L’eau souterraine joue un rôle important dans plusieurs processus géologiques. Par exemple, les pressions engendrées sur les failles par les fluides sont maintenant reconnues comme ayant un une influence significative sur le mouvement des failles et la génération de tremblements de terre. D’autre part, les systèmes d’écoulement de l’eau souterraine sont responsables du transfert de chaleur et de substances chimiques au sein des systèmes géologiques et, en conséquence, l’eau souterraine est importante dans les processus tels que le développement de systèmes géothermaux, la thermodynamique associée à la formation de roches plutoniques et la mise en place de minéralisations à valeur économique. En profondeur sous la surface, les systèmes d’écoulement de l’eau souterraine contrôlent la migration et l’accumulation du pétrole. Près de la surface, ils jouent un rôle dans les processus géologiques tels la formation de karst, le développement des pentes naturelles et l’érosion du lit des cours d’eau.
Dans ce chapitre, nous discuterons du rôle de l’eau souterraine dans les processus précités et certains autres. Le traitement est bref et la liste des sujets et références est loin d’être exhaustive. Plusieurs des développements rapportés sont récents. Les conséquences de l’écoulement de l’eau souterraine n’ont pas encore été évaluées de façon exhaustive dans la recherche concernant les processus géologiques.
11.1 L’eau Souterraine et la Géologie Structurale
L’un des développements récents les plus excitants en géologie concerne l’influence des pressions d’eau souterraine sur les failles et la possible implication que cela peut avoir pour la prédiction et le contrôle des tremblements de terre. Les concepts ont d’abord été mis de l’avant par Hubert et Rubey (1959) dans leur article classique portant sur le rôle de la pression du fluide sur la mécanique des processus associés aux failles de chevauchement.
La Théorie de Hubbert-Rubey sur les Failles de Chevauchement
Hubbert et Rubey abordaient un mystère géologique de longue date. Il était reconnu depuis le début des années 1800, sur la base d’évidences de terrain, que le charriage d’immenses blocs sur des distances considérables avait eu lieu le long de failles de chevauchement présentant des pendages extrêmement faibles. Plusieurs de ces failles de chevauchement ayant été cartographiées impliquaient des épaisseurs stratigraphiques de milliers de mètres et des distances de transport de dizaines de kilomètres. Le mécanisme responsable du mouvement demeurait toutefois inconnu. Plusieurs calculs avaient été réalisés pour invoquer l’effet des forces tectoniques horizontales ou du glissement gravitaire comme mécanismes responsables du déplacement, mais ces derniers s’avéraient irréalistes car ils nécessitaient de considérer des forces de friction trop faibles sur le plan de faille. Lorsque des coefficients de friction plus réalistes étaient utilisés, les analyses montraient que les forces horizontales requises pour engendrer le mouvement de faille engendreraient des contraintes excédant largement la résistance de toute roche connue.
Hubbert et Rubey ont résolu ce paradoxe mécanique en évoquant la théorie de rupture de Mohr-Coulomb, telle que développée dans la Section 10.1, dans sa formulation référant à la contrainte effective. Leur analyse fut la première à prendre en compte la pression des fluides sur les failles selon la profondeur. Ils ont utilisé la relation présentée à l’Éq. (10.8), mais comme il peut paraître raisonnable pour un plan de faille lisse, ils ont assumé une force de cohésion intrinsèque nulle et posé c’ = 0. Le critère de rupture devient alors
(11.1)
où Sτ est la force de cisaillement devant être excédée pour permettre le mouvement, σ est la contrainte normale au plan de faille, p est la pression du fluide et φ’ est l’angle de frottement interne pour l’interface roche-roche. Ils ont conclu que les grandes valeurs de p dans l’Éq. (11.1) permettraient de réduire la composante normale de la contrainte effective sur le plan de faille, réduisant ainsi la valeur critique de la contrainte de cisaillement requise pour engendrer le glissement. Ils ont montré que les forces de propulsion horizontales requises pour produire cette contrainte de cisaillement réduite n’excédaient pas la résistance des roches. Ils ont fait référence aux mesures réalisées dans les champs pétrolifères afin de supporter leur affirmation voulant que des pressions de fluides élevées soient communes à grande profondeur. Les développements les plus récents dans notre compréhension des systèmes d’écoulement régionaux (tels que présentés au Chapitre 6) montrent clairement que ces pressions élevées résultent naturellement des systèmes d’écoulement souterrains existant dans les environnements géologiques hétérogènes au sein des quelques premiers milliers de mètres de la croute terrestre.
La Figure 11.1 reproduit le diagramme du corps libre proposé par Hubbert et Rubey pour un bloc de faille de dimensions x1 par z1 étant poussé par l’arrière dans le sens de la pente d’un plan incliné de pente θ.
Le bloc est propulsé conjointement par la contrainte totale, σx + p, appliquée sur son côté amont et la composante de son poids parallèle à la pente. Une contrainte de cisaillement est engendrée à la base du bloc et au point d’initiation du cisaillement, τ = Sτ, où Sτ est la force de cisaillement sur le plan de faille tel que rapporté à l’Éq. (11.1). L’équilibre des forces agissant sur une section d’épaisseur unitaire dans l’axe perpendiculaire au diagramme est donné par :
(11.2)
où ρb est la masse volumique apparente de la roche. Hubbert et Rubey ont résolu l’Éq. (11.2) pour x1, soit la longueur maximale d’un bloc pouvant être déplacé par ce mécanisme. Pour réaliser un tel calcul, il est nécessaire de connaître les paramètres géométriques, θ et z1, les propriétés mécaniques, ψ’ et ρb, ainsi que la pression du fluide p, sur le plan de faille. Hubbert et Rubey ont exprimé ce dernier paramètre en termes du ratio λ = p/σz. Ils ont fourni une table présentant les valeurs calculées de x1 pour une tranche de roche de 6000 m d’épaisseur reposant sur un plan de faille avec des valeurs représentatives de ψ’ et ρb. Pour des valeurs de θ situées dans l’intervalle 0 – 10° et des valeurs de λ situées dans l’intervalle 0 – 0,95, la longueur maximale d’un bloc pouvant être déplacé varie de 21 à 320 km. Ces distances sont conséquentes avec les observations relatives aux distances de transport des nappes de charriage. Hubbert et Rubey ont donc conclu que la prise en compte des pressions de fluides dans l’eau souterraine à proximité des plans de failles éradique le paradoxe associé aux mécanismes de chevauchement des failles inverses.
Prédiction et Contrôle des Tremblements de Terre
Les tremblements de terre sont la manifestation physique du mouvement des blocs de faille. La théorie de Hubbert-Rubey s’avère donc pertinente à la compréhension de la genèse des tremblements de terre. Une confirmation dramatique de l’influence des pressions de fluides élevées sur la production de tremblements de terre fut mise en lumière de manière plutôt inattendue vers la fin des années 1960, en lien avec le maintenant très connu puits d’évacuation du dépôt d’élimination d’armes de Rocky Mountain Arsenal, près de Denver, au Colorado.
Durant la période allant d’avril 1962 à septembre 1965, les enregistrements recensent 710 tremblements de terre de faible envergure dans la région de Denver. Du point de vue sismique, il s’agissait d’un mystère car avant cette période, le seul tremblement de terre enregistré remontait à 1882. La solution à ce mystère a été fournie par Evans (1966) qui nota que le premier tremblement de terre avait eu lieu seulement un mois après la première injection de déchets liquides dans un puits d’évacuation du dépôt d’élimination d’armes Rocky Mountain Arsenal de l’armée américaine. Le forage du puits traversait des roches sédimentaires et se terminait à une profondeur de 3671 m, au sein de schistes et granites gneissiques fracturés du Précambrien. L’injection était réalisée à des débits de 12 – 25 /s à des pressions d’injection de 3–7 × 106 N/m2. Evans avait noté que la fréquence des tremblements de terre dans la période allant de 1962 à 1969 était corrélée de près avec le volume de déchets injectés (Figure 11.2). Des évaluations subséquentes ont montré que les épicentres de la quasi-totalité des secousses se trouvaient à l’intérieur d’une région circulaire de 16 km de diamètre centrée sur le Rocky Mountain Arsenal.
Chacun des tremblements de terre ayant eu lieu dans la zone de Denver reflétait probablement le mouvement d’une faille préexistante dans le secteur proximal au puits du Rocky Mountain Arsenal. Apparemment, l’augmentation des pressions de fluides engendrée par l’injection a eu pour effet de déclencher des mouvements de faille de faible envergure. Les observations réalisées par Evans ont donc fourni une confirmation convaincante de la validité des calculs théoriques de Hubbert et Rubey (1959). Après une étude exhaustive des observations, Healy et al., (1968) ont conclu que le mécanisme de Hubbert-Rubey fourni une explication complète et satisfaisante du déclenchement des tremblements de terre de Denver.
