Chapitre 9 : Contamination des eaux souterraines

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Contamination des eaux souterraines

Traduction réalisée par : IAH Tunisian National Chapter (Tunisian Committee of Hydrogeology)

Traducteurs : Faten Jarraya Horriche, Rachida Bouhlila, Mounira Zammouri, Amina Mabrouk, Imen Hassen, Meriem Ameur, Nabil Neji, Fairouz Slama, Nizar Ouartani, Hella Néji, Lamia Guellouz, Raja Chairi, Fadoua Hamzaoui, Raqya Al Atiri, Ezzeddine Laabidi

Introduction

Texte traduit par : Hella Néji

Au cours des dernières années, l’importance accordée aux recherches sur les eaux souterraines dans les pays industrialisés est passée des problèmes d’approvisionnement en eau souterraine à ceux de la qualité de ces eaux. À cause de nos modes de vie basés sur la forte consommation, l’environnement des eaux souterraines est agressé par un nombre croissant de produits chimiques solubles. Les données actuelles indiquent qu’aux États-Unis, il y a au moins 17 millions d’installation d’élimination de déchets qui déversent plus de 6,5 milliards de mètres cubes de liquides dans le sol chaque année (Agence de protection de l’environnement des Etats Unis, 1977). Au fil du temps, le vaste réservoir souterrain d’eau douce non pollué par les activités humaines, il y a quelques décennies, se dégrade peu à peu.

Le problème de la dégradation de la qualité de l’eau des rivières et des lacs a été évident depuis bien longtemps. En général, des solutions à ce problème ont été trouvées par la mise en place d’une législation efficace pour l’élimination des émissions de contaminants. Déjà dans certaines parties du monde, des mesures efficaces de réduction des émissions ont permis d’améliorer considérablement la qualité de l’eau de surface. Malheureusement, les problèmes de dégradation de la qualité des eaux souterraines sont, pour différentes raisons, plus difficiles à surmonter. En effet, à cause des hétérogénéités inhérentes aux systèmes souterrains, les zones d’eaux souterraines dégradées peuvent être très difficiles à détecter. L’agence de protection de l’environnement des Etats Unis (1977) a signalé que presque tous les cas connus de contamination des aquifères n’ont été découverts qu’après avoir détecté une contamination d’un puits d’approvisionnement en eau. Souvent, au moment où la pollution souterraine est identifiée de manière définitive, il est trop tard pour appliquer des mesures correctives efficaces. Concernant la qualité de l’eau, la dégradation de l’eau souterraine nécessite souvent de longues périodes de temps avant que le problème ne soit détecté. De longues périodes d’écoulement des eaux souterraines sont souvent nécessaires pour que les polluants soient évacués des aquifères contaminés. La pollution des eaux souterraines aboutit souvent à l’endommagement total ou de certaines parties des aquifères.

Alors que le problème d’atteindre une qualité acceptable des eaux de surface concerne principalement la réduction des émissions connues de polluants dans ces systèmes, le problème que rencontrent les scientifiques et les ingénieurs dans ce domaine serait d’identifier les zones et les mécanismes par lesquels les polluants peuvent pénétrer dans les systèmes d’écoulement des eaux souterraines et de développer des prévisions fiables du processus de transport des contaminants dans les systèmes d’écoulement. Cette identification est nécessaire comme base de travail pour minimiser l’impact des activités industrielles, agricoles ou municipales existantes sur la qualité des eaux souterraines.

Le but de ce chapitre est de donner un aperçu sur les facteurs physiques et chimiques qui influencent la migration souterraine des contaminants dissous. À cette fin, nous considérerons le comportement des solutés non réactifs et des solutés qui subissent des réactions lors de la migration vers les couches souterraines. Par la suite, des problèmes de contamination plus spécifiques liés à des activités telles que l’agriculture, l’exploitation minière, le développement de l’énergie nucléaire et l’élimination des déchets, des eaux usées et des déchets industriels seront brièvement revus.

Tout au long de ce chapitre, tous les solutés introduits dans l’environnement hydrologique en raison des activités humaines sont appelés contaminants, que les concentrations atteignent ou pas des niveaux qui provoqueraient une dégradation significative de la qualité de l’eau. Le terme pollution est réservé aux situations où les concentrations de contaminants atteignent des niveaux considérés comme répréhensibles.

Dans ce chapitre, l’accent est mis sur ce phénomène ainsi que sur les processus qui contrôlent la migration des contaminants dissous dans les eaux souterraines. Les eaux souterraines peuvent également être contaminées par des substances huileuses qui existent à l’état liquide, se trouvant en contact avec l’eau d’une manière qui ne conduit pas au mélange des huiles sous une forme dissoute. On dit que le liquide huileux est non miscible à l’eau. Les processus physiques qui contrôlent le mouvement des fluides non miscibles dans les systèmes souterrains sont décrits par Bear (1972) et sont introduits dans la Section 9.5.

9.1 Les Normes de Qualité de l’Eau

Texte traduit par : Nizar Ouertani

Avant de discuter les principes du comportement des contaminants dans les systèmes d’écoulement des eaux souterraines et les sources de contamination des eaux souterraines, nous allons examiner, brièvement, certains des plus importants normes des critères de qualité d’eau. Ces normes servent de base à l’évaluation des résultats des analyses chimiques de l’eau en fonction de son utilisation prévue. Les normes les plus importantes sont celles établies pour l’eau potable (Tableau 9.1). Les limites recommandées pour les concentrations de constituants inorganiques dans l’eau potable existent depuis de nombreuses années. Les limites pour les constituants organiques tels que les résidus de pesticides ont été rajouté récemment. Il y a une polémique en ce qui concerne les constituants organiques spécifiques qui devraient être inclus dans les normes d’eau potable et les limites de concentration qu’on devrait leurs attribuer.

Les principaux éléments, listés dans le Tableau 9.1, ayant des limites autorisées sont les solides dissous totaux (Total Dissolved Solids TDS), les sulfates et les chlorures. La consommation humaine d’eaux avec des concentrations légèrement supérieures à ces limites n’est généralement pas dangereuse. Dans de nombreuses régions, les eaux souterraines utilisées pour l’approvisionnement en eau potable dépassent les limites d’un ou plusieurs de ces paramètres. Plusieurs centaines de milligrammes par litre de chlorure doivent être présents pour que la salinité soit détectée par le goût.

Tableau 9.1 Normes pour l’eau potable

Constituant Limite de concentration recommandée* (mg/ℓ)
Inorganique
Solides Dissous Totaux 500
Chlorure (Cl) 250
Sulfate (SO42–) 250
Nitrate ($\ce{NO^-_3}$) 45†
Fer (Fe) 0,3
Manganèse (Mn) 0,05
Cuivre (Cu) 1,0
Zinc (Zn) 5,0
Bore (B) 1,0
Sulfure d’hydrogène (H2S) 0,05
Concentration maximale autorisée ‡
Arsenic (As) 0,05
Baryum (Ba) 1,0
Cadmium (Cd) 0,01
Chrome (CrVI) 0,05
Sélénium 0,01
Antimoine (Sb) 0,01
Plomb (Pb) 0,05
Mercure (Mg) 0,002
Argent (Ag) 0,05
Fluore (F) 1,4 – 2,4§
Organique
Cyanide 0,05
Endrine 0,0002
Lindane 0,004
Methoxychlor 0,1
Toxaphene 0,005
2,4-D 0,1
2,4,5-TP silvex 0,01
Phenoles 0,001
Extrait chloroformique 0,2
détergents Synthétique 0,5
Radionucléides et radioactivité Activité maximale permise (pCi/ℓ)
Radium 226 5
Strontium 90 10
Plutonium 50000
Activité bêta brute 30
Activité alpha brute 3
Bacteriologique
coliformes Totaux 1 par 100 mℓ
SOURCES : Agence de protection de l’environnement des États-Unis, 1975 et Organisation mondiale de la santé, European Standards, 1970.
*Les limites de concentration recommandées pour ces constituants sont principalement pour fournir des caractéristiques esthétiques et gustatives acceptables.
†La limite exprimée en N est de 10 mg/ℓ selon les normes américaines et canadiennes; selon les normes européennes de l’OMS, elle est de 11,3 mg/ℓ en N et de 50 mg/ℓ en $\ce{NO^-_3}$.
‡Les limites maximales autorisées sont définies selon les critères de santé.
§La limite dépend de la température moyenne de l’air de la région; le fluor est toxique à environ 5 à 10 mg/ℓ si de l’eau est consommée sur une longue période.

La dureté de l’eau est définie comme étant la teneur en ions métalliques qui réagissent avec des sels de sodium pour produire des détergents solides ou des résidus et qui réagissent avec des ions négatifs, lorsque l’eau est évaporée dans des chaudières pour produire du tartre solide (Camp, 1963). La dureté est normalement exprimée par la concentration totale de Ca2+ et Mg2+ en milligrammes par litre équivalent CaCO3. Elle peut être déterminée en remplaçant la concentration de Ca2+ et Mg2+, exprimée en milligrammes par litre, dans la formule :

$\text{La dureté totale} = 2.5(\ce{Ca^{2+}}) + 4.1(\ce{Mg^{2+}})$ (9.1)

Chaque concentration est multipliée par le rapport de la masse atomique de CaCO3 par celui de l’ion; par conséquent, les facteurs de 2,5 et 4,1 sont inclus dans la formule de dureté. L’eau ayant des valeurs de dureté supérieures à 150 mg/ℓ est désignée comme étant très dure. L’eau douce a des valeurs inférieures à 60 mg/ℓ. L’adoucissement de l’eau est une pratique courante dans de nombreuses communautés où l’approvisionnement en eau a une dureté supérieure à environ 80-100 mg/ℓ. L’utilisation d’une eau avec une dureté supérieure à environ 60 à 80 mg/ℓ pour l’alimentation d’une chaudière provoque la formation excessive de tartre (précipitation du carbonate minéral).

Parmi les limites spécifiques recommandées pour les constituants inorganiques mineurs et traces dans l’eau potable, beaucoup ont été établis pour des raisons autres que le risque direct pour la santé humaine. Par exemple le fer et le manganèse sont tous les deux essentiels pour le corps humain. Leur apport par l’eau potable est normalement une partie insignifiante de l’exigence du corps. Les limites recommandées sur ces métaux dans les normes visent à éviter, dans l’utilisation de l’eau domestique, les problèmes associés aux précipités et aux taches qui se forment parce que les oxydes de ces métaux sont relativement insolubles (Camp, 1963). La limite recommandée pour le zinc est fixé à 5 mg /l afin d’éviter le goût produit par le zinc à des concentrations plus élevées. Des concentrations allant jusqu’à 40 mg /l peuvent être tolérées sans préjudice apparent pour la santé publique. Les concentrations de zinc aussi faibles que 0,02 mg/ℓ sont, cependant, toxiques pour les poissons. La contamination par le zinc peut être considérée comme une pollution grave dans les systèmes écologiques où les poissons sont d’un intérêt primordial, mais peuvent avoir une importance mineure si la consommation humaine est l’utilisation principale de l’eau.

Le contaminant identifiable le plus commun dans les eaux souterraines est le nitrate ($\ce{NO^-_3}$). La limite recommandée pour les nitrates dans l’eau potable est de 45 mg/ℓ exprimée en $\ce{NO^-_3}$ ou 10 mg/ℓ exprimée en N. En Europe, la limite recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé est de 50 mg/ℓ comme $\ce{NO^-_3}$ et 11,3 mg/ℓ comme N. Des concentrations excessives de $\ce{NO^-_3}$ ont un potentiel de nuire à l’être humain infantile et le bétail si elle est consommée régulièrement. Les adultes peuvent tolérer des concentrations beaucoup plus élevées. La mesure dans laquelle le $\ce{NO^-_3}$ dans l’eau est considéré comme un polluant grave dépend donc de l’utilisation de l’eau.

Les constituants pour lesquels des limites de concentration maximales admissibles ont été fixées dans des normes d’eau potable (Tableau 9.1) sont considérés comme ayant un important potentiel de nuisance à la santé humaine à des concentrations supérieures aux limites spécifiées. Les limites spécifiées ne doivent pas être dépassées dans les approvisionnements publics en eau. Si les limites pour un ou plusieurs des constituants sont dépassées, l’eau est considérée comme impropre à la consommation humaine. Les limites indiquées dans le Tableau 9.1 sont représentatives des normes actuelles aux États-Unis et au Canada. Les limites sont constamment évaluées et des modifications y sont apportées de temps en temps. Au fur et à mesure que les connaissances sur le rôle des constituants traces sur la santé humaine sont développées, la liste des constituants ayant des limites maximales permises peut être élargie, en particulier dans le cas des substances organiques.

Dans de nombreuses régions, les utilisations les plus importantes des eaux souterraines sont pour l’agriculture. Dans ces situations, il convient d’évaluer la qualité des eaux souterraines par rapport aux critères ou lignes directrices établies pour le bétail ou l’irrigation. Les limites de concentration recommandées pour ces utilisations sont listées dans le Tableau 9.2. La liste des constituants et les limites de concentration ne sont pas aussi strictes que pour l’eau potable. Cependant, ces critères de qualité de l’eau indiquent que l’augmentation de la concentration dans une variété de constituants en raison des activités humaines peut entraîner une dégradation importante de la qualité des eaux souterraines, même si l’eau ne sert pas à la consommation humaine.

Tableau 9.2 Limites de concentrations recommandées pour l’eau utilisée pour l’élevage et l’irrigation des cultures

Elevage : limites recommandées (mg/ℓ) Cultures d’irrigation : Limites recommandées (mg/ℓ)
Solides dissous totaux
Petits animaux 3000 700
Volailles 5000
Autres animaux 7000
Nitrate 45
Arsenic 0,2 0,1
Bore 5 0,75
Cadmium 0,05 0,01
Chrome 1 0,1
Fluorure 2 1
Plomb 0,1 5
Mercure 0,01
Sélénium 0,05 0,02

SOURCE : Agence environnementale américaine, 1973b.

9.2 Processus de transport

Texte traduit par : Rachida Bouhlila

Usuellement, le développement des équations différentielles qui décrivent du transport de solutés dans les milieux poreux se base sur le calcul des flux de solutés entrant et sortant d’un volume élémentaire du domaine d’écoulement. La conservation de la masse dans ce volume élémentaire est :

(9.2)

Les processus physiques qui contrôlent les flux entrant et sortant du volume élémentaire sont l’advection et la dispersion hydrodynamique. Le gain ou la perte de masse de solutés peut être le résultat des réactions chimiques et biochimiques ou de la décroissance radioactive.

L’advection est la partie du mouvement des solutés liée à l’écoulement général des eaux souterraines. Cette fraction de transport est égale à la vitesse moyenne linéaire des eaux souterraines, $\bar{v}$, où $\bar{v}$ = v/n, v est le flux spécifique et n la porosité (Section 2.12). Le processus d’advection est parfois appelé convection, un terme qui dans ce texte sera réservé à la discussion des écoulements générés par les gradients de températures au Chapitre 11. Le processus de dispersion hydrodynamique, décrit dans la Section 2.13, est le résultat du mélange mécanique et de la diffusion moléculaire.

La description mathématique de la dispersion est souvent limitée aux milieux isotropes par rapport aux propriétés de dispersion du milieu. L’équation différentielle qui décrit le transport des constituants réactifs dissous dans les milieux poreux isotropes saturés est décrite dans l’Annexe X. Cette équation est connue comme étant l’équation d’advection-dispersion. Notre objectif ici est d’analyser la signification physique des termes de cette équation (advection, dispersion et réaction). Nous commencerons par les processus physiques et nous traiterons ensuite les processus chimiques.

Constituants Non Réactifs en Milieux Homogènes

Texte et figures traduits par : Mounira Zammouri

La forme unidimensionnelle de l’équation de convection-dispersion de constituants dissous non réactifs dans des milieux saturés, homogènes et isotropes en écoulement permanent et uniforme [Éq. (A10.11), Annexe X] est :

$D_l \frac{\partial^2C}{\partial l^2} – \bar{v}_l\frac{\partial C}{\partial l} = \frac{\partial C}{\partial t}$ (9.3)

l est une direction de coordonnée curviligne prise sur la ligne d’écoulement, $\bar{v}$ est la vitesse linéaire moyenne de l’écoulement d’eau souterraine, Dl est le coefficient de dispersion hydrodynamique dans la direction longitudinale (c’est-à-dire, le long de la trajectoire de l’écoulement), et C est la concentration du soluté. Les effets de réactions chimiques, des transformations biologiques et la décroissance radioactive ne sont pas inclus dans cette forme de l’équation de transport.

Le coefficient de dispersion hydrodynamique peut être exprimé par deux composants :

$D_l = \alpha_l\bar{v} + D*$ (9.4)

αl est une propriété caractéristique du milieu poreux, connue comme dispersivité dynamique, ou simplement comme dispersivité [L], et D* est le coefficient de diffusion moléculaire du soluté en milieu poreux [L<sup>2/T]. La relation entre D* et le coefficient de diffusion d’espèces présentes dans l’eau est décrite dans la Section 3.4. Certains auteurs ont indiqué qu’une forme plus précise de la composante mécanique du coefficient de dispersion est $\alpha\bar{v}^m$, où m est une constante empirique comprise entre 1 et 2. Les études au laboratoire indiquent que pour des objectifs pratiques m peut être pris égal à l’unité pour des matériaux géologiques granulaires.

L’expérience classique représentée par la Figure 9.1 (a) est l’une des façons les plus directes pour illustrer la signification physique de la forme unidimensionnelle de l’équation de convection-dispersion. Dans cette expérience, un traceur non réactif à la concentration C0 est continuellement introduit dans un écoulement en régime permanent à l’extrémité amont d’une colonne remplie d’un milieu granulaire homogène. À titre indicatif, on suppose que la concentration du traceur dans la colonne avant l’introduction du traceur est nulle. Il convient d’exprimer la concentration du traceur dans la colonne en concentration relative, définie par C/C0C est la concentration dans la colonne ou celle dans l’eau sortant.

Figure 9.1 Dispersion longitudinale d’un traceur traversant une colonne de milieu poreux. (a) Colonne avec écoulement permanent et alimentation continue en traceur après l’instant t0; (b) entrée du traceur de type fonction échelonnée; (c) concentration relative de traceur dans l’écoulement sortant de la colonne (la ligne discontinue indique la condition d’écoulement idéal et la ligne continue illustre l’effet de dispersion mécanique et de diffusion moléculaire); (d) profil de la concentration à divers instants.

L’apport en traceur peut donc être représenté comme une fonction d’échelon, comme indiqué dans la Figure 9.1 (b). La concentration en fonction du temps du débit sortant de la colonne, appelée par courbe de réponse, est illustrée par la Figure 9.1 (c). Il est supposé que le traceur circule à travers la colonne sans dispersion mécanique ou diffusion moléculaire, le front du traceur traversera comme un bouchon et quittera la colonne comme une fonction échelon. Cette condition est illustrée par une ligne verticale discontinue dans la Figure 9.1 (c). Dans la réalité, cependant, la dispersion mécanique et la diffusion moléculaire se produisent et la courbe de réponse se répand engendrant le début d’apparition du traceur dans le flux sortant de la colonne (au temps t1) avant l’arrivée d’eau traversant à la vitesse (temps t2). Ceci est représenté par la Figure 9.1 (c).

La Figure 9.1 (d) montre des « images » instantanées de l’interface de dispersion à l’intérieur de la colonne à divers instants avant son avancée. Le front du traceur est répandu le long du trajet d’écoulement. La propagation du profil augmente avec la distance de parcours. Les positions représentées par les points 1 et 2 de la Figure 9.1 (d) correspondent aux instants t1 et t2 de la Figure 9.1 (c). La dispersion mécanique et la diffusion moléculaire contraignent certaines molécules du traceur à se déplacer plus rapidement que la vitesse linéaire moyenne de l’eau et d’autres à se déplacer plus lentement. La vitesse linéaire moyenne de l’eau dans la colonne est déterminée en divisant le débit d’apport en eau (Q) par nA, où A est l’aire de la section transversale de la colonne et n est la porosité [Éq. (2.82)].

Les conditions aux limites représentées par l’entrée du soluté en fonction échelon sont décrites mathématiquement comme suit :

$C(l, 0) = 0 \hspace{1cm} l \geq 0$

$C(0, t) = C_0 \hspace{1cm} t \geq 0$

$C(\infty, t) = 0 \hspace{1cm} t \geq 0$

Pour ces conditions aux limites, la solution de l’Éq. (9.3) pour un milieu poreux saturé homogène est (Ogata, 1970) :

$\frac{C}{C_0} = \frac{1}{2} \left[ \text{erfc}\left(\frac{l-\bar{v}t}{2 \sqrt{D_lt}}\right) + \text{exp}\left( \frac{\bar{v}l}{D_l}\right) \text{erfc}\left(\frac{l+\bar{v}t}{2 \sqrt{D_lt}}\right) \right]$ (9.5)

où erfc représente la fonction erreur complémentaire, qui est tabulée dans l’Annexe V ; l est la distance le long du trajet d’écoulement ; et $\bar{v}$ est la vitesse linéaire moyenne d’eau. Pour des conditions dans lesquelles la dispersivité du milieu poreux est grande ou l ou t sont élevés, le deuxième terme à droite de l’équation est négligeable. L’équation (9.5) peut être utilisée pour calculer les formes des courbes de percée et les profils de concentration illustrés par la Figure 9.1 (c) et (d). Les solutions analytiques de l’Éq. (9.3) avec d’autres conditions aux limites sont décrites par Rifai et al. (1956), Ebach et White (1958), Ogata et Banks (1961), Ogata (1970), et par d’autres.

L’étalement du profil de concentration et de la courbe de percée des traceurs ou des polluants migrant à travers des matériaux poreux est provoqué à la fois par la dispersion mécanique et la diffusion moléculaire. La Figure 9.2 montre un profil de concentration pour des conditions expérimentales représentées dans la Figure 9.1 (a).

Figure 9.2 Diagramme schématique montrant la contribution de la diffusion moléculaire et la dispersion mécanique dans l’étalement du front de concentration dans une colonne avec l’entrée en fonction échelon.

Dans ce graphique, la contribution de la diffusion moléculaire dans l’étalement des courbes est indiquée schématiquement. A faible vitesse, la diffusion est le principal agent de dispersion, et par conséquent le coefficient de dispersion hydrodynamique est égal au coefficient de diffusion (Dl = D*). A forte vitesse, le mixage mécanique est le processus dispersif dominant, pour lequel $D_l = \alpha_l\bar{v}$. Une dispersion élevée du milieu engendre un plus important panachage du front de soluté au cours de sa progression. Les expériences au laboratoire sur la migration du traceur dans des matériaux granulaires saturés et homogènes ont permis d’établir des relations entre l’influence de la diffusion et la dispersion mécanique, comme l’illustre la Figure 9.3.

Figure 9.3 Relation entre le nombre de Peclet et le rapport entre le coefficient de dispersion longitudinal et le coefficient de diffusion moléculaire dans un sable formé de grains de tailles uniformes (d’après Perkins et Johnston, 1963).

Le paramètre adimensionnel $\bar{v}d/D^*$ est connu sous le nombre de Peclet, avec le diamètre moyen de particule désigné par d. La forme exacte de la relation entre le nombre de Peclet et Dl/D* dépend de la nature du milieu poreux et du fluide utilisé dans l’expérimentation. La forme générale illustrée par la Figure 9.3 a été établie par divers chercheurs en se basant sur des expériences utilisant différents milieux (Bear, 1972).

Dans le cas où les conditions aux limites spécifiées pour l’Éq. (9.5) sont applicables et lorsque la vitesse de l’écoulement souterrain est si petite que la dispersion mécanique est négligeable par rapport à la diffusion moléculaire, l’Éq. (9.5) se réduit à la solution unidimensionnelle de la deuxième loi de Fick. Cette « loi » est décrite dans la Section 3.4. Le taux auquel la diffusion unidimensionnelle se produit, est exprimé graphiquement dans la Figure 9.4, qui montre pour des périodes de diffusion de 100 à 10000 ans, que les distances de diffusion sont fonctions de la concentration relative.

Figure 9.4 Positions du front de polluant en migration par diffusion moléculaire éloigné d’une source où C = C0 pour t > 0. Les temps de migration sont 100 et 10000 ans.

Les distances de diffusion sont obtenues par l’Éq. (3.47) avec un coefficient de diffusion de 1 × 10–10 et 1 × 10–11 m2/s. Ces valeurs sont représentatives d’une gamme typique d’espèces chimiques non réactives dans des dépôts géologiques argileux. Les valeurs correspondant à des matériaux non consolidés à gros grains peuvent être un peu plus élevées que 1 × 10–10 m2/s mais sont plus faibles que les coefficients caractérisant des espèces chimiques dans l’eau (C’est-à-dire < 2 × 10–9 m2/s). La Figure 9.4 indique que sur de longues périodes de temps, la diffusion peut contraindre les polluants à se déplacer sur de grandes distances, même à travers des matériaux à faible perméabilité. Même si la migration de polluants sur cette échelle de temps est importante, elle dépend de la nature du problème. Dans le cas de dépôts souterrain de déchets radioactifs ou de composants non organiques hautement toxiques ou organiques, la diffusion peut être un processus important.

Un des faits caractéristiques du processus dispersif est qu’il engendre l’étalement du soluté, si l’opportunité se présente, aussi bien dans les directions transversales au trajet de l’écoulement que dans la direction longitudinale de l’écoulement. Ceci est illustré schématiquement dans un champ d’écoulement horizontal bidimensionnel de la Figure 9.5 (a). Dans la boite à sable expérimentale, un traceur non réactif est introduit comme une entrée permanente et continue dans le champ d’écoulement uniforme. La dispersion dans ce domaine d’écoulement bidimensionnel est représentée de manière différente par l’expérience montrée dans la Figure 9.5 (b). Dans ce cas, le traceur est introduit comme une source ponctuelle instantanée (C’est-à-dire, une impulsion de traceur) dans un régime d’écoulement uniforme. Comme le traceur est véhiculé le long du trajet de l’écoulement, il s’étale dans toutes les directions dans un plan horizontal. La masse totale du traceur dans le régime d’écoulement ne varie pas, mais cette masse occupe un volume croissant de milieu poreux. Le processus de dispersion mécanique est dépendant de la direction bien que le milieu poreux soit isotrope quant aux propriétés de texture et de conductivité hydraulique. La Figure 9.5 (b) montre que la zone de traceur développe une forme elliptique quand le traceur est transporté par le système. Ceci se produit parce que le processus de dispersion mécanique est anisotrope. La dispersion est plus forte dans la direction du flux (la dispersion longitudinale) que dans la direction perpendiculaire à la ligne de flux (la dispersion transversale).

Figure 9.5 Propagation d’un traceur dans un champ d’écoulement uniforme bidimensionnel dans un sable isotrope. (a) Apport continu de traceur avec la condition initiale en fonction échelon; (b) source ponctuelle instantanée.

