
Considérons le problème simple d’écoulement des eaux souterraines illustré à la Figure 2.25 (a). La domaine ABCD contient un milieu poreux isotrope homogène de conductivité hydraulique K1. Les limites AB et CD sont imperméables ; les charges hydrauliques sur AD et sur BC sont respectivement h0 et h1. En supposant un débit constant et en posant h0 = 100 m et h1 = 0 m, on peut voir par l’observation que la charge hydraulique au point E sera de 50 m. Apparemment, nous avons utilisé implicitement les propriétés (1), (3) et (5) de la liste ci-dessus ; notre méthode de solution (6) était celle de l’observation. Il n’est pas évident qu’il nous fallait connaître l’équation du débit dans la région. Si nous passons à un problème plus difficile comme celui de la Figure 2.25 (b) (un barrage en terre reposant sur une base inclinée), la valeur de la charge hydraulique au point F ne vient pas aussi facilement. Ici, nous devrions invoquer une méthode mathématique de solution, et il faudrait que nous connaissions l’équation du flux.
Les méthodes de résolution peuvent être catégorisées en cinq approches : (1) solution par observation, (2) solution par des techniques graphiques, (3) solution par modèle analogique, (4) solution par des techniques mathématiques analytiques, et (5) solution par des techniques mathématiques numériques. Nous avons vu un exemple de solution par observation. Les méthodes de construction de réseau d’écoulement présentées au Chapitre 5 peuvent être considérées comme des solutions graphiques aux problèmes de valeur limite. Les modèles analogiques électriques sont traités dans les Sections 5.2 et 8.9. Les solutions numériques constituent la base des techniques modernes de simulation par ordinateur décrites aux Sections 5.3 et 8.8.
L’approche la plus directe de la solution des problèmes de valeurs limites est celle des solutions analytiques. La plupart des techniques standard des eaux souterraines présentées plus loin sont basées sur des solutions analytiques ; il est donc pertinent d’examiner un exemple simple. Considérons, encore une fois, le problème de la valeur limite de la Figure 2.25 (a). La solution analytique est
(2.81)
C’est l’équation d’un ensemble de lignes équipotentielles traversant le domaine ABCD parallèlement aux frontières AD et BC. Puisque les équipotentielles sont parallèles à l’axe y, h n’est pas une fonction de y et y n’apparaît pas du côté droit de l’équation (2.81). Au point E, x/xL = 0,5, et si h0 = 100 m et h1 = 0 m comme précédemment, alors à partir de l’équation (2.81) hE est de 50 m, comme prévu. Dans l’Annexe III, la technique de séparation des variables est utilisée pour obtenir la solution analytique de l’équation (2.81) ; il est alors montré que la solution satisfait l’équation de l’écoulement et les conditions aux limites.
2.12 Les limites de l’approche darcienne
La loi de Darcy fournit une description précise de l’écoulement des eaux souterraines dans presque tous les environnements hydrogéologiques. En général, la loi de Darcy est valable (1) pour l’écoulement en milieu saturé et pour l’écoulement en milieu non saturé, (2) pour l’écoulement permanent et pour l’écoulement transitoire, (3) pour l’écoulement dans les aquifères et pour ce qui se passe dans les aquitards, (4) pour l’écoulement dans les systèmes homogènes et pour l’écoulement dans les aquifères hétérogènes, (5) pour l’écoulement dans les milieux isotropes et pour l’écoulement dans les milieux anisotropes, et (6) pour ce qui se passe dans les roches et les milieux granulaires. Dans ce texte, nous supposerons que la loi de Darcy est une base valable pour nos analyses quantitatives.
Malgré cette déclaration apaisante, ou peut-être à cause de cela, il est nécessaire que nous examinions les limites théoriques et pratiques de l’approche darcienne. Il est nécessaire d’examiner les hypothèses qui sous-tendent notre définition d’un continuum, ainsi que les concepts d’écoulement microscopique et macroscopique, d’étudier les limites supérieure et inférieure de la loi de Darcy et enfin d’examiner les problèmes particuliers associés aux roches fracturées.