Si la pression des fluides peut favoriser le mouvement d’une faille, alors la réduction de la pression devrait pouvoir retarder le mouvement, et la possibilité du contrôle des tremblements de terre est évoquée. Les séismologues et hydrogéologues travaillent maintenant ensemble afin d’évaluer la possibilité d’une intervention humaine sur les processus associés aux failles. Le but ultime serait de considérer une faille telle celle de San Andreas en Californie, de la resserrer sur la majeure partie de sa longueur en dénoyant la zone de faille, et subséquemment d’engendrer des mouvements de faible envergure de façon contrôlée à des endroits précis en injectant de l’eau de façon ponctuelle dans la zone de faille. De cette façon, il pourrait s’avérer possible de se déplacer de façon séquentielle tout au long de la faille et d’atténuer les contraintes tectoniques s’y développant grâce à une série de mouvements de faille contrôlés et de faible envergure plutôt que d’attendre un tremblement de terre de vaste envergure et s’avérant catastrophique.
Les considérations éthiques et sociales qui résulteraient de la prise en compte sérieuse d’un tel plan, s’ajoutant aux importantes implications d’éventuelles défaillances techniques, auront certainement pour effet de retarder, voire même d’empêcher l’application de mesures de contrôle des tremblements de terre dans les régions densément peuplées. Néanmoins, des expériences de terrain de grande échelle ont déjà été réalisées au sein d’une région moins peuplée, dans un champ pétrolifère se trouvant près de Rangley, au Colorado. Le site de Rangley avait été choisi sur la base de l’activité sismique connue et ayant eu lieu lors des dernières phases de l’exploitation du réservoir de pétrole, lorsque l’injection de fluides était utilisée comme composante d’un programme de récupération secondaire utilisant l’approche « d’ennoiement ». Healy (1975) rapporte que le monitoring des tremblements de terre associés au champ pétrolifère a débuté en 1969 et s’est poursuivi jusqu’en 1974. La modification induite de pression du fluide dans la zone active a débuté en 1970 et s’est poursuivie jusqu’en décembre 1973. Dans la première phase de l’expérience, la pression était réduite dans la zone sismique, et l’activité sismique était grandement réduite, particulièrement dans une région se trouvant à moins d’un kilomètre du puits de contrôle. En novembre 1972, la pression a été augmentée et une nouvelle série de séisme a été initiée. En mars 1973, le pompage a été inversé, la pression du fluide dans la zone sismique a été réduite, et l’activité sismique a diminué. Après une période de 6 mois, aucun autre séisme n’a été observé à l’intérieur d’un rayon de 1 km du puits d’injection.
Dans le cadre de la même étude, Raleigh et al., (1972) ont mesuré en laboratoire les propriétés de friction des roches, sur des carottes prélevées au sein du champ pétrolifère. Ces données, complémentées par certaines mesures in situ des contraintes, ont permis un calcul indépendant des valeurs de pression de fluide auxquelles des séismes devraient se produire. Le seuil critique prédit était p = 2,57 × 107 N/m2. Les valeurs au sein de la zone sismique active du réservoir lors de la période de sismicité accrue étaient mesurées à 2,75 × 107 N/m2. Healey (1975) conclut que l’expérience de Rangley établit hors de tout doute l’importance de la pression du fluide comme paramètre critique dans le mécanisme de tremblement de terre.
Il a aussi été proposé qu’une mesure très précise de la pression au niveau des failles pourrait fournir les indices précurseurs de séismes imminents. Scholz et al. (1973) évaluent le modèle de dilatance de la prédiction des séismes et décrivent le rôle joué par l’interaction entre
le champ des contraintes et le champ de pression du fluide dans la période précédant de façon immédiate le déclenchement d’un mouvement de faille.
11.2 L’eau Souterraine et le Pétrole
Il est maintenant largement reconnu (Weeks, 1961; Hedberg, 1964; Levorsen, 1967) que l’origine du pétrole est associée à de la matière organique incorporée au sein de sédiments à texture fine au moment de leur dépôt. Toutefois, bien que les argiles et les shales riches en matière organique se retrouvent au sein des bassins sédimentaires du monde en abondance significative, tant en termes de surface que de volume, les accumulations de pétrole contemporaines se trouvent uniquement en concentrations localisées de volumes relativement faibles. De surcroît, ces dernières n’apparaissent pas dans les argiles et des shales, mais plutôt au sein de grès à texture grossière ou de roches carbonatées poreuses ou fracturées. Il est apparent que le pétrole doit subir une migration significative depuis ses points d’origine dispersés, jusqu’à sa position actuelle où il se trouve concentré et piégé. Durant cette migration, le pétrole représente une composante immiscible et probablement mineure de l’environnement souterrain saturé en eau. Il est donc raisonnable d’évaluer les processus de migration et d’accumulation du pétrole à la lumière de notre compréhension des systèmes régionaux d’écoulement de l’eau souterraine. Une telle évaluation implique des ramifications dans le domaine de l’exploration du pétrole.
Migration et Accumulation du Pétrole
La migration du pétrole est souvent présentée comme un processus en deux étapes. Le terme migration primaire réfère aux processus lors desquels l’eau et le pétrole sont expulsés des sédiments à grains fins d’origine vers les aquifères plus perméables d’un système sédimentaire. Le terme migration secondaire est réservé aux mouvements du pétrole et de l’eau au sein des systèmes d’aquifères jusqu’aux pièges stratigraphiques où des accumulations de pétrole et de gaz se forment.
La migration primaire peut être vue comme un résultat du processus de consolidation ayant lieu au sein de sédiments nouvellement déposés. Bredehoeft and Hanshaw (1968) ont montré que l’influence de la charge additionnelle résultant de l’accumulation des sédiments qui sont continuellement déposés au sommet d’une séquence sédimentaire au sein d’un environnement de dépôt suffit à engendrer une consolidation significative. Le mécanisme est identique à celui décrit en lien avec la subsidence dans la Section 8.12. Une fois de plus, notre compréhension du processus est associée à l’équation de la contrainte effective :
(11.3)
Dans ce cas, c’est le changement naturel et direct de la contrainte totale, σT, qui engendre le processus de consolidation, plutôt que le changement artificiel induit sur la pression du fluide p, comme c’était le cas où la subsidence est causée par le pompage excessif. Dans les deux cas, le résultat est une augmentation de la contrainte effective, σe, et une compaction des sédiments à grains fins étant très compressibles. Durant le processus de consolidation, l’eau est expulsée des sédiments à grains fins vers tout aquifère pouvant être présent dans le système. Si les conditions de température et de pression environnantes dans les sédiments soumis à la consolidation sont propices aux mécanismes de maturation transformant la matière organique en pétrole mobile, ce dernier est entraîné par l’eau vers les aquifères.
Il est reconnu depuis le début du siècle (voir Rich, 1912) que la migration secondaire du pétrole est engendrée par le mouvement de l’eau souterraine au sein des roches constituant le réservoir. C’est l’eau qui permet le transport des gouttelettes immiscibles de pétrole qui s’accumulent ultimement pour former des réservoirs. Tóth (1970) a noté que l’accumulation de pétrole requiert l’interaction favorable d’au moins trois mécanismes : (1) l’apport continu d’hydrocarbures, (2) la séparation et l’accumulation préférentielle des hydrocarbures dispersés dans l’eau qui les transportent et (3) une décharge continue de l’eau suite à l’enlèvement des hydrocarbures. Le premier et le troisième mécanisme requièrent un système d’écoulement adéquat. En ce qui a trait au second point, il est généralement assumé que la séparation du pétrole de l’eau souterraine s’effectue sous l’influence de changements de pression, de température ou de salinité. Ces changements peuvent entraîner la floculation des gouttelettes de pétrole vers des accumulations d’hydrocarbures discrètes et de taille plus grande jusqu’à ce que la continuité soit acquise en termes de phases et que les effets de flottabilité puissent intervenir. Puisque le pétrole et les gaz ont des densités inférieures à l’eau, ils deviennent concentrés dans les parties supérieures des aquifères où s’effectuent les écoulements. Les pièges à hydrocarbures se forment où des structures anticlinales ou des complexités stratigraphiques créent un piège pour le pétrole de faible densité. Levorsen (1967) fourni une revue des différentes conditions géologiques qui engendrent des pièges. Hubbert (1954) discute des mécanismes capillaires qui expliquent l’efficacité d’une interface de faible perméabilité comme barrière à la migration du pétrole, pour un système à deux phases hydrocarbure-eau. Dans la sous-section qui suit, les idées proposées par Hubbert en ce qui a trait à l’interaction entre le piégeage du pétrole et le champ des charges de pressions souterraines seront développées davantage.