Les expressions unidimensionnelles établies pour le transport de constituants dissous, telles que l’Éq. (9.5), sont utiles pour l’interprétation des expériences de colonne en laboratoire, mais elles sont d’utilisation limitée pour l’analyse de problèmes de terrain car la dispersion se produit aussi bien dans les directions transversales que dans la direction longitudinale. Comme exemple de solution à l’équation tridimensionnelle de la convection-dispersion [Éq. (A10.9), Annexe X], nous suivrons l’approche décrite par Baetsle (1969). Comme dans la Figure 9.5 (b), le polluant est supposé provenir comme une impulsion instantanée d’une source ponctuelle à x = 0, y = 0, z = 0. La masse du polluant est alors portée loin de la source par le transport dans un champ d’écoulement uniforme stationnaire maintenu en déplacement dans la direction x et dans un milieu isotrope homogène. Comme la masse de polluant est transportée à travers le système d’écoulement, la distribution de la concentration de la masse du polluant à l’instant t est donnée par :

$C(x,y,z,t) = \frac{M}{8(\pi t)^{\frac{3}{2}}\sqrt{D_xD_yD_z}} \text{exp} \left(-\frac{X^2}{4D_xt} – \frac{Y^2}{4D_yt} – \frac{Z^2}{4D_zt}\right)$ (9.6)

M est la masse du polluant introduit à la source ponctuelle, Dx, Dy et Dz sont les coefficients de dispersion dans les directions x, y, z et X, Y et Z sont les distances dans les directions x, y, z du centre de gravité de la masse du polluant. La position du centre de gravité de la masse du polluant à l’instant t se situera le long du trajet d’écoulement dans la direction x aux coordonnées (xt, yt, zt), où yt = zt = 0 et $x_t = \bar{v}t = \bar{v}t/n$, où $\bar{v}$ est la vitesse linéaire moyenne, v est le débit spécifique et n est la porosité. Dans l’Éq. (9.6), $X = x – \bar{v}t$, Y = y et Z = z. Il ressort de l’Éq. (9.6) que la concentration maximale se situe au centre de gravité du nuage du polluant, où X = 0, Y = 0, et Z = 0. La masse du polluant introduite à la source est égale à C0V0, où C0 est la concentration initiale et V0 est le volume initial. Dans la formulation mathématique des conditions initiales, l’apport de polluant se produit à un point et a donc une masse, mais aucun volume. En pratique, cependant, ceci est exprimé par la quantité C0V0.

De l’Éq. (9.6), il s’ensuit que le pic de concentration qui se produit au centre de gravité du nuage de polluant est donné par :

$C_{max} = \frac{C_0V_0}{8(\pi t)^{\frac{3}{2}}\sqrt{D_xD_yD_z}}$ (9.7)

La zone dans laquelle 99.7 % de la masse de polluant se produit, est décrite par l’ellipsoïde avec des dimensions, mesurées à partir du centre de masse, de $3\sigma_x = \sqrt{2D_xt}$, $3\sigma_y = \sqrt{2D_yt}$, $3\sigma_z = \sqrt{2D_zt}$ où $\sigma$ est l’écart type de la distribution de concentration. Ceci est illustré dans le plan xy dans la Figure 9.5 (b). Aux faibles vitesses, la diffusion moléculaire est le mécanisme de dispersion dominant, dans lequel le nuage de pollution migrant est circulaire. Etant donné que ces équations se basent sur des conditions idéales, comme la source ponctuelle instantanée et l’écoulement uniforme, elles sont d’utilisation limitées pour l’analyse de la plupart de situations sur le terrain. Dans des sites hydrogéologiques simples, cependant, elles peuvent être utilisées pour obtenir des estimations préliminaires de modèles de migration qui peuvent résulter de faibles déversements de polluant ou de la lixiviation de déchets enterrés (Baetsle, 1969). Diverses autres solutions analytiques décrivant la migration de polluants dans un espace bidimensionnel et tridimensionnel sont décrites par Fried (1975) et Codell et Schreiber (sous presse).

La dispersion mécanique dans la direction transversale est un processus beaucoup plus faible que la dispersion dans la direction longitudinale, mais aux faibles vitesses où la diffusion moléculaire est le mécanisme dispersif dominant, les coefficients de dispersion longitudinale et transversale sont presque égaux. Ceci est illustré par les résultats expérimentaux montrés dans la Figure 9.6, qui indiquent des faibles coefficients de dispersion sur une gamme de faibles vitesses. Etant donné que la dispersion mécanique dans la direction transversale est beaucoup plus faible que dans la direction longitudinale, le coefficient de dispersion transversale reste contrôlé par la diffusion jusqu’à ce que la vitesse de l’écoulement soit relativement élevée.

Figure 9.6 Coefficients de dispersion longitudinale et transversale pour le transport dans du grès homogène, avec divers débits d’écoulement (d’après Crane et Gardner, 1961).

Les formes de l’équation du transport décrites ci-dessus sont basées sur l’hypothèse qu’il n’y a pas de contraste significatif de densité entre le polluant ou le traceur du fluide et l’eau souterraine dans le domaine d’écoulement environnant. Les équations qui prennent en compte les contrastes de densité sont plus complexes. Comme exemple qualitatif de l’effet de contrastes de densité, on considère le panache de polluant coulant dans un champ d’écoulement initialement uniforme, comme illustré dans la Figure 9.7.

Figure 9.7 Effet de la densité sur la migration d’une solution de polluant dans un champ d’écoulement uniforme. (a) Légèrement plus dense que l’eau souterraine, (b) et (c) Plus grands contrastes de densité.

Si la solution de polluant entrant dans ce régime d’écoulement a la même densité que l’eau souterraine, le panache de polluant s’étalera dans une zone peu profonde proche de la nappe phréatique. Si la solution de polluant est considérablement plus dense que l’eau souterraine, le panache coulera en pente abrupte vers le bas dans le système d’écoulement d’eau souterraine. La prédiction des modèles de migration du polluant nécessite une connaissance précise aussi bien de la densité de la solution du polluant que celle de l’eau souterraine.

Constituants Non réactifs dans les Milieux Hétérogènes

Texte et figures traduits par : Mounira Zammouri

Sans les effets d’hétérogénéités dans les matériaux géologiques naturels, le problème de prédiction et de détection du comportement du polluant dans les systèmes d’écoulement d’eau souterraine serait facilement résolu. La convection est le processus par lequel les solutés sont transportés par la masse en vrac du fluide en écoulement. La convection est normalement considérée à l’échelle macroscopique en termes de modèles d’écoulement d’eau souterraine. Ces modèles sont définis par la distribution spatiale et temporelle de la vitesse linéaire moyenne du fluide. Les modèles d’écoulement et de réseaux d’écoulement ont été largement décrits dans les Chapitres 5 et 6. Notre objectif ici est de considérer plus en détails les effets sur les lignes d’écoulement et les vitesses exercés par les divers types d’hétérogénéités.

Pour illustrer l’effet d’hétérogénéités multicouches simples sur les modèles de transport, la coupe transversale du domaine d’écoulement illustrée dans la Figure 9.8 (a) est utilisée. Il est supposé que l’écoulement stationnaire d’eau souterraine se produit à travers la coupe transversale et que le domaine d’écoulement est isotrope en ce qui concerne la conductivité hydraulique.

Figure 9.8 Effets des couches et des lentilles sur les trajets d’écoulement dans des systèmes d’écoulement souterrains peu profonds stationnaires. (a) Conditions aux limites; (b) Cas de milieu homogène; (c) Une seule couche de conductivité plus élevée; (d) Deux lentilles de conductivité plus faible; (e) Deux lentilles de conductivité plus élevée.

Pour illustrer l’effet de variations stratigraphiques sur le modèle de transport de polluants entrant dans le système dans une aire de recharge, une zone d’apport de polluant est placée sur la coupe transversale. Dans des situations sur le terrain, ceci pourrait représenter le suintement d’un étang d’eaux résiduaires, une décharge sanitaire, ou autre source superficielle ou proche de la surface. La Figure 9.8 (b), (c), (d) et (e) montre les modèles de transport de polluant qui se produiraient avec diverses configurations stratigraphiques hypothétiques. Le polluant est supposé non réactif et l’effet de la dispersion est négligé. Les lignes d’écoulement qui décrivent les limites des modèles de migration du polluant sont obtenues par la solution de la forme bidimensionnelle de l’équation de l’écoulement stationnaire de l’eau souterraine [Éq. (2.69)], en utilisant la méthode des éléments finis de la façon décrite par Pickens et Lennox (1976). La Figure 9.8 (b) indique que dans des situations où le domaine d’écoulement est homogène, le modèle de migration du polluant serait simple et relativement facile à contrôler. Les conditions du système d’écoulement présenté dans la Figure 9.8 (c) sont analogues au cas précédent, à l’exception de l’inclusion d’une mince couche à plus forte conductivité horizontale qui s’étend à travers le domaine d’écoulement. Ceci forcerait les polluants à se déplacer à travers le système d’écoulement presque entièrement dans cette mince couche. Le temps de parcours total serait un cinquième de celui correspondant au cas non stratifié illustré dans la Figure 9.8 (b). Le lit mince de conductivité plus élevée a une conductivité 100 fois plus grande que le reste du système et exerce une très forte influence sur les modèles de migration et sur la distribution de vitesse. Si le milieu à plus faible K (K1) représente un sable très fin, le lit à plus forte K (K2) pourrait représenter un milieu ou un sable à gros grain. Dans les études stratigraphiques des sites de décharge de déchets, un lit mince de sable moyen dans un dépôt de sable formé entièrement de grains fins pourrait facilement être imperceptible à moins qu’un forage rigoureux et des techniques d’échantillonnage ne soient utilisés.

Dans la Figure 9.8 (d) une couche discontinue de matériau à faible conductivité existe dans la coupe transversale. La zone de migration du polluant se déplace au-dessus de la première lentille et au-dessous de la seconde. Pour atteindre la zone de décharge, elle passe par la deuxième lentille près de l’extrémité de son trajet d’écoulement.

La Figure 9.8 (e) montre le modèle de migration du polluant qui existerait si un lit mince de plus forte conductivité est discontinu dans la partie centrale de la coupe transversale. La discontinuité provoque une grande distorsion dans le modèle de migration du polluant au milieu de la coupe transversale. La zone contaminée se répand dans la partie centrale du système d’écoulement et s’étend jusqu’à la zone de la nappe phréatique. Dans des situations où les polluants peuvent être transférés à travers la zone non saturée par convection, diffusion, ou absorption végétale, cette condition pourrait mener les polluants à s’étendre dans la biosphère. La Figure 9.8 (e) illustre aussi certaines difficultés qui peuvent surgir dans le contrôle de systèmes d’écoulement contaminés. Si peu d’informations étaient disponibles sur la stratigraphie du système, il n’y aurait aucune raison de soupçonner que le type de distorsions montrées dans la Figure 9.8 (e) se produirait. Un manque de ces informations pourrait aboutir au contrôle inadéquat du système. Dans la nature, les coupes transversales géologiques incluent typiquement beaucoup d’unités stratigraphiques de conductivités hydrauliques différentes. De grands contrastes de conductivité à travers des discontinuités aiguës sont communs. Quant à la réalité, les effets de stratification illustrée dans la Figure 9.8 sont très simples.

Dans la discussion ci-dessus, des hétérogénéités multicouches à l’échelle qui pourraient, si nécessaire, être identifiées et cartographiées par forages rigoureux, par échantillonnage et par exploration géophysique ont été considérées. Des hétérogénéités dans une autre catégorie existent aussi dans la plupart des contextes géologiques. Celles-ci sont connues comme étant des hétérogénéités à petite échelle. Elles ne peuvent pas être identifiées individuellement par les méthodes conventionnelles des essais sur le terrain. Même si l’identification est possible en utilisant des techniques de carottage spéciales, ces hétérogénéités ne peuvent pas être généralement corrélées d’un forage à un autre forage. Dans les aquifères granulaires, les hétérogénéités de ce type sont omniprésentes. Les contrastes de conductivité hydraulique d’un ordre de grandeur ou plus peuvent se produire en conséquence des variations presque inconnues des caractéristiques des tailles des grains. Par exemple, un changement du pourcentage de limon ou d’argile de seulement quelques pour cent dans une zone sablonneuse peut avoir un grand effet sur la conductivité hydraulique.

La Figure 9.9 illustre l’effet de deux types d’hétérogénéités à faible échelle sur le modèle de migration d’un traceur ou d’un polluant dans des milieux poreux granulaires. Dans la Figure 9.9 (a), le modèle de dispersion est régulier et prévisible en utilisant les méthodes décrites ci-dessus. Dans la Figure 9.9 (b), les hétérogénéités de type lentille forcent le front de traceur à progresser dans un modèle généralement mentionné comme doigtés. Dans ce cas, le polluant est transporté plus rapidement dans les lentilles ou les lits de plus forte conductivité hydraulique. La Figure 9.9 (c) illustre des résultats obtenus par Skibitzke et Robertson (1963) en utilisant des traceurs de colorants dans un modèle de boîte rempli avec du sable fin et des lentilles longues et sinueuses formées de sable plus grossier. Ces auteurs ont observé qu’un grand angle de réfraction à la frontière entre le sable de perméabilité contrastée a engendré l’expansion accélérée de la zone du traceur.

Figure 9.9 Comparaison de progression de zones de polluant influencées par la dispersion hydrodynamique. (a) Milieu granulaire homogène; (b) doigtés produits par des lits et des lentilles multicouches; (c) expansion produite par des lentilles irrégulières.

Dans une des très rares études tridimensionnelles détaillées du mouvement de polluant dans des dépôts sablonneux, Childs et al. (1974) ont observé que « les panaches migrent le long des zones … qui, bien qu’ils soient de texture semblable, montrent des différences subtiles en tissu qui résultent des faibles variations de la perméabilité. Les bifurcations indiquent que la détection d’un panache superficiel ne démente pas l’existence des autres panaches du même constituant en profondeur » (p. 369).

Presque toutes les études de dispersion rapportées dans la littérature ont été effectuées avec des matériaux sablonneux relativement homogènes dans des conditions contrôlées au laboratoire. Ces études ont indiqué que la dispersion de ces matériaux est faible. Les valeurs de dispersivité longitudinale sont typiquement dans la fourchette de 0,1 à 10 mm, avec des valeurs de dispersivité transversale normalement inférieur d’un facteur de 5 – 20. Que ces valeurs soient ou non indicatives de dispersivités dans des systèmes de terrain elles sont actuellement soumises à une considérable controverse. Beaucoup de chercheurs ont conclu que les valeurs de dispersivités longitudinale et transversale dans des systèmes sur terrain sont significativement plus élevées que les valeurs obtenues par des expériences de laboratoire sur des matériaux homogènes ou sur des matériaux présentant des hétérogénéités simples. Les valeurs de dispersivité longitudinale aussi grande que 100 m et des valeurs de dispersivité latérale aussi grande que 50 m ont été utilisées dans des études de simulation mathématique de la migration de larges panaches de polluant dans des aquifères sablonneux (Pinder, 1973; Konikow et Bredehoeft, 1974; Robertson, 1974).

Pour illustrer l’effet de forte dispersivité sur la migration de polluants dans un système hypothétique d’écoulement d’eau souterraine, une coupe transversale du domaine d’écoulement semblable à celle montrée dans la Figure 9.8 (a) et (b) sera utilisée. La Figure 9.10 montre l’effet de dispersivité sur l’expansion d’un panache de polluant qui émane d’une source située dans l’aire de recharge du système d’écoulement. Bien que les sections transversales montrées dans la Figure 9.10 soient homogènes, les dispersivités du système sont supposées élevées en raison des hétérogénéités à petite échelle. Avec les valeurs attribuées à la dispersivité, les modèles de distribution de polluant peuvent être simulés en appliquant une approximation aux éléments finis à l’équation de transport exprimée sous forme bidimensionnelle pour des milieux saturés isotropes et hétérogènes [Éq. (A10.13), Annexe X]:

$\frac{\partial}{\partial S_l}\left(D_l\frac{\partial C}{\partial S_l}\right) + \frac{\partial}{\partial t}\left(D_t \frac{\partial C}{\partial S_t}\right) – \frac{\partial}{\partial S_l}(\bar{v}_lC) = \frac {\partial C}{\partial t}$ (9.8)

Sl et St sont respectivement les directions des lignes d’écoulement et les perpendiculaires à ces lignes. Le modèle aux éléments finis utilisé pour obtenir les distributions du polluant présentées dans la Figure 9.10, est décrit par Pickens et Lennox (1976).

Figure 9.10 Dispersion d’un polluant au cours du transport dans un système d’écoulement d’eau souterraine peu profond. Porosité 30 %; conductivité hydraulique 0,5 m/jour; $\alpha_l / \alpha_t$ = 20; temps de transport 15 ans; courbes de concentration à C/C0 = 0,9, 0,7, 0,5, 0,3 et 0,1 (d’après Pickens et Lennox, 1976).

D’autres modèles numériques ont été développés par Reddell et Sunada (1970), Bredehoeft et Pinder (1973), Pinder (1973) et Schwartz (1975). Les simulations présentées dans la Figure 9.10 indiquent que si la dispersivité est élevée, les polluants peuvent s’étendre pour occuper une partie du système d’écoulement plusieurs fois plus grande que dans le cas où seule la convection serait présente. Si la dispersivité transversale est très élevée comme indiquée dans la Figure 9.10, les polluants transportés le long des trajets d’écoulement relativement horizontaux, peuvent migrer profondément dans le système d’écoulement. Les dispersivités longitudinale et transversale représentées dans les modèles de transport de polluant simulés et présentés dans la Figure 9.10 indiquent que si les valeurs de dispersivité sont d’ordre de grandeur plus élevé que les valeurs obtenues par les expériences au laboratoire, la dispersion exercera une forte influence sur le transport de polluant. La question est de savoir si les dispersions dans des matériaux géologiques non fracturés dans des conditions naturelles ont des amplitudes qui sont importantes pour être établies par des expériences de terrain. Ce sujet est discuté davantage dans la Section 9.4.

Transport des composants réactifs

Texte traduit par : Rachida Bouhlila
Figures traduits par : Faten Jarraya Horriche

Dans cette section, nous considèrerons le transport des solutés qui se comportent comme ceux décrits ci-dessus, mais en y ajoutant l’influence des réactions chimiques. Des modifications de concentrations peuvent se produire à cause de réactions chimiques qui ont lieu entièrement dans la phase aqueuse ou à cause d’un transfert de solutés, de ou vers d’autres phases telles que la matrice solide du milieu poreux ou de la phase gazeuse dans la zone non saturée. La multitude de réactions chimiques et biochimiques qui peuvent affecter les concentrations des contaminants dans les systèmes d’écoulements souterrains peuvent être regroupées en six catégories : réactions d’adsorption-désorption, acides-bases, de dissolution-précipitation, d’oxydo-réduction, de complexation ou d’association ionique, et de synthèse cellulaire microbienne. Les contaminants radioactifs subissent la décroissance radioactive en plus des processus non radiogéniques. Dans la discussion qui suit, nous nous focaliserons sur l’adsorption comme un mécanisme d’altération des concentrations. Dans la Section 9.3, d’autres types de réactions sont considérés.

Dans les milieux poreux homogènes saturés, avec un écoulement en régime permanent, la forme unidimensionnelle de l’équation d’advection-dispersion est exprimée d’une manière qui inclut l’effet de l’adsorption [Éq. (A10.14), Annexe X] comme suit

$D_l \frac{\partial^2C}{\partial l^2} – \bar{v}_l \frac{\partial C}{\partial l} + \frac{\rho_b}{n}\frac{\partial S}{\partial t} = \frac{\partial C}{\partial t}$ (9.9)

ρb est la densité massique du milieu poreux, n est la porosité, et S la masse du constituant chimique adsorbé sur la partie solide du milieu poreux, par unité de masse de solide. ∂S/∂t représente le taux avec lequel le constituant est adsorbé [M/MT], et (ρb/n)(∂S/∂t) représente le changement de concentration dans le fluide dû à l’adsorption ou à la désorption

$\frac{M}{L^3}\frac{M}{MT} = \frac{M}{L^3}\frac{1}{T}$

Les réactions d’adsorption des contaminants dans les eaux souterraines sont habituellement considérées comme étant relativement rapides par rapport à la vitesse d’écoulement. La quantité de contaminants adsorbée sur la phase solide (c.à.d. le degré d’adsorption) est usuellement une fonction de la concentration dans la solution, S = f(C). Il s’en suit que

$- \frac{\partial S}{\partial t} = \frac{\partial S}{\partial C} \cdot \frac{\partial C}{\partial t}$ (9.10)

et

$- \frac{\rho_b}{n} \cdot \frac{\partial S}{\partial t} = \frac{\rho_b}{n} \cdot \frac{\partial S}{\partial C} \cdot \frac{\partial C}{\partial t}$ (9.11)

où le terme (∂S/∂C) représente la répartition du contaminant entre la solution et la phase solide.

La répartition des solutés entre les phases liquide et solide dans les milieux poreux, déterminée dans des expériences de laboratoire, est usuellement exprimé dans un graphique à deux axes où la masse adsorbée par unité de masse de la matière sèche solide est représenté en fonction de la concentration du constituant dans la solution. Ces relations graphiques de S en fonction de C et leurs expressions mathématiques équivalentes sont connues comme des isothermes d’adsorption. Ce terme est dû au fait que ces expériences d’adsorption sont réalisées normalement à température constante.

Les résultats des expériences d’adsorption sont généralement représentés sur du papier à coordonnées double logarithmiques. Pour les solutés de faibles concentrations, une droite est généralement obtenue sur une large gamme de concentrations. Ce résultat est exprimé comme suit

$\log S = b \log C + \log K_d$

ou

$S = K_dC^b$ (9.12)

S est la masse de soluté adsorbée ou précipitée sur la phase solide par unité de masse sèche de milieu poreux, C est la concentration du soluté et Kd, et b sont des coefficients qui dépendent de l’espèce dissoute, de la nature du milieu poreux et d’autres conditions du système. L’équation (9.12) est désignée par l’isotherme de Freundlich. La pente de la courbe d’adsorption log-log est représentée par le terme b dans l’équation (9.12). Si b = 1 (c.à.d. si la relation linéaire entre S et C dans le graphique log-log a une pente à 45 °), alors le S en fonction de la valeur de C sera aussi représenté par une droite dans un graphique arithmétique. Une telle isotherme est dite linéaire, et d’après l’équation (9.12) avec b = 1,

$\frac{dS}{dC} = K_d$ (9.13)

où Kd est connue comme étant le coefficient de distribution. Ce paramètre est largement utilisé dans les études de la contamination des eaux souterraines. Kd est une représentation valide de la répartition entre les phases liquide et solide uniquement si les réactions qui ont causé le partage sont rapides et réversibles et si l’isotherme est linéaire. Heureusement, plusieurs contaminants qui concernent les études des eaux souterraines correspondent à ces conditions. Un traitement complet des isothermes d’adsorption est présenté par Helfferich (1962) qui fournit des informations détaillées de plusieurs types importants d’isothermes en plus de celle de Freundlich.

Le transfert de masse des contaminants par adsorption ou tout autre processus chimique, de l’eau des pores à la partie solide du milieu poreux lors de l’écoulement, engendre un retard de l’avancée du front de contaminants. Afin d’illustrer ce concept, l’expérience classique sur colonne que montre la Figure 9.1 (a) sera encore considérée. Il y est question de deux traceurs ajoutés à l’eau qui circulent à travers la colonne. L’un des traceurs n’est pas adsorbé et avance donc avec l’eau. L’autre traceur subit l’adsorption et alors qu’il circule à travers la colonne, une fraction de sa masse est retenue par le milieu poreux. Les deux traceurs sont ajoutés instantanément à l’eau entrant dans la colonne [une fonction impulsion d’entrée comme le montre la Figure 9.1 (b)]. Lors du transport, les deux traceurs sont distribués dans la colonne de la manière représentée schématiquement sur la Figure 9.11. La courbe de la masse d’eau transportée représentée par le traceur non réactif devance celle du traceur réactif. Le profil de concentration du traceur non adsorbé s’étale du fait de la dispersion. Le profil de concentration du traceur réactif s’étale aussi mais migre derrière le front de celui conservatif. Le traceur adsorbé est ainsi dit retardé.

Figure 9.11 Avancée des solutés adsorbés et non adsorbés à travers une colonne de milieu poreux. La répartition des espèces adsorbées est décrite par Kd. La vitesse relative $1/(1 + (\rho_b/n)K_d)$. Les concentrations des solutés à l’entrée sont C0 à t > 0.

Pour les cas où la répartition du contaminant peut être correctement représentée par un coefficient de distribution (c.à.d. adsorption rapide et réversible, avec une isotherme linéaire), le retard du front par rapport à l’avancée de l’eau est décrit par

$\frac{\bar{v}}{\bar{v}_c} = 1 + \frac{\rho_b}{n} \cdot K_d$ (9.14)

où $\bar{v}$ est la vitesse moyenne linéaire de l’eau souterraine et $\bar{v}_c$ la vitesse du point avec C/C0 = 0,5 sur le profil de concentration du constituant retardé. L’équation (9.14) est communémant appelée équation de retard. Le terme $1 + \frac{\rho_b}{n} \cdot K_d$ est désigné par le facteur de retard. L’inverse du facteur de retard est appelé vitesse relative $(\frac{\bar{v}}{\bar{v}_c})$. L’équation (9.14) a été à l’origine développée sur des bases empiriques dans l’ingénierie chimique par Vermeulen et Hiester (1952). Elle a été appliquée pour la première fois aux problèmes des eaux souterraines par Higgins (1959) et Baetsle (1967, 1969). Baetsle a indiqué que cette équation peut être utilisée afin de déterminer le retard du centre de masse du contaminant qui se déplace à partir d’un point source en subissant de l’adsorption.

Afin de mieux préciser les effets du retard chimique sur la migration des contaminants, quelques valeurs représentatives des paramètres seront utilisées en relation avec l’Éq. (9.14). Pour un dépôt granulaire non consolidé, la porosité, exprimée par une fraction, se situe usuellement entre 0,2 et 0,4. La densité massique moyenne des minéraux qui constituent les dépôts non consolidés est approximativement de 2,65. L’intervalle des densités massiques, ρb, qui correspond à l’intervalle de porosité ci-dessus est de 1,6 à 2,1 g/cm3. Pour ces intervalles de porosités et de densités massiques, les valeurs de ρb/n varient de 4 à 10 g/cm3. Une approximation de l’Éq. (9.14) est alors

$\frac{\bar{v}}{\bar{v}_c} = (1 + 4K_d) \hspace{1mm}\text{to}\hspace{1mm} (1 + 10K_d)$ (9.15)

La seule principale inconnue dans l’Éq. (9.15) est le coefficient de distribution Kd. Le coefficient de distribution peut alors être exprimé comme suit

$K_d = \frac{\text{masse du solut\'{e} de la phase solide par unit\'{e} de masse de la phase solide}}{\text{concentration du solut\'{e} dans la solution}}$

Les dimensions de cette expression se réduisent à L3/M. Les valeurs mesurées de Kd sont normalement exprimées en millilitres par gramme (mℓ/g).

Les coefficients de distribution des solutés réactifs se situent entre des valeurs proches de zéro et 103 mℓ/g ou plus. A partir de l’Éq. (9.15), il apparaît que si Kd = 1 mℓ/g, le point de concentration médiane du soluté serait retardé par rapport au mouvement général des eaux souterraines d’un facteur entre 5 et 11. Pour des valeurs de Kd dont l’ordre de grandeur est supérieur à 1, le soluté est essentiellement immobile.