Continuum darcien et volume élémentaire représentatif
Dans la Section 2.1, on a insisté sur le fait que la définition de la loi de Darcy exige le remplacement de l’ensemble réel des grains qui composent un milieu poreux par un continuum représentatif. On a précisé que cette approche du continuum est réalisée à une échelle macroscopique plutôt que microscopique. Si la loi de Darcy est une loi macroscopique, il doit y avoir une limite inférieure à la taille d’un élément de milieu poreux pour lequel la loi est valide. Hubbert (1940) a résolu ce problème. Il a défini le terme macroscopique à l’aide de la Figure 2.26. Ce diagramme est un graphique hypothétique de la porosité d’un milieu poreux tel qu’il pourrait être mesuré sur des échantillons de volume croissant V1, V2, . . . , pris en un point P à l’intérieur d’un milieu poreux.
Bear (1972) définit le volume V3 de la Figure 2.26 comme le volume élémentaire représentatif. Il précise que c’est un volume qui doit être plus grand qu’un seul pore. En fait, il doit inclure un nombre suffisant de pores pour permettre la moyenne statistique significative requise dans l’approche du continuum. En dessous de ce volume, il n’y a pas de valeur unique qui puisse représenter la porosité P. Tout au long de ce texte, les valeurs de porosité, de conductivité hydraulique et de compressibilité se réfèrent à des mesures qui pourraient être effectuées sur un échantillon plus grand que le volume élémentaire représentatif. De manière plus pratique, elles se réfèrent à des valeurs qui peuvent être mesurées sur les tailles habituelles des carottes d’échantillons de sol. Lorsque l’échelle d’analyse implique, comme V5 dans la Figure 2.26, des volumes qui peuvent englober plus d’une strate dans des milieux hétérogènes, l’échelle est parfois appelée mégascopique.
Le développement de chacune des équations de flux présentées à la Section 2.11 s’appuyait sur la loi de Darcy. Il faut donc reconnaître que les méthodes d’analyse basées sur des problèmes de limites impliquant ces équations s’appliquent à l’échelle macroscopique, au niveau du continuum darcien. Il existe quelques phénomènes dans les eaux souterraines, tels que le mouvement d’un traceur à travers un milieu poreux, qui ne peuvent pas être analysés à cette échelle. Il est donc nécessaire d’examiner l’interrelation existant entre la vitesse de Darcy (ou débit spécifique) définie pour le continuum darcien macroscopique et les vitesses microscopiques qui existent dans la phase liquide du milieu poreux.
Débit spécifique, vitesse macroscopique et vélocité microscopique
Notre développement sera plus rigoureux si nous distinguons d’abord, comme l’a fait Bear (1972), la porosité volumétrique n, définie à la Section 2.5, et la porosité aréale, nA, qui peut être définie pour toute section transversale à travers un volume unitaire, comme étant nA = Av/AT, où Av est la superficie occupée par les vides et AT est la superficie totale. Comme le suggère la Figure 2.27 (a), diverses coupes transversales dans un volume unitaire donné peuvent présenter des porosités aréales différentes nA1, nA2, . . . La porosité volumétrique n est donc une moyenne des différentes porosités spatiales possibles, nAi, nA2.
Pour toute coupe transversale A, le débit spécifique, v, est définie à partir de l’équation (2.1) comme étant :
La vitesse est connue sous une variété de noms. Nous l’appellerons la vitesse linéaire moyenne. En ce qui concerne Q, n et A, ce sont des termes macroscopiques mesurables, ainsi que . Il convient de souligner que ne représente pas la vitesse moyenne des particules d’eau qui traversent les espaces interstitiels. Ces vitesses microscopiques vraies sont généralement plus grandes que , car les particules d’eau doivent se déplacer le long de trajectoires irrégulières plus longues que le trajet linéarisé représenté par . Ceci est présenté schématiquement sur la Figure 2.27 (b). Les vitesses microscopiques vraies qui existent dans les canaux des pores sont rarement intéressantes, ce qui est bienvenu, car elles sont en grande partie indéterminées. Pour toutes les situations qui seront considérées dans ce texte, la vitesse de Darcy v et la vitesse linéaire moyenne suffiront.