Piégeage Hydrodynamique du Pétrole
Le mouvement d’hydrocarbure, de gaz et d’eau au sein d’un milieu poreux représente un exemple d’écoulement immiscible multi-phase. Tel que noté à la fin de la Section 2.6, l’analyse d’un tel système est extrêmement complexe. Il est nécessaire de considérer des équations de Darcy distinctes pour chacun des fluides s’écoulant simultanément dans le système. Il est aussi nécessaire de déterminer les perméabilités effectives du milieu poreux pour chacune des phases. Puisque la perméabilité du milieu est différente en fonction de chaque fluide, la magnitude des vitesses de Darcy sera différente pour chaque phase.
Hubbert (1954) a montré que non seulement les magnitudes des trois vecteurs de vélocité sont différentes, mais les directions le sont aussi. Pour expliquer ce point, considérons d’abord le diagramme illustré à la Figure 11.3 (a) pour un fluide à une phase. La direction du mouvement d’une masse unitaire de fluide au point P est perpendiculaire aux lignes de potentiel hydraulique.
La force agissant sur une masse unitaire dans la direction des mouvements est désignée par E. Tel que préalablement établi à l’Éq. (2.15), le potentiel hydraulique Φ est défini par :
(11.4)
où p est la pression du fluide et ρ est la masse volumique du fluide. Considérant que le potentiel est défini en termes d’énergie par unité de masse, le travail requis pour déplacer une unité de masse depuis le potentiel Φ + dΦ vers le potentiel Φ est simplement –dΦ. En se référant à la Figure 11.3 (a), il est également clair que le travail est égal à E ds. Ainsi, nous obtenons :
(11.5)
ou, en utilisant l’Éq. (11.4) :
(11.6)
où g est un vecteur de composantes (0, 0, –g) et ▽p est un vecteur de composantes (∂p/∂x, ∂p/∂y, ∂p/∂z). Le vecteur g agi verticalement vers le bas; le vecteur ▽p peut agir en toute direction, et en général il ne sera pas coïncidant avec g. La Figure 11.3 (a) représente une illustration graphique de l’Éq. (11.6).
Dans un système à trois phases, les densités des fluides ne sont pas égales. Nous avons ρw > ρo > ρg, où les indices réfèrent à l’eau (water), à l’hydrocarbure (oil) et au gaz, respectivement. Ce fait mène au diagramme de vecteur illustré à la Figure 11.3 (b). Ce diagramme fourni une explication graphique du manque de coïncidence des directions et magnitudes des forces Ew, Eo et Eg. Les gradients hydrauliques pour chacune des phases seront en direction de leurs forces incidentes respectives.
La manifestation pratique de ce phénomène est le piégeage hydrodynamique des hydrocarbures tel que proposé par Hubbert (1954). Dans la Figure 11.4, les équipotentielles pour l’hydrocarbure et l’eau sont illustrées de façon superposée pour un cas où il y a un mouvement de flottaison vers le haut pour l’hydrocarbure, au sein d’un aquifère dans lequel l’eau s’écoule de gauche à droite. Hubbert (1954) montre que la pente de l’interface incliné hydrocarbure-eau, dZ/dl, est fournie par :
(11.7)
L’interface sera horizontale seulement s’il n’y a pas de gradient hydraulique. Pour qu’une structure ou un monoclinal puisse retenir l’hydrocarbure, le pendage de la frontière de perméabilité dans la direction du mouvement du fluide doit être plus grand que l’inclinaison de l’interface hydrocarbure-eau. Autrement, l’hydrocarbure pourrait s’écouler avec l’eau, dans le sens du pendage. Dans les secteurs où les gradients hydrauliques génèrent des écoulements relativement rapides de l’eau souterraine, des pièges avec des pendages de fermeture plus abrupts sont requis pour retenir les hydrocarbures en comparaison aux secteurs ayant de faibles gradients hydrauliques et des écoulements d’eau souterraine plus lents. En opposition, dans les secteurs où les pendages sont relativement uniformes, les parties du bassin avec des gradients hydrauliques faibles produisent plus de sites pour le piégeage d’hydrocarbures par rapport aux zones plus actives du point de vue hydrodynamique.
Les Systèmes d’Écoulement Régionaux et les Accumulations de Pétrole
Sur la base des deux sous-sections qui précèdent, il devrait être clair qu’il existe deux ensembles de conditions qui causent le piégeage du pétrole. Le premier est l’ensemble des conditions géologiques qui contrôlent la distribution des pièges structuraux et stratigraphiques et le second est l’ensemble des conditions d’écoulement de l’eau souterraine contrôlant les aspects hydrodynamiques du piégeage. En considérant ces dernières propriétés, Tóth (1970) a souligné que les accumulations de pétrole devraient être renforcées par (1) des systèmes longs qui incluent un volume suffisant de roches mères possibles, (2) des zones hydrauliques statiques ou quasi-statiques où le piégeage hydrodynamique peut être considéré plus efficace, (3) un mouvement ascendant de l’eau souterraine pour lequel un enlèvement continu de l’eau des pièges est assuré. Dans le bassin sédimentaire de l’ouest canadien, où plusieurs champs pétroliers sont connus, Hitchon (1969a, 1969b) et van Everdingen (1968b) ont montré, sur la base d’évidences hydrauliques et géochimiques, que de grands systèmes d’écoulement s’étendant depuis les rocheuses jusqu’au Bouclier Canadien existent dans les portions plus profondes du bassin. Tóth (1970) a trouvé une confirmation statistique de ses propres hypothèses dans plusieurs secteurs de l’Alberta. Dans ces secteurs, ses résultats indiquent que la probabilité relative que des hydrocarbures soient associés à chacune des conditions est la suivante : composantes ascendants, 78 %; zones quasi-statiques, 72 %, vastes systèmes régionaux, 72 %.
Hitchon et Hays (1971) ont appliqué une approche similaire dans le bassin de Surat, en Australie. Ils ont trouvé que les observations d’hydrocarbures sont concentrées dans une des zones de décharge du bassin. Elles ne sont toutefois pas limitées à cette zone, et il existe de nombreuses portions de cette zone qui n’ont pas encore donné de pétrole. Les accumulations s’observent à des endroits où l’eau souterraine défini un mouvement ascendant, mais pas aux points où les gradients sont particulièrement faibles.
Un fait de base devant être considéré (van Everdingen, 1968b) lorsque l’on considère l’influence de systèmes de circulation majeurs sur l’accumulation de pétrole est certainement que les distributions actuelles des potentiels hydrauliques possèdent une origine géologique récente. Par exemple, la topographie actuelle dans l’ouest canadien a probablement émergé vers la fin du Tertiaire. Avant le Tertiaire, les distributions de potentiel devaient être différentes, ne serait-ce qu’en raison de l’absence des zones de recharge en haut relief engendrées par les Montagnes Rocheuses. Il peut s’avérer nécessaire de déchiffrer les régimes paléo-hydrogéologiques afin de comprendre pleinement les interactions entre l’écoulement de l’eau souterraine et les accumulations de pétrole.
Implications pour l’Exploration du Pétrole
À ce jour, les résultats de Tóth (1970) et Hitchon et Hays (1971) sont probablement représentatifs du succès dans l’établissement de relations entre les systèmes d’écoulement de l’eau souterraine actuels et l’accumulation du pétrole. Les relations sont décrites mais loin d’être universelles. Ce qui devrait être clair de la présente discussion, néanmoins, est que la recherche d’hydrocarbure et la compréhension du système d’écoulement souterrain tridimensionnel existant et de sa genèse revêt une importance comparable à la connaissance de la stratigraphie et de la structure d’un bassin sédimentaire. Hubert (1954) note que si les conditions hydrodynamiques prévalent, tel est presque toujours le cas, il est important que leur nature soit évaluée en détail, formation par formation pour le bassin en entier afin que la position des pièges soit mieux évaluée et que des accumulations cachées de pétrole ne soient pas négligées.
Hitchon (1970) établit de surcroît que les interprétations issues de l’exploration géochimique pour le pétrole devraient prendre en compte le système régional d’écoulement de l’eau souterraine. Il note également que bien que la prospection en surface d’hydrocarbure se soit avérée quelque peu équivoque, le manque de succès pourrait ne pas dépendre d’un quelconque manquement dans la séquence logique des événements entre l’observation d’un indicateur au sein du champ pétrolifère et sa manifestation à la surface, mais plutôt de l’absence usuelle d’une évaluation prudente des chemins d’écoulement souterrains par lesquels les hydrocarbures peuvent être transportés à la surface.