Afin de mieux illustrer l’effet de la distribution entre les phases liquide et solide, une section transversale d’un domaine d’écoulement, similaire à celui représenté sur les Figures 9.8 et 9.10, est utilisé. Les profils de contaminants dans cette section transversale, engendré par une entrée d’eau contaminée par des solutés de différents coefficients de distribution, sont représentés sur la Figure 9.12. Les profils ont été obtenus par Pickens et Lennox (1976) qui ont résolu par une méthode aux éléments finis, l’équation de transport contenant le terme de réaction décrit par l’Éq. (9.11). Le cas dans lequel Kd = 0 montre la zone occupée par un contaminant qui n’est pas affecté par des réactions chimiques. Sous cette condition, les processus d’advection et de dispersion font que le contaminant occupe progressivement une large partie du domaine. Le profil du transport est dans ce cas, contrôlé par la chronologie d’entrée du contaminant, par la distribution de la vitesse et par la dispersion. Les espèces de contaminant dont la valeur de Kd est supérieure à zéro, occupent une portion du domaine d’écoulement nettement plus petite. Si Kd = 10 mℓ/g, la plus grande partie de la masse de contaminant migre uniquement sur une petite distance à partir de la zone d’entrée durant la période spécifique de migration. Cette situation peut être anticipée en considérant la valeur de Kd dans l’Éq. (9.15). Il existe une zone d’extension au delà des contours C/C0 = 0,1 montrés sur la Figure 9.12 dans laquelle le contaminant est à de très faibles concentrations. Si le contaminant est dangereux à de faibles concentrations, cette zone peut être extrêmement importante, même si celà ne concerne qu’une petite fraction de la masse totale de contaminant du domaine d’écoulement.

Figure 9.12 Effet du coefficient de distribution sur le retard du contaminant durant son transport dans un système d’écoulement souterrain peu profond. La porosité est de 0,3; la conductivité hydraulique est de 0,5 m/jour; αl = 10 m; la durée de transport est de 60 ans; les contours de concentrations à C/C0 = 0,9, 0,7, 0,5, 0,3, et 0,1 (d’après Pickens et Lennox, 1976).

Quand un mélange de contaminants réactifs pénètrent dans une zone d’écoulement souterrain, chaque espèce se déplacera à un taux qui dépend de sa vitesse relative, $\bar{v}_c/\bar{v}$. Après un certain temps t, le nuage original de contaminant sera subdivisé en différentes zones, chacune avançant à une vitesse différentes dans la même direction. En considérant l’exemple de la source ponctuelle instantanée décrit par les équations (9.6) et (9.7), la position du centre de masse du nuage qui migre est obtenue à partir de la vitesse relative définie par l’inverse de $\bar{v}/\bar{v}_c$ calculé à partir de l’Éq. (9.14). L’équation (9.6) peut être utilisée pour calculer la distribution de la concentration de l’espèce réactive dissoute en remplaçant $\tau$ par t, avec $\tau = t(\bar{v}_c/\bar{v})$. Puisque l’écart type total d’une distribution donnée est fonction du temps et de la distance parcourue, les deux paramètres influencent le profil de dispersion de chaque espèce retardée (Baetsle, 1969).

L’approche du coefficient de distribution pour représenter le partage chimique des contaminants dans les systèmes d’écoulements souterrains, est basée sur la supposition que les réactions qui répartissent les contaminants entre les phases liquide et solide, sont totalement réversibles. Au fur et à mesure que le panache de contaminants avance le long de l’écoulement, le front est retardé suite au transfert d’une partie de la masse de ce contaminant à la phase solide. Si l’entrée de la masse de contaminant dans le système est interrompue, le contaminant est restitué à la phase liquide dès que les eaux à faibles concentrations pénètrent dans la zone précédemment contaminée. Dans ce cas, le contaminant se déplace sous forme d’un nuage, ou ilot, à l’intérieur du système d’écoulement. Ceci est illustré sur la Figure 9.13 qui montre la migration d’un nuage de contaminant à travers la section transversale illustrée sur les Figures 9.10 et 9.12.

Figure 9.13 Migration d’un contaminant réactif à travers un système d’écoulement souterrain peu profond. (a) Concentrations en fonction du temps pour une source de contaminant. (b) Distribution de la concentration après 20, 35 et 50 ans. La porosité est de 0,3; la conductivité hydraulique est de 0,5 m/jour; αl = 10 m; αt = 0,5 m; Les contours de concentrations sont à C/C0 = 0,9, 0,7, 0,5, 0,3, et 0,1 (d’après Pickens et Lennox, 1976).

Initialement, la zone contaminée est localisée en dessous de la zone d’entrée. Après que l’apport d’eau contaminée est stoppé, la masse de soluté se déplace le long de l’écoulement en laissant une zone où l’eau est moins contaminée en dessous de la zone d’entrée. Au fur et à mesure que le temps passe, les contaminants sont poussés vers l’extérieur du système d’écoulement. Si les réactions de distribution sont complètement réversibles, avec la désorption, toute manifestation de contamination sera écartée du système. Ainsi, si les réactions sont réversibles, les contaminants ne peuvent être définitivement  isolés dans le domaine souterrain, bien que le retard du front de concentration soit important. Dans certaines situations, une partie de la masse de contaminant transférée par adsorption ou précipitation, à la phase solide du matériau poreux, est fixée irréversiblement sur l’échelle de temps considérée. Cette partie n’est plus restituée à l’eau des pores au fur et à mesure que l’eau passe à travers le système et est ainsi isolée dans l’environnement souterrain.

Quand le coefficient de distribution est utilisé pour déterminer le retard d’un contaminant, les réactions qui le répartissent sont considérées très rapides par rapport à la vitesse de l’écoulement souterrain. Plusieurs substances, ne réagissent cependant pas suffisamment rapidement avec le milieu poreux pour que cette supposition soit valide. Quand les contaminants de ce type se déplacent dans les milieux poreux, ils avancent plus rapidement que si des réactions se produisent selon les relations de distribution du type Kd. Ceci est illustré sur la Figure 9.14 qui montre le front de non-équilibre dans une position intermédiaire entre le front du traceur non retardé et celui du traceur retardé décrit par la relation de Kd. L’analyse du mouvement d’un contaminant qui subit une distribution qui ne peut pas être décrite par une relation d’équilibre, nécessite plus d’information sur son taux de réaction avec le milieu poreux. Cette information est difficile à obtenir. Dans des études sur terrain, l’équation du retard décrite plus haut est souvent utilisée du fait de sa simplicité ou parce que des informations sur les taux de réaction manquent. Ceci peut conduire à des erreurs importantes sur la prédiction du taux de migration des contaminants dans les systèmes où les facteurs cinétiques sont importants.

Figure 9.14 Déplacement de contaminants réactif et non réactif à travers une colonne. (a) Front dispersé d’un soluté non retard é; (b) front d’un soluté qui subit une réaction d’équilibre de distribution entre les phases liquide et solide; (c) front de soluté qui subit un taux plus faible de transfert à la phase solide.

Transport en milieux fracturés

Texte et figures traduits par : Faten Jarraya Horriche

Bien que le transport de contaminants dans les matériaux géologiques fracturés soit régi par les mêmes processus que dans les milieux granulaires à savoir la convection, la dispersion cinématique, la diffusion moléculaire et les réactions chimiques-les effets en milieux fracturés peuvent être très différents. La porosité efficace des roches fracturées et des matériaux consolidés qui sont fracturés, tels que le till articulé, le limon ou l’argile, est normalement très faible. Des valeurs de l’ordre de 1 – 0,001 %, ou de 10-2 – 10-5 exprimées en fraction, sont courantes. Bien que les porosités soient faibles, les vitesses des eaux souterraines peuvent être élevées. Ceci peut être déduit à partir de l’équation modifiée de Darcy (Section 2.12)

$\bar{v} = – \frac{K}{n_f}\frac{dh}{dl}$ (9.16)

où $\bar{v}$ est la vitesse linéaire moyenne de l’eau dans les fractures, K la conductivité hydraulique du milieu fracturé, nf la porosité de fracture et dh/dl le gradient hydraulique. Cette relation considère le milieu fracturé comme un milieu poreux équivalent. Les paramètres des équations concernent un volume du milieu suffisamment grand pour être décrit par une conductivité hydraulique et une porosité moyennes pour l’ensemble de la masse. Dans cette approche, chaque ouverture de fracture est considérée comme étant très faible par rapport au volume global du domaine sur lequel K est mesurée. Le nombre de fractures dans ce domaine doit donc être important.

Pour des fins d’illustration, nous considérerons un milieu qui a une conductivité hydraulique de 10–8 m/s et une porosité de fracture de 10–4. Ces valeurs pourraient représenter les conditions dans un granit légèrement fracturé. En utilisant un gradient hydraulique de 10–2, qui correspond à la valeur généralement observée sur terrain, la vitesse de l’eau souterraine calculée avec l’équation (9.16) est 10 m/an. Cette vitesse est très élevée si on la compare à celles mesurées dans les milieux poreux non fracturés à faible granulométrie. Par exemple, dans un milieu poreux non fracturé, tel que le dépôt de limon, avec cette conductivité hydraulique et ce gradient hydraulique et une porosité granulaire de 0,3, la vitesse d’eau souterraine serait d’environ 0,003 m/an. Le flux de l’eau (volume d’eau par unité de temps passant par une section transversale spécifiée) dans ces deux exemples, est le même et il est extrêmement faible. Bien que l’équation (9.16) puisse être utilisée pour calculer les vitesses moyennes dans les milieux fracturés, elle n’exprime pas les vitesses dans les fractures individuelles. Selon l’ouverture de fracture et la rugosité de la surface rocheuse, la vitesse des eaux souterraines peut être différente de la valeur moyenne par quelques ordres de grandeur.

Il a été indiqué ci-dessus que, dans l’analyse mathématique de la dispersion cinématique dans les milieux poreux, on suppose que les milieux sont isotropes en ce qui concerne la dispersivité. Ceci veut dire que la dispersivité longitudinale en un point du milieu est constante quelle que soit la direction de la vitesse. La dispersivité transversale est égale à la dispersivité longitudinale. Les différences entre les dispersivités longitudinale et transversale sont liées au mécanisme de dispersion plutôt qu’aux propriétés directionnelles du milieu. Cependant, les matériaux géologiques fracturés sont notoirement anisotropes selon l’orientation et la fréquence des fractures. On peut s’attendre à ce que la dispersion des solutés au cours de leurs transports à travers les roches fracturées ne puisse être décrite par les équations développées pour les milieux poreux homogènes. On a peu d’information sur la dispersion dans les milieux fracturés. La méthode courante adoptée sur terrain consiste à traiter le problème de migration des contaminants dans la roche fracturée de la même manière mathématique que pour les milieux granulaires poreux. On ne connait pas l’échelle à laquelle cette approche est valide sur terrain. Comme commentaire de conclusion sur ce sujet, la déclaration de Castillo et al. (1972) est approprié :

Bien que les aspects théoriques de base de . . . (dispersion) . . . ont été traités largement pour le cas où la strate perméable est composé par des matériaux granulaires, le concept classique d’écoulement à travers les milieux poreux est généralement inadéquat pour décrire le comportement d’écoulement dans la roches articulées, et il devient de plus en plus inadéquat à l’analyse de la dispersion. Malgré ces limites, peu de travaux ont été réalisés pour traiter l’écoulement à travers les formations rocheuses articulées (p. 778).

Il est nécessaire d’apporter une modification de l’approche pour que le coefficient de distribution ou le concept d’isotherme soit applicable dans l’analyse de la migration des contaminants réactifs à travers des milieux fracturés. Pour les matériaux granulaires, la quantité de soluté adsorbée dans la partie solide du milieu poreux est exprimée par unité de masse du milieu brut à l’état sec. Pour plus de commodité, la masse unitaire du milieu poreux est utilisée comme quantité de référence. Une approche plus machinale mais moins pratique serait d’utiliser une surface unitaire du milieu poreux comme quantité de référence. Cette approche est plus raisonnable car les réactions d’adsorption sont beaucoup plus étroitement liées à la surface du milieu solide qu’à la masse du milieu. Néanmoins, pour les matériaux granulaires tels que les sables, les limons et les argiles, l’utilisation de la densité de masse dans la définition du coefficient de distribution aboutit normalement à des résultats acceptables. Avec cette approche, les mesures de la surface effective ne sont pas nécessaires.

Dans le cas de migration des contaminants à travers des matériaux fracturés, il est plus approprié, comme le suggère Burkholder (1976), d’exprimer le coefficient de distribution Ka par unité de surface.

Il est donc défini comme

$K_a = \frac{\text{masse de solut\'{e} dans la phase solide par unit\'{e} de surface de la phase solide}}{\text{concentration de solut\'{e} dans la solution}}$

Les unités pour cette expression sont [M/L2 · L3/M] ou [L]. Les unités qui sont couramment utilisées sont des millilitres par centimètre carré.

L’équation de retard devient alors

$\frac{\bar{v}}{\bar{v}_c} = 1 + AK_a$ (9.17)

A est le rapport de la surface à l’espace des vides (volume) [1/L] pour l’ouverture de la fracture à travers laquelle le soluté est transporté. Il ressort de cette relation que les fractures avec des ouvertures plus petites produisent un retard plus élevé des solutés réactifs. Le coefficient de distribution dans cette expression de retard a les mêmes hypothèses inhérentes que l’équation (9.14), à savoir : les réactions de partitionnement sont réversibles et rapides par rapport à la vitesse d’écoulement.

L’équation (9.17) est simple en termes conceptuels, mais il est difficile de l’appliquer à des systèmes naturels. Si on peut avoir des informations sur l’ouverture d’une fracture et si la surface de fracture est supposée plane, A = 2/bb est la largeur d’ouverture (Section 2.12). Les surfaces de fracture ont généralement des irrégularités à petite échelle et peuvent donc avoir des surfaces beaucoup plus grandes que les surfaces planes. Au cours de la détermination de l’adsorption isotherme ou du coefficient de distribution pour la fracture, on mesure la répartition du contaminant entre le fluide en contact avec la fracture et la surface de fracture. Si la surface de fracture est irrégulière ou contient un revêtement de matériaux altérés ou de précipités chimiques, la surface réelle avec laquelle le contaminant réagit n’est pas connue. Elle ne peut être déterminée qu’avec un effort expérimental. Une approche pratique consiste à exprimer Ka par rapport à la surface de fracture supposée plane, dans ce cas la relation de retard devient

$\frac{\bar{v}}{\bar{v}_c} = 1 + \frac{2K_a}{b}$ (9.18)

Il faut garder à l’esprit que l’équation (9.17) n’est valable que pour les matériaux fracturés dans lesquels la porosité de la matrice solide entre les fractures est négligeable. Lorsqu’une contamination se produit dans les fractures, il y a un gradient de concentration de contaminant entre le liquide de fracture et celui du matériau non fracturé adjacent à la fracture. Si la matrice solide est poreuse, une partie de la masse de contaminant se déplacera par diffusion moléculaire à partir de la fracture vers la matrice solide. Cette masse est donc enlevé, au moins temporairement, du régime d’écoulement dans la fracture.

La Figure 9.15 illustre l’effet de la diffusion matricielle sur la distribution de la concentration de contaminants non réactifs et réactifs migrant à travers une fracture dans un milieu poreux. A titre illustratif, on suppose que la dispersion dans la fracture est négligeable. La comparaison de la Figure 9.15 (a) et (b) montre que la diffusion dans la matrice provoque une diminution graduelle de la concentration dans la fracture avec la progression du front de la zone contaminée. La masse totale de la zone de contaminée en progression dans la fracture semble être retardée car une partie de la masse contaminée est transférée vers la matrice solide.

Figure 9.15 Effet de la diffusion sur la migration des contaminants dans les milieux poreux fracturés. (a) Transport hydraulique unidirectionnel dans une fracture dans un milieu non poreux; (b) transport hydraulique unidirectionnel avec migration vers la matrice solide suite à la diffusion moléculaire; (c) transport hydraulique unidirectionnel avec diffusion moléculaire et adsorption (profils de concentration relative des contaminants réactifs au sein de la fracture représentés pour le temps t1).

La forme générale du profil longitudinal est un peu similaire à celle produite par une dispersion longitudinale dans des matériaux granulaires. Si le contaminant subit une adsorption, la diffusion va provoquer une adsorption sur une surface beaucoup plus large que celle provoquée dans le cas où la masse contaminée restait entièrement dans la fracture. Une partie du contaminant est adsorbée à la surface de la fracture et, lors de la diffusion, une partie est adsorbée dans la matrice. L’effet combiné de l’adsorption sur la surface de fracture et dans la matrice conduit à un retard de l’avancée de la masse de contaminant dans la fracture par rapport à son avancé en l’absence d’adsorption [Figure 9.15 (c)].

La distribution des contaminants dans un aquifère poreux fracturé recevant des déchets à partir de la surface du sol est illustrée schématiquement par la Figure 9.16. Au fil du temps, la zone contaminée se diffusera plus loin dans la matrice poreuse. Si la source de contamination est interrompue, la masse contaminée dans la matrice poreuse finira par se diffuser en retour vers les ouvertures de fracture lorsque l’eau fraîche s’évacue dans le réseau de fracture.

Figure 9.16 Représentation schématique de la migration des contaminants à partir d’une source en surface du sol à travers un calcaire poreux fracturé.

La diffusion moléculaire est un processus qui se produit à un rythme suffisamment rapide pour exercer une forte influence sur le comportement des contaminants dans de nombreux types de matériaux fracturés. Même le granit a une porosité et une perméabilité primaire considérable, avec des valeurs de porosité généralement de 0,05 – 1,0 % et de conductivité hydraulique de l’ordre de 10–12 m/s. Dans l’aquifère calcaire principal en Grande-Bretagne, des études détaillées montrent que les distributions souterraines du tritium et du nitrate dans le calcaire sont fortement influencées par la diffusion de ces paramètres à partir des fractures, où se produit un écoulement rapide, vers la matrice solide de la roche poreuse de la roche (Foster, 1975). Dans la région des plaines d’Amérique du Nord, les dépôts du till glacier et d’argile glaciolacustre sont souvent fracturés (Section 4.4). Grisak et al. (1976) indiquent que bien que les fractures soient généralement le chemin majeur de l’écoulement des eaux souterraines, l’évolution chimique des eaux souterraines est contrôlée par la diffusion des produits dissous par réaction de la matrice argileuse dans le réseau des fractures.

9.3 Comportement hydrochimique des polluants

Texte traduit par : Fadoua Hamzaoui

Dans cette section, le comportement hydrochimique des polluants dans les eaux souterraines sera discuté. Il n’est pas possible d’étudier tous les processus hydrochimiques qui affectent les polluants dans les eaux souterraines dans cette section. Notre objectif est d’illustrer les processus les plus importants qui contrôlent le comportement de plusieurs polluants ayant des propriétés hydrochimiques différentes. L’origine et les causes de la contamination des eaux souterraines seront discutées à la Section 9.4.

L’Azote

Texte et figures traduits par : Fadoua Hamzaoui

Le nitrate ($\ce{NO^-3}$) est la forme d’azote dissous la plus courante dans les eaux souterraines. Ce polluant est de plus en plus répandu à cause des activités agricoles et du rejet des eaux usées. Sa présence avec des concentrations indésirables menace les systèmes aquifères qui sont étendus dans de nombreuses régions du monde. Bien que le $\ce{NO^-3}$ est la forme principale dans laquelle l’azote se trouve dans les eaux souterraines, l’azote dissous se trouve également sous forme d’ammonium ($\ce{NH^+4}$), d’ammoniac (NH3), de nitrite ($\ce{NO^-2}$), d’azote (N2), de protoxyde d’azote (N2O) et d’azote organique. L’azote organique est l’azote incorporé dans les substances organiques.

Le nitrate dans les eaux souterraines provient généralement de la surface de la terre, du sol ou des zones peu profondes du sous-sol où les déchets riches en azote sont enterrés (Figure 9.17). Dans certaines situations, les déchets ou les engrais sont considérés comme des sources directes de $\ce{NO^-3}$ dans les eaux souterraines (Figure 9.18). Dans d’autres cas, le $\ce{NO^-3}$ provient de la transformation de l’azote organique ou du $\ce{NH^+4}$, qui se produisent naturellement ou qui sont introduits dans le sol à travers les activités humaines. Le processus de transformation de l’azote organique en $\ce{NH^+4}$ est appelée ammonification. A travers le processus de nitrification, $\ce{NH^+4}$ est converti en $\ce{NO^-3}$ par oxydation. L’ammonification et la nitrification sont des processus qui se produisent normalement au-dessus de la nappe phréatique, généralement dans le sol, où la matière organique et l’oxygène sont abondants. Ainsi, dans la Figure 9.18, ces processus sont représentés de telle sorte que  les $\ce{NO^-3}$ sont produits en dehors des limites du système d’écoulement des eaux souterraines.

Les concentrations de $\ce{NO^-3}$ généralement détectées dans les eaux souterraines ne sont pas limitées par des contraintes de solubilité. En raison de sa forme anionique, le $\ce{NO^-3}$ est très mobile dans les eaux souterraines. Dans les eaux souterraines fortement oxydantes, le $\ce{NO^-3}$ est la forme stable de l’azote dissous. Il se déplace avec les eaux souterraines sans transformation et avec peu ou sans retard. Les eaux souterraines très peu profondes, dans des sédiments très perméables ou dans des roches fracturées, contiennent généralement des quantités considérables en  oxygène dissous. C’est dans ces environnements hydrogéologiques que le $\ce{NO^-3}$ migre généralement sur de grandes distances à partir des zones d’alimentation.

Figure 9.17 Sources et cheminement de l’azote dans l’environnement souterrain.
Figure 9.18 Entrées d’azote et transformations dans le système des eaux souterraines.

Une diminution du potentiel redox des eaux souterraines peut, dans certaines situations, provoquer une dénitrification, un processus au cours duquel le $\ce{NO^-3}$ est réduit en N2O ou N2 (Figure 9.17). Ce processus est représenté chimiquement dans le Tableau 3.11. Dans un système idéal, qui peut être décrit par la thermodynamique réversible, la dénitrification se produirait à un potentiel redox d’environ 4,2  pE (ou +250 mv Eh) dans les eaux à pH 7 et à 25 °C. A ce potentiel redox, l’eau serait dépourvue de l’O2 dissous (c’est-à-dire au-dessous de la limite de détection). Le $\ce{NO^-3}$ est réduit en N2O, puis, si le potentiel redox diminue encore, le N2O est réduit en N2. Ces éléments existent sous formes d’espèces dissoutes dans les eaux souterraines. Si l’eau se déplace dans la zone non saturée, une partie du N2O ou N2 peut être perdue par dégazage dans l’air du sol (Figure 9.18).

La Figure 9.18 indique que, en plus de la voie de dénitrification pour la réduction de NO3, il existe une voie qui conduit à $\ce{NH^+4}$. Pour des raisons biochimiques, seule une petite fraction de $\ce{NO^-3}$ subit une réduction. Si $\ce{NH^+4}$ est produit dans les eaux souterraines par ce procédé, la plus grande partie serait éventuellement adsorbée sur des particules d’argile ou de limon dans les matériaux géologiques.

Concernant la qualité des eaux, la dénitrification dans les eaux souterraines est un processus souhaitable. Les concentrations accrues de N2 dissous et de N2O ne nuisent pas à l’eau potable. En revanche, le $\ce{NO^-3}$ à des concentrations supérieures à 45 mg/ℓ rend l’eau impropre à la consommation, surtout chez les enfants. Si la concentration de $\ce{NO^-3}$ dans l’eau dépasse les 450 mg/ℓ, celle-ci n’est plus consommable par les animaux.

La dénitrification est un processus qui a été observé dans plusieurs travaux concernant le sol, au laboratoire et sur le terrain. Compte tenu d’une source de matière organique et de $\ce{NO^-3}$ abondants, les systèmes bactériens dans le sol sont capables de dénitrifier de grandes quantités de $\ce{NO^-3}$. La dénitrification dans les  eaux souterraines, cependant, est un processus peu connu. Il semble que le manque de matières organiques dans les eaux souterraines inhibe généralement la croissance des bactéries dénitrifiantes. Cela limite le processus de dénitrification, même si le système redox a évolué vers des conditions de réduction. Cependant, comme les eaux souterraines coulent généralement à faible vitesse, un taux de dénitrification lent peut néanmoins être significatif par rapport au bilan de nitrate dans l’environnement souterrain. Pour les discussions des situations de terrain concernant la présence du processus de dénitrification dans les aquifères, le lecteur peut se référer à Edmunds (1973) et, Gillham et Cherry (1978).

Métaux Trace

Texte et figures traduits par : Meriem Ameur

Au cours des dernières années, la mobilité des métaux traces dans les eaux souterraines a attiré beaucoup d’attention. Sont particulièrement intéressants les métaux traces pour lesquels des limites maximales autorisées ou recommandées ont été fixées dans les normes d’eau potable. Ceux-ci comprennent Ag, Cd, Cr, Cu, Hg, Fe, Mn et Zn (voir Tableau 9.1). Au cours de la prochaine décennie, cette liste pourrait augmenter à mesure que l’on connait davantage le rôle des métaux traces dans la santé humaine et l’écologie. Bien que ces éléments se produisent rarement dans les eaux souterraines à des concentrations suffisamment importantes pour comprendre un pourcentage significatif du total des solides dissous, leurs concentrations peuvent, selon l’environnement source et hydro chimique, être supérieures aux limites spécifiées dans les normes d’eau potable. La plupart des éléments énumérés ci-dessus se trouvent dans un groupe élémentaire auquel se réfèrent les chimistes comme éléments de transition. Beaucoup de ces éléments sont également connus sous le nom de métaux lourds.

Les métaux traces dans les eaux souterraines naturelles ou contaminées, à l’exception du fer, surviennent presque toujours à des concentrations bien inférieures à 1 mg/ℓ. Les concentrations sont faibles en raison des contraintes imposées par la solubilité des minéraux ou des substances amorphes et de l’adsorption sur les minéraux argileux ou sur les oxydes hydratés du fer et du manganèse ou de la matière organique. La substitution isomorphe ou la coprécipitation avec des minéraux ou des solides amorphes peuvent également être importantes.

Une caractéristique de la plupart des métaux traces dans l’eau est leur tendance à former des espèces hydrolysées et à former des espèces complexe en se combinant avec des anions inorganiques tels que $\ce{HCO^-3}$, CO32–, SO42–, Cl, F, et $\ce{NO^-3}$. Dans les milieux souterrains contaminés par des composés organiques dissous, les complexes organiques peuvent également être importants. Exprimé en termes de produits d’hydrolyse, la concentration totale d’un métal trace MT qui, sous forme non hydrolysée, existe autant que Mn+ est

$\ce{M}_T = (\ce{M}^{n+}) + (\ce{MOH}^{(n-1)+}) + (\ce{M(OH)2}^{(n-2)+})+…$

Si la concentration totale, MT est connue, les concentrations des autres espèces peuvent être calculées en utilisant des équations de masse avec des constantes d’équilibre dérivées de données thermodynamiques (Leckie et James, 1974). En utilisant du zinc à titre d’exemple, les espèces hydrolysées et les complexes inorganiques qui se formeraient, pourraient comprendre ZnOH+, $\ce{Zn(OH)^o_2}$, $\ce{Zn(OH)4^{2-}}$, ZnCl, $\ce{ZnSO^o_4}$, et $\ce{ZnCO^o_3}$. L’apparition et la mobilité du zinc dans les eaux souterraines nécessitent qu’on prenne en considération ces espèces et d’autres espèces dissoutes. Les analyses chimiques du zinc dans les eaux souterraines fournissent des informations directes uniquement sur la teneur totale en zinc de l’eau. Le pourcentage de la concentration totale existant sous forme d’espèces hydrolysées augmente avec l’augmentation du pH de l’eau. Les complexes de zinc avec Cl, SO42, et $\ce{HCO^-_3}$ augmentent avec des concentrations croissantes de ces ions en solution. Dans la Section 3.3, il a été démontré que les espèces dissoutes dans les eaux souterraines résultant de la formation de complexes avec des ions majeurs peuvent être calculées à partir des analyses des concentrations totales des principaux constituants. De la même manière, la concentration des complexes métal-trace peut être calculée en utilisant des données de concentration à partir d’analyses de laboratoire. La capacité à prédire la mobilité des métaux traces dans les eaux souterraines peut dépendre de la capacité de prédiction des concentrations des complexes les plus importants formés par l’élément dans l’eau. Bien que des informations sur les formes libres et complexes soient souvent nécessaires pour comprendre la mobilité des métaux traces, les valeurs de concentration énumérées dans les normes de qualité de l’eau sont des concentrations totales.