Comme base pour une explication plus détaillée, considérons une expérience où un traceur est utilisé pour déterminer combien de temps est nécessaire pour que la masse de l’eau souterraine se déplace sur une distance courte mais significative AB le long d’un chemin d’écoulement. est alors défini comme le rapport de la longueur de déplacement au temps de déplacement, où la longueur de déplacement est définie comme étant la longueur linéaire entre A et B et le temps de déplacement est le temps nécessaire pour que le traceur passe de A à B. Compte tenu de cette conceptualisation de , Nelson (1968) a suggéré une forme légèrement différente de l’équation (2.82) :
(2.83)
où ε est une constante empirique dépendant des caractéristiques du milieu poreux. Les données obtenues dans des expériences de laboratoire par Ellis et al. (1968) utilisant des sables plutôt uniformes indiquent des valeurs ε comprises entre 0,98 et 1,18. Les valeurs de ε pour sables non uniformes et d’autres matériaux n’existent pas actuellement. Dans les études sur les traceurs des eaux souterraines et la contamination des eaux souterraines, l’hypothèse presque uniformément non fondée est que ε = 1. Pour les milieux granulaires, cela introduit probablement peu d’erreur. Dans les milieux fracturés, l’hypothèse peut avoir moins de validité.
Limites supérieures et inférieures de la loi de Darcy
Même si nous nous limitons à la prise en compte d’un débit spécifique à l’échelle macroscopique à travers le continuum darcien, il peut y avoir des limites à l’applicabilité de la loi de Darcy. La loi de Darcy est une loi linéaire. Si elle était universellement valide, un graphe du débit spécifique v en fonction du gradient hydraulique dh/dl révélerait une relation linéaire pour tous les gradients entre 0 et . Pour l’écoulement à travers des matériaux granulaires, il y a au moins deux situations où la validité de cette relation linéaire est remise en question. La première concerne les sédiments à faible perméabilité sous des gradients très faibles et la seconde concerne les écoulements très étendus à travers des sédiments à très haute perméabilité. En d’autres termes, il peut y avoir à la fois une limite inférieure et une limite supérieure à la plage de validité de la loi de Darcy. Il a été suggéré qu’une forme plus générale de la loi d’écoulement des milieux poreux pourrait être
(2.84)
Si m = 1, comme dans toutes les situations communes, la loi d’écoulement est linéaire et s’appelle la loi de Darcy; si m ≠ 1, la loi d’écoulement n’est pas linéaire et ne devrait pas être appelée loi de Darcy.
Pour les sédiments à grains fins et les matériaux de faible perméabilité, il a été suggéré par des preuves de laboratoire, qu’il peut y avoir un gradient hydraulique seuil en dessous duquel le flux n’a pas lieu. Swartzendruber (1962) et Bolt et Groenevelt (1969) examinent les preuves et résument les diverses hypothèses qui ont été avancées pour expliquer le phénomène. Pour le moment, il n’y a pas d’accord sur le mécanisme, et les preuves expérimentales sont encore sujettes à des doutes. En tout cas, le phénomène n’a que très peu d’importance pratique : aux gradients étant considérés comme des gradients de seuil possibles, les débits seront extrêmement faibles dans tous les cas.
La limite supérieure de la validité de la loi de Darcy est peut-être d’une plus grande importance pratique. Il a été reconnu et accepté pendant de nombreuses années (Rose, 1945, Hubbert, 1956) qu’à des débits très élevés, la loi de Darcy s’effondre. Todd (1959) et Bear (1972) ont examiné en détail les données probantes. La limite supérieure est habituellement identifiée à l’aide du nombre de Reynolds Re, un nombre sans dimension qui exprime le rapport des forces inertielles aux forces visqueuses pendant l’écoulement. Il est largement utilisé en mécanique des fluides pour faire la distinction entre un écoulement laminaire à faible vitesse et un écoulement turbulent à haute vitesse. Le nombre de Reynolds pour l’écoulement à travers les milieux poreux est défini comme étant
(2.85)
où ρ et μ sont la densité et la viscosité du fluide ; v est le débit spécifique ; et d, une dimension représentative de la longueur pour le milieu poreux, pris soit comme une dimension moyenne des pores, soit un diamètre moyen des grains, ou une fonction de la racine carrée de la perméabilité k. Bear (1972) résume les preuves expérimentales en affirmant que « la loi de Darcy est valide tant que le nombre de Reynolds basé sur le diamètre moyen des grains ne dépasse pas une valeur comprise entre 1 et 10 » (page 126). Pour cette gamme de nombre de Reynolds, tout écoulement à travers les milieux granulaires est laminaire.