11.3 L’eau Souterraine et les Processus Thermiques
À l’échelle globale, le régime thermique de la terre implique le flux de chaleur depuis les couches plus profondes de la planète, vers sa surface. Le gradient géothermique, qui fournit les preuves de ce régime de flux de chaleur, a été largement mesuré par les géophysiciens impliqués dans les études portant sur les flux de chaleur terrestres. En moyenne, la température s’accroît d’approximativement 1 °C pour chaque 40 m de profondeur. Toutefois, ce gradient est loin d’être uniforme. Dans la tranche correspondant approximativement aux 10 m supérieurs, les variations diurnes et saisonnières de la température de l’air créent une zone transitoire du point de vue thermique. Sous cette zone, les effets de la température de l’air sont rapidement atténués, mais des gradients géothermiques peuvent se développer par au moins trois autres manières : (1) comme résultat de variations dans la conductivité thermique entre les formations, (2) comme réponse à des sources volcaniques ou intrusives de production de chaleur géologiquement récentes et (3) en raison de la redistribution spatiale de la chaleur par l’écoulement de l’eau souterraine. Dans cette section, nous examinerons ce troisième mécanisme en lien avec l’écoulement naturel de l’eau souterraine, les systèmes géothermaux et les régimes thermiques accompagnant la mise en place de plutons.
Avant d’évaluer ces cas spécifiques, quelques commentaires généraux sont nécessaires. Le flux de chaleur simultané à l’écoulement de l’eau représente un processus couplé du type de celui introduit à la Section 2.2. L’écoulement de l’eau souterraine est contrôlé par le patron des gradients hydrauliques, mais il peut aussi y avoir un écoulement additionnel induit par la présence d’un gradient thermique [tel qu’indiqué par l’Éq. (2.22)]. La chaleur est transportée au sein du système par conduction et par convection. Le transport par conduction a lieu même au sein de l’eau souterraine en condition statique. Il est contrôlé par la conductivité thermique des formations géologiques et de l’eau porale contenue. Le transport convectif a lieu seulement au sein de l’eau souterraine en mouvement. Il s’agit de la chaleur transportée par l’eau souterraine s’écoulant. Dans la plupart des systèmes, le transport convectif prévaut sur le transport par conduction.
Il est commun de distinguer deux principaux types de transport de chaleur par convection. Sous des conditions de convection forcée, les flux intrants et extrants de fluides sont présents et le mouvement du fluide est causé par les forces hydrauliques agissant sur les frontières du système. Sous des conditions de convection libre, le fluide ne peut entrer ou sortir du système. Le mouvement du fluide est causé par des variations de masse volumique causées par des gradients de température. Dans l’analyse de la convection forcée, les gradients de masse volumique sont ignorés et les effets de flottabilité sont considérés négligeables; dans la convection libre, le mouvement du fluide est contrôlé par les effets de flottabilité. Le transport de chaleur par les systèmes d’écoulement de l’eau souterraine est un exemple de convection forcée. Les systèmes géothermaux au sein desquels des changements de phase eau-vapeur ont lieu sont généralement analysés comme des systèmes à convection libre. Plusieurs systèmes géothermaux incluent une combinaison des deux phénomènes. On réfère à de telles conditions par l’expression convection-mixte.
Régimes Thermiques des Systèmes Naturels d’Écoulement de l’Eau Souterraine
Considérons une coupe bidimensionnelle verticale au sein d’un système géologique étant homogène et isotrope du point de vue thermique et hydraulique. Évaluons d’abord un cas, comme celui illustré à la Figure 11.5 (a), au sein duquel l’eau souterraine est en condition statique. Les charges hydrauliques au sein d’un tel système seront égales à z0, l’élévation de la nappe d’eau souterraine horizontale constituant la limite supérieure du système. La figure 11.5 (b) illustre le problème de valeur limite qui représenterait le régime permanent de flux de chaleur pour un tel cas. La température, TS, à la surface supérieure correspond à la température moyenne annuelle de l’air. Les limites verticales sont considérées comme étant des isolants thermiques. Le gradient de température vertical dT/dz, à la base du système, est égal au gradient géothermique, G. Les isothermes résultants sont horizontaux. Les températures de l’eau souterraine dans les 100 m supérieurs du régime devraient être 1 – 2 °C supérieures à la température moyenne annuelle de l’air, en accord avec le gradient géothermique uniforme.
Les Figures 11.5 (c) et (d) sont des généralisations des résultats de Pearsons (1970) et Domenico et Palciauskas (1973), ayant chacun étudié l’influence des systèmes régionaux d’écoulement de l’eau souterraine sur les distributions de températures. Domenico et Palciauskas ont utilisé des solutions analytiques au problème couplé de valeurs limites; Pearsons a utilisé des solutions numériques et fourni des preuves supportant ses constats. La Figure 11.5 (c) représente le système d’écoulement simple introduit dans le Chapitre 6. La Figure 11.5 (d) illustre comment le régime thermique est altéré par le transport convectif de chaleur. Le gradient géothermique est plus marqué dans les zones de décharge que dans les zones de recharge. Il croît avec la profondeur dans les zones de recharge et décroît avec la profondeur dans les zones de décharge. Domenico et Palciauskas (1973) montrent que les effets sont plus marqués dans les régions d’écoulement pour lesquelles la profondeur du bassin est du même ordre de grandeur que son étendue latérale, et moins marqués dans les systèmes d’écoulement peu profonds de vaste étendue latérale. Pearsons (1970) montre que les effets sont plus importants dans les dépôts à perméabilité élevée, où les vitesses d’écoulement de l’eau souterraine sont plus grandes, en comparaison aux dépôts de faible perméabilité, où les vitesses sont faibles.
Cartwright (1968, 1974) a décrit les méthodes pour lesquelles les températures des sols et de l’eau souterraine peu profonde peuvent être utilisées sur le terrain afin de distinguer les zones de recharge et de décharge et de faire la prospection d’aquifères peu profonds. Schneider (1962) a montré que des anomalies thermiques souterraines locales peuvent être utilisées pour détecter l’infiltration depuis des sources d’eau en surface.
Stallman (1963), dans sa présentation des équations d’écoulement pour la simulation du flux de chaleur et de l’écoulement de l’eau souterraine, a suggéré que la mesure de profils verticaux de la température de l’eau souterraine pourrait offrir une méthode utile pour l’estimation de la vitesse d’écoulement de l’eau souterraine. Bredehoeft et Papadopoulos (1965) fournissent une solution aux équations de Stallman pour un transport d’eau et de chaleur unidimensionnel, vertical et en régime permanent. Ils fournissent un ensemble de courbes de référence pour lesquelles des vitesses d’écoulement de l’eau souterraine peuvent être calculées à partir de données de température. Si des mesures de charge hydraulique sont aussi disponibles, leur méthode peut être utilisée pour calculer les conductivités hydrauliques verticales.
Systèmes Géothermaux
Au cours des dernières années, il y a eu un intérêt considérable pour le développement de méthodes de production d’énergie géothermique, et cet intérêt a mené à un accroissement de la recherche associée aux systèmes géothermaux. Elder (1965) et White (1973) fournissent d’excellents récapitulatifs des caractéristiques des régions hydrothermales et des processus physiques leur étant associés. Witherspoon et al. (1975) passent en revue les différents modèles mathématiques ayant été proposés pour simuler les systèmes géothermaux.
L’énergie géothermique est captée en récupérant la chaleur d’eaux chaudes pompées à la surface grâce à des puits. Les réservoirs géothermiques d’intérêt pratique doivent avoir des températures excédant 180 °C, un volume de réservoir adéquat et une perméabilité de réservoir suffisante pour assurer l’apport constant de fluides et à des débits adéquats vers des puits. Plus le réservoir géothermique est superficiel, plus son exploitation économique est faisable. Pour cette raison, un intérêt marqué a été centré sur la compréhension des mécanismes pouvant engendrer des fluides de haute-température à de faibles profondeurs. Il est maintenant clair que cette situation est généralement engendrée par des systèmes de convection hydrothermaux au sein desquels la majeure partie de la chaleur est transportée par les fluides y circulant. Deux mécanismes peuvent être envisagés. Le premier est le système à convection forcée proposé par White (1973) et illustré à la Figure 11.6(a), pour lequel un système d’écoulement local est rechargé et déchargé verticalement par des zones de fractures à perméabilité élevée et chauffé en profondeur lors de la résidence au sein de strates plus perméables. Cette configuration peut engendrer des geysers et des sources thermales à la surface, dans la zone de décharge. Donaldson (1970) a décrit un modèle quantitatif simple pour la simulation des systèmes de ce type.
Le second mécanisme est celui de la convection libre au sein d’un aquifère à nappe captive profond. Tel que montré à la Figure 11.6 (b), un système au sein duquel les limites supérieures et inférieures sont imperméables à l’écoulement du fluide mais perméable au flux de chaleur va engendrer l’établissement de cellules de convection de fluide qui bouleversent le gradient géothermique uniforme dans l’aquifère et créent une alternance de points chauds et de points froids le long de la limite supérieure. Ce type de transport convectif a été connu en mécanique des fluides pure depuis le début du siècle. Son importance pour les processus géothermiques a été portée à l’attention des géophysiciens par Donaldson (1962).