Presque tous les métaux traces d’intérêt pour les problèmes d’eaux souterraines sont influencés par des conditions redox, résultant soit des changements dans l’état d’oxydation des métaux traces, soit des éléments non métalliques avec lesquels il forme des complexes. L’environnement redox peut également influencer indirectement les concentrations de trace-métal en raison des changements de phases solides dans les milieux poreux qui provoquent l’adsorption des métaux traces. Dans la discussion suivante, le mercure est utilisé pour illustrer l’influence des conditions redox et la complication. Des diagrammes de pE–pH pour le Hg, dans l’eau contenant des espèces de Cl et de soufre dissous, sont présentés à la Figure 9.19. La Figure 9.19 (a) indique les principaux composés solides du mercure qui se produisent dans les différents champs de stabilité pH–pE et le champ dans lequel le mercure liquide se produit.

Figure 9.19 Stabilité des champs des phases solides et des espèces aqueuses de mercure en fonction du pH et du pE à 1 bar de pression totale. (a) phases solides calculées pour les conditions de 10–3 mol Cl et SO42–en solution; (b) des espèces aqueuses calculées pour des conditions de 10–3 mol SO42– et SO42– 10-3 et 10-3 et 10–1 mol Cl. La ligne pointillée fine indique une limite élargie du champ $\ce{HgCl^o_2}$(aq) à une concentration de Cl élevée (selon Leckie et James, 1974).

Les espèces Hg aqueuses dominantes en équilibre avec ces phases solides contenant des concentrations appréciables de SO42 et Cl sont présentées à la Figure 9.19 (b). Dans l’eau à haute teneur en Cl, le $\ce{HgCl^o_2}$ est l’espèce dominante dissoute de Hg dans la gamme de pH normale des eaux souterraines dans des conditions oxydantes. À de faibles concentrations de Cl, HgO est la phase solide à l’équilibre et $\ce{Hg(OH)^o_2}$ est l’espèce dissoute dominante à haut potentiel redox. La réaction d’équilibre principale dans cet environnement pH–pE est

$\ce{HgO + H2O = Hg(OH)^o_2}$ (9.19)

À 25 °C, le log K pour cette réaction est de –3.7. La concentration de $\ce{Hg(OH)^o_2}$ à l’équilibre de cette réaction est donc de 47 mg/ℓ. Cette concentration est de 4 ordres de grandeur au-dessus du niveau maximum autorisé pour l’eau potable. Dans la plupart des domaines de pH–pE sous le champ de stabilité HgO(s), les contraintes de solubilité produisent des concentrations d’équilibre du mercure dissous totalement inférieures à ce niveau. Dans une grande partie du domaine redox, les concentrations d’équilibre sont inférieures aux niveaux maximaux autorisés dans l’eau potable.

Certains autres métaux traces ont également de grandes concentrations d’équilibre dans les eaux avec un fort potentiel redox. Dans les eaux souterraines anaérobies, l’insolubilité relative des minéraux sulfure peuvent limiter les métaux traces à des concentrations extrêmement faibles. Dans les eaux souterraines non acides avec des concentrations élevées de carbone inorganique dissous, la solubilité des matériaux carbonatés, si l’équilibre est atteint, maintient les concentrations de métaux tels que le cadmium, le plomb et le fer à des niveaux très faibles. C’est le cas à condition que des quantités excessives de substances complexes inorganiques ou organiques ne soient pas présentes dans l’eau.

Outre les contraintes exercées par les solubilités des substances solides et les effets causés par la formation de complexes dissous, l’apparition et la mobilité des métaux traces dans les eaux souterraines peuvent être fortement influencées par les processus d’adsorption. Dans certaines eaux souterraines, de nombreux métaux traces sont maintenus par adsorption à des concentrations très inférieures à celles qui existeraient uniquement en raison des contraintes de solubilité. L’adsorption trace-métal dans les systèmes souterrains se produit en raison de la présence de minéraux argileux, de matière organique et des autres substances cristallines et amorphes qui composent les milieux poreux. Dans certains matériaux géologiques, l’adsorption trace-métal est contrôlée par des substances cristallines ou amorphes qui ne sont présentes qu’en petites quantités. Par exemple, Jenne (1968) indique que les oxydes hydratés de Fe et Mn fournissent le principal contrôle sur la fixation de Co, Ni, Cu et Zn dans les sols et les sédiments d’eau douce. Dans les milieux oxydants, ces oxydes se produisent sous forme de couche sur des grains et peuvent améliorer la capacité d’adsorption du milieu loin d’être proportionnelle à leur pourcentage d’occurrence par rapport aux autres solides. Les couches d’oxyde hydraté peuvent agir décapants en ce qui concerne les métaux traces et d’autres constituants toxiques.

Les précipités d’hydrate de fer et d’oxyde de manganèse sont habituellement désignés par Fe(OH)3(s) et MnO2(s). FeOOH(s) est parfois utilisé pour désigner les précipités d’oxyde de fer. Les oxydes de fer et de manganèse peuvent être amorphes aux rayons X (c’est-à-dire non cristallins) ou cristallins. En forme cristalline, l’oxyde de fer hydraté est connu sous le nom de goethite minérale, ou si la composition est Fe2O3, comme l’hématite. Les précipités d’oxyde de fer hydraté sont généralement des mélanges de différentes phases. Formes cristallines telles que la forme de goethite et d’hématite à la suite du vieillissement à long terme des précipités amorphes (Langmuir et Whittemore, 1971).

Un diagramme de pH-Eh pour le fer dans l’eau contenant du carbone inorganique dissous et des espèces de soufre dissous est illustré à la Figure 9.20. Dans la gamme de pH typique des eaux souterraines, Fe(OH)3(s) est thermodynamiquement stable à des valeurs de pE modérées à élevées. Dans les eaux souterraines avec du carbone inorganique dissous appréciable et du soufre, FeCO3(s) (sidérite) et FeS2 (pyrite ou marcassite) sont stables à des valeurs inférieures de pE. Dans la Figure 9.20, les limites du champ Fe(OH)3(s) ont une grande incertitude en raison de l’incertitude dans les données d’énergie libre pour Fe(OH)3(s). Néanmoins, le diagramme pH–pE sert à illustrer que l’existence de Fe(OH)3(s) dépend des conditions redox.

Figure 9.20 Les champs de stabilité pour les principales phases solides et les espèces aqueuses de fer dans l’eau en fonction du pH et du pE, 25 °C et 1 bar. Les lignes pointillées représentent la solubilité du fer. Les champs de stabilité et la solubilité du fer sont calculés pour les conditions du soufre dissous total = 10–4 mol/ℓ et le bicarbonate = 10–2 mol/ℓ (selon Hem, 1967).

Il s’ensuit que la capacité d’adsorption des métaux traces d’un système d’eau souterraine peut varier considérablement d’une zone à l’autre. Si les activités humaines perturbent le régime pH–pE, une zone qui a d’abord une forte capacité d’adsorption trace-métal peut perdre cette capacité, ou la situation inverse peut survenir.

En résumé, on peut conclure que la chimie environnementale des métaux traces est complexe. Il est difficile de prévoir leur comportement lors de transport dans les systèmes d’écoulement des eaux souterraines. Dans de nombreux environnements souterrains, les réactions d’adsorption et de précipitation font que les fronts de ces éléments se déplacent très lentement par rapport à la vitesse des eaux souterraines. Il n’est donc pas surprenant que relativement peu de cas de pollution par les métaux des eaux souterraines aient été signalés (Kaufman, 1974). Dans les cas où la contamination des métaux traces, les conséquences peuvent être graves.

Des analyses plus complètes du comportement des métaux traces dans les systèmes aqueux sont fournies par Leckie et James (1974) et par Leckie et Nelson (1977). L’apparition et le contrôle des métaux traces dans les eaux souterraines naturelles et contaminées ont été passés en revue par Matthess (1974).

Eléments traces non métalliques

Texte traduit par : Imen Hassen
Figures traduits par : Faten Jarraya Horriche

Parmi les éléments traces non métalliques listés dans le tableau des éléments périodiques, peu d’éléments ont fait l’objet de profondes investigations dans les eaux souterraines. Ces éléments regroupent le carbone, le chlore, les souffre, l’azoe, le fluorure, l’arsenic, le sélénium, le phosphore et le bore. Les formes dissoutes de carbone ($\ce{HCO^-3}$, CO32–, CO2, H2CO3), de chlore (Cl) et de soufre (SO42–, HS, H2S) se produisent en abondance dans la plupart des eaux souterraines naturelles et contaminées. L’origine et le comportement géochimique de ces constituants sont décrits aux Chapitres 3 et 7, et ne seront pas abordés dans cette partie. L’azote dans les eaux souterraines a aussi été discuté auparavant dans ce Chapitre. L’objectif de cette partie est alors d’examiner brièvement le comportement hydrochimique des autres constituants inorganiques non métalliques importants qui se présentent sous forme de contaminants ou de constituants naturels toxiques dans les eaux souterraines. Les éléments suivants seront considérés : l’arsenic, le fluorure, le sélénium, le bore et le phosphate. Ces constituants sont rarement présents dans des eaux naturelles ou contaminées à des concentrations supérieures à 1 mg/ℓ. Les limites des quatre premiers constituants de cette liste sont incluses dans les normes de l’eau potable (Tableau 9.1).

L’arsenic et ses composés ont été largement utilisés dans les pigments, comme insecticides et herbicides, comme un alliage dans les métaux, et comme agents de guerre chimique (Ferguson et Gavis, 1972). Les composés organiques synthétiques ont maintenant remplacé l’arsenic dans la plupart de ces utilisations, mais en raison de l’utilisation passée et des contributions des déchets de traitement du minerai et des sources naturelles, l’arsenic est encore un élément d’intérêt en termes de qualité environnementale. En se basant sur l’étude des données sur l’arsenic dans les eaux de surface, Ferguson et Gavis (1972) ont montré que les concentrations d’arsenic dans les eaux naturelles atteignent ou dépassent souvent les limites spécifiées dans les normes d’eau potable.

La géochimie de l’arsenic a été décrite par Onishi et Sandell (1955). Ferguson et Gavis (1972) ont étudié le cycle de l’arsenic dans les eaux naturelles. L’Arsenic se produit sous quatre états d’oxydation, +V, +III, 0, et –III. L’état –III est stable uniquement à des valeurs de pE extrêmement faibles. Dans la gamme de pH typique des eaux souterraines, les formes d’arsenic solides stables sont As2O5(s) et As2O3(s). Ces solides sont assez solubles pour que les espèces d’arsenic dissous existent à des concentrations bien supérieures à la concentration permise dans l’eau potable. Dans des conditions oxydantes, les espèces suivantes d’arsenic dissous sont stables : $\ce{H3AsO^o_4}$, $\ce{H2AsO^-_4}$, HAsO42–, et AsO43–. Dans des conditions de réduction légère, $\ce{H3AsO^o_4}$, $\ce{H2AsO^-_3}$, et HAsO32– sont prédominants. Aux faibles valeurs de pE dans les eaux avec des concentrations modérées ou importantes d’espèces de soufre dissous, les sulfures As2S3 et AsS sont stables. Dans ces conditions, l’arsenic total dissous est limité par des contraintes de solubilité à des concentrations très inférieures à la limite d’eau potable. Toutefois, à des conditions plus élevées de pE, les espèces d’arsenic dissous peuvent se produire à des concentrations d’équilibre qui dépassent largement la limite permise pour l’eau potable. Le fait que les espèces dissoutes dominantes soient soit non chargées, soit chargées négativement, suggère que l’adsorption et l’échange d’ions causeront peu de retard car ces espèces sont transportées le long des voies d’écoulement des eaux souterraines.

Parmi les éléments non-métaux pour lesquels des limites maximales permises sont fixées dans les normes d’eau potable, on cite le fluorure et le sélénium. Ces derniers sont d’une importance majeure en raison de leur origine naturelle et non pas anthropique. Ces constituants dérivés de sources naturelles ne sont pas des contaminants, même s’ils se produisent à des niveaux toxiques, leur occurrence sera discutée dans cette section.

Le sélénium est un élément non métallique présentant des propriétés géochimiques semblables au soufre. Le sélénium peut exister dans les états d’oxydation +VI, +IV et -II, et se produit dans des concentrations appréciables dans des roches telles que le schiste, le charbon, les minerais d’uranium et dans certains sols (Lewis, 1976). Les solubilités aqueuses des sels de sélénium sont généralement supérieures à celles des sels de sulfate. Sous forme dissoute dans les eaux souterraines, le sélénium est présent principalement sous forme d’ions SeO32– et SeO44–. Les études expérimentales de Moran (1976) indiquent que les concentrations de sélénium dans les eaux souterraines peuvent être contrôlées par l’adsorption sur des particules colloïdales d’oxyde de fer hydraté. Cependant, dans les systèmes d’eaux souterraines, la présence de sélénium dans le sol et les roches est bien limitée. Néanmoins, il existe des exceptions à cette constatation. En 1976, Moran a étudié une zone au Colorado où dans les eaux souterraines de plusieurs puits ont été détectées des concentrations de sélénium qui dépassent les normes de potabilité.

Au cours des dernières décennies, le fluorure a reçu beaucoup d’attention en raison de ses effets bénéfiques sur la santé dentaire et en raison de son utilisation comme additif dans l’approvisionnement en eau dans de nombreuses régions. Le fluorure est un constituant naturel des eaux souterraines avec des concentrations qui varient entre 0,1 mg/ℓ et 10 – 20 mg/ℓ. Les limites maximales admissibles spécifiées pour l’eau potable varient de 1,2 à 2,4 mg/ℓ (Tableau 9.1), en fonction de la température de la région. Les concentrations recommandées pour une santé dentaire optimale sont proches de 1 mg/ℓ, mais elles varient bien évidemment selon la température de la région. Les concentrations naturelles de F dans les eaux souterraines dépendent de la disponibilité de F dans les roches ou les minéraux rencontrés lors du passage de l’eau le long des flux d’écoulement et selon les contraintes de solubilité imposées par la fluorite (CaF2) ou la fluorapatite, Ca3(PO4)2 · CaF2. La dissolution d’équilibre – les relations de précipitation de ces minéraux dans l’eau sont :

$K_{\text{fluorite}} = \ce{[Ca^{2+}][F-]^2 \hspace{1cm} \log K_{25\degree C} = -9.8}$ (9.20)

$K_{\text{flourapatite}} = \ce{[Ca^{2+}]^5[F-][PO4^{3-}]^3 \hspace{1cm} K_{25\degree C} = -80}$ (9.21)

En raison du manque de PO43– dans la plupart des milieux souterrains, CaF2 est probablement la phase minérale qui exerce la contrainte de solubilité dans les situations où F est disponible à partir de la roche mère. Cependant, comme on peut le déterminer en substituant les valeurs dans l’équation (9.20), des concentrations de Ca2+ de plusieurs centaines de milligrammes par litre sont nécessaires pour que cette contrainte de solubilité limite les concentrations de F à des niveaux inférieurs aux normes de potabilité. En effet, le fait que la majorité des eaux souterraines sont sous-saturées vis-à-vis de la fluorine et la fluorapatite, suggère que la teneur en fluor des eaux souterraines est généralement limitée par la disponibilité de F dans les roches et les sédiments par lesquels les eaux souterraines se déplacent plutôt que par la solubilité de ces minéraux. Les eaux souterraines avec des teneurs en F qui dépassent les normes de potabilité sont fréquentes dans la région des Grandes Plaines d’Amérique du Nord et dans certaines parties du sud-ouest des États-Unis. Cela suggère que F est plus facilement disponible à partir des roches de ces régions que dans la plupart des autres régions de l’Amérique du Nord.

Bien que le phosphore ne soit pas un constituant nocif dans l’eau potable, sa présence dans les eaux souterraines peut avoir une signification environnementale considérable. Les ajouts de phosphore aux masses d’eau de surface en petites quantités peuvent, dans certaines circonstances, produire une croissance accélérée des algues et de la végétation aquatique, provoquant ainsi une eutrophisation du système aquatique. De ce fait, le phosphore est considéré comme un polluant lorsqu’il migre vers des étangs, des lacs, des réservoirs et des cours d’eau. L’apparition et la mobilité du phosphore dans les eaux souterraines est importante dans les situations où les eaux souterraines peuvent s’enrichir en phosphore à partir des eaux de surface. Du fait de l’utilisation généralisée des engrais et des rejets des eaux usées sur les terres, le potentiel d’afflux de phosphore dans les systèmes d’eaux de surface augmente ainsi que son transfert dans les eaux souterraines.

Le phosphore inorganique dissous dans l’eau survient principalement comme H3PO4, $\ce{H2PO^-4}$, $\ce{HPO^{2-}_4}$, et PO43–. Puisque H3PO4 est un acide polyprotique [voir la discussion de la Section 3.3 et la Figure 3.5 (b)], l’apparition relative de chacune de ces formes de phosphore dissous dépend du pH. Dans les normes du pH des eaux souterraines, $\ce{H2PO^-4}$ et $\ce{HPO^{2-}_4}$ sont les espèces dominantes. Puisque ces espèces présentent des charges négatives, la mobilité du phosphore dissous dans les eaux souterraines, en dessous des horizons riches en matières organiques du sol, n’est pas fortement limitée par l’adsorption. Le contrôle dominant du phosphore dans la zone des eaux souterraines est la solubilité des minéraux phosphatés légèrement solubles.

Le contrôle de la solubilité est généralement attribué à un ou plusieurs des minéraux suivants : hydroxylapatite, Ca5(OH)(PO4); strengite, FePO4 · 2H2O; et variscite, AlPO4 · 2H2O. En appliquant la loi d’action de masse, les expressions d’équilibre des réactions de précipitation-dissolution de ces minéraux dans l’eau peuvent s’exprimer comme suit :

$K_n = \ce{[Ca^{2+}]^5 [OH-][PO4^{3-}]^3} \hspace{1.5cm} \log K_n = -58.5$ (9.22)

$K_s = \ce{[Fe^{3+}][H2PO^-_4][OH-]^2} \hspace{1.5cm} \log K_s = -34.9$ (9.23)

$K_y = \ce{[Al^{3+}][H2PO^-_4][OH-]^2} \hspace{1.5cm} \log K_y = -30.5$ (9.24)

avec Kn, Ks et Kv, les constantes d’équilibre respectives de l’hydroxyapatite, le strengite et la variscite. Les valeurs de log K sont à 25 °C et 1 bar. Ces relations de solubilité indiquent que les concentrations de Ca2+, Fe3+ et Al3+ peuvent contrôler la concentration d’équilibre du phosphore dissous en solution. Les concentrations d’équilibre du phosphore dissous total calculées à partir des relations de solubilité ci-dessus sont présentées sur la Figure 9.21.

Figure 9.21 Solubilité totale du phosphate en fonction du pH. Phosphate dissous à l’équilibre avec (a) variscite; (b) strengite; (b) et (d) l’hydroxylapatite à deux activités de calcium.

Comme les solubilités de l’hydroxylapatite, de la strengite et de la varsite dépendent respectivement des concentrations de Ca2+, Fe3+ et Al3+, chaque ligne de solubilité n’est valable que pour une concentration spécifique de ces ions. Deux lignes de solubilité pour l’hydroxylapatite (lignes c et d) sont présentées pour illustrer l’influence du Ca2+ sur la concentration en phosphate à l’équilibre. La ligne de solubilité de la variscite (ligne a) repose sur l’hypothèse que la concentration Al3+ est régie par la solubilité de la Gibbsite, Al(OH)3(s). Pour la solubilité de la strengite (ligne b), on suppose que le Fe(OH)3(s)  limite la concentration de Fe3+.

A partir de la Figure 9.21, il est visible que les concentrations d’équilibre du phosphate dissous total sont importantes dans les eaux présentant des concentrations faibles en Ca2+ et des valeurs de pH proches ou inférieures à 7. Dans les eaux souterraines anaérobies, Fe2+ est la forme dominante de fer dissous plutôt que Fe3+. Ainsi, la solubilité des strengites n’est pas un facteur limitant dans l’apparition du phosphate. Les eaux souterraines avec ces caractéristiques, à savoir les faibles concentrations de Ca2+ et la réduction des conditions redox, se retrouvent dans de nombreuses régions qui reposent sur des roches ignées cristallines ou des dépôts dérivés de ces roches. Dans des régions telles que la région de Precambrian Shielddu Michigan, de Minnesota et des régions du Canada, la migration du phosphore dissous des fosses sceptiques, à travers les écoulements d’eaux souterraines peu profondes dans les lacs d’eau douce pose un problème important de qualité de l’eau. De petites augmentations de l’afflux de phosphore dans plusieurs de ces lacs peuvent provoquer une forte croissance des algues et de la végétation aquatique indésirable. La mobilité du phosphore dans les eaux souterraines peut être un facteur important dans l’impact environnemental des aménagements de chalets et de loisirs à proximité des lacs.

Pour une étude bibliographique plus approfondie des contrôles hydrochimiques sur le phosphore dans les systèmes aquatiques et les sols, le lecteur peut se référer à Stumm et Morgan (1970) et Beek et De Haan (1974).

Substances organiques

Texte traduit par : Raja Chairi

Dans le Chapitre 3, il a été indiqué que les eaux souterraines contiennent de faibles quantités des substances organiques dissoutes d’origine naturelle. Ces substances, sont des composés humiques (acides fulviques et humiques) et n’ont que peu d’effet sur la qualité de l’eau. Les substances organiques d’origine anthropique ont plus d’action sur la qualité des eaux souterraines. Le nombre de composés organiques synthétiques identifiés s’élève actuellement à environ 2 millions et augmente à 250000 nouvelles formules chaque année, dont 300 – 500 atteignent la production commerciale (Giger et Roberts, 1977).

Un grand nombre de ces substances est relativement résistant à la dégradation biologique et beaucoup résistent aux  traitements dans les stations d’épuration des eaux usées. On estime que jusqu’à un tiers de la production totale des composés organiques synthétiques d’aujourd’hui se retrouve dans la biosphère (Iliff, 1973). Plus de 1200 substances organiques fabriquées par l’homme ont été identifiées dans les réserves en eau potable (Shackelford et Keith, 1976). Ce nombre augmente rapidement à mesure que les recherches sur les composés organiques dans les réserves en eau sont intensifiées.

La question qui devrait être abordée ici est : dans quelle mesure et dans quelles circonstances les composés organiques provoquent-ils une dégradation de la qualité des eaux souterraines ? Malheureusement, à l’heure actuelle on n’a pas de réponse à cette question. Comme il y a eu si peu de travaux de recherches sur les composés organiques dans les eaux souterraines, il n’est pas possible à l’heure actuelle de tirer des conclusions générales. Notre objectif ici est de réviser brièvement certains facteurs qui devraient jouer un rôle majeur dans la migration des composés organiques dans les systèmes d’eaux souterraines.

Les produits chimiques organiques rejoignent la surface de la terre à la suite de : l’utilisation de pesticides, des boues résiduaires et les décharges sanitaires ou celles de l’élimination des composés organiques, l’enterrement des composés organiques dans des sites spéciaux, les fuites dans les bassins de stockage des déchets liquide et les déversements accidentels le long des autoroutes ou d’autres voies de transport. Il existe des centaines de milliers d’endroits en Amérique du Nord et en Europe dans lesquels les composés organiques peuvent constituer une menace pour la qualité des eaux souterraines.

Heureusement, il existe plusieurs mécanismes qui tendent à prévenir ou à retarder la migration de la plupart des substances organiques de la surface terrestre ou du sol en subsurface. Ces mécanismes inclus les précipitations et la dégradation chimiques, la volatilisation, la dégradation et l’absorption biologique et l’adsorption.

De nombreuses substances organiques ont une solubilité extrêmement faible dans l’eau. Cela limite généralement la possibilité d’une migration de grandes quantités dans les eaux souterraines. Cependant, parce que beaucoup de ces substances sont toxiques à très faibles concentrations, les contraintes de solubilité ne sont souvent pas capables de prévenir la migration de concentrations significatives. Par exemple, la comparaison des solubilités et des concentrations maximales autorisées dans l’eau potable de certains pesticides communs (Tableau 9.3) indique que les solubilités dépassent généralement les concentrations admissibles de ces pesticides. Une description plus complète des compositions et des solubilités des pesticides est présentée par Oregon State University (1974).

Tableau 9.3 Comparaison des limites de concentration maximale admissibles dans l’eau potable et des solubilités de six pesticides

Composés Concentrations maximale admissible (mg/ℓ) Solubilité dans l’eau (mg/ℓ)
Endrine 0,0002 0,2
Lundane 0,004 7
Metahoychlore 0,1 0,1
Toxaphene 0,005 3
2,4-D 0,1 620
2,4,5-TP silvex 0,01
Note : les valeurs de solubilités sont d’après l’université de l’état d’Oregon, 1974.

Plusieurs composés organiques sont le sujet d’une volatilisation au niveau du sol (c’est-à-dire transformé en état vapeur). Lorsque les substances se transforment de la phase solide ou de la phase dissoute à la phase vapeur, elles sont diffusées dans l’atmosphère. Ce processus peut réduire considérablement les concentrations transportées vers les eaux souterraines. Pour que la volatilisation se produise, cependant, une phase gazeuse doit être présente. Par conséquent, ce processus ne peut pas être efficace si les composés migrent en dessous de la nappe phréatique, où les espèces ne se présentent que sous forme dissoute.

Presque tous les pesticides et beaucoup d’autres substances organiques  arrivant à la surface terrestre et donc au niveau du sol subissent une dégradation biochimique. Le sol renferme une multitude de bactéries qui peuvent transformer et dégrader d’innombrables nombres de composés organiques. Si ces organismes n’existaient pas, la biosphère serait depuis longtemps polluée par des composés organiques. En termes de contamination environnementale, la principale préoccupation est axée sur les substances organiques qui ne sont pas facilement dégradables, soit dans le sol, soit dans les installations de traitement des eaux usées. Ces substances sont connues sous le nom de composés réfractaires. Leur présence dans l’environnement de surface devient de plus en plus omniprésente.

Les substances organiques qui forment la plus grande menace pour la qualité des eaux souterraines sont celles qui sont relativement solubles, non volatiles et réfractaires. Le principal mécanisme qui empêche la plupart de ces composés de migrer facilement de la surface terrestre vers les systèmes aquifères est l’adsorption. Les minéraux, les substances inorganiques amorphes et les composés organiques dans le sol et dans les matériaux géologiques profonds présentent toutes des surfaces pour l’adsorption des composés organiques. Inopportunément, les isothermes d’adsorption ne sont disponibles que pour un faible pourcentage des produits chimiques organiques existants qui pénètrent dans la biosphère. Ces isothermes concernent seulement un petit nombre de matériaux géologiques perméables dans une gamme limitée de conditions hydro-chimiques. En raison de ce manque de données d’adsorption, il n’est pas possible de tirer des conclusions générales sur l’ampleur potentielle du risque pour les ressources en eaux souterraines posées par l’augmentation de l’utilisation et la dépendance aux  produits chimiques organiques.