Les débits qui dépassent la limite supérieure de la loi de Darcy sont communs dans des formations rocheuses aussi importantes que les calcaires karstiques et les dolomies, et les roches volcaniques caverneuses. Les débits darciens ne sont presque jamais dépassés dans les roches non-indurées et les matériaux granulaires. Les roches fracturées (et nous utiliserons ce terme pour désigner les roches rendues plus perméables par les joints, les failles, les fissures ou les séparations de toute origine génétique) constituent un cas particulier qui mérite un peu plus de discussion.
Débit dans les roches fracturées
L’analyse de l’écoulement dans les roches fracturées peut être réalisée soit par l’approche du continuum qui a été suivie jusqu’à ici dans ce texte, soit par une approche non continuum basée sur l’hydraulique du flux dans les fractures individuelles. Comme pour les milieux poreux granulaires, l’approche du continuum implique le remplacement du milieu fracturé par un continuum représentatif dans lequel des valeurs spatialement définies de conductivité hydraulique, de porosité et de compressibilité peuvent être attribuées. Cette approche est valable aussi longtemps que l’espacement de la fracture est suffisamment dense pour que le milieu fracturé agisse de manière hydraulique similaire aux milieux poreux granulaires. La conceptualisation est la même, bien que le volume élémentaire représentatif soit considérablement plus grand pour les milieux fracturés que pour les milieux granulaires. Si les distributions de fractures dans une direction particuliaire sont irrégulières, les milieux présenteront une tendance hétérogène. Si les distributions de fractures sont différentes dans une direction de ce qu’elles sont dans une autre, le support présentera une anisotropie. Snow (1968, 1969) a montré que de nombreux problèmes de fracture-écoulement peuvent être résolus en utilisant des techniques standard de milieux poreux utilisant la loi de Darcy et un tenseur de conductivité anisotrope.
Si la densité de fractures est extrêmement faible, il peut être nécessaire de faire l’analyse pour des fissures individuelles. Cette approche a été utilisée dans des applications géotechniques où les analyses de mécanique des roches indiquent que les pressions de fluide qui s’accumulent dans les fractures critiques individuelles peuvent causer des pentes ou des ouvertures dans la roche. Les méthodes d’analyse sont basées sur les principes habituels de mécanique des fluides incorporés dans les équations de Navier-Stokes. Ces méthodes ne seront pas discutées ici. Wittke (1973) en fournit une revue introductive.
Même si nous nous limitons à l’approche du continuum, il existe deux autres problèmes qui doivent être abordés dans l’analyse de l’écoulement à travers la roche fracturée. Le premier est la question de l’écoulement non-darcien dans les fractures de roche de large ouverture. Sharp et Maini (1972) présentent des données de laboratoire qui supportent une loi d’écoulement non linéaire pour des roches fracturées. Wittke (1973) suggère que des lois d’écoulement séparées soient spécifiées pour la gamme linéaire-laminaire (gamme de Darcy), une gamme laminaire non linéaire, et une gamme turbulente. La Figure 2.28 place ces concepts dans le contexte d’une courbe schématique de la décharge spécifique par rapport au gradient hydraulique. Dans les fractures de roches larges, les débits spécifiques et les nombres de Reynolds sont élevés, les gradients hydrauliques sont généralement inférieurs à 1, et l’exposant m dans l’équation (2.84) est supérieur à 1. Ces conditions conduisent à une déviation vers le bas dans la courbe de la Figure 2.28.
Le deuxième problème concerne l’interaction du champ de contrainte tridimensionnel et du champ d’écoulement fluide tridimensionnel dans la roche. L’exigence théorique générale pour le couplage de ces deux domaines a été brièvement discutée dans la Section 2.11, et il a été fait référence aux études classique de Biot (1941, 1955) pour l’écoulement à travers les milieux poreux. Pour les roches fracturées cependant, il y a une complication supplémentaire. Parce que la porosité de la roche fracturée est si faible, les dilatations et les contractions des ouvertures de fracture qui se produisent sous l’influence des changements de contrainte affectent les valeurs de la conductivité hydraulique, K. L’interaction entre la pression du fluide p(x, y, z, t), ou la charge hydraulique h(x, y, z, t), et la contrainte effective σe(x, y, z, t) est donc compliquée par le fait que K doit être représentée par une fonction, K(σe). L’analyse de ces systèmes, et la détermination expérimentale de la nature de la fonction K(σe), est un sujet de recherche continu dans les domaines de la mécanique des roches et de l’hydrologie des eaux souterraines.