Indépendamment des mécanismes qui amènent des fluides chauds à de faibles profondeurs, les systèmes géothermaux peuvent être classés (White, 1973) en systèmes à eau-chaude et en systèmes à vapeur-prédominante. Dans le type à eau-chaude, l’eau est la phase continue au sein du système et elle procure ainsi le contrôle de la pression. Dans le type à vapeur-prédominante, la vapeur est la phase continue contrôlant la pression, bien qu’il soit généralement reconnu que l’eau liquide est habituellement aussi présente. Puisque quelques systèmes géothermaux produisent de la vapeur surchauffée sans liquide associé, les systèmes à vapeur-prédominante sont parfois appelés des systèmes à vapeur-sèche. La thermodynamique des systèmes géothermaux vapeur-eau en convection libre et forcée est un sujet avancé d’intérêt courant pour les chercheurs en hydrogéologie.
Parce que la configuration des caractéristiques nécessaires pour créer un champ géothermique exploitable s’observe seulement rarement, la ressource ne semble pas offrir une forme de panacée pour les problèmes d’énergie de l’humanité. White (1973) dresse un sommaire de la capacité de génération d’énergie géothermique de la planète pour les conditions prévalant en 1972.
Dans les secteurs où les ressources géothermiques sont économiquement significatives, il y a beaucoup de recherche en développement dans l’application de modèles pour simuler les systèmes de flux de chaleur / écoulement du fluide. Mercer et al. (1975), par exemple, ont développé un modèle en éléments finis à une phase, bidimensionnel et horizontal pour l’aquifère d’eau chaude du système géothermal de Wairakei en Nouvelle-Zélande. L’espoir futur est que des modèles de ce type seront en mesure d’augmenter l’efficacité de l’exploitation de chaleur géothermique en aidant au design optimal de l’espacement des puits et des débits de pompage d’une manière similaire à celle des modèles conventionnels d’aquifère discutés au Chapitre 8. Toutefois, il n’est pas clair si le grand investissement et la difficulté technique d’obtenir les données nécessaires à de grandes profondeurs au sein de systèmes chauds peuvent être surmontés. Jusqu’à ce que son applicabilité soit confirmée en conditions réelles, la modélisation géothermique demeure un outil potentiellement puissant mais encore non prouvé.
Mise en Place de Pluton
Norton et Knight (1977) ont étudié un système d’écoulement de fluide et de flux de chaleur d’une importance géologique considérable. Ils ont utilisé un modèle numérique mathématique afin de simuler le régime thermique suite à la mise en place du pluton, en profondeur sous la surface. La Figure 11.7 montre le problème aux conditions limites qu’ils ont considéré. Le système est isolé par rapport aux flux de chaleur à sa base et conducteur sur ses trois autres côtés. Le système en est un de convection libre, en ce sens que la région est délimitée sur ses quatre côtés par des frontières imperméables à l’écoulement du fluide. Norton et Knight ont réalisé des simulations transitoires qui montrent, en fonction du temps, la croissance et la décroissance du régime thermique constituant une anomalie. Le côté droit de la Figure 11.7 montre le champ des températures 50 000 ans après la mise en place d’un pluton à 920 °C au sein d’une roche hôte avec un gradient géothermique initial de 20 °C/km.
Le domaine est symétrique par rapport à la ligne centrale. Le côté gauche montre l’une des deux cellules symétriques convectives de circulation du fluide au même instant. Dans la publication originale, les auteurs ont aussi montré certains exemples de lignes d’écoulement (Section 2.8) qui indiquent les chemins suivis par des particules d’eau individuelles lors de l’événement transitoire. Ils ont conclu que les eaux dans les systèmes plutoniques naturels s’éloignent de leurs points d’origine vers des positions se trouvant à plusieurs kilomètres plus loin en quelques centaines de milliers d’années. Une telle circulation de fluides à grande échelle est de grande importance pour la compréhension de la genèse des minéralisations hydrothermales qui sont souvent associées aux environnements plutoniques.
11.4 L’eau Souterraine et la géomorphologie
Karsts et grottes
Un paysage qui présente des irrégularités de surface résultant de la dissolution de la roche est connu comme un paysage karstique, d’après la région caractéristique de Karst, en Yougoslavie. Les paysages karstiques sont généralement formés sur du calcaire, et dans une moindre mesure sur de la dolomie, mais peuvent aussi se développer dans des secteurs de gypse ou de sel de gemme. La discussion qui suit se concentrera sur les processus dans les roches carbonatées.
Les irrégularités de la surface dans les régions karstiques sont causées par l’enlèvement de masses de roche par la dissolution de la calcite ou de la dolomite. Les régions karstiques présentent normalement des grottes résultant de la dissolution le long des joints, des laminages ou d’autres ouvertures. Dans les régions karstiques majeures, des milliers de kilomètres de grottes existent, se développant par endroit jusqu’à des profondeurs excédant 1 km. Dans certaines régions du monde, des réseaux de grottes existent dans des secteurs où la nature karstique originale du paysage a été oblitérée par des processus géomorphologiques plus récents tels les processus glaciaires ou alluviaux.
Thraikill (1968) stipule que l’investigation de grottes calcaires par différents géologues ont mené à trois généralisations en ce qui a trait à l’origines des grottes : (1) la plupart des grottes calcaires résultent de la dissolution par des eaux météoriques froides, (2) la plupart de ces grottes de dissolution ont été creusées alors que la roche était complètement remplie d’eau et (3) quelques-unes de ces grottes sous-jacentes à la nappe d’eau souterraine présentent des surfaces horizontales ou des passages de distribution horizontaux n’étant pas associés au litage ou à d’autres structures de la roche encaissante.
Il est évident que le calcaire, au moment de l’initiation du processus de formation de la grotte, doit présenter de quelconques joints ouverts ou des litages, ou possiblement des pores bien interconnectés. Des innombrables joints et plans de litage des régions karstiques, seulement quelques-uns s’élargissent pour former des cavernes. Une combinaison de facteurs cause la pénétration d’eau sous-saturée par rapport à la calcite dans un nombre limité d’ouvertures. Il en résulte un élargissement préférentiel de ces ouvertures. Cela engendre de surcroît plus d’écoulement au sein des chenaux élargis, et le développement des cavernes procède à travers une amalgamation de ces chenaux.
La Figure 11.8 montre l’exemple d’une grotte horizontale qui recoupe des joints et des plans de litage. Il est considéré que de telles grottes se sont formées dans des zones à faible profondeur sous la nappe d’eau souterraine.
Cette situation est intuitivement raisonnable si l’on considère le fait que l’élargissement des cavernes ou des chenaux doit être accompli par l’écoulement d’eau souterraine sous-saturée par rapport à la calcite. Comme l’eau s’écoule dans la roche, elle approchera la saturation et auras ainsi moins la capacité d’élargir le passage pour l’écoulement.
Le problème le plus difficile dans la compréhension de l’origine des grottes est d’expliquer comment de l’eau sous-saturée par rapport à la calcite pour se retrouver à des distances considérables par rapport à la surface du sol. Tel qu’indiqué au Chapitre 7, il est bien connu, sur la base d’expériences de laboratoire, que l’eau au contact de calcaire atteint rapidement la saturation par rapport aux débits naturels au sein des karsts. Les expériences de Howard et Howard (1967) sont particulièrement illustratives de ce processus. Thraikill (1968) a conclu que l’absorption de CO2 dans le sol n’est que faiblement liée à la formation des grottes sous la nappe d’eau souterraine. Des observations de la composition chimique de l’eau s’écoulant vers le bas au sein d’ouvertures secondaires, au-dessus de la nappe d’eau souterraine, indiquent que cette eau est généralement saturée ou sursaturée par rapport à la calcite, souvent en réponse à la dissolution de la calcite et au dégazage du CO2. Si ce type d’eau se trouvant en sous-surface n’est pas agressif par rapport à la dissolution de la roche, nous faisons face à un dilemme en ce qui a trait à l’élargissement des chenaux sous la nappe d’eau souterraine. Les mécanismes suivants ont été proposés en ce qui a trait à la production d’eau sous-saturée à faible profondeur sous la nappe d’eau souterraine : (1) des changements dans la température de l’eau souterraine, (2) le mélange d’eaux différentes, (3) des inondations dans les cours d’eau ou la fonte des neiges causant la recharge intense et imposante d’eau sous-saturée et (4) la production d’acide le long du chemin d’écoulement.
Il peut être montré, sur la base d’un raisonnement géochimique, que lorsque certains types d’eaux saturées par rapport à la calcite se mélangent, l’eau de mélange résultante est légèrement sous-saturée, pour autant que les solutions d’origine soient différentes en termes de pressions partielles de CO2 (Wigley et Pummer, 1976) ou de températures (Thraikill, 1968). Puisque l’eau se trouvant à faible profondeur sous la nappe d’eau souterraine représente communément un mélange d’eaux issues de différentes zones d’infiltration ou de fractures, et puisque qu’une très faible sous-saturation est requise pour le creusage d’une grotte à l’échelle des temps géologiques, ce mécanisme est souvent cité dans les discussions relatives à la genèse des grottes. Il s’est néanmoins avéré difficile d’obtenir des données terrain permettant de le corroborer.