Pour les lecteurs intéressés à obtenir plus d’informations sur l’occurrence, la classification et le mouvement des substances organiques dans les eaux souterraines et les eaux de surface, l’introduction suivante à la littérature peut être utile. Giger et Roberts (1977) décrivent les problèmes associés à la caractérisation des composés organiques réfractaires dans les eaux contaminées. Un schéma de classification des composés organiques dans l’eau est présenté par Leenheer et Huffman (1977). Les propriétés chimiques, écologiques et adsorbantes d’une grande variété d’insecticides et d’herbicides sont décrites par Oregon State University (1974). Malcolm et Leenheer (1973) indiquent l’utilité de la mesure du carbone organique dissous (COD) comme indicateur de contamination dans les études des eaux souterraines et des eaux de surface. Sur la base d’une vaste revue de la littérature, Shackelford et Keith (1976) ont résumé les occurrences signalées de composés organiques dans les eaux souterraines et autres eaux utilisées pour l’approvisionnement en eau potable. Le comportement des substances pétrolières comme le pétrole et l’essence dans l’eau est décrit par McKee (1956). Les isothermes d’adsorption pour plusieurs composés organiques dans des sols sélectionnés sont décrites par Kay et Elrick (1967), Hamaker et Thompson (1972), Davidson et al. (1976), et Hague et al. (1974).

9.4 Mesures des paramètres

Détermination de la vitesse

Texte traduit par : Faten Jarraya Horriche

Il existe trois groupes de méthodes pour la détermination de la vitesse des eaux souterraines. Le premier groupe comprend toutes les techniques qui sont liées  directement à l’équation de Darcy. Le deuxième groupe comprend les méthodes des traceurs artificiels. Le troisième groupe comprend les méthodes de datation des eaux souterraines qui utilisent les isotopes environnementaux tels que le tritium et le carbone 14. Les techniques basées sur l’équation de Darcy nécessitent des informations sur la conductivité hydraulique, le gradient hydraulique et la porosité de terrain à l’échelle dans laquelle les estimations de vitesse sont souhaitées. A partir de ces données, la vitesse linéaire moyenne  peut être calculée en utilisant l’équation (2.82). Les méthodes de détermination des valeurs de terrain de la conductivité hydraulique, du gradient hydraulique et de la porosité sont décrites dans les Chapitres 2, 6 et 8. Il n’est pas nécessaire de les décrire ici, il faut juste noter que les estimations de vitesse basées sur l’utilisation de ces paramètres dans l’équation de Darcy ont de grandes incertitudes intrinsèques qui ne peuvent généralement pas être évitées. Sur terrain, les déterminations de la conductivité hydraulique ont souvent de grandes incertitudes. Ces incertitudes combinées à celles associées à la détermination du gradient hydraulique et de la porosité entraînent des erreurs considérables au calcul de la vitesse. Dans certaines situations, une meilleure précision peut normalement être obtenue grâce à l’utilisation de traceurs artificiels, même si cela peut entraîner des dépenses accrues.

Pour la détermination de la vitesse des eaux souterraines, la méthode la plus directe consiste à introduire sur terrain un traceur au niveau d’un point et suivre son arrivée au niveau d’autres points. Après avoir effectué des ajustements suite à l’effet de la dispersion, la vitesse de l’eau souterraine peut être calculée en utilisant le temps de déplacement et la distance entre les points. On trouve la description de ce genre d’expériences dans plusieurs références bibliographiques. Plusieurs types de traceurs non radioactifs et radioactifs ont été utilisés, allant des traceurs simples tels que le sel (NaCl ou CaCl2), qui peuvent être contrôlés de manière personnalisée par des mesures de conductivité électrique, aux radio-isotopes tels que 3H, 131I, 29Br et le 51Cr-EDTA (un élément organique complexe avec le 51Cr), qui peuvent être surveillés avec précision à l’aide de détecteurs de radioactivité. Les radio-isotopes présentent l’inconvénient d’exigences d’autorisations du gouvernement pour leur utilisation et d’être dangereux lorsqu’ils sont utilisés par des personnes non prudentes. Les colorants fluorescents (fluoroscéine et rhodamine) ont été utilisés par de nombreux chercheurs. Lors des essais sur terrain, la détection visuelle du colorant peut parfois donner des résultats adéquats. Les concentrations de colorant peuvent être mesurées quantitativement jusqu’à des concentrations très faibles si c’est nécessaire. Les références  récentes suggèrent que le Freon (Cl3CF) peut être l’un des meilleurs traceurs artificiels à utiliser dans les tests de vitesse des eaux souterraines (Thompson et al., 1974). Il est non réactif avec les matériaux géologiques et peut être utilisé avec des concentrations extrêmement faibles qui ne sont pas dangereuses pour les eaux publiques. Pour plus d’information sur les techniques de traceur utilisées dans les eaux souterraines, le lecteur peut se référer à Knutson (1966), Brown et al. (1972), et Gaspar et Oncescu (1972).

La méthode directe des traceurs utilisée pour la détermination de la vitesse de l’eau souterraine qui est décrite ci-dessus, présente quatre inconvénients principaux : (1) à cause des vitesses des eaux souterraines qui sont rarement élevées dans des conditions naturelles, le déplacement des traceurs à travers le système d’écoulement nécessitent de longues durées pour des distances importantes; (2) à cause de l’hétérogénéité de la géologie, de nombreux points d’observation (piézomètres, puits ou autres ouvrages d’échantillonnage) sont généralement nécessaires pour suivre de manière adéquate le déplacement du traceur sur terrain dans la zone d’étude; (3) en raison de (1), seule une petite zone et éventuellement non représentative de la zone d’étude est testée; et (4) en raison de (2), l’écoulement sur terrain peut être fortement modifié par les appareils de mesure. Suite à ces quatre facteurs, les expériences des traceurs selon ces méthodes nécessitent généralement des efforts considérables pendant de longues périodes et elles sont rarement réalisées.

A la fin des années 1940, une technique de traceur a été développée en URSS qui évite les inconvénients présentées ci-dessous. Cette technique, connue sous le nom de dilution de forage ou méthode de dilution ponctuelle, est maintenant largement utilisée en Europe. Les tests de dilution de forage peuvent être effectués durant des durées relativement courtes dans un seul forage ou un piézomètre. L’essai fournit une estimation de la vitesse linéaire moyenne horizontale de l’eau souterraine dans la formation aquifère à proximité de la crépine du forage. Une représentation schématique d’un test de dilution de forage est illustrée par la Figure 9.22 (a). L’essai est effectué au niveau d’un segment de la crépine du forage qui est isolé par des emballages au niveau des parties supérieures et inférieures du forage. Dans ce segment de forage isolé, un traceur est rapidement introduit et il est ensuite soumis à une agitation continue au fur et à mesure que le flux d’eau souterraine latéral élimine progressivement le traceur du forage. L’effet combiné de l’écoulement des eaux souterraines et de leurs mélanges avec la zone du segment isolé du forage produit une relation de dilution avec le temps, comme illustrée par la Figure 9.22 (b). A partir de cette relation, on calcule la vitesse horizontale moyenne des eaux souterraines dans la formation de sable ou de gravier, mais proche de la zone de crépine du forage. (La théorie sur laquelle reposent les méthodes de calcul est décrite ci-dessous).

Figure 9.22 Essai de dilution de forage. (a) Diagramme schématique des appareils; (b) Dilution du traceur avec le temps.

Bien que des ajustements sur terrain et les méthodes analytiques puissent tenir compte des effets de l’écoulement avec une composante verticale significative, la méthode de dilution de forage est mieux adaptée pour la détermination de la vitesse latérale dans les régimes permanents. Nous allons procéder sur cette base tout en considérant que le mélange total du traceur dans le segment de la crépine du puits est constant sans perturbation significative des conditions d’écoulement dans la formation aquifère. La Figure 9.23 illustre l’effet du trou du forage et du massif du gravier dans un régime d’écoulement latéral.

Figure 9.23 Déformation de l’écoulement sous l’effet de la crépine du puits et du massif de gravier.

La vitesse linéaire moyenne de l’eau souterraine dans la formation aquifère en dehors de la zone de perturbation est $\bar{v}$. La vitesse moyenne dans le centre du puits est indiquée par $\bar{v}*$. On supposera que le traceur n’est pas réactif et qu’il est introduit instantanément avec la concentration C0 dans le segment isolé de la crépine du puits. La surface de la section transversale verticale à travers le centre du segment isolé est désignée par A. Le volume de ce segment de puits est W. À l’instant t > 0, la concentration C dans le puits diminue selon l’équation suivante

$\frac{dC}{dt} = \frac {A \cdot \bar{v}^* \cdot C}{W}$ (9.25)

qui, après réarrangement devient

$\frac{dC}{C} = \frac {A \cdot \bar{v}^* \cdot dt}{W}$ (9.26)

L’intégration et l’utilisation de la condition initiale, C = C0 à t = 0, conduit à

$\bar{v}^* = – \frac{W}{A \cdot t}\text{ln}\left(\frac{C}{C_o}\right)$ (9.27)

Ainsi, à partir des données de concentration en fonction du temps mesurées lors des tests de dilution de forage, les valeurs de $\bar{v}*$ peuvent être calculées. Cependant, l’objectif du test est d’obtenir des estimations de $\bar{v}$. Ceci est fait en utilisant la relation

$\bar{v} = \frac{\bar{v}^*}{n\bar{\alpha}}$ (9.28)

n est la porosité et $\alpha$ est un facteur d’ajustement qui dépend de la géométrie de la crépine du forage et du rayon et de la conductivité hydraulique du sable ou du gravier autour de la crépine. La gamme habituelle de $\alpha$ pour les tests dans les aquifères de sable ou de gravier varie entre 0,5 et 4 (Drost et al., 1968).

Les tests de dilution de forages effectués à divers intervalles de la crépine du forage peuvent être utilisés pour identifier les zones avec des vitesses élevées de l’eau souterraine. Ces zones sont souvent intéressantes car les contaminants peuvent s’y déplacer à des vitesses beaucoup plus élevées que dans d’autres parties du système aquifère. L’identification des zones à vitesse élevée, qui peut se produire dans un segment réduit d’un système aquifère, peut permettre une conception efficace des réseaux de surveillance de la qualité des eaux souterraines.

La méthode de dilution du forage est décrite en détail par Halevy et al. (1967) et Drost et al. (1968). Dans la plupart des tests de dilution de forage décrits dans la littérature, on utilise des traceurs radioactifs. L’apparition récente sur le marché des sondes portatives avec des capteurs de pH pour les mesures rapides du Cl ou du F dans le trou du forage a permis de réaliser les tests de dilution de forage avec ces traceurs plus facilement que précédemment. Un exemple est décrit par Grisak et al. (1977). Une approche encore plus simple consiste à utiliser le sel comme traceur en mesurant la conductivité électrique dans le trou du puits puisque le sel provient de la zone de la crépine du forage. Les tests de dilution de forage, comme beaucoup d’autres types de tests sur terrain utilisés dans les études des eaux souterraines, peuvent être réalisés en utilisant des équipements simples ou peu coûteux ou des instruments plus développés. Le choix de la méthode dépend de plusieurs facteurs tels que les conditions hydrogéologiques, la disponibilité de l’instrumentation et la précision expérimentale et la reproductibilité souhaitées.

Dispersivité

Texte traduit par : Rachida Bouhlila
Figures traduits par : Faten Jarraya Horriche

Du point de vue des mesures, le paramètre le plus élusif parmi ceux du transport de solutés est celui de la dispersivité. La dispersivité longitudinale peut être mesurée au laboratoire en injectant un traceur non réactif à travers des échantillons cylindriques prélevés dans le milieu par forages ou excavations. Ces essais produisent des courbes de percée comme illustrées dans la Figure 9.1 (c). La dispersivité de l’échantillon peut alors être calculée par ajustement de la courbe de percée obtenue de l’essai de balayage avec celles des solutions de l’équation de l’équation d’advection-dispersion. Si l’injection a été réalisée en un échelon, l’Eq. (9.5) peut être utilisée pour les traitements de la courbe de percée. La vitesse est obtenue en divisant le flux spécifique d’eau à travers la colonne par la porosité. La dispersivité est alors calculée comme étant le paramètre inconnu restant de l’équation. Les valeurs de dispersivités obtenues à partir des essais sur colonnes prélevées à partir de matériaux géologiques non consolidés, remaniés ou intacts, se situent entre 0,01 et 2 cm. En se basant sur 2500 essais de dispersion sur colonnes de ce type, Klotz et Moser (1974) ont noté que les valeurs de dispersivités longitudinales dépendent de la taille des grains et de la distribution de celle-ci, mais sont indépendantes de la forme, de la rugosité et de l’angularité de ceux-ci.

Les valeurs de dispersivité longitudinale déterminées à partir des essais sur colonne, fournissent généralement une indication faible de la dispersivité in situ du milieu géologique. Il est généralement admis que les valeurs de dispersivité mesurée dans les carottes des forages sont peu pertinentes pour des études à l’échelle du terrain.

Il est généralement admis que les dispersivités longitudinales et transversales à l’échelle du terrain sont plus importantes que celles obtenues lors des tests sur colonnes. En d’autres termes, la dispersion des traceurs, ou polluants sur le terrain est plus importante que ce qu’indiquent les mesures au laboratoire. Cette différence est normalement attribuée aux effets d’hétérogénéité du champ d’écoulement à l’échelle macroscopique. Puisque la plupart des hétérogénéités dans les matériaux géologiques sont de grandes échelles par rapport à ce que peuvent indiquer les carottes de forages, les valeurs de dispersivités déduites des essais sur de petits échantillons peuvent être considérées comme étant représentatives des propriétés du milieu mais à une échelle insuffisante pour des prédictions à l’échelle du terrain.

Les études sur la migration des contaminants dans les conditions de terrain nécessitent des mesures de dispersivité à l’échelle du terrain. Bien que ce postulat soit généralement admis, il existe peu d’accord sur le type et les méthodes, de mesure ou de tests les plus appropriés à cet effet. Cette situation est probablement le résultat du fait que peu de tests détaillés sur les mesures de dispersivité sur le terrain ont été produits plutôt que du fait de la difficulté de cette tâche. Ce n’est que durant ces dernières années que les mesures de la dispersivité sur le terrain ont reçu plus d’attention. Si les tests de conductivités hydrauliques et de transmissivités se comptent par milliers sur différents types de matériaux géologiques, nous ne comptons que quelques dizaines de tests de dispersivités reportés dans la littérature spécialisée.

Il existe quatre types principaux de tests de dispersivités sur le terrain : (1) le test du puits unique d’injection-récupération, (2) Le traçage avec le gradient naturel, (3) Le test de circulation entre un puits injecteur et un puits de récupération et (4) le test d’impulsion avec deux puits. Dans chacun de ces tests, un traceur non réactif est injecté dans le système aquifère. Dans le test à puits unique, le traceur est injecté pendant une période suivie par le pompage à partir du même puits avec mesures des niveaux de concentration. La dispersivité de la formation aux voisinages du puits est calculée à partir des réponses de concentrations (Percious, 1969; Fried et al., 1974). Dans la méthode de gradient d’écoulement naturel, le traceur est introduit dans le système avec le minimum de perturbation du régime naturel d’écoulement. Sa migration est alors suivie dans un ou plusieurs points d’échantillonnage (Fried, 1976). Dans le test de recirculation à deux puits, le traceur est injecté dans l’un des puits. Il est pompé dans le second puits et ensuite réintroduit à travers le système de pompage-injection. La courbe d’évolution temporelle de la concentration dans le puits de pompage sert de base au calcul de la dispersivité en utilisant des solutions analytiques ou des modèles numériques (Grove et Beeten, 1971; Pickens et al., en cours d’édition). Dans le test de l’impulsion à deux puits, le traceur est introduit dans le puits situé dans le cône de dépression causé par le pompage dans le second puits. Les mesures de concentration dans le puits de pompage sont exploitées pour le calcul de la valeur de la dispersivité relative au tronçon de la formation situé entre les deux puits (Zuber, 1974).

Fried (1975) présente un aperçu des trois premiers tests ainsi que les méthodes et les bases mathématiques pour le traitement des données dans ces cas cités ci-dessus. Dans chaque cas, les valeurs de la dispersivité sont obtenues par ajustement avec des solutions analytiques ou numériques aux données expérimentales. Zuber (1974) souligne que les valeurs de dispersivité obtenues pour un lieu d’expérimentation de terrain donné, dépendent, souvent dans une très large mesure, du modèle mathématique utilisé dans le traitement des données ainsi que de l’échelle spatiale de l’essai. Les formations aquifères sont souvent stratifiées et les traceurs y migrent à différents taux. Même si les différences de conductivité hydraulique entre les couches sont imperceptibles, la conception des puits servant aux tests peut influencer fortement les valeurs de dispersivité calculées avec les réponses obtenues. Les tests dans lesquels les puits instrumentés sont conçus avec des crépines importantes, peuvent fournir des valeurs de dispersivité apparente très  élevées à cause du mélange du traceur dans la crépine du puits. Pickens et al. (en cours d’édition) décrivent un outil d’échantillonnage à différents niveaux qui convient bien aux essais de dispersion dans les formations sableuses. Castillo et al. (1972) montrent que la nature dispersive des roches fracturées peut engendrer de grandes complexités par rapport à ce qui est attendu dans le cas des matériaux granulaires.

Partage Chimique

Texte traduit par : Amina Mabrouk

Les contaminants actifs transportés par les eaux souterraines sont répartis entre la phase en solution et d’autres phases. Les réactions entre les espèces dissoutes et les matériaux géologiques peuvent entraîner le transfert d’une partie des espèces dissoutes vers les solides par phénomènes d’adsorption ou d’échange ionique. Des réactions concernant essentiellement les contaminants, les autres constituants dissous et les matériaux géologiques peuvent entraîner l’incorporation d’une fraction des contaminants dans une phase solide à travers la précipitation chimique. Au-dessus de la frange capillaire, où existe généralement une phase gazeuse faisant partie de l’espace des vides, des réactions peuvent entraîner le transfert d’une partie de la masse contaminante de la phase en solution vers la phase gazeuse, par exemple lors de la dénitrification dans la zone non saturée. Dans chacun de ces processus, le contaminant est réparti entre la phase en solution et d’autres phases. Le stade ultime du contaminant dans la zone souterraine dépendrait du degré d’irréversibilité des réactions. La prédiction de la vitesse et des concentrations avec lesquelles un contaminant sera transporté dans les eaux souterraines nécessite une connaissance du rythme et de l’étendue de ce partage.

Dans cette brève discussion sur ce vaste sujet, nous nous concentrerons sur le partage des contaminants entre les phases liquide et solide. Il existe quatre approches principales pour la détermination de ce type de partage. Ceux-ci incluent (1) l’utilisation de modèles informatiques basés principalement sur des constantes ou des coefficients établis thermodynamiquement pour des systèmes à l’équilibre, (2) expériences de laboratoire dans lesquelles le contaminant en solution est conditionné pour réagir dans des conditions contrôlées avec des échantillons des matériaux géologiques spécifiques (3) expériences sur le terrain dans lesquelles le degré de partage est déterminé lors du passage de solutions de contaminants à travers une portion du système d’eau souterraine et (4) des études de sites existants où une contamination a déjà eu lieu.

Un aperçu de l’approche de calcul basée sur les équilibres thermodynamiques peut être retrouvé dans les Chapitres 3 et 7. Si on se pose que la concentration du contaminant en solution soit contrôlée par des réactions de précipitation et de dissolution et si les données thermodynamiques nécessaires pour les composants aqueux et solides sont disponibles, la concentration d’équilibre du contaminant en solution dans des conditions spécifiques peut être alors calculée. Bien que les techniques de calcul nécessaires soient bien développées, cette méthode a une application limitée pour divers types de contaminants en raison des incertitudes concernant la composition chimique et les énergies libres des phases solides ou en raison de la lenteur des réactions dominantes. Dans de nombreux cas, les espèces contaminantes concernées sont transportées dans des solutions chimiquement très complexes. La présence de composés organiques peut entraîner une augmentation de la mobilité des contaminants qui devient supérieure à la mobilité prédite en se basant uniquement sur des considérations inorganiques.

Au laboratoire, le degré de partage des contaminants est déterminé dans des expériences par colonne ou dans ce qu’on appelle des expériences par lots. Dans les expériences par colonne (Figure 9.1), des solutions préparées ou des eaux naturelles auxquelles le contaminant est ajouté, passent à travers des échantillons cylindriques des matériaux géologiques de choix. Si le débit et la chimie de l’eau d’entrée sont réglementés pour approcher les conditions de terrain et si la perturbation de l’échantillon avant la mise en place dans la colonne n’a pas provoqué une modification prononcée de ses propriétés par rapport aux conditions de terrain, le degré de partage et de retard obtenus dans ce type d’expérience fournit une indication de ce qui se déroulera sur terrain. Les expériences par colonne, cependant, sont rarement menées avec respect de toutes ces exigences. Il y a donc beaucoup d’incertitude dans l’application des résultats à des situations de terrain. Les expériences par colonne sont décrites par Rovers et Farquhar (1974) et Griffin et al. (1976) en utilisant un lixiviat de décharge sanitaire, par Routson et Serne (1972) en utilisant des concentrations très faibles de radionucléides, par Kay et Elrick (1967) et Huggenberger et al. (1972) en utilisant du lindane (un pesticide), par Doner et McLaren (1976) en utilisant de l’urée et par de nombreux autres chercheurs utilisant divers constituants chimiques.

Dans les expériences par lots, la solution contaminée et le matériau géologique dans un état désagrégé sont mis en contact dans un récipient de réaction. Après une période de temps qui varie normalement de quelques heures à quelques jours, on détermine le degré de partage du contaminant entre la solution et les matériaux géologiques. Pour que les données de partage résultantes de ce type d’expériences puissent être appliquées avec certitude dans l’analyse de diverses situations de terrain, des comparaisons avec les résultats des expériences par colonne ou ceux des tests de terrain sont nécessaires. Les essais par lots ont l’avantage d’être relativement rapides et peu coûteux à effectuer. Pour certains contaminants, l’essai par lots est une méthode normalisée pour établir des isothermes d’adsorption ou des coefficients de sélectivité dans les réactions d’échange d’ions. La perturbation des échantillons et le manque de représentation des conditions de terrain peuvent nuire à la validité des résultats dans l’analyse des situations de terrain. Les échantillons utilisés dans les essais par lots sont généralement exposés à des conditions oxydantes (c’est-à-dire à l’oxygène dans l’air) pendant la préparation de l’échantillon et pendant les essais. Étant donné que les capacités d’adsorption des matériaux oxydés peuvent être très différentes des matériaux réduits, les résultats des tests peuvent être invalides pour l’analyse du comportement des contaminants dans les conditions de terrain

La méthode la plus directe mais rarement la plus pratique pour déterminer le partage et le retard du contaminant consiste à effectuer des essais sur le terrain. L’injection d’une solution de composition appropriée dans un petit segment du système d’eau souterraine suivie d’une surveillance de son comportement peut fournir, dans des circonstances favorables, une base pour prédire le comportement des contaminants pour le reste du système. Par ailleurs, ces tests de terrain sont lents et couteux. Afin d’obtenir des informations adéquates, de nombreux tests peuvent être nécessaires. Dans certaines situations, la nécessité d’obtenir des informations fiables sur le comportement des contaminants est une raison valable pour justifier cet effort.

Une autre approche pour obtenir des informations sur le partage et le retard des contaminants au cours du transport dans les eaux souterraines est de mener des enquêtes sur les sites existants où la pollution des eaux souterraines a déjà eu lieu. Pour que les résultats de ces recherches aient une signification spécifique pour le site étudié, il faut non seulement déterminer les distributions des contaminants dans l’eau et sur les milieux poreux, mais aussi déterminer les facteurs qui influencent ces distributions. Au cours des dernières années, un nombre non négligeable d’études détaillées des sites ayant subi une contamination souterraine ont été cités dans la littérature. Parmi les études les plus pertinentes, on cite ceux de McKee et al. (1972), Childs et al. (1974), Suarez (1974), Ku et al. (1978), Goodall et Quigley (1977), et Gillham et Cherry (1978).

9.5 Les Sources de contamination

Rejet des déchets solides dans le milieu terrestre

Texte et figures traduits par : Nabil Neji

En Amérique du Nord, environ 3 kg par habitant de déchets sont produits tous les jours. Il existe en effet, plus de 20000 sites d’enfouissement dans tout le continent qui accueillent plus de 90 % des déchets solides produits par les activités municipales et industrielles. Selon Yen et Scanlon (1975), une ville d’un million de personnes génère des ordures avec un volume annuel équivalent à une surface de 80 ha et à une profondeur de 5 m. Bien que, la valorisation des déchets ainsi que l’incinération puissent éventuellement diminuer la quantité de déchets éliminés par la mise en décharge, les sites d’enfouissement continueront à être la principale méthode d’élimination de ces déchets pendant au moins les quelques prochaines décennies.

La conception, la construction et les aspects opérationnels de l’élimination des déchets sont décrit par Mantell (1975). Dans le cadre de cette section, cette information n’est pas requise, seulement pour reconnaitre que la majeure partie des déchets solides qui sont maintenant éliminés sur terre sont installés dans des systèmes spécialisés d’évacuation des déchets, conçus sous le nom de sites d’enfouissement sanitaire. Dans ces derniers, les déchets solides sont réduits en volume par compactage puis sont recouverts de terre végétale. Idéalement, cette opération est effectuée à la fin de chaque journée de travail, mais en pratique, cette opération s’effectue moins fréquemment. La décharge, constituée de couches compactes successives de déchets et de terres, peut être construite sur la surface du sol ou dans des excavations. En Amérique du Nord, un grand nombre de sites anciens qui reçoivent des déchets municipaux sont des dépotoirs à ciel ouvert ou des sites d’enfouissement peu exploités. De nouveaux sites sont généralement mieux situés et mieux exploités. On estime que 90 % des déchets industriels qui sont considérés au hasard, sont mis en décharge, principalement parce que c’est l’option de gestion des déchets la moins cher.

Notre objectif dans cette partie, est de considérer certains des effets que l’élimination des déchets pourrait avoir sur les eaux souterraines. À l’exception des zones arides, les déchets enterrés dans les sites d’enfouissement sanitaire et les décharges sont soumis à la lixiviation en percolant l’eau provenant de la pluie ou de la fonte des neiges. Le liquide dérivé de ce procédé est connu sous le nom de lixiviat. Le Tableau 9.4 indique que le lixiviat contient un grand nombre de contaminants inorganiques et que le taux de toute la matière solide dissoute peut être très élevé. Le lixiviat contient également de nombreux contaminants organiques. Par exemple, Robertson et al. (1974) ont identifié plus de 40 composés organiques dans les eaux souterraines contaminées par le lixiviat dans un aquifère sablonneux en Oklahoma. Ces auteurs ont conclu que beaucoup de ces composés ont été produits par lessivage de matières plastiques et d’autres produits fabriqués mis en rebuts dans les ordures ménagères. Non seulement les lixiviats émanant des sites d’enfouissement contiennent des contaminants dérivés de solides, mais de nombreux lixiviats contiennent des constituants toxiques provenant de déchets industriels liquides placés dans la décharge.