De nombreux chercheurs impliqués dans l’application de la théorie des eaux souterraines dans la mécanique des roches ont proposé des formules qui relient la perméabilité de fissures nf et la conductivité hydraulique K des roches articulées à la géométrie des joints. Snow (1968) note que pour un ensemble parallèle de joints planaires d’ouverture, b, avec N joints par unité de longueur à travers la paroi rocheuse, nf = Nb, et
(2.86)
(2.87)
où k est la perméabilité de la roche. N et b ont des dimensions 1/L et L, respectivement, pour que k ait comme dimension L2, comme il se doit. L’équation (2.86) est basée sur l’hydrodynamique de l’écoulement dans un ensemble d’articulations planaires. Il est dans la gamme linéaire-laminaire où la loi de Darcy est valide. Il doit être appliqué à un bloc de roche de taille suffisante pour que le bloc serve de continuum darcien. Une perméabilité k, calculée avec l’équation (2.87), peut être considérée comme la perméabilité d’un milieu poreux équivalent, celle qui agit hydrauliquement comme la roche fracturée.
Snow (1968) affirme qu’un système cubique de fractures semblables crée un système isotrope avec une porosité nf = 3Nb et une perméabilité deux fois plus élevée que la perméabilité de chacun de ses ensembles, c’est-à-dire k = Nb3/6. Snow (1969) fournit également des relations prédictives entre la porosité et le tenseur de perméabilité anisotrope pour les géométries de joints tridimensionnelles dans lesquelles les espacements ou les ouvertures de fracture diffèrent avec la direction. Sharp et Maini (1972) discutent plus en détail des propriétés hydrauliques de la roche articulée anisotrope.
2.13 Dispersion hydrodynamique
Il est de plus en plus courant dans l’étude des systèmes d’écoulement des eaux souterraines de voir le régime d’écoulement en fonction de sa capacité à transporter des substances dissoutes appelées solutés. Ces solutés peuvent être des constituants naturels, des traceurs artificiels ou des contaminants. Le processus par lequel les solutés sont transportés par le mouvement massif des eaux souterraines est connu sous le nom d‘advection. Grâce à l’advection, les solutés non réactifs sont portés à une vitesse moyenne égale à la vitesse linéaire moyenne de l’eau. Cependant, il y a une tendance pour le soluté à s’écarter du chemin qu’il devrait suivre en fonction des forces hydrauliques advectives du système d’écoulement. Ce phénomène d’étalement est appelé dispersion hydrodynamique. Il provoque la dilution du soluté. Cela se produit à cause du mélange mécanique pendant l’advection du fluide et à cause de la diffusion moléculaire due à l’énergie thermique-cinétique des particules de soluté. La diffusion, qui est un processus de dispersion d’importance uniquement à faible vitesse, est présentée dans la Section 3.4. Dans la présente discussion, l’accent est mis sur la dispersion qui est entièrement causée par le mouvement du fluide. Ceci est connu sous le nom de dispersion mécanique (ou dispersion hydraulique). La Figure 2.29 montre un exemple schématique des résultats de ce processus dispersif dans un milieu granulaire homogène.
La dispersion mécanique est plus facilement considérée comme un processus microscopique. À l’échelle microscopique, la dispersion est causée par trois mécanismes (Figure 2.30). La première se produit dans des canaux de pores individuels parce que les molécules se déplacent à des vitesses différentes en différents points à travers le canal en raison de la résistance exercée sur le fluide par la rugosité des parois des pores. Le second processus est causé par la différence de taille des pores le long des chemins d’écoulement suivies par les molécules d’eau. En raison des différences de surface et de rugosité par rapport au volume d’eau dans les canaux de pores individuels, les différents canaux de pores ont des vitesses de fluide différentes dans l’ensemble.