Thraikill (1968) indique que plusieurs des processus considérés comme importants dans le creusage des grottes vont s’opérer de la façon la plus efficace lors des crues. Il indique que la forme de certaines cavernes suggère que l’élargissement le plus actif était localisé entre une position de nappe d’eau souterraine élevée et basse.
Moore et Nicholas (1964) suggèrent que dans certains cas, l’oxydation de petites quantités de sulfures, particulièrement la pyrite, peut causer un abaissement du pH de l’eau souterraine et conséquemment créer l’élargissement d’une caverne par dissolution. L’oxygène dissous serait l’agent oxydant le plus actif. Si ce processus a lieu, on pourrait s’attendre à ce qu’il soit limité aux zones peu profondes, où l’oxygène dissous dans l’eau souterraine est plus abondant.
En résumé, les karsts et grottes représentent probablement l’évidence la plus flagrante de l’habilité que possède l’eau souterraine qui s’écoule d’altérer la forme de la surface et de la sous-surface de la terre. Il n’est pas nécessaire de posséder des connaissances particulières pour reconnaître que le calcaire est sculpté et creusé par de l’eau chimiquement agressive. Cependant, suite à une évaluation plus approfondie, il est clair qu’une compréhension plus complète de la genèse des cavernes offre amplement d’espace pour l’application de concepts hydrologiques et géochimiques impliquant des interactions complexes dans le temps et dans l’espace. Holland et al. (1964), Howard (1964a, 1964b), Thraikill (1968) et Ford et Cullingford (1976) fournissent des discussions plus exhaustives relatives aux processus d’élargissement des fractures et de formation des grottes.
Développement des pentes naturelles
Les processus qui engendrent le développement des pentes naturelles ont été décrits qualitativement et quantitativement de façon détaillée par Carson et Kirkby (1972). Ils notent que toute morphologie de pente peut être vue comme résultant d’un processus en deux étapes lors duquel du matériel doit d’abord être détaché du socle rocheux par l’altération chimique avant de pouvoir être déplacé vers le bas de la pente par une grande variété de processus de transport. Le régime hydrique saturé-non-saturé en flanc de pente est un élément important des deux étapes du processus.
L’altération du socle rocheux à la base d’un sol est en grande partie un processus chimique. Les principes et modèles conceptuels décrits dans les Chapitres 3 et 7 fournissent une base adéquate pour la compréhension des processus de dissolution des minéraux qui mènent à la formation des sols. Carson et Kirkby (1972) notent de surcroît que dans les régions humides, la dissolution chimique de matériel par l’eau souterraine et son transport en solution dans le sens de la pente peut représenter une forme majeure d’érosion de pente, et dans certains cas être du même ordre de grandeur que toutes les formes d’érosion mécanique combinées. Les charges dissoutes élevées de plusieurs rivières reflètent l’efficacité de l’altération chimique comme agent de transport. Carson et Kirkby (1972) fournissent une synthèse des données disponibles aux États-Unis en ce qui a trait à la charge dissoute des ruisseaux et établissent un lien avec la dénudation de surface résultant de la mise en solution. Pour un bassin versant du sud des États-Unis ayant un ruissellement annuel moyen de 20 cm, une concentration dissoute moyenne de 200 ppm dans le ruisseau représente un taux de dénudation de 0,003 cm/an.
Le transport mécanique de matériel dans le sens de la pente s’observe à la fois comme mouvements de masse ponctuels sous la forme de glissements de terrain, d’affaissements et de coulées de terre, et de transport de sédiments dans les eaux de ruissellement. L’influence de la distribution des charges de pression de l’eau porale créée par les systèmes d’écoulement en flanc de pente sur l’occurrence des instabilités de pente a été traitée à la Section 10.1. Les concepts et les mécanismes de rupture qui y sont décrits, dans un contexte géotechnique, sont également valables lorsqu’on examine le rôle des glissements de terrain à titre de processus responsable de l’évolution du relief. Nous n’allons pas répéter le développement ici; plutôt, en s’appuyant sur les travaux de Kirkby et Chorley (1967), nous allons évaluer les implications de différents mécanismes de génération du ruissellement, tels que décrits à la Section 6.5, sur les processus d’érosion associés à l’eau de surface.
L’analyse classique de l’érosion des pentes représente une conséquence directe des concepts de génération du ruissellement de Horton (1933). Le modèle de Horton présume l’occurrence très fréquente de ruissellement de surface. Puisque la profondeur et la vélocité du ruissellement de surface vont augmenter dans le sens de la pente, il devrait y avoir un quelconque point critique à partir duquel l’écoulement devient suffisant pour entraîner des particules du sol de la pente. Sous cette limite, des chenaux de ruisseaux se développeront en conséquence à cette érosion.
Kirkby et Chorley (1967) notent que le modèle de Horton est plus approprié sur les pentes dénudées des régions arides. Toutefois, sur les pentes végétalisées des régions humides, le transfert de la pluie vers le ruissellement par l’entremise d’écoulement de sous-surface ou par les mécanismes proposés par Dunne et Black (1970a, 1970b), pour lesquels le ruissellement de surface est restreint aux milieux humides proximaux aux chenaux, sont plus susceptibles d’être rencontrés. Sous ces conditions, l’érosion de surface causée par le ruissellement de surface sera restreinte aux zones de basses terres adjacentes aux cours d’eau. L’érosion amont des cours d’eau tributaires se fera par creusage (Section 10.2) aux points d’exfiltration des voies d’infiltration souterraines. La position de ces points d’exfiltration est contrôlée en grande partie par la distribution des conductivités hydrauliques. De cette façon indirecte, la stratigraphie de sous-surface exerce une forte influence sur la densité et la distribution du patron de drainage qui se développe dans un tel bassin versant. En résumé, les positions relatives des milieux humides saturés, des différentes aires de recharge et des points d’exfiltration qui contrôlent la nature des processus d’érosion sur une pente dans un climat humide sont un reflet direct du régime hydrogéologique saturé-non-saturé de sous-surface.
Processus fluviaux
L’approche classique pour l’analyse du transport à la base des cours d’eau néglige complètement l’effet des forces d’exfiltration dans le lit des cours d’eau. Il est bien établi que le lit des rivières perd ou gagne de l’eau en termes d’écoulement souterrain, mais il n’est pas clair si le rôle des forces d’exfiltration créé par ces écoulements joue un rôle significatif dans les processus associés au lit des cours d’eau et à l’évolution de la morphologie des rivières. Cette question a été abordée dans un article par Harrison et Clayton (1970), mais leurs résultats sont quelque peu équivoques.
L’inspiration pour leur étude était un jeu d’observations sur un ruisseau d’Alaska au sein duquel les auteurs avaient noté des contrastes marqués entre les portions du cours d’eau recevant un flux d’eau souterraine intrant et les portions perdant de l’eau par percolation. La portion réceptrice du cours d’eau transportait des galets et des cailloux atteignant quelques pouces, alors que la portion perdant de l’eau ne transportait pas de sédiments plus grossiers que du silt ou du sable très fin. La compétence de la portion réceptrice du cours d’eau, définie comme la taille maximale d’une particule qui subira l’initiation d’un mouvement à un courant donné, était 500 fois plus élevée que dans la portion du ruisseau qui perdait de l’eau. En ce sens que la variation de compétence ne pouvait être expliquée par des différences dans le courant, la pente du chenal, ou les sédiments des berges, Harrison et Clayton ont conclu que les différences entre les gradients de percolation dans le lit du cours d’eau étaient responsables pour l’accroissement marqué de la compétence de la portion réceptrice du cours d’eau. Cette conclusion semblait logique, en ce sens que la percolation vers le haut dans la portion réceptrice du cours d’eau devrait engendrer la flottaison des grains dans le lit du cours d’eau, réduisant leur masse volumique effective et leur permettant d’être transportés à des vélocités beaucoup plus faibles que la normale.
Afin de tester cette hypothèse, une étude de laboratoire a été initiée. Les résultats de l’expérience, contraires aux attentes, ont montré que les gradients de percolation ont une faible influence sur la compétence. Le seul effet confirmé lors des expériences en laboratoire concernait la percolation vers le bas dans les chenaux avec une importante charge de sédiments en suspension. Sous ces conditions, un colmatage de boue tendait à se former sur le lit des cours d’eau. Ce colmatage de boue prévenait l’entraînement de matériel du lit au sein de la zone colmatée. En rétrospective, les auteurs ont conclu que les observations de terrain réalisées en Alaska pourraient bien être expliquées par ce mécanisme.
Vaux (1968) a mené une étude des interactions entre les écoulements de surface et d’eau souterraine au sein de lits de sédiments alluviaux dans un contexte complètement différent. Son intérêt était centré sur le taux d’interaction entre l’eau de surface et souterraine, puisque cela affecte l’apport d’oxygène dans les frayères à saumon. Il a utilisé un modèle hydrogéologique analogue afin d’évaluer les composantes contrôlant le système.