Tableau 9.4 Valeurs des divers constituants inorganiques dans le lixiviat des sites d’enfouissement sanitaire

Paramètres Intervalle de valeurs (mg/ℓ)
K+ 200 – 1000
Na+ 200 – 1200
Ca2+ 100 – 3000
Mg+ 100 – 1500
Cl 300 – 3000
SO42– 10 – 1000
Alcalinité 500 – 10000
Fe (total) 1 – 1000
Mn 0.01 – 100
Cu < 10
Ni 0.01 – 1
Zn 0.1 – 100
Pb <5
Hg <0.2
$\ce{NO^-_3}$ 0.1 – 10
$\ce{NH^+_4}$ 10 – 1000
P comme PO4 1 – 100
Azote organique 10 – 1000
Teneur en carbone organique dissoute 200 – 30000
Demande chimique en Oxigène (DCO) 1000 – 90000
Matière solide totale dissoute 5000 – 40000
pH 4 – 8
SOURCES : Griffin et al. (1976); Leckie et al. (1975).

Des problématiques ont été soulevées ces dernières années liées à l’impact des décharges sur la qualité des ressources en eaux souterraines. Garland et Mosher (1975) citent plusieurs exemples où la pollution des eaux souterraines a été causée par des sites d’enfouissement. Un cas où la migration de lixiviat a causé une pollution grave d’un grand aquifère utilisé comme approvisionnement en eau d’une ville a été décrit par Apgar et Satherthwaite (1975). On s’attend à ce que le coût de la correction de cette situation atteigne finalement plusieurs millions de dollars.

De nombreuses enquêtes en Amérique du Nord et en Europe ont montré que dans les régions non-arides, l’infiltration de l’eau à travers les déchets provoque une monticule de la nappe phréatique dans ou en dessous de la décharge. Le processus de pilonnage est similaire à celui décrit à la Section 8.11. Le pilonnage de la nappe phréatique provoque un déplacement du lixiviat vers le bas et vers l’extérieur de la décharge, comme l’illustre la Figure 9.24. Le flux descendant de lixiviat peut menacer les ressources en eaux souterraines. Le flux extérieur provoque normalement des ressorts de lixiviation à la périphérie de la décharge ou des drainages dans des cours d’eau ou d’autres masses d’eau de surface. Si les chemins de migration des lixiviats ne conduisent pas à des aquifères contenants de l’eau potable, les mouvements descendants du lixiviat ne constitueront pas une menace pour les ressources en eaux souterraines.

Figure 9.24 Le monticule de la nappe phréatique sous une décharge, entraînant la migration des sources de lixiviat et la migration des contaminants dans la zone des eaux souterraines.

Dans certains cas où les décharges sont situées dans des terrains relativement perméables tels que le sable, le gravier ou la roche fracturée, la migration du lixiviat peut causer une contamination sur des zones beaucoup plus grandes que les zones occupées par les sites d’enfouissement. Un exemple d’un tel cas est illustré dans la Figure 9.25. Dans ce site d’enfouissement sur un sable glaciodélitique modérément perméable, un grand panache d’eau contaminée par le lixiviat, représenté à la Figure 9.25 par la distribution du Chlore, s’est infiltré profondément dans l’aquifère et s’est déplacé latéralement à plusieurs centaines de mètres le long des chemins de l’écoulement d’eaux souterraines. Cette contamination s’est développée sur une période de 35 ans. L’infiltration d’eau à travers la décharge continuera à produire du lixiviat pendant de nombreuses décennies. Le transport par écoulement des eaux souterraines dans le sable entraînera une expansion considérable de la zone de contamination. Cependant, dans ce cas particulier, l’aquifère ne serait pas utilisé pour l’approvisionnement en eau.

Figure 9.25 Panache de migration du lixiviat à partir d’enfouillissement sanitaire dans un aquifère sablonneux; la zone contaminée est représentée par des contours de concentration en Cl dans les eaux souteraines.

Le panache de diffusion des polluants n’est donc pas considérée comme un problème important. Dans une décharge sur le sable et le gravier sur Long Island, N.Y., Kimmel et Braids (1974) ont délimité un panache de lixiviat de plus de 3000 m de long et plus de 50 m de profondeur. Ces deux exemples, et d’autres décrits dans la littérature, indiquent que si le lixiviat a accès à des régimes d’écoulement actifs des eaux souterraines, la pollution peut se propager sur de vastes zones souterraines. Les processus physiques et chimiques sont parfois incapables de provoquer une atténuation appréciable de bon nombre des substances toxiques contenues dans le panache de lixiviat.

Si les sites d’enfouissement sont situés dans des environnements hydrogéologiques appropriés, la pollution des eaux souterraines et des eaux de surface, peuvent être évitées. Il n’est généralement pas possible de choisir des sites présentant des caractéristiques hydrogéologiques idéales. Dans de nombreuses régions, ce type de site n’est pas disponible dans la limite des distances de transport tolérées. Il peut aussi ne pas être situé dans une zone qui est publiquement acceptable pour la décharge des déchets. Pour ces raisons et tant d’autres, la plupart des sites d’enfouissement sont situés sur un terrain qui présente au moins certaines caractéristiques hydrogéologiques défavorables.

Bien qu’il soit bien établi que les décharges dans les régions non-arides produisent du lixiviat pendant au moins les premières décennies de leur existence, on sait peu de choses sur les capacités de production du lixiviat sur des périodes beaucoup plus longues. Dans certains cas, la production de lixiviat peut se poursuivre pendant de nombreuses décennies ou même des centaines d’années. On a observé, par exemple, que certains sites d’enfouissement datant de l’Empire romain continuent de produire des lixiviats. Beaucoup de chercheurs ont conclu qu’actuellement, il y a eu très peu de cas de contamination par les lixiviats des aquifères utilisés pour l’approvisionnement en eau. Qu’il soit ou non possible de tirer des conclusions similaires, il reste à les vérifier dans les années à venir.

Farvolden et Hughes (1976) ont conclu que les déchets solides peuvent être enterrés dans n’importe quel site ou presque, sans créer un risque indu de pollution des eaux souterraines, à condition que le site soit correctement conçu et exploité. Un programme d’essai pour définir l’environnement hydrogéologique est essentiel. Ces auteurs indiquent que si la migration de lixiviat incontrôlable est inacceptable, le lixiviat doit être collecté et traité comme un déchet liquide. Un moyen réalisable de s’assurer qu’aucun lixiviat ne sort du site est d’établir un gradient hydraulique vers le site, peut-être par pompage. Des revêtements pour l’emplacement sous les décharges sont en cours d’évaluation en tant que méthode de contrôle mais n’ont pas encore été mis en place dans la pratique. Quelques exemples de contrôles sur la migration de lixiviat à l’aide de drains ou de puits sont présentés à la Figure 9.26. Ces types de mesures de contrôle, exigent que le lixiviat collecté soit traité ou autrement géré de manière appropriée.

Figure 9.26 Contrôle du lixiviat dans une décharge sanitaire par (a) un tuyau d’égout ou fossé (b) puits pompé (d’après Hughes et al., 1971).

En plus de la production de lixiviat, l’infiltration d’eau dans les ordures provoque la génération de gaz comme la décomposition biochimique de la matière organique. Des gaz tels que C02, CH4, H2S, H2 et N2 sont généralement observés. Le C02 et le CH4 sont presque toujours les plus abondants. Le CH4 (méthane) qui a une faible solubilité dans l’eau, est inodore et généralement il a peu d’influence sur la qualité de l’eau souterraine. Cependant, dans l’impact environnemental des décharges, il peut être très important en raison de leur apparition sous forme gazeuse dans la zone située au-dessus de la nappe phréatique. Il n’est pas rare que le CH4 atteigne des niveaux explosifs dans l’air ordinaire. Dans certains cas, le CH4 à des niveaux dangereux, peut se déplacer par diffusion gazeuse à partir de la décharge à travers la zone non saturée dans un terrain adjacent. La migration du CH4 aux niveaux combustibles des sites d’enfouissement par les sols dans les résidences, s’est produite dans les zones urbaines. Ces dernières années, l’installation des évents de gaz dans les sites d’enfouissement pour empêcher l’accumulation de méthane dans la zone située au-dessus de la nappe phréatique, est devenue une pratique courante.

En plus des dangers causés par l’explosion potentielle du méthane, les migrations gazeuses des sites d’enfouissement peuvent entraîner des dommages importants liés aux problèmes de végétation et d’odeur. Les antécédents de migration de gaz provenant des sites d’enfouissement ont été décrits par Flower (1976). Mohsen (1975) a présenté une analyse théorique de la migration des gaz souterrains à partir des sources d’enfouissement. Les interactions des différents facteurs qui influent sur la production de gaz dans les décharges ont été décrites par Farquhar et Rovers (1973).

Élimination des eaux usées

Texte traduit par : Ezzeddine Laabidi

Les eaux usées sont dispersées au-dessus ou au-dessous de la surface du sol de diverses manières. L’utilisation générale des fosses septiques et des drains dans les zones rurales, de divertissement et les banlieues, contribue directement à la filtration des effluents des eaux usées à travers le sol. Ces eaux usées proviennent généralement de la fosse septique et des fosses d’aisance qui sont les sources de contamination des eaux souterraines les plus fréquemment signalées aux États-Unis (U.S. Environmental Protection Agency, 1977). Vingt neuf pour cent de la population américaine se débarrassent des déchets ménagers par le biais de systèmes d’élimination domestiques. Dans les pays industrialisés, un pourcentage croissant des eaux usées municipales se traite dans les stations d’épuration (traitement primaire et secondaire). Bien que cela diminue la pollution des eaux de surface, il produit de gros volumes de matières résiduelles solides appelées boues d’épuration. Dans plusieurs zones, les boues d’épuration contenant un nombre important de contaminants potentiels, se propage sur les terrains agricoles et forestiers. Dans certaines régions, les eaux usées qui n’ont pas été traitées ou qui ont fait l’objet d’un traitement partiel sont diffusées sur le sol. La propagation des eaux usées et des boues d’épuration dans la terre peut fournir des nutriments tels que l’azote,  le phosphore et les métaux lourds au sol. Cela peut stimuler la croissance des graminées, des arbres et des cultures agricoles. En effet, la terre qui est infertile peut être rendue fertile. L’un des impacts négatifs potentiels de ce type d’évacuation des eaux usées est la dégradation de la qualité des eaux souterraines.

Les eaux du traitement primaire et secondaire sont réparties sur les terres boisées et les terres cultivées dans un nombre croissant de régions en Europe et en Amérique du Nord. Par exemple, dans le Comté de Muskegon, Michigan, plus que 130 millions de litres d’effluents d’eaux usées sont diffusés dans le sol par jour (Bauer, 1974). Pendant plusieurs décennies, des villes telles que Berlin, Paris, Milan, Melbourne, Fresno et beaucoup d’autres ont profité des eaux usées pour l’irrigation des cultures. Dans ces régions, ce n’est pas seulement les nutriments qui se trouvent dans les effluents des eaux usées qui sont précieux mais l’eau elle même aussi. Dans certaines situations, des effluents des eaux usées traitées intensivement peuvent être utilisés comme une source de recharge artificielle pour les aquifères qui servent à l’approvisionnement en eau municipale. L’injection des eaux usées traitées dans les aquifères côtiers peut être considérée comme une solution de la préservation des nappes côtières des effets de l’intrusion marine.

Compte tenu des nombreuses façons dont les constituants liquides et solides des eaux usées atteignent le sol et les zones souterraines, il est raisonnable de s’attendre à ce que la qualité des ressources en eaux souterraines à long terme reflèteront la manière avec laquelle les facteurs hydrogéologiques sont pris en considération dans la planification et le fonctionnement globaux des systèmes de gestion des eaux usées dans de nombreux domaines. Dans ce contexte il est clair qu’il n’est pas possible d’examiner spécifiquement les facteurs hydrogéologiques et géochimiques qui sont importants dans chacune des options d’épandage ou d’élimination des eaux usées qui sont en cours d’utilisation. Cependant, avant d’aborder d’autres sujets, nous fournissons dans cette section un bref aperçu sur les études les plus importantes qui ont été menées. Pour un aperçu détaillé dans ce domaine de la littérature le lecteur est invité à se référer à l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement (1974a).

Au cours des années 1950 et au début des années 1960, il a été observé que l’une des conséquences les plus graves de l’élimination des eaux usées par la voie septique était la contamination des eaux souterraines par l’alkyl-benzènesulfonate (ABS), qui constituait une composante majeure des détergents ménagers. L’ABS est relativement non biodégradable et se trouve dans l’eau sous sa forme anionique. Dans les années 1960, de nombreux cas de contamination superficielle des aquifères de sable et de gravier ont été signalés. Le problème a été très aigu dans les régions où les systèmes septiques se déversaient dans les nappes phréatiques dans lesquels il y avait de nombreux puits d’eau peu profonds. Les études de cas de ce type de problème ont été décrites par Perlmutter et al. (1964) et Klein (1964) à Long Island et dans le sud de la Californie.

Au milieu des années 1960, l’industrie du détergent a remplacé l’ABS par l’alkyl-sulfate à chaîne linéaire (LAS), un composé qui est facilement biodégradable dans les conditions aérobies. Les cas où les puits sont contaminés par le LAS et l’ABS, sont rares depuis l’utilisation à grande échelle du LAS. Cette situation est assez surprenante, étant donné que de nombreux systèmes septiques s’écoulent dans des milieux souterrains anaérobies où les effets de la biodégradation sont probablement minimes. En fait, le LAS peut subir un retard considérable en raison de l’adsorption.

Les effluents provenant des systèmes septiques comprennent de nombreux autres types de contaminants. L’un des contaminants les plus fréquemment signalés dans les eaux souterraines est le nitrate. Comme indiqué à la Section 9.3, même si le système d’eau souterraine est anaérobie, le nitrate ne se réduit généralement pas en N2. Le nitrate émanant des systèmes septiques dans les eaux souterraines est transporté par le champ d’écoulement. Childs et al. (1974) ont présenté un historique détaillé des cas de migration des nitrates et d’autres contaminants dans les eaux souterraines à la suite de décharge des systèmes septiques.

Dans certains domaines, la principale préoccupation concernant la migration des contaminants des systèmes septiques est la qualité de l’eau de surface plutôt que la qualité des eaux souterraines. C’est particulièrement le cas dans les zones de lacs récréatifs où les chalets et les installations touristiques utilisent des fosses septiques situées à proximité des lacs. Le transport de l’azote et du phosphore à travers les eaux souterraines dans les lacs peut causer l’eutrophisation du lac qui se manifeste par la croissance accélérée des algues et la diminution de la clarté de l’eau. Quelques exemples d’investigations hydrogéologiques dans les milieux lacustres sont décrits par Dudley et Stephenson (1973) et Lee (1976).

Une autre préoccupation associée à l’élimination des eaux usées traitées ou non traitées dans les eaux de surface ou les eaux souterraines, tourne autour de la question de savoir dans quelle mesure et à quelle vitesse les bactéries et les virus pathogènes peuvent se déplacer dans les systèmes d’écoulement souterrain. Ce problème est également crucial dans le développement des approvisionnements en eau municipale par extraction d’eau à partir de puits situés à proximité de rivières polluées. La  littérature regorge d’enquêtes sur le mouvement des bactéries à travers des sols ou des matériaux géologiques granulaires. Comme les bactéries sont transportées par l’eau qui s’écoule à travers des milieux poreux, elles sont éliminées par le filtrage, la mortalité et l’adsorption. La migration du front bactérien est considérablement retardée par rapport à la vitesse de l’eau. Bien que les bactéries puissent vivre dans un état adsorbé ou dans des grappes qui obstruent des parties du milieu poreux, leur vie est généralement courte par rapport aux vitesses d’écoulement des eaux souterraines. Dans le sable à grain moyen ou les matériaux plus fins, les organismes pathogènes et coliformes ne pénètrent généralement pas plus de quelques mètres (Krone et al., 1958). Cependant, des études sur terrain ont montré que dans les aquifères hétérogènes de sable ou de gravier, les bactéries dérivées des eaux usées peuvent être transportées sur des dizaines ou des centaines de mètres le long de champ d’écoulement des eaux souterraines (Krone et al., 1957, Wesner et Baier, 1970).

Les virus sont de très petites particules organiques (0,07 – 0,7 $\mu$m de diamètre) qui ont une charge de surface. Des études de laboratoire indiquent que les virus sont relativement immobiles dans des matériaux géologiques granulaires (Drewry et Eliassen, 1968; Robeck, 1969; Gerba et al., 1975; Lance et al., 1977). L’adsorption est un mécanisme de  ralentissement plus important que le filtrage dans les dépôts granulaires hautement perméables. Les problèmes associés à l’échantillonnage et à l’identification des virus dans les systèmes d’eau souterraine ont limité la compréhension du comportement du virus dans les conditions réelles. Les progrès de la technologie d’échantillonnage (Wallis et al., 1972; Sweet et Ellender, 1972) peuvent conduire à une meilleure compréhension du comportement des virus dans les aquifères rechargés avec les effluents d’eaux usées.

Bien qu’il existe des preuves considérables indiquant que les bactéries et les virus des eaux usées pénètrent à des distances courtes lorsqu’ils sont transportés par les eaux souterraines à travers des matériaux géologiques granulaires, ceci ne peut pas être généralisé pour le transport dans les roches fracturées. En effet, il est bien connu que ces microorganismes peuvent vivre pendant plusieurs jours ou même plusieurs mois sous la nappe phréatique. Dans les roches fracturées, où les vitesses des eaux souterraines peuvent être élevées, le temps est suffisant pour produire des distances de transport de plusieurs kilomètres.

Comme l’Homme s’appuie bien davantage sur la capacité des terres comme moyen d’élimination des effluents et des boues des eaux usées municipales, la principale préoccupation en ce qui concerne la contamination des eaux souterraines sera la mobilité de la matière organique dissoute. Les effluents d’eaux usées contiennent des centaines de composés organiques dissous dont on connaît très peu la toxicité et la mobilité. Certains de ces composés peuvent éventuellement être plus importants en termes de dégradation de la qualité des eaux souterraines que les nitrates, les métaux en trace, les bactéries ou les virus.

Activités agricoles

Texte traduit par : Raqya Al Atiri

De toutes les activités humaines qui impactent les eaux souterraines, l’agriculture est probablement la plus importante. Parmi les principales activités agricoles qui peuvent engendrer la dégradation de la qualité des eaux souterraines l’on compte l’usage des fertilisants et des pesticides et le stockage ou le rejet sur le terrain des déchets du cheptel animal ou des volailles. Les effets les plus répandus résultent de l’usage des fertilisants. Dans les pays industrialisés la majorité des fertilisants est fabriquée chimiquement. Ce type de fertilisants est connu comme étant inorganique. Dans les pays moins développés, les déchets animaux et humains sont largement utilisés comme fertilisants organiques.

Les fertilisants sont catégorisés selon leur taux d’azote (N), de phosphore (P) et de potassium (K). Ces fertilisants sont les principaux nutriments requis par les plantes. Les doses d’application annuelles de fertilisants varient considérablement d’une région à une autre et d’une plante à une autre. Les doses d’azote (exprimé par N), varient généralement de 100 à 500 kg/ha et par an. Sachant que les fertilisants sont utilisés une année après l’autre, il y a lieu de s’attendre à ce que dans plusieurs endroits quelques uns des éléments N, P ou K seraient charriés par l’eau infiltrée vers la nappe phréatique où ils pourront migrer avec le régime d’écoulement des eaux souterraines. Pour les raisons expliquées dans la Section 9.3, l’azote sous la forme $\ce{NO^-3}$ est généralement beaucoup plus mobile dans les systèmes d’écoulement souterrain que le phosphore sous sa forme dissoute. L’échange de cation fait que K+ ait une faible mobilité dans la plupart des matériaux géologiques non fracturés.

Parmi les trois principaux éléments nutritifs des fertilisants, l’azote (N) dans sa forme $\ce{NO^-3}$ est celui qui cause le plus couramment la contamination des eaux souterraines sous-jacentes aux terres agricoles. De fortes concentrations de $\ce{NO^-3}$ ont été détectées dans des terres étendues de plusieurs régions du monde y compris Israel (Saliternik, 1972), Angleterre (Foster et Crease, 1972), Allemagne (Groba et Hahn, 1972), Californie (Calif. Bureau Sanitary Eng., 1963; Nightingale, 1970; Ayers et Branson, 1973), Nebraska (Spalding et al., 1978), Ontario du Sud et Alberta du Sud. Plusieurs puits dans ces régions ont des concentrations de $\ce{NO^-3}$ qui excèdent les limites recommandées pour l’eau potable. Dans les régions où la contamination par $\ce{NO^-3}$ est largement étendue, les fertilisants plutôt que les déchets animaux des parcelles d’engraissement ou des lagunes ou l’infiltration des champs sceptiques, sont couramment identifiés comme source primaire d’azote. La forme nitrate est le principal constituant de l’azote dissous avec l’ammonium et l’azote organique présents avec de plus faibles concentrations. Bien que dans plusieurs aquifères contaminés par $\ce{NO^-3}$ les concentrations sont inférieures aux limites recommandées pour l’eau potable, il est inquiétant de constater que des augmentations graduelles en $\ce{NO^-3}$ ont été observées. L’usage très répandu de fertilisants inorganiques a commencé après la seconde guerre mondiale. L’impact majeur sur la qualité des eaux souterraines résultant du changement des pratiques agricoles ne s’est pas encore pleinement manifesté. La contamination par le nitrate est rarement signalée à des profondeurs de plus de 10 à 100 m environ en dessous du niveau de la nappe. Avec le temps cependant, la contamination par $\ce{NO^-3}$ peut s’étendre à de plus grandes profondeurs dans des régions où il y a un flux descendant significatif de ces éléments. Par exemple, $\ce{NO^-3}$ dans les puits profonds de Californie dont la profondeur varie de 240 à 400 m au dessous de la surface du sol, augmentait approximativement de 1 mg/ℓ en 1950 à 10 – 17 mg/ℓ en 1962 (Broadbent, 1971). Dans la mesure où la dénitrification se produit lorsque l’eau ruisselle le long des pistes, l’incertitude inhérente en la prédiction des augmentations de long terme du $\ce{NO^-3}$ dans les aquifères est majeure.

En Angleterre, la contamination par $\ce{NO^-3}$ d’un grand aquifère régional carbonaté est très étendue. L’analyse de l’apparition et de la mobilité de $\ce{NO^-3}$ dans l’aquifère est complexe vu que $\ce{NO^-3}$ est charrié dans l’écoulement souterrain par un réseau d’articulations et de canaux, alors que certains éléments de $\ce{NO^-3}$ sont perdus du régime d’écoulement actif suite à leur diffusion dans la matrice poreuse du calcaire (Young et al., 1977). S’il arrive un jour que la concentration en $\ce{NO^-3}$ diminue dans le réseau d’écoulement, $\ce{NO^-3}$ se diffusera à nouveau de la matrice poreuse vers le régime d’écoulement.

Bien que la contamination étendue des nappes phréatiques par le $\ce{NO^-3}$ peut souvent être attribuée à la percolation de fertilisants, NO3- dans les nappes phréatiques des régions étendues de Alberta du Sud (Grisak, 1975), Saskatchewan du sud, Montana (Custer, 1976), et Texas (Kreitler et Jones, 1975), elle n’est pas causée par l’utilisation des fertilisants. Dans ces régions, il apparait que la plupart de $\ce{NO^-3}$ est dérivée par oxydation et percolation de l’azote organique naturel dans le sol. L’abondance croissante et la pénétration plus profonde de l’oxygène dans le sol ont eu lieu comme résultat des travaux culturaux. Dans certaines régions, la transformation initiale de la végétation lorsque les colons ont avancé sur le terrain était probablement un facteur prépondérant. Dans d’autres régions, les travaux culturaux profonds menés en continu durant l’ère agricole moderne avaient été d’une influence majeure.

Dans plusieurs terrains agricoles les nappes phréatiques avaient été contaminées localement suite à la percolation de $\ce{NO^-3}$ à partir des déchets du cheptel animal et des volailles. La transformation de l’azote organique en $\ce{NO^-3}$ dans ces déchets a lieu à travers un processus biochimique. Des superficies relativement faibles, sources de contamination, telles que les tas de fumiers des fermes, contribuent à la migration de $\ce{NO^-3}$ vers la nappe, mais si ces sources de contamination ne sont pas disposées directement au dessus des aquifères, la contamination est rarement très significative. Des cas spécifiques de contamination de nappe à partir des déchets animaux sont rapportés par Hedlin (1972) et par Gillham et Webber (1969). Dans les terres agricoles la contamination des puits de surface par le $\ce{NO^-3}$ et d’autres éléments est couramment due aux constructions défectueuses des puits.

Simultanément à l’accroissement de l’étendue de l’usage des fertilisants chimiques depuis la deuxième guerre mondiale, il y a eu le développement et l’usage rapides d’une multitude de pesticides et d’herbicides organiques. Dans un rapport sur la pollution des nappes dans le sud ouest des Etats Unis, Fuhrinam et Barton (1971) ont conclu que la pollution par les pesticides doit être inscrite comme un important risque potentiel. Cependant, ils n’obtinrent aucune preuve directe indiquant une contamination significative des eaux souterraines par les pesticides. Kaufman (1974) dans une revue sur l’état de la contamination des nappes aux Etats Unis, indique que cette conclusion semble caractériser la situation d’aujourd’hui comme étant un problème potentiel et non encore existant. Sur la base d’une revue de littérature et des études de terrain à Kent, Angleterre, Croll (1972) arrive à une conclusion similaire. Il est bien connu, d’après des expérimentations de laboratoire que beaucoup de pesticides et d’herbicides ayant une solubilité considérable dans l’eau, ont une mobilité significative dans certains types de matériaux géologiques, particulièrement les sables purs et les graviers (Burns et Mclaren, 1975; Adams, 1973). Ce n’est pas irraisonnable de s’attendre à ce que l’usage de ces matériaux chimiques en agriculture causerait éventuellement la contamination partielle de certains aquifères. Davidson et al. (1976) ont mis en exergue que suite à l’échelle immense avec laquelle l’industrie des pesticides s’est développée, les problèmes associés au rejet du surplus et des rebuts de matières de pesticides et aux conteneurs de pesticides vides ou partiellement vides, sont devenus épineux. De fortes concentrations de pesticides dans les nappes peuvent engendrer une plus grande mobilité que les faibles concentrations. Pour les fortes concentrations les zones d’échange sont plus rapidement saturées de pesticides, ou l’aptitude à la biodégradation des zones intermédiaires peut être dépassée.

Fuite de pétrole et déversements

Texte et figures traduits par : Amina Mabrouk

Dans les pays industrialisés, des centaines de milliers de réservoirs de stockage d’essence en acier sont enterrés dans les stations-service. Plusieurs milliers de kilomètres de pipelines souterrains transportent des produits pétroliers à travers les continents. Les camions-citernes avec de l’huile et de l’essence sont continuellement en mouvement. Il n’est donc pas surprenant que les fuites et les déversements provenant de ces sources constituent une menace croissante pour la qualité des eaux souterraines. La plupart des réservoirs enterrés dans les stations-service ont été placés dans le sol depuis la seconde guerre mondiale. Étant donné que des exigences strictes pour l’évaluation et le remplacement des citernes ne sont que progressivement mises en œuvre dans la plupart des pays, les problèmes de fuite causés par les anciens réservoirs sont fréquents, en particulier dans les régions à nappes phréatiques hautes et où l’infiltration est fréquente.