Le troisième processus de dispersion est lié à la tortuosité, la ramification et l’interférence des canaux de pores. L’étalement du soluté dans le sens de l’écoulement dans l’ensemble est connu sous le nom de dispersion longitudinale. La dispersion dans des directions perpendiculaires à l’écoulement est appelé dispersion transversale. La dispersion longitudinale est normalement beaucoup plus forte que la dispersion latérale.
La dispersion est un processus de mélange. Qualitativement, il a un effet similaire à la turbulence dans les régimes des eaux de surface. Pour les milieux poreux, les concepts de vitesse linéaire moyenne et de dispersion longitudinale sont étroitement liés. La dispersion longitudinale est le processus par lequel certaines des molécules d’eau et des molécules de soluté se déplacent plus rapidement que la vitesse linéaire moyenne et certaines se déplacent plus lentement. Le soluté s’étend donc dans le sens de l’écoulement et diminue dans la concentration.
Lorsqu’une expérience de traçage est mise en place en laboratoire, la seule dispersion mesurable est celle qui est observable à l’échelle macroscopique. On suppose que ce résultat macroscopique a été produit par les processus microscopiques décrits ci-dessus. Certains chercheurs pensent que les hétérogénéités à l’échelle macroscopique peuvent entraîner une dispersion supplémentaire à celle causée par les processus microscopiques. Le concept de dispersion macroscopique n’est pas encore bien compris. Les processus dispersifs sont présentés au Chapitre 9.
Lectures suggérées
BEAR, J. 1972. Dynamics of Fluids in Porous Media. American Elsevier, New York, pp. 15–24, 52–56, 85–90, 122–129, 136–148.
HUBBERT, M. K. 1940. The theory of groundwater motion. J. Geol., 48, pp. 785–822.
JACOB, C. E. 1940. On the flow of water in an elastic artesian aquifer. Trans. Amer. Geophys. Union, 2, pp. 574–586.
MAASLAND, M. 1957. Soil anisotropy and land drainage. Drainage of Agricultural Lands ed. J. N. Luthin. American Society of Agronomy, Madison, Wisc., pp. 216–246.
SKEMPTON, A. W. 1961. Effective stress in soils, concrete and rocks. Conference on Pore Pressures and Suction in Soils. Butterworth, London, pp. 4–16.
STALLMAN, R. W. 1964. Multiphase fluids in porous media-a review of theories pertinent to hydrologic studies. U.S. Geol. Surv. Prof Paper 411E.
VERRUIJT, A. 1969. Elastic storage of aquifers. Flow Through Porous Media, ed. R. J. M. De Wiest. Academic Press, New York, pp. 331–376.
Les problèmes
- Les notes de terrain suivantes ont été prises sur un nid de piézomètres installés côte à côte sur un même site :
Piezometer a b c Altitude de la surface au-dessus niveau marin 450 450 450 Profondeur du piézomètre (m) 150 100 50 Profondeur à l’eau (m) 27 47 36 Soient A, B et C les points de mesure des piézomètres a, b, et c. Calculer :
- La charge hydraulique en A, B et C (m).
- La charge hydraulique absolue (pression relative + pression atmosphérique) en A, B et C (m).
- La charge due à l’altitude en A, B et C (m).
- La pression de fluide en B (N/m2).
- La pression de fluide en (N/m2).
- Les gradients hydrauliques entre A, B et C. Pouvez-vous concevoir une situation hydrogéologique qui conduirait aux directions d’écoulement indiquées par ces données ?
- Dessinez des diagrammes de deux situations réalistes dans lesquelles trois piézomètres installés côte à côte, mais qui descendent à des profondeurs différentes, auraient la même altitude du niveau de l’eau.
- Trois piézomètres sont situés à 1000 m du fond dans le même aquifère horizontal. Le piézomètre A est situé au sud du piézomètre B et le piézomètre C est à l’est de la ligne AB. Les altitudes de la surface de A, B et C sont respectivement de 95, 110 et 135 m. La profondeur à la nappe est de 5 m en A, 30 m en B et 35 m en C. Déterminer la direction de l’écoulement des eaux souterraines à travers le triangle ABC et calculer le gradient hydraulique.
- Montrer que le potentiel fluide Φ est un terme d’énergie, en effectuant une analyse dimensionnelle sur l’équation Φ = gz + p/ρ. Faites-le pour deux systèmes d’unités : SI, puis FPS.