Processus glaciaires
La meilleure compréhension des paysages glaciaires passe par l’évaluation des mécanismes d’érosion et de sédimentation qui accompagnent l’avancée et le retrait des glaciers et des calottes de glace continentales. Il est maintenant largement reconnu (Weertman, 1972; Boulton, 1975) que l’occurrence d’eau porale au sein des sols et des roches sous-jacentes aux calottes de glace exerce une influence importante sur son taux de déplacement et son pouvoir d’érosion. L’existence d’eau à la base d’un glacier est la conséquence du régime thermique y existant. La chaleur, suffisante pour engendrer la fonte à la base du glacier, est produite par le gradient thermique ascendant et par la génération de chaleur par friction en réponse au glissement.
Considérons l’écoulement de la glace d’un glacier sur une roche saturée et perméable. Le mouvement du glacier implique encore une autre application du concept de contrainte effective de Terzaghi, tel que présenté à la Section 2.9. Des pressions porales élevées engendrent une réduction de la contrainte effective à la limite entre la glace et la roche et des taux de progression élevés. Des pressions porales faibles engendrent des contraintes effectives accrues et des taux de progression lents. Des mécanismes similaires ont été considérés dans l’application de la théorie de rupture de Mohr-Coulomb pour l’analyse des glissements de terrain (Section 10.1) et dans la théorie de Hubbert-Rubey pour les failles de chevauchement (Section 11.1).
L’érosion glaciaire se produit à la fois par abrasion et par extraction. L’abrasion de la surface du socle rocheux par le glissement de la glace est causée par l’action abrasive des débris glaciaires piégés au sein du glacier. Sa présence à cet endroit constitue une évidence de la capacité de transport de la glace en mouvement à extraire du matériel depuis les joints rocheux et des dépôts non consolidés à d’autres points le long de son chemin. Dans les secteurs où des unités sous-glaciaires perméables existent, les pressions des fluides dans ces couches peuvent exercer une influence considérable sur ces deux mécanismes d’érosion. Boulton (1974, 1975) fournit une analyse quantitative du rôle de l’eau sous-glaciaire sur l’abrasion et l’extraction.
Clayton et Moran (1974) ont présenté un modèle de processus glaciaire qui place le régime d’érosion glaciaire d’une calotte glaciaire continentale dans le contexte des relations entre l’écoulement glaciaire, le flux de chaleur et l’écoulement de l’eau souterraine. Considérons une calotte glaciaire se déplaçant sur une unité géologique perméable (Figure 11.9). À grande distance des marges, où l’écoulement de la glace converge vers la base du glacier, de l’eau libre devrait être observée à la base au lieu du permafrost, et les pressions d’eau porale peuvent être élevées. Puisque le glacier n’est pas gelé jusqu’à sa base dans cette zone, le glissement se produit et l’abrasion est le seul mode d’érosion. D’autre part, près des marges du glacier, l’écoulement de la glace diverge depuis la base, les pressions d’eau porale sont plus faibles, la calotte de glace est plus susceptible d’être gelée jusqu’à sa base, et l’extraction constitue le principal mode d’érosion.
Moran (1971) et Christiansen et Whitaker (1976) fournissent une description détaillée des différentes structures glaciotectoniques pouvant se développer dans les dépôts glaciaires en raison de l’intrusion de blocs de grande échelle et de mouvements de failles à la base du glacier. Parmi les mécanismes suggérés pour la génération des pressions porales élevées, qui sont une condition nécessaire pour le développement de ces aspects, on note (1) l’avancée de la calotte de glace par-dessus le biseau d’un aquifère enfoui, (2) l’avancée de la calotte de glace sur des débris contenant des blocs de glace enfouie provenant d’une avancée antérieure, (3) la consolidation de sédiments compressibles sous l’influence du poids de la glace et (4) la formation rapide d’une couche de permafrost au moment de la glaciation. Ces deux derniers concepts ont d’abord été discutés par Mathews et MacKay (1960).
11.5 L’eau souterraine et les minéralisations économiques
Les théories modernes concernant l’hydrogéologie n’ont pas encore trouvé d’application généralisée dans le domaine de l’exploration minérale. Il existe néanmoins un potentiel pour leur application sur au moins deux fronts. En premier lieu, la genèse de plusieurs minéralisations à valeur économique est intimement liée aux processus physiques et chimiques ayant lieu dans l’environnement hydrologique souterrain. Plusieurs des spéculations relatives à l’origine de différentes minéralisations pourraient bénéficier d’analyses hydrogéologiques qui utilisent l’approche du système d’écoulement du Chapitre 6 et les concepts hydrogéochimiques du Chapitre 7. Sur un deuxième front, il est clair que plusieurs anomalies découvertes lors de l’exploration minérale pourraient faire l’objet d’une interprétation plus complète si la théorie de l’écoulement de l’eau souterraine était évoquée dans la recherche de la source. Dans les deux sous-sections qui suivent, chacune de ces deux questions sera examinée brièvement. Il existe une imposante littérature dans le domaine de l’exploration minérale et mis à part quelques textes standards, notre liste de références est limitée presqu’exclusivement aux articles qui évoquent des mécanismes ou une méthodologie en lien avec l’hydrogéologie.
Genèse des minéralisations à valeur économique
White (1968), Skinner et Barton (1973), et Park et MacDiarmid (1975) fournissent une excellente suite de références récentes sur les minéralisations à valeur économique et leur genèse. La lecture des classifications de dépôts de minerai qu’ils présentent indique clairement qu’il existe très peu de types de dépôts n’impliquant pas de quelque manière que ce soit des fluides souterrains. L’influence directe de l’eau souterraine peu profonde est responsable pour l’enrichissement supergène dans les zones de recharge et pour la mise en place des caliches et des évaporites dans les zones de décharge. Les processus d’altération résiduels qui mènent à la formation des latérites impliquent aussi des processus hydrogéologiques.
Les mécanismes génétiques les plus importants impliquant un écoulement souterrain sont, de loin, ceux qui conduisent à des dépôts hydrothermaux. White (1968) a résumé le processus en quatre étapes qui mène à la génération d’un gisement impliquant un fluide hydrique. Premièrement, il doit y avoir une source des composantes du gisement, qui sont généralement dispersés dans un magma ou une roche sédimentaire; deuxièmement, il doit y avoir une solution des minéraux du gisement dans la phase hydrique; troisièmement, une migration du fluide contenant les métaux; et quatrièmement, la précipitation sélective des composantes du gisement. White (1968) note que les saumures très salines de type Na-Ca-Cl représentent des solvants puissants pour des métaux comme le cuivre et le zinc. La preuve que de telles saumures existent réside dans le fait qu’elles sont communément observées lors de l’exploration profonde pour le pétrole. Il existe trois sources possibles pour ces saumures : magmatique, connée et météorique. Les eaux connées sont celles qui sont séquestrées dans les sédiments au moment de leur dépôt. Les eaux météoriques sont des eaux souterraines qui tiennent leur origine de la surface. Des eaux météoriques circulant à grande profondeur peuvent atteindre une salinité suffisante seulement grâce à des processus secondaires tels la mise en solution d’évaporites ou la concentration par effet de membrane (Section 7.7). La précipitation des minéraux du gisement est engendrée par des changements thermodynamiques induits dans la saumure agissant comme agent de transport, sous l’influence du refroidissement, de la réduction de pression ou de réactions chimiques avec les roches ou les fluides hôtes. Les processus sont mieux compris en utilisant les calculs de transfert de masse du type de ceux d’abord établis par Helgeson (1970).
Avec ces concepts d’introduction en main, nous allons maintenant limiter la discussion qui suit à une prise en compte d’un type spécifique de gisement ayant été largement attribué à des mécanismes impliquant l’écoulement de l’eau souterraine : les dépôts de plomb-zinc-fluorite-barite du type Missipy Valley.
Les dépôts de plomb-zinc de type Missipy Valley (White, 1968; Park et MacDiarmid, 1975) sont associés aux couches stratigraphiques dans des roches carbonatées presqu’horizontales n’étant pas associées à des structures tectoniques congruentes pouvant contrôler leur localisation. Ils sont observés à faible profondeur dans des secteurs éloignés par rapport à des intrusions ignées. La minéralogie est habituellement simple et non diagnostique, avec de la sphalérite, galène, fluorite et barite comme principaux minéraux du gisement. Une vaste variété d’origines a été proposée pour ce type de dépôt, mais White (1968) conclue que le dépôt à partir de saumures connées, profondes et chauffées, est le mécanisme le plus compatible avec les données de température, de salinité et de composition isotopique disponibles.