La contamination des eaux souterraines par les produits pétroliers provenant des citernes qui fuient, des pipelines ou par déversements est un problème différent des contaminations décrites ailleurs dans ce chapitre. La principale différence réside dans le fait que les huiles et l’essence sont moins denses que l’eau et sont non miscibles dans l’eau. En conséquence, le pétrole ou l’essence provenant de fuites ou de déversements migrent presque exclusivement dans la zone non saturée. Les processus de déplacement du pétrole dans la zone non saturée ont été décrits en détail par Schwille (1967), van Dam (1967) et Dietz (1971). La discussion suivante repose principalement sur ces références.

La Figure 9.27 illustre les principaux stades de migration souterraine qui se produisent lorsque l’huile s’infiltre dans le sol. Dans ce cas, les conditions hydrogéologiques sont simples. Il existe une profondeur appréciable de la zone non saturée sous le niveau d’entrée d’huile dans le système. Le terme «pétrole» est utilisé ici pour désigner à la fois le pétrole brut propre et ses dérivés liquides, tel que l’essence.

Dans la première phase de migration, le mouvement de l’huile se fait principalement vers le bas sous l’influence des forces gravitationnelles. Au cours de cette phase d’infiltration, les forces capillaires produisent une certaine migration latérale. Cela provoque une zone, appelée zone de mouillage de l’huile, autour du noyau du corps d’infiltration. Il est comparable à l’origine de la frange capillaire naturelle sur la nappe phréatique. Dans la zone de mouillage de l’huile, le degré de saturation de l’huile diminue vers l’extérieur et les forces capillaires (tension superficielle) dominent. Dans la zone d’infiltration principale, il n’existe que des forces gravitationnelles.

Figure 9.27 Différentes étapes de la migration du pétrole à partir d’une source de surface (d’après Schwille, 1967).

Le suintement vers le bas de l’huile cesse lorsque le front de suintement atteint la nappe phréatique. Bien que l’on puisse s’attendre à ce que l’huile se répande latéralement au-dessus de la frange capillaire plutôt que le long de la nappe phréatique, des preuves expérimentales et de terrain indiquent qu’une migration considérable se produit dans la frange capillaire ou à proximité de la nappe phréatique. Étant donné que l’huile est immiscible dans l’eau et qu’elle est moins dense que l’eau, elle peut légèrement appuyer sur la nappe phréatique. Excluant les petites quantités d’hydrocarbures qui entrent en solution, l’huile ne pénètre pas au-dessous de la nappe phréatique. À mesure que l’huile s’accumule sur la nappe phréatique, la zone pétrolière se répand latéralement, initialement sous l’influence des gradients causés par la gravité et plus tard en réponse principalement aux forces capillaires. La propagation capillaire devient très lente et, finalement, une condition relativement stable est atteinte. En théorie, la stabilité survient lorsqu’une condition connue sous le nom de saturation d’huile résiduelle ou de saturation immobile est atteinte. D’après l’expérience des ingénieurs de production de pétrole et en dessous d’un certain degré de saturation, le pétrole se maintient dans un état relativement immobile dans les espaces poreux. Si le pourcentage de saturation en huile diminue davantage, des « îlots » isolés ou des « globules » d’huile deviennent le mode dominant d’occurrence du pétrole. Sur la gamme des gradients de pression qui peuvent se produire, ces îlots sont stables. Comme la masse d’huile se propage latéralement en raison de forces capillaires, la condition de saturation d’huile résiduelle doit finalement être atteinte, à condition que l’afflux d’huile de la source cesse. C’est ce qu’on appelle l’étape stable.

Lorsque le volume de déversement d’huile ou de fuite est faible par rapport à la surface de contact disponible, quand l’huile se déplace à travers la zone située au-dessus de la nappe phréatique, la zone de migration d’huile peut atteindre la saturation résiduelle et devenir immobile avant de pénétrer dans la nappe phréatique. Le volume du milieu poreux requis pour immobiliser une quantité donnée d’huile dépend de deux facteurs: la porosité et la nature des hydrocarbures qui constituent l’huile. Le volume B de matériaux géologiques poreux requis pour immobiliser un volume de déversement ou de fuite peut être estimé à partir de la relation

$B = \frac{B_0}{nS_0}$ (9.29)

où B0 est le volume d’huile entrant dans le système, n est la porosité et S0 est la saturation en huile résiduelle. Si la profondeur à la nappe phréatique et les valeurs de n et de S0 sont connues, cette relation peut être utilisée pour estimer la probabilité que l’huile déversée pénètre dans la nappe phréatique (American Petroleum Institute, 1972). Van Dam (1967) présente des équations qui décrivent la forme de la couche stable d’huile si la pénétration de la nappe phréatique se produit. Cependant, en pratique, il n’est généralement pas possible, dans les situations de terrain d’obtenir, des données suffisantes sur la répartition des perméabilités relatives pour plus d’une analyse qualitative (Dietz, 1971). Les expériences de modèle de laboratoire de Schwille (1967) ont démontré que des différences mineures dans les perméabilités, latéralement ou verticalement, peuvent provoquer de fortes distorsions dans la forme de la zone de migration de l’huile.

Étant donné que les fuites d’huile ou les déversements ne comportent généralement pas de gros volumes d’huile et parce que la migration est limitée par la saturation résiduelle d’huile, on peut s’attendre à ce que l’huile ne constitue pas une menace importante pour la qualité des eaux souterraines. Ce n’est malheureusement pas le cas. Le pétrole brut et ses dérivés contiennent des composants hydrocarbonés qui présentent une solubilité importante dans l’eau. En général, plus le dérivé du pétrole est léger, plus la solubilité est grande. L’essence commerciale, par exemple, a une solubilité de 20 à 80 mg/ℓ. Il peut être détecté par goût et par odeur à des concentrations inférieures à 0,005 mg/ℓ (Ineson et Packham, 1967). Étant donné que la solubilité des hydrocarbures plus légers dépasse largement les niveaux de concentration auxquels l’eau est considérée comme fortement polluée, il n’est pas difficile d’envisager des situations où l’effet de la dissolution des hydrocarbures est beaucoup plus préoccupant en termes de qualité de l’eau souterraine que la zone immobile des hydrocarbures immiscibles localisée autour et au-dessus de la nappe phréatique. Par exemple, dans la situation schématisée dans la Figure 9.28, le flux latéral des eaux souterraines sous la zone de l’huile immobilisée pourrait amener les hydrocarbures solubles à être transportés sur de grandes distances le long des voies d’écoulement des eaux souterraines.

Figure 9.28 Migration d’hydrocarbures dissous et gazeux à partir d’une zone d’huile au-dessus de la nappe phréatique (d’après Schwille, 1967).

Dans les cas où le pétrole pénètre dans la zone de la nappe phréatique, puis se répand et devient relativement immobile, l’effet des fluctuations de la nappe phréatique peut être important. Si la nappe d’eau se rabat, une grande partie de l’huile reste dans la zone nouvellement créée comme un mince revêtement sur la surface du milieu poreux. Ce film n’est pas éliminé par le rinçage de l’eau ou la ventilation de l’air. Le problème peut être amélioré par l’effet des bactéries. Il existe des espèces de bactéries aérobies et anaérobies qui poussent rapidement en présence de pétrole ou d’essence si des nutriments nécessaires sont également disponibles. Dans des conditions favorables, l’oxydation bactérienne peut consommer une grande partie de l’huile ou de l’essence qui s’accumule au-dessus de la nappe phréatique à la suite de fuites ou de déversements. On croit que les eaux souterraines fluctuantes favorisent les processus de biodégradation.

Parmi les nombreux exemples de contamination pétrolière des eaux souterraines documentés, le cas historique décrit par McKee et al. (1972) illustre particulièrement les problèmes et les processus impliqués et les mesures correctives qui pourraient être utilisées pour minimiser les dégâts et les détériorations causés à la qualité de l’eau souterraine. Les procédures de contrôle et de réparation sont décrites par l’American Petroleum Institute (1972).

Élimination des déchets radioactifs

Texte traduit par : Fairouz Slama et Lamia Guellouz
Figures traduits par : Faten Jarraya Horriche

Il y a des décennies de cela que les ingénieurs et les scientifiques nucléaires d’une station de recherche d’Idaho ont observé quatre ampoules à usage domestique clignoter à l’occasion de la première génération d’électricité à partir de l’énergie nucléaire. Depuis ce début modeste, les installations de production d’énergie nucléaire ont évolué à tel point qu’elles produisent maintenant plus de 15 % de l’électricité aux États-Unis et au Canada et des pourcentages encore plus importants dans certains pays européens. Au tournant de ce siècle, on s’attend à ce qu’en Amérique du Nord et en Europe, les pourcentages seront beaucoup plus importants. Craint par beaucoup comme une menace pour l’avenir de l’humanité et salué par d’autres comme la réponse aux problèmes énergétiques planétaires, la production nucléaire d’électricité a suscité des controverses dans le monde entier. À l’heure actuelle, il existe plusieurs incertitudes inhérentes aux activités associées à la production d’énergie nucléaire. L’une d’entre elles est la capacité de l’homme à isoler en toute sécurité les déchets radioactifs de la biosphère pendant de longues périodes. Ce sujet de l’énergie nucléaire mérité d’être discuté dans ce texte en raison de sa nature hydrogéologique.

Les aspects hydrogéologiques de l’industrie de l’énergie nucléaire seront considérés dans le cadre du cycle du combustible nucléaire. Cette expression se réfère à toutes les étapes de l’industrie de l’énergie nucléaire dans laquelle le combustible nucléaire est produit et utilisé et dans lequel des déchets radioactifs sont générés. Cela comprend l’extraction d’uranium, le fraisage de l’uranium, le raffinage, l’enrichissement d’uranium, la fabrication de carburant, la consommation de carburant dans les réacteurs, le retraitement du combustible, la solidification des déchets et l’enfouissement de déchets solidifiés ou du combustible usé non transformé dans des dépôts géologiques profonds. L’extrémité avant du cycle du combustible nucléaire implique l’extraction et le fraisage de l’uranium du minerai d’uranium. Un sous-produit indésirable de ces activités est la production de grands volumes (des centaines de millions de m3 par an en Amérique du Nord) des déchets minerais et des résidus de le fraisage de l’uranium. Les déchets de minerais et de résidus sont habituellement placés ou terril à la surface du sol ou en tant que remblai dans les dépressions topographiques confinées par de petites digues terrestres ou des barrages. Comme ils contiennent des isotopes d’uranium, de thorium et de radium, les déchets de roche et de résidus sont une forme de déchets radioactifs solides à faible niveau. Le Radium 226 (226Ra), avec une demi-vie de 1620 ans, présente le plus grand risque environnemental. Le Tableau 9.1 indique que la concentration maximale autorisée de 226Ra dans l’eau potable est de 3 pCi/l, ce qui équivaut à 10-9 mg/ℓ. Cette concentration est si faible que les ordres de grandeur sont inférieurs aux concentrations maximales admissibles pour les métaux traces tels que le plomb, le mercure ou le cadmium (Tableau 9.1). Des quantités extrêmement faibles de 226Ra lessivées à partir de déchets de minerais ou de résidus dans les eaux souterraines peuvent donc rendre l’eau impropre à la consommation humaine. L’extraction de l’uranium en Amérique du Nord se produit généralement dans des zones éloignées des agglomérations urbaines et des activités industrielles ou agricoles. Dans ces régions, la qualité des eaux souterraines n’a, jusqu’à récemment, fait aucun objet de menaces importantes. L’ampleur avec laquelle le 226Ra et d’autres composants dangereux des déchets de minerais ou de résidus rejoignent les eaux souterraines et leur transport dans les systèmes d’écoulement, n’est pas connu. Nous pouvons toutefois espérer que, dans la prochaine décennie, les conditions hydrogéologiques joueront un rôle beaucoup plus important dans la conception et l’évaluation des sites de stockage des déchets d’extraction et de broyage d’uranium, qu’il ne l’a été jusque là.

La prochaine étape dans le combustible nucléaire est le raffinage de l’uranium, un processus durant lequel le produit de broyage est amélioré pour préparer l’enrichissement d’uranium dans le combustible nucléaire (techniques américaine et européenne) ou la production de combustible non enrichi (technique canadienne). Durant le procédé de raffinage, de petites quantités de déchets solides ou semi-solides à faible teneurs de radioactivité sont générées. La nature chimique de ces déchets varie d’une raffinerie à une autre, mais ils contiennent généralement le 226Ra, le 230Th, et le 238U  avec des concentrations supposées normalement faibles mais significatives. Comme dans le cas des déchets miniers et de broyage, le 226Ra est l’isotope considéré le plus préoccupant. Les déchets de raffinerie sont enfouis dans des décharges proches de la surface du sol au voisinage des raffineries. Au milieu des années 1970 et après plus de 20 ans d’utilisation, il a été constaté que le centre d’enfouissement de la raffinerie principale d’uranium au Canada (Port Hope, Ontario) émettait du lixiviat de 226Ra ainsi que d’autres contaminants non radioactifs. Bien qu’aucun aquifère n’ait été menacé, les mesures de remédiation comprennent l’excavation des déchets avec un réenfouissement ultérieure sur un site doté d’une capacité hydrogéologique pour l’isolation à plus long terme des déchets de la biosphère.

La prochaine étape majeure de la génération de déchets dans le cycle du combustible nucléaire est l’exploitation de réacteurs nucléaires pour la production d’énergie, la fabrication d’armes ou pour la recherche. Dans cette étape, des déchets radioactifs solides à faible niveau de radioactivité sous forme d’équipement mis au rebut, des déchets légèrement radioactifs et des matériaux d’échanges ioniques issus d’installations de décontamination sont produits. Ces déchets sont connus sous le nom de déchets de réacteurs. Le terme « bas niveau » est utilisé ici dans un sens qualitatif pour distinguer ces déchets des matériaux hautement radioactifs du nucléaire usé ou des matières dérivées directement du combustible utilisé.

Depuis le début de la production d’énergie nucléaire à des fins commerciaux en Amérique du Nord, le volume total des déchets de réacteurs accumulés s’élève à environ 40000 m3 (à partir de 1975). Ces déchets ont été mis en place dans des sites d’enfouissement peu profonds dans 11 sites principaux aux États-Unis et quatre grands sites au Canada. Aux États-Unis, le volume devrait passer à 50000 m3 en 1980, puis à plus de 300000 m3 d’ici 2000 (Nuclear News, 1976). En utilisant une technologie existante et économiquement viable, les volumes projetés peuvent être réduits d’un facteur allant de 2 à 3. On espère, bien sûr, que de nouvelles méthodes de traitement des déchets seront développées pour fournir une réduction de volume supplémentaire.

Malgré les améliorations qui pourraient se développer, les volumes de déchets de réacteurs devraient être énormes par rapport aux volumes pris en charge dans le passé. Étant donné que la méthode normalisée de gestion des déchets de réacteur est de les affecter à des sites d’enfouissement peu profonds, ces volumes de déchets de montage peuvent être considérés comme une source potentielle de contamination des eaux souterraines et d’autres environnements. L’histoire passée de l’enfouissement peu profond des déchets à bas niveau aux États-Unis est moins satisfaisante. Sur les 11 sites existants où les déchets radioactifs résultant de la production d’énergie commerciale ont été enfouis, trois présentent des fuites d’éléments radioactifs dans l’environnement (Ground Water Newsletter, 5, n ° 3, 1976). Bien qu’à l’heure actuelle, cette fuite vers les systèmes d’écoulement souterrain ne présente pas de risque pour l’approvisionnement en eau potable, il est évident que des conséquences indésirables d’études hydrogéologiques inadéquates sur les sites de gestion des déchets peuvent se révéler plusieurs années ou plusieurs décennies après l’utilisation du site. Il y a maintenant peu de doute qu’au moment où la plupart de ces sites ont été établis il y a plusieurs années, on accordait plus d’attention à l’économie de la manutention des déchets, à la disponibilité des terres pour l’usage d’enfouissement et à la proximité des itinéraires de transport qu’au devenir des déchets. Avec ces leçons en cours, le problème auquel sont confrontés les hydrogéologues est maintenant d’assurer, grâce à l’utilisation de méthodologies appropriées de recherche et d’évaluation de sites, que les sites futurs pour l’enfouissement peu profond de déchets solides de bas niveau radioactif possèdent des capacités adéquates de confinement des radionucléides et que des installations de surveillance appropriées du sous-sol soient installées et mises en exploitation.

Les déchets de réacteur contiennent une variété d’espèces de radionucléides, avec des demi-vies allant de secondes à plusieurs décennies ou plus. De ces nuclides, 137Cs, 90Sr et 60Co, avec une demi-vie respectivement de 28, 33 et 6 ans, sont généralement considérés comme présentant le danger environnemental le plus important. Les déchets avec ces radionucléides nécessitent plusieurs centaines d’années pour se dégrader à des niveaux de radioactivité très faibles.

La Figure 9.29 illustre plusieurs types d’options d’enfouissement de déchets. Bien que d’autres situations existent, celles-ci serviront de base à la discussion de certains des principaux concepts utilisés dans le développement des installations d’enfouissement. Dans la Figure 9.29 (a), les déchets sont placés dans de solides récipients conçus à partir de matériaux tels que le béton et l’acier situés sur la surface du sol. Dans ces conteneurs, ils peuvent rester stockés dans des zones non accessibles au public. La détérioration des conteneurs peut être facilement surveillée. En cas de problème, les conteneurs peuvent être réparés ou les déchets peuvent être placés dans de nouveaux conteneurs, pourvu, bien sûr, qu’une organisation responsable reste responsable des installations. Les installations indiquées à la Figure 9.29 (b) sont similaires, sauf que les récipients de stockage sont recouverts de remblais de terre. Si ces remblais sont correctement conçus, ils protégeront les conteneurs des intempéries et augmenteront ainsi leur durée de vie. Les remblais de terre peuvent être considérés comme un environnement hydrogéologique artificiel.

Figure 9.29 Diagrammes schématiques illustrant les méthodes de stockage ou d’élimination des déchets radioactifs de bas niveau dans les zones des nappes phréatiques. (a) Stockage au-dessus du sol; (b) stockage au-dessus du sol avec protection par des matériaux géologiques; (c) enterrement superficiel dans une tranchée avec remblai; (d) enterrement peu profond dans une tranchée avec un confinement supplémentaire fourni par une zone conçue de matériaux géologiques spéciaux; (e) enterrement plus profond avec remblai; (f) enterrement plus profond dans un forage à gros diamètre avec protection par matériaux géologiques à retardement élevé.

Dans la Figure 9.29 (c) et (d), les déchets sont stockés dans des conteneurs placés à quelques mètres sous la surface du sol, soit au-dessus ou au-dessous de la nappe phréatique. Dans le cas illustré à la Figure 9.29 (c), le déblai de l’excavation est utilisé comme remplissage autour des conteneurs. Dans la Figure 9.29 (d), une partie de la caisse dans l’excavation est conçue pour fournir des capacités de confinement améliorées pour le système. Si les conteneurs sont situés au-dessus de la nappe phréatique et s’il existe de bonnes raisons de croire que pendant les périodes de fluctuation de la nappe phréatique, la nappe phréatique ne s’élèvera pas dans la zone d’enfouissement, il y aura peu de possibilité que des radionucléides se  dispersent dans l’environnement. Si la nappe phréatique fluctue dans la zone d’enfouissement, les conteneurs sont soumis à des conditions hydrauliques et géochimiques variables. Leur durée de vie et le sort des radionucléides en cas d’accident sont beaucoup moins sûrs que dans le cas d’un enfouissement au-dessus de la nappe phréatique.

Dans la Figure 9.29 (e) et (f), les conteneurs sont enfouis dans de grands trous d’environ 10 à 20 m plus profonds que dans les exemples précédents. Dans les régions non-arides, la nappe phréatique, qui est permanente dans ces situations, serait normalement au-dessus des conteneurs. Dans le cas représenté à la Figure 9.29 (e), le trou est simplement rempli avec du remblai initialement retiré du site. Dans la Figure 9.29 (f), la zone excavée autour des conteneurs est remplie de matériaux géologiques tels que l’argile bentonitique choisie pour améliorer les capacités de confinement sur le long terme du dispositif d’enfouissement.

Presque tous les sites d’enfouissement des déchets de réacteurs aux États-Unis et au Canada se situent dans la catégorie représentée par la Figure 9.29 (c), avec la nappe phréatique se situant au niveau ou juste en dessous de la zone d’enfouissement Certains des déchets ont été placés directement dans le sol sans la protection de conteneurs étanches. La plupart des sites sont situés dans des sols à faibles caractéristiques hydrogéologiques. Il n’est donc pas surprenant de souvent constater une migration souterraine des radionucléides des zones d’enfouissement.

Pour éviter les problèmes de la migration souterraine des radionucléides  au niveau des sites futurs, de nombreux chercheurs ont proposé que les futurs sites soient situés dans des milieux hydrogéologiques qui présentent une importante capacité de confinement sur le long terme. Pour atteindre cette capacité, le site devrait avoir les caractéristiques suivantes : la stabilité géomorphologique et structurelle, l’isolement du substratum fracturé ou d’autres régimes d’écoulement souterrain qui sont trop complexes pour le développement d’analyses fiables de chemins d’écoulement (c’est-à-dire que le site devrait avoir un cadre hydrogéologique simple), absence de lignes de courant souterraines qui mènent directement à la biosphère ou aux zones souterraines source d’eau potable, et de faibles vitesses de radionucléides prédites, résultant de combinaisons favorables de la vitesse de l’eau souterraine et du retardement chimique. En plus des critères hydrogéologiques tels que ceux-ci, plusieurs chercheurs ont indiqué que la nappe phréatique devrait être suffisamment profonde pour permettre l’enfouissement des déchets dans la zone non saturée (Cherry et al., 1974). Le niveau supérieur des fluctuations de la nappe phréatique, prévu sur plusieurs siècles, devrait être inférieur au fond de la zone d’enfouissement. Les critères énoncés ci-dessus, s’ils sont respectés, conduiraient au développement d’installations d’enfouissement qui permettraient d’assurer un confinement considérablement meilleur, sur le long terme, que ce n’est le cas pour les sites existants. Malheureusement, dans la plupart des régions humides et semi-humides d’Amérique du Nord, cette combinaison idéale de propriétés hydrogéologiques est rare ou même inexistante dans des zones qui répondraient de plus aux critères socio-économiques. Le niveau de la nappe d’eau est généralement peu profond, ce qui empêche l’établissement de zones d’enfouissement à une profondeur appréciable au-dessous de la surface du sol. Les déchets enfouis à quelques mètres, ou même à moins de 5-10 m de la surface du sol, ne sont généralement pas considérés comme isolés des générations futures au cours des centaines d’années ou plus qui seront nécessaires pour la désintégration afin de réduire à des niveaux faibles la radioactivité dans les déchets.

Comme approche alternative à l’implantation de sites d’enfouissement pour les déchets radioactifs solides de bas niveau de radioactivité, Cherry et al. (en cours d’édition) ont proposé que, dans les régions humides et semi-humides, les zones d’enfouissement soient situées au niveau d’aquitards argileux non fracturés comme présentée à la Figure 9.29 (f). Selon ce schéma, l’enfouissement se produirait au fond de trous à la tarière de plus de 15 m (2 à 5 m de diamètre) au-dessous de la surface du sol. La zone d’enfouissement serait à une profondeur considérable au-dessous de la nappe phréatique et en dessous de la zone active de réactions. Les déchets seraient donc isolés de la biosphère dans un environnement hydrogéologique dans lequel la vitesse de l’eau souterraine est extrêmement faible et le retardement chimique est grand. Le déterrement accidentel des déchets par les générations futures serait beaucoup moins probable qu’il ne le serait dans le cas pour l’enfouissement des déchets peu profonds, au dessus de la nappe phréatique. Pour que cette approche soit évaluée en détail, il sera nécessaire de diriger la recherche vers les propriétés hydrogéologiques des aquitards argileux tels que les tills argileux, l’argile glaciolacustre et les schistes tendres.

Pour plus d’information sur les aspects hydrogéologiques de la gestion des déchets radioactifs solides de bas niveau (principalement les déchets de réacteurs), le lecteur se reportera à Peckham et Belter (1962), Richardson (1962a, 1962b), Mawson et Russell (1971), Cherry et al. (1973), et Pferd et al. (1977).

Au niveau des réacteurs nucléaires actuellement utilisés pour la production d’énergie, les barreaux de combustible composés d’oxyde d’uranium solide subissent des réactions de fission qui libèrent de la chaleur et des particules de désintégration. Les barreaux de combustible sont remplacés après une période de temps passée au niveau du réacteur. Le combustible usé contient une grande variété d’isotopes radioactifs toxiques produits à partir de l’uranium et d’autres éléments. Le devenir ultime de ces radionucléides fabriqués par l’homme est au cœur de ce que l’on appelle le problème d’élimination des déchets radioactifs de haut niveau. De nombreuses solutions proposées à ce problème ont été suggérées, chacune ayant pour objectif d’isoler les radionucléides de la biosphère pour la durée de leur radioactivité. C’est la phase finale du cycle du combustible nucléaire.

Les options d’élimination telles que l’enfouissement dans la calotte glaciaire de l’Antarctique, la mise en place dans le fond de l’océan à des endroits où l’enfouissement naturel sous les plaques continentales en mouvement, et le transport de fusées spatiales au-delà de la gravité de la terre ont été exclus en raison des impraticabilités au cours des prochaines décennies. On espère en général que l’on peut obtenir une solution satisfaisante en disposant les matières radioactives dans un dépôt conçu dans des strates géologiques dans lesquelles ces déchets seront isolés des zones de flux actifs d’eaux souterraines. Cette approche est communément appelée stockage ultime. Cela implique que pendant une génération ou deux l’environnement du dépôt sera surveillé, et que si tout se passe bien, les déchets seront alors considérés comme ayant été déposés en permanence.

Aux États-Unis, quatre principales possibilités d’hydrogéologie sont en cours d’études pour adéquation au développement de zones de dépôt. Ce sont (1) couches de saumures profondes (2) roches cristallines ignées profondes, (3) strates profondes de schiste et (4) zones non saturées épaisses dans les régions arides. En raison variations climatiques, l’option (4) n’est pas disponible au Canada ou dans les pays européens. La question la plus critique dans l’évaluation de ces options est de savoir si les déchets seront ou non isolés de la biosphère pour des périodes jugées acceptables.

Les déchets contiendront de nombreuses espèces de radionucléides, mais d’ici 2020, 99 % de l’accumulation prévue de radioactivité sera due à la présence de 90Sr et 137Cs (Gera et Jacobs, 1972) qui ont une demi-vie de 28 et 33 ans, respectivement, et qui se décomposent à des niveaux très bas dans environ 1000 ans. Des durées beaucoup plus longues, cependant, sont nécessaires pour la désintégration à de faibles niveaux des nucléides transuraniens à longue durée de vie présents dans les déchets, à savoir 238Pu, 239Pu, 240Pu, 241Am et 243Am, avec des demi-vies allant de 89 ans pour 238Pu à 24000 ans pour le 239Pu. La désintégration radioactive de ces éléments dans les déchets produit d’autres radionucléides, connus sous le nom de produits dérivés (237Np, 226Ra, 129I, 99Tc et autres). Si ceux-ci sont pris en compte, le matériau demeurera dangereux pendant des millions d’années, bien qu’à des niveaux de radioactivité beaucoup plus faibles que ceux qui se produiraient au cours des 1000 premières années.