- Trois formations de 25 m d’épaisseur se recouvrent l’une l’autre. Si un champ d’écoulement vertical à vitesse constante est établi sur l’ensemble des formations soit h = 120 m en haut et h = 100 m en bas, calculer b aux deux limites internes. La conductivité hydraulique de la formation supérieure est de 0,0001 m/s, celle de la nappe moyenne est de 0,0005 m/s et celle de la couche du bas 0,0010 m/s.
- Une formation géologique a une perméabilité de 0,1 darcy (telle que déterminée par une compagnie pétrolière pour l’écoulement du pétrole). Quelle est la conductivité hydraulique de la formation pour l’écoulement de l’eau ? Donnez votre réponse en m/s et en gal/jour/pied2. Quel genre de roche serait-ce probablement ?
-
- Quatre formations géologiques isotropes horizontales, homogènes, de 5 m d’épaisseur, sont superposées. Si les conductivités hydrauliques sont respectivement 10-4, 10-6, 10-4, et 10-6 m/s, calculer les composantes horizontales et verticales de la conductivité hydraulique pour une formation anisotrope homogène équivalente.
- Faire de même pour des conductivités hydrauliques de 10-4, 10-10, 10-4 et 10-8 m/s, et pour des conductivités hydrauliques de 10-4, 10-10, 10-4 et 10-10 m/s. Mettre les résultats des trois ensembles de calculs dans un tableau associant les ordres de grandeur de l’hétérogénéité stratifiée à l’anisotropie équivalente résultante.
-
- A partir des définitions volumétriques de la porosité et du taux de vides, développer les relations données dans l’équation (2.40).
- La porosité est-elle toujours supérieure au taux de vides lorsque les deux sont mesurés sur le même échantillon de sol ?
- L’altitude de la surface du sol à un site de mesure de l’humidité du sol est de 300 cm. Le sol est un sable et ses propriétés non saturées sont représentées par les courbes de séchage de la Figure 2.13. Dessiner un ensemble quantitativement précis de profils verticaux de teneur en eau, de charge de pression et de charge hydraulique en fonction de la profondeur (comme à la Figure 2.12) pour une profondeur de 200 cm dans les conditions suivantes :
- La teneur en eau est de 20 % dans tout le profil.
- La charge de pression est de -50 cm dans tout le profil.
- La charge hydraulique est de 150 cm dans tout le profil (cas statique).
Pour les cas (a) et (b), calculer les gradients hydrauliques et les vitesses d’écoulement à travers le profil. Pour le cas (c), déterminer la profondeur de la nappe phréatique.
- Soit une surface potentiométrique avec une pente régionale de 7 m/km, calculer le taux naturel d’écoulement des eaux souterraines à travers un aquifère captif avec une transmissivité T = 0,002 m2/s.
- Montrer par une analyse dimensionnelle de l’équation S = ρgb (α + nβ) que le coefficient d’emmagasinement est sans dimension.
-
- Un aquifère horizontal est recouvert de 50 pieds d’argile saturée. Le poids spécifique (ou poids sec à l’unité) de l’argile est de 120 lb/pi3. Le poids spécifique de l’eau est de 62,4 lb/pied3. Calculer la contrainte totale agissant sur le dessus de l’aquifère.
- Si la charge de pression dans l’aquifère est de 100 pieds, calculer la contrainte effective dans l’aquifère.
- Si l’aquifère est pompé et que la charge hydraulique est réduite de 10 pieds, quels seront les changements qui en résulteront dans la charge de pression, la pression du fluide, la contrainte effective et la contrainte totale ?
- Si la compressibilité de l’aquifère est 10-6 pied2/lb et son épaisseur est de 25 pieds, quel compactage l’aquifère subira-t-il pendant la réduction de la charge dans la partie (c) ?
- Si la porosité est 0,30 et la conductivité hydraulique de l’aquifère 10 gal/jour/pied2, calculer la transmissivité et le coefficient d’emmagasinement de l’aquifère. La compressibilité de l’eau est 2,1 × 10-8 pied2/lb.
- Passez en revue les problèmes qui se posent dans la définition ou l’utilisation des termes classiques suivants pour l’eau souterraine : la surface potentiométrique, la perméabilité et la vitesse d’écoulement de l’eau souterraine.