Noble (1963) a suggéré que la circulation d’eau connée pourrait avoir été contrôlée par une compaction des horizons source lors de la diagenèse. Les saumures expulsées des sédiments de cette manière seraient ensuite transportées à travers des zones transmissives (Figure 11.10), qui sont devenues le site des principales concentrations de minerai. Ces saumures pourraient avoir contenu des métaux en solution avant leur inclusion aux sédiments et des métaux acquis lors de la diagenèse des sédiments. La théorie de Noble est attractive en ce sens qu’elle fournit un mécanisme intégré pour le lessivage des métaux à partir d’une source dispersée, leur migration au sein du système géologique et leur concentration dans des roches carbonatées à perméabilité élevée.
McGinnis (1968) a suggéré une adaptation de la théorie de Noble pour laquelle la compaction des horizons source est accomplie par la charge induite par les calottes de glace continentales. Sous ces circonstances, les saumures sédimentaires seraient forcées à décharger près des marges des calottes de glace continentales d’une manière similaire à celle décrite à la section précédente et en lien avec la Figure 11.9. L’inspiration pour l’explication fournie par McGinnis vient de l’amalgamation apparente des dépôts de type Mississippi Valley le long de la limite méridionale de la glaciation continentale dans la zone du Wisconsin étant dépourvue de dépôts de surface.
Hitchon (1971, 1977) a noté que les accumulations d’hydrocarbure et les dépôts de minerai dans les roches sédimentaires présentent plusieurs aspects communs. Les deux sont des agglomérations de matière dispersée concentrées à des sites spécifiques où les charges physiques et chimiques des fluides aqueux responsables du transport causent l’accumulation. Il croit que le pétrole du bassin de Zama-Rainbow dans le nord de l’Alberta et les minerai de plomb-zinc de type Mississippi Valley de la zone minéralisée proximale de Pine Point pourraient s’être séquentiellement accumulés à partir du même fluide. Les deux sont localisés au sein de la Formation du Dévonien Moyen de Keg River, et la zone de Pine Point est en aval de Zama-Rainbow en termes du patron de charges hydrauliques qui existe actuellement dans la Formation de Keg Point. À titre de preuve indépendante, Hitchon note que le pétrole est une composante mineure commune des inclusions fluides des gisements de plomb-zinc de type Mississippi Valley.
En conclusion de cette sous-section, il est important de noter, comme l’a fait Hitchon (1976), que l’eau est le fluide fondamental qui lie génétiquement tous les gisements. L’eau est le véhicule pour le transport de matière en solution et elle participe à des réactions qui engendrent la dissolution initiale des métaux et leur précipitation ultime sous forme de minerai. Si le mouvement de l’eau souterraine cessait, l’équilibre chimique et physique entre les roches et l’eau serait éventuellement atteint et il n’y aurait plus d’opportunités pour la génération de gisements. En ce sens, l’existence de l’écoulement souterrain est essentielle à la genèse des gisements.
Implications pour l’Exploration géochimique
Hawkes et Webb (1962) définissent la prospection géochimique comme toute méthode d’exploration minérale basée sur la mesure systématique d’une ou de plusieurs propriétés chimiques de tout matériau existant à l’état naturel. Le matériel peut être de la roche, le sol, les sédiments de ruisseau, l’eau ou la végétation. L’objectif d’un tel programme de mesure est la détection de patrons chimiques anormaux, soit des anomalies géochimiques, qui pourraient indiquer l’existence d’un gisement.
Les patrons chimiques anormaux dans l’eau souterraine ou l’eau de surface sont parfois appelés anomalies hydrogéochimiques. Les éléments métalliques les plus mobiles, c’est-à-dire les éléments les plus facilement dissous et transportés dans l’eau et par le fait même les plus propices à générer des anomalies hydrogéochimiques sont le cuivre, le zinc, le nickel, le cobalt et le molybdène (Bradshaw, 1975). Le plomb, l’argent et le tungstène sont moins mobiles; l’or et l’étain sont virtuellement immobiles. En raison des coûts associés au forage, l’eau souterraine est rarement échantillonnée directement, mais les sources et les exfiltrations sont largement utilisées en exploration minérale. La Figure 11.11 montre les différents types d’anomalies géochimiques dont le développement peut être anticipé à proximité d’un gisement. L’eau souterraine joue un rôle important en transportant les ions métalliques jusqu’aux zones de concentration hydrothermale dans les zones d’exfiltration et dans les sédiments de lac et de ruisseau.
Types d’anomalies: SL(R), anomalie résiduelle de sol; SP, anomalie d’exfiltration; SS : anomalie de sédiments de ruisseau; LS : anomalie de sédiments de lac. La densité des points illustre l’ampleur de l’anomalie.
Géologie: 1, socle rocheux, 2, sol résiduel; 3, alluvions récentes.
Autre: OB, gisement; PPM, parties par million; % Cx, concentration extractible à froid; →, direction d’écoulement de l’eau souterraine.
Une des applications les plus réussies en ce qui a trait aux techniques d’échantillonnage de sources est celle décrite par de Geoffroy et al. (1967) dans la portion supérieure du district plomb-zinc de la Vallée du Mississippi. Ils ont échantillonné 3766 sources sur un secteur de 1066 km2. Une interprétation des mesures a indiqué 56 anomalies en zinc. De ces dernières, 26 coïncidaient avec des gisements de zinc connus, et des essais par forage d’un petit nombre des autres anomalies ont confirmé la présence de minerai de zinc à proximité. Dans le terrain carbonaté de ce secteur, l’échantillonnage de l’eau de surface s’avère inefficace parce que les métaux lourds précipitent rapidement à partir de l’eau souterraine, à l’intérieur d’une faible distance de son émergence dans l’environnement de surface. De plus, de Geoffroy et al. (1967) concluent que l’échantillonnage des sources représente la méthode géochimique la plus satisfaisante pour la recherche de gisements de taille moyenne dans les roches carbonatées.
Il y a eu d’autres exemples de réussites en lien avec des programmes d’exploration orientés sur l’eau souterraine. Parmi les conclusions les plus importantes, on compte celles de Graham et al. (1975), qui a trouvé que le fluor dans l’eau souterraine fournit un guide pour la découverte de minéralisations de Pb-Zn-Ba-F, et celles de Clarke et Kugler (1973), qui soutiennent que l’hélium dissous dans l’eau souterraine est un indice des gisements d’uranium. Sur une note négative, Gosling et al. (1971) rapportent que la prospection hydrogéochimique d’or dans le Colorado Front Range est peu prometteuse.
Hoag et Webber (1976) suggèrent que les concentrations de sulfate dans l’eau souterraine, puisqu’elles sont indicatrices de l’environnement d’oxydation des sulfures qui les ont produites, peuvent être utilisées pour estimer la profondeur des minéralisations de gisements potentiels. Ils notent que cette information pourrait aider à déterminer quels types d’exploration additionnelle seraient les plus utiles pour localiser les dépôts de sulfures potentiels.
Dans tout cela, les développements récents en hydrogéologie physique et chimique qui ont été évalués dans ce livre sont extrêmement pertinents. Les taux auxquels les métaux sont mis en solution à partir des gisements par l’eau souterraine y circulant sont contrôlés par les principes introduits au Chapitre 3 et discutés au Chapitre 7. Les processus de diffusion, dispersion et retardement accompagnant leur transport par le système d’eau souterraine sont identiques à ceux décrits au Chapitre 9, en lien avec la contamination de l’eau souterraine. La suggestion la plus directe en ce qui a trait à l’application de la théorie relative à l’eau souterraine dans l’exploration géochimique est probablement celle venant de R.E. Williams (1970). Il suggère que l’échantillonnage hydrogéochimique régional soit d’abord restreint aux zones de décharge des systèmes d’écoulement régionaux. Lorsqu’une anomalie géochimique est localisée, les chemins d’écoulement de l’eau souterraine y menant seraient déterminés par la cartographie de l’environnement hydrogéologique et les méthodes de modélisation mathématique introduites au Chapitre 6.
Lectures suggérées
CLAYTON, L., and S. R. MORAN. 1974. A glacial process-form model. Glacial Geomorphology, ed. D. R. Coates. State University of New York, Binghamton, N.Y., pp. 89–119.
DONALDSON, I. G. 1962. Temperature gradients in the upper layers of the earth’s crust due to convective water flows. J. Geophys. Res., 67, pp. 3449–3459.
HUBBERT, M. K. 1954. Entrapment of petroleum under hyrodynamic conditions. Bull. Amer. Assoc. Petrol. Geol., 37, pp. 1954–2026.
HUBBERT, M. K., and W. W. RUBEY. 1959. Role of fluid pressures in mechanics of overthrust faulting: I. Mechanics of fluid-filled porous solids and its application to overthrust faulting. Bull. Geol. Soc. Amer., 70, pp. 115–166.
THRAIKILL, J. 1968. Chemical and hydrologic factors in the excavation of limestone caves. Bull. Geol. Soc. Amer., 79, pp. 19–46.
WHITE, D. E. 1968. Environments of generation of some base-metal ore deposits. Econ. Geol., 63, pp. 301–335.