Les radionucléides peuvent être placés au niveau du dépôt sous leur forme originale comme combustible usé ou ils peuvent être incorporés dans d’autres matériaux après que le combustible usé ait été retraité. Le retraitement est un traitement chimique dans lequel le combustible usé est dissous dans l’acide et le plutonium est séparé des autres radionucléides. Le plutonium est considéré par l’industrie de l’énergie nucléaire comme une marchandise précieuse car il peut être utilisé pour produire de l’énergie dans les réacteurs surgénérateurs. Après l’extraction du plutonium, une solution de déchets hautement radioactifs et à haute température contenant les autres espèces de radionucléides et certains résidus de plutonium demeure comme déchet. En général, il est convenu par les organismes de réglementation nucléaire dans les différents pays qui travaillent sur le problème que ces déchets doivent être solidifiés et incorporés dans des matériaux solides relativement inertes tels que la céramique ou le verre. Cela doit être fait avant de s’engager dans un système de stockage ou d’élimination à long terme au niveau du sous-sol. De l’usine de retraitement chimique, les déchets se dérouleront, après une période de stockage intermédiaire, par une installation de solidification. Après avoir été solidifié et encapsulé, les déchets seront alors prêts à être mis en place dans un dépôt géologique sous terre. Bien que le retraitement élimine la majeure partie du plutonium du combustible usé, les déchets qui restent après le retraitement sont encore hautement radioactifs. L’un point de vue hydrogéologique, le confinement du combustible usé ou celui des déchets solidifiés issus du retraitement pose fondamentalement le même problème.

Pour qu’un dépôt souterrain soit considéré comme satisfaisant dans le cadre des durées susmentionnées, il doit être capable de protéger les déchets des effets de l’érosion du site causée par le vent, l’eau et même les glaciers. Il doit être situé dans une zone qui ne présente pas de risque sismique significatif ou de d’activité volcanique potentielle. Les matériaux de protection dans lesquels les déchets sont placés dans le dépôt et le contexte hydrogéologique avoisinant le dépôt doivent être capables, dans une marge exceptionnellement élevée de sécurité, de prévenir la migration des radionucléides dans les eaux souterraines du dépôt vers la biosphère. C’est ce dernier critère qui est le plus difficile à établir au niveau de confiance requis. Jamais dans l’histoire de l’humanité, les ingénieurs et les scientifiques n’ont été invités à fournir des analyses de sécurité pertinentes pour une période aussi longue. La faisabilité de l’élimination des déchets à long terme dans chacune des quatre options de stockage hydrogéologique listées ci-dessus est actuellement en cours d’évaluation. L’option dans les saumures profondes est discutée par Bradshaw et McClain (1971) et par Blomeke et al. (1973). Le potentiel de développement de dépôts dans les schistes est décrit par Ferro et al. (1973). Winograd (1974) a examiné les aspects hydrogéologiques de la zone aride/zone non saturée. Pour une vision plus large du problème d’élimination des déchets radioactifs de haut niveau, le lecteur se reportera à Kubo et Rose (1973) et à Cohen (1977).

Les rejets liquides dans les puits profonds

Texte et figures traduits par : Nabil Neji

L’injection de déchets liquides, principalement d’origine industrielle, a été largement adoptée comme une pratique d’élimination des déchets en Amérique du Nord. Le but de cette procédure est d’isoler les substances dangereuses de la biosphère. Le rejet de polluants dans les rivières et les lacs est devenu de plus en plus inacceptable. Par conséquent, la législation relative à la protection des ressources en eau de surface est devenue plus stricte et l’utilisation de zones profondément perméables pour l’élimination des déchets liquides est devenue une option de plus en plus attrayante pour la gestion de déchets liquides de nombreuses industries. Les inventaires de puits industriels d’injection de déchets liquides aux États-Unis ont été effectués en 1964, 1967, 1968, 1972 et 1973. Pendant cette période, le nombre de puits d’injection de déchets est passé de 30 en 1964 à au moins 280 dans 24 états en 1973 (Warner et Orcutt, 1973). Au Canada en 1976, au moins 80 puits d’injection étaient en état d’exploitation. Les puits d’injection utilisés pour le retour des saumures extraites lors du pompage du pétrole ou du gaz ne sont généralement pas classés en tant que des puits d’injection de déchets. Il y a plus de 100000 de ces puits en Amérique du Nord. Les entreprises chimiques, pétrochimiques et pharmaceutiques sont les plus gros utilisateurs de puits d’injection de déchets. D’autres utilisateurs importants sont les raffineries de pétrole, les usines de gaz, les aciéries, les mines de potasse, les usines d’uranium et les usines de transformation. En Floride, à Hawaï, en Louisiane et au Texas, l’injection d’effluents d’eaux usées dans des aquifères salins se produit à petite échelle. Il est à noter que tous les puits d’injection des déchets se situent à une profondeur comprise entre 200 et 4000 m avec une majorité ayant une profondeur variant entre 300 et 2000 m. Les zones d’injection se situent généralement dans les grès, les roches carbonatées et le basalte.

La majorité de ces puits fonctionnent à des pressions d’injection inférieures à 7 × 103 kN/m2. La tendance des dernières années était de réduire ces pressions et leur taux dans la fourchette de 500-1400 ℓ/min. L’effet d’un puits d’injection sur les conditions hydrodynamiques dans un aquifère horizontal hypothétique, dans lequel il existe un écoulement régional, est présenté à la Figure 9.30. Le puits d’injection provoque un monticule dans la surface piézométrique. Le monticule s’étend de manière asymétrique dans la direction du flux régional dans l’aquifère. Au fur et à mesure que l’injection continue, l’étendue de la surface du monticule s’élargie pour occuper une superficie toujours croissante. Ce processus peut être considéré comme l’inverse de l’effet d’un puits de pompage dans un aquifère confiné, et en fait, il est décrit mathématiquement par les mêmes équations, modifié pour l’effet de l’injection plutôt que du pompage (Warner, 1965).

Figure 9.30 Monticule piézométrique causée par l’élimination de l’eau et expansion de la zone occupée par les déchets. Positions à l’instant t1, t2 et t3 (d’après Kazmann, 1974).

Si les puits d’injection sont proches, les monticules piézométriques fusionnent d’une manière analogue à l’interface du prélèvement dans les champs de puits de pompage. La propagation du front du monticule piézométrique est très rapide par rapport à celle de la zone des déchets injectés. Le front du monticule piézométrique se propage par translation de pression. Le front de la zone de déchets se propage lorsque le déplacement du volume se produit. La zone de déchets se propage en proportion directe du volume cumulé de déchets qui est introduite dans l’aquifère. L’interface entre la formation d’eau et les déchets serait progressive à cause de la dispersion.

Sur la base des examens de l’état et de l’impact des pratiques d’injection de déchets aux États-Unis et au Canada, Warner et Orcutt (1973) et Simpson (1976) ont conclu que les cas documentés d’une défaillance mineure du système de rejet et de la contamination connexe des eaux de surface et celle qui en sont proches, sont rares. Cette situation pourrait changer, parce que l’injection de déchets devient une pratique d’élimination des déchets de plus en plus courante et que la durée pendant laquelle les strates reçoivent des déchets augmente. L’un des rares cas signalés dans lesquels l’injection de déchets a causé une contamination de surface s’est produit dans le sud de l’Ontario près de Sarnia, où se trouve la majeure partie de l’industrie pétrochimique canadienne. La contamination a été causée par cinq puits d’injection direct, dont le premier a été foré en 1958 et les autres en 1960. Des eaux caustiques et phénoliques de raffinerie ont été injectées dans les puits avec des flux inférieurs à 400 ℓ/min dans des couches de roches carbonatées à des profondeurs comprises entre 200 et 260 m, en dessous de la surface. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, un incident d’apparition du phénol dans les fluides atteignant la surface dans le district de Sarnia ont été observés (Simpson, 1976). On pense que la contamination a eu lieu en raison de la migration ascendante des déchets par des puits abandonnés. Il peut y avoir jusqu’à 30000 puits abandonnés dans le sud-ouest de l’Ontario à proximité de Sarnia (van Everdingen et Freeze, 1971). Beaucoup d’entre eux ont été forés il y a des décennies avant que l’abandon de ceux-ci ne soit nécessaire. Le risque représenté par ces derniers dans les zones d’injection de déchets est particulièrement insidieux car l’emplacement de nombreux puits est inconnu. Certains n’existent même plus à la surface du sol, mais continuent toutefois à être connectés verticalement sous la surface du sol. Il peut y avoir plus d’un million de puits abandonnés non répertoriés en Amérique du Nord. Concernant les effets sur le long terme des injections de déchets nocifs dans les puits profonds, van Everdingen et Freeze (1971) ont suggéré que les connexions verticales fournies par les puits débranchés pourraient bien constituer le danger le plus important.

Un autre risque majeur associé à la pratique de l’injection de déchets est la provocation à des tremblements de terre, dus en raison de l’augmentation des pressions des eaux interstitielles le long des failles. Ce sujet est abordé dans le Chapitre 11.

Comme conclusion finale concernant les rejets dans les puits profonds, les commentaires de AM Piper (1970) dans l’étude géologique des États-Unis semblent être appropriés :

Dans sa prédilection pour simplifier excessivement le problème et chercher à résoudre toutes les variantes par une seule action puissante, les États-Unis semble avoir accepté une injection profonde de déchets comme un certain remède pour tous les maux de pollution de l’eau (page 2).

L’injection ne constitue pas un rejet permanent. Plutôt, elle permet de stocker les déchets et assure qu’un tel stockage, pour tous les temps, dans le cas des déchets les plus insolubles, dont peu est réalisable dans certaines zones et qui est définitivement épuisable dans la plupart des zones (page 6).

Certes, l’injection de déchets liquides sous la surface du sol est un moyen potentiel d’atténuer la pollution des rivières et des lacs. Mais, sans imagination, l’injection est une panacée qui peut englober tous les déchets et résoudre tous les problèmes de pollution, même si des contraintes économiques devraient être supprimées. Les restrictions sur les potentiels d’injection pratique sont certes strictes – les restrictions physiques, chimiques, géologiques, hydrologiques, économiques et institutionnelles (y compris juridiques) (page 5).

Autres sources

Texte traduit par : Fairouz Slama et Lamia Guellouz

Il existe de nombreuses autres sources qui contribuent à la contamination des eaux souterraines. Dans le nord des États-Unis et au Canada, de grandes quantités de sels sont appliquées sur les routes pour lutter contre la neige et le gel pendant les mois d’hiver. La contamination des aquifères peu profonds le long des routes qui reçoivent du sel n’est pas rare dans ces régions. Puisque les sels tels que le NaCl et le CaCl2 sont très solubles et relativement mobiles dans les eaux souterraines, il est difficile d’éviter cette situation, sauf en diminuant la quantité de sel utilisé.

Les activités de l’industrie minière sont une autre cause potentielle de la contamination des eaux souterraines. Les effets vont des changements dans la chimie des eaux souterraines causés par l’extraction minière à l’infiltration de lixiviat des résidus et d’autres déchets. L’important drainage d’eau acide provenant de mines de charbon abandonnées dans la région des Appalaches aux États-Unis est l’exemple le plus visible des effets néfastes de l’exploitation minière sur les eaux souterraines et les eaux de surface.

La percolation à partir des lagunes de déchets industriels constitue une autre cause de la pollution des eaux souterraines. En Amérique du Nord, il existe des milliers d’étangs artificiels et de lagunes qui contiennent d’innombrables types de déchets liquides. Dans de nombreux cas, les lagunes ne sont pas bordées de barrières imperméables, ce qui permet l’infiltration de ces déchets vers l’environnement souterrain. Cela peut causer de sérieux problèmes dans le cas où des aquifères d’eau potable sont situés à proximité. Cependant, de nombreuses années peuvent passer, avant que l’ampleur du problème ne devienne évidente.

Dans certaines régions, l’urbanisation se répand dans les zones de recharge des principaux aquifères. Même si des installations centralisées de traitement des eaux usées sont utilisées plutôt que des systèmes septiques, les activités urbaines produisent de nombreuses sources de contamination du sol. La prévision de l’effet à long terme de l’urbanisation sur la qualité des eaux souterraines est une tâche difficile, mais nécessaire si nous voulons développer des méthodes d’aménagement du territoire qui minimiseront les impacts négatifs sur l’environnement des eaux souterraines.

Comme introduction à la littérature sur la contamination des eaux souterraines et les sujets connexes, le lecteur est référé à Hall (1972), Summers et Spiegal (1974), Todd et McNulty (1976), et Wilson et al. (1976). Une indication de la nature et de l’étendue régionale de la contamination des eaux souterraines aux États-Unis est présentée dans les synthèses de Fuhriman et Barton (1971), Scalf et al. (1973), Miller et al. (1974) et Scalf (1977). Un résumé des pratiques d’élimination des déchets et de leurs effets sur les eaux souterraines aux États-Unis a été décrit par l’Environmental Protection Agency des États-Unis (1977). Un inventaire des activités de recherche récentes liées aux problèmes chimiques en hydrogéologie a été présenté par Back and Cherry (1976).

Lectures suggérées

BAETSLÉ, L. H. 1969. Migration of radionuclides in porous media, Progress in Nuclear Energy, Series XII, Health Physics, ed. A. M. F. Duhamel. Pergamon Press, Elmsford, N.Y., pp. 707–730.

CHERRY, J. A., R. W. GILLHAM, and J. F. PICKENS. 1975. Contaminant hydrogeology: Part 1: Physical processes, Geosci. Can., 2, pp. 76–84.

FRIED, J. J. 1976. Ground Water Pollution. Elsevier, Amsterdam, pp. 1–47.

OGATA, AKIO. 1970. Theory of dispersion in a granular medium. U.S. Geol. Surv. Prof. Paper 411–1, p. 134.

U.S. Environmental Protection Agency. 1977. Waste disposal practices and their effects on ground water. The Report to Congress, pp. 81–107.

Les problèmes

Texte traduit par : Hella Néji

  1. Une analyse chimique des eaux souterraines donnent les résultats suivants (mg/ℓ) :
    K+ = 3, Na+ = 110, Ca2+ = 80, Mg2+ = 55, $\ce{HCO^-3}$ = 420, Cl = 220, SO42– = 35, $\ce{NO^-3}$ = 15, Fe(total) = 0,8, Mn(total) = 0,2, F = 0,6, As = 0,03, Pb = 0,08, B = 0,9. Commentaire sur l’adéquation de cette eau pour les utilisations suivantes :

    1. Approvisionnement en eau municipale.
    2. Irrigation des légumes.
    3. Bétail.
    4. Brassage de bière.
  1. Est-ce que l’eau avec la composition indiquée dans le problème 1 est douce pour un usage ménager? Comment le processus d’adoucissement de l’eau devrait-il modifier la composition ?
  1. À l’aide d’une colonne cylindrique (10 cm de diamètre et 30 cm de long) de sable, relativement homogène, une expérience avec une entrée à effet échelonné d’un traceur non réactif est effectuée (voir la Figure 9.1). La porosité du sable est de 35 %, le débit d’écoulement en régime d’équilibre est de 1 ℓ/h, et le gradient hydraulique est de 0,1. Le point C/C0 = 0,5 sur la courbe de réponse est arrivé 0,8 h après que le traceur soit initialement entré dans la colonne. Le point C/C0 = 0,25 est arrivé à 0,7 h et le point C/C0 = 0,75 à 0,9 h. Estimez la dispersivité du sable.
  1. Une zone contaminée migre à travers un aquifère composé de sable à grain moyen. Le gradient hydraulique moyen est de 0,01. Une valeur représentative de la conductivité hydraulique du sable est de 1 × 10-5 m/s. Le mouvement des contaminants non réactifs est-il influencé principalement par l’advection et la dispersion mécanique ou par la diffusion moléculaire ? Expliquez.
  1. Une décharge sanitaire est située sur un dépôt d’argile dense de 5 m d’épaisseur qui recouvre un aquifère qui fournit de l’eau potable à une petite ville. Une zone d’eaux souterraines contaminées par lixiviat s’est accumulée à la base de la décharge sur la surface de l’argile. Les observations dans l’aquifère indiquent un niveau piézométrique stable de 250,5 m au-dessus du niveau moyen de la mer. La surface de la nappe phréatique dans la décharge est d’environ 251,3 m. La conductivité hydraulique de l’argile est d’environ 2 × 10-11 m/s, et la porosité est de 19 %. Estimez combien de temps il faudra pour que les contaminants non réactifs se déplaceraient à travers l’argile dans l’aquifère. Exprimez votre réponse en tant que gamme de valeurs que vous considérez comme raisonnable à la lumière des données disponibles.
  1. A cause d’une fissure dans le réservoir de stockage, 10 m3 de déchets liquides contenant 100 kg d’arsenic dissous se sont rapidement infiltrés dans un aquifère de sable, peu profond et non confiné dans lequel l’écoulement est horizontal. La vitesse moyenne de l’eau souterraine dans l’aquifère est de 0,5 m/jour, la dispersivité est de 0,1 m, et le coefficient de diffusion moléculaire est de 2 × 10-10 m2/s. À mesure que la zone contaminée se déplace dans l’aquifère, l’arsenic ne subit pas d’adsorption ou de précipitation significative. Estimez la concentration maximale d’arsenic après que le nuage de contaminants a parcouru une distance de 500 m. Quelles seront les dimensions approximatives du nuage ? Supposons que la fuite du réservoir de stockage peut être approximée comme une source ponctuelle et que l’aquifère peut être traité comme un milieu homogène avec un écoulement uniforme.
  1. Les déchets radioactifs de haute activité sont enterrés dans une caverne, dans un schiste non fracture, à une profondeur de 1000 m sous la surface du sol. La zone d’enterrement est séparée de l’aquifère sus-jacent le plus proche par une épaisseur verticale de 100 m de schiste. Le schiste a une conductivité hydraulique de l’ordre de 10-12 m/s et un gradient hydraulique vertical d’environ 10-2 dirigé vers le haut. Dans le schiste, les radionucléides non réactifs ont des coefficients de diffusion effectifs de l’ordre de 1010 m2/s. On s’attend à ce que les déchets deviennent humides à un moment donné au cours des 1000 prochaines années et se déplacent lentement dans le schiste. Est-il raisonnable de s’attendre à ce que les radionucléides restent entièrement dans les schistes au cours des 100000 prochaines années? Ignorez les effets potentiels des failles, des glaciations, etc., comme cause du transfert de radionucléides à travers les schistes. Considérez seulement l’influence de l’écoulement, de la dispersion mécanique et de la diffusion moléculaire.
  1. Les observations sur le terrain dans une zone granitique indiquent des conductivités hydrauliques en masse de l’ordre de 10-6 cm/s. Le granite a un réseau cubique de joints avec un espacement représentatif de 10 cm entre les plans articulaires. Estimez la vitesse moyenne de l’eau souterraine pour une zone dans laquelle l’écoulement est horizontal et le gradient hydraulique est de 10-2.
  1. Dans les expériences de laboratoire utilisant un pesticide et des échantillons d’un aquifère sablonneux, on constate que lorsque l’eau avec le pesticide est équilibrée à diverses concentrations avec les échantillons de sable, le partage du pesticide entre les phases liquide et solide est le suivant : test 1, 100 μg/g adsorbé à 10 mg/ℓ en solution; test 2, 300 μg/g adsorbé à 220 mg/ℓ en solution; test 3, 600 μg/g adsorbé à 560 μg/mℓ en solution; test 4, 1000 μg/g adsorbé à 1000 mg/mℓ en solution. Quel coefficient de distribution est indiqué par ces données? Exprimez votre réponse en millilitres par gramme. Dans le sable (porosité = 35 %) sous la nappe phréatique, estimez la vitesse relative à laquelle le pesticide migrerait dans un système à advection contrôlée.
  1. Les études sur le comportement d’un composé chimique toxique dans un aquifère de grès indiquent les valeurs de paramètres suivantes : porosité 10 %, vitesse linéaire moyenne 0,1 cm/jour et coefficient de distribution de 75 mmℓ/g. Estimez la vitesse à laquelle se déplacerait le centre de gravité d’une zone contaminée par le composé.
  1. Les études hydrogéologiques d’un site pour une lagune proposée pour le stockage des déchets liquides toxiques indiquent que le gradient hydraulique sur le site décroit. La nappe phréatique est située à une profondeur de 4 m sous la surface du sol. Les échantillons provenant de piézomètres aux profondeurs de 5, 10, 15, 20, 25, 30, 40 et 50 m sous la surface du sol ont des concentrations de tritium de 75, 81, 79, 250, 510, 301, 50 et 10 unités de tritium. Le site est situé à l’intérieur de l’Amérique du Nord. Les piézomètres sont situés dans un dépôt épais de schiste. Fournir une interprétation des données du tritium. Quelle est la nature de la perméabilité du schiste ?
  1. Les eaux souterraines dans un aquifère de grès à une température de 25 °C ont la composition suivante (mg/ℓ) : K+ = 12, Na+ = 230, Ca2+ = 350, Mg2+ = 45, $\ce{HCO^-3}$ = 320, Cl = 390, et SO42– = 782; pH 7.6. Si F est fourni à l’eau à partir de minéraux dans l’aquifère et si la concentration F n’est pas restreinte par la disponibilité, les contraintes de solubilité devraient-elles maintenir la concentration F à un niveau inférieur à la limite, spécifiée pour l’eau potable ? Expliquez.
  1. Les effluents provenant d’un système septique (rejet des eaux usées) s’infiltre dans un aquifère de gravier non confiné. En se mélangeant avec les eaux souterraines, la partie contaminée de l’aquifère a les teneurs en composés inorganiques suivantes (mg/ℓ) : K+ = 3.1, Na+ = 106, Ca2+ = 4.2, Mg2+ = 31, $\ce{HCO^-3}$ = 81, Cl = 146, SO42- = 48; pH 6,3, Eh = –0,1 V, DO = 0, température 23 °C. En supposant que l’équilibre se produit et que les réactions minérales de précipitation-dissolution contrôlent la concentration de phosphore inorganique dissous, indiquez (a) le minéral qui fournirait la contrainte de solubilité sur la concentration en phosphore; (b) les espèces dominantes dissoutes du phosphore inorganique; (c) la concentration à l’équilibre du phosphore dissous.
  1. Un test de dilution de forage est effectué dans un puits de diamètre intérieur de 10 cm. L’intervalle du conditionneur isolé dans lequel le traceur est introduit mesure 100 cm de long. Après 2 h, la concentration du traceur diminue à la moitié de sa valeur initiale. L’écoulement dans la formation est horizontal, le puits n’a pas de sable ou de massif filtrant, et le traceur est non radioactif et non réactif. Estimez la vitesse linéaire moyenne dans la formation.
  1. Un puits de stockage des déchets industriels liquides commence à fonctionner dans un aquifère calcaire confiné isotrope horizontal qui a les caractéristiques suivantes : épaisseur = 10 m, porosité secondaire = 0.1 %, conductivité hydraulique = 5 × 10-5 m/s, emmagasinement spécifique = 10-6 cm-1. Le flux d’injection est de 100 ℓ/min.
    1. À quelle distance du puits d’injection, le front de contamination du monticule piézométrique se prolongera-t-il après 1 mois ?
    2. À quelle distance du puits d’injection, le front de l’eau contaminée se déplacera-t-il après 1 mois ? Négliger les effets de l’écoulement régional des eaux souterraines et de la dispersion. Supposons que l’aquifère est homogène et que la perméabilité primaire de la matrice calcaire est négligeable.
  1. Les études menées sur un aquifère non confiné indiquent une zone peu profonde qui contient de l’oxygène dissous dans un ordre de 2 à 6 mg/ℓ et $\ce{NO^-3}$ dans la plage de 30 – 50 mg /ℓ. La source de $\ce{NO^-3}$ serait l’engrais. Au-dessous de cette zone, il n’y a pas d’oxygène dissous détectable ni de $\ce{NO^-3}$ détectable. Les données de la charge hydraulique indiquent que l’eau souterraine s’écoule de la zone supérieure à la zone inférieure. Toute l’eau dans l’aquifère est très jeune. Suggérez une hypothèse hydrochimique pour tenir compte de la forte diminution du $\ce{NO^-3}$ lorsque l’eau se déplace vers le bas dans l’aquifère. Quelles données supplémentaires seraient souhaitables comme base pour tester votre hypothèse?
  1. Le sel (en tant que NaCl uniquement),couvrant une route pendant l’hiver pour prévenir les problèmes de givrage, a causé la contamination d’un aquifère peu profond et non confiné près de l’autoroute. On a observé que la teneur en eau de Cl provenant de nombreux puits domestiques, autrefois doux, est devenu dure à mesure que le Cl La forte augmentation de la dureté peut être attribuée à l’effet de la contamination par les sels couvrant le sol. Décrivez une hypothèse géochimique pour expliquer l’augmentation de la dureté.
  1. L’eau naturelle dans un aquifère profond de grès, composé de quartz, de feldspath et d’une petite quantité d’argile, a la composition suivante (mg/ℓ) : K+ = 18, Na+ = 850, Ca2+ = 41, Mg2+ = 120, $\ce{HCO^-3}$ = 820, Cl = 470, et SO42 = 1150; pH 8.1. Les eaux usées qui contiennent de la matière organique dissoute abondante sont placées dans l’aquifère par un puits d’élimination. Une fois l’injection commence, les puits d’observation dans l’aquifère près du puits de rejet produisent de l’eau dans laquelle les H2S et CH4 en grands volumes sont détectés. Avant le rejet des déchets, les puits d’observation ne présentaient aucun H2S ou CH4 détectables. Les eaux usées injectées dans l’aquifère ne contenaient pas ces gaz. Décrivez une hypothèse géochimique pour tenir compte de l’apparition de H2S et du CH4 dans les puits d’observation. Attendez-vous à ce que le pH de l’eau augmente ou diminue ? Expliquez, à l’aide d’équations chimiques appropriées.
  1. Une lagune non étanche est utilisée de manière intermittente pour la recharge d’eau d’une station d’épuration au traitement secondaire. L’eau a des concentrations modérées d’ions majeurs (K+, Na+, Ca2+, Mg2+, Cl, SO42 et $\ce{HCO^-3}$) et un contenu appréciable de $\ce{NH^+_4}$, des bactéries et de la matière organique. Les eaux usées traitées s’infiltrent vers le bas dans la lagune dans un aquifère sablonneux. Les puits d’observation utilisés pour surveiller la modification de la nature chimique des eaux souterraines causées par le système de décharge artificielle indiquent que l’eau de l’aquifère dans la zone d’influence a une dureté totale, du nitrate et des concentrations de carbone inorganique dissous qui sont considérablement supérieures aux niveaux naturels dans l’aquifère. Aucune bactérie n’est détectée dans l’aquifère. Les concentrations de $\ce{NH^+_4}$ sont très faibles. Considérez les caractéristiques chimiques de l’eau. Incluez les équations chimiques appropriées dans le cadre de votre explication.
  1. Dans une zone d’extraction de charbon à ciel ouvert, les matériaux géologiques (sans charbon) enlevés au cours de l’exploitation minière (appelés couvertures en fonte) sont rejetés dans les zones dénudées dans le cadre d’un programme de remise en état des terres. La porosité moyenne du surchargement coulé est de 30 %. Le degré moyen de saturation du matériau est de 40 %. En supposant que l’eau et l’air emprisonné dans les vides ne migrent pas et en supposant que tout l’oxygène dans l’air et l’eau dans les vides soit consommé par oxydation de la pyrite, estimez ce qui suit :
    1. La teneur en SO42 de l’eau dans les pores.
    2. Le pH de l’eau dans les pores (supposons qu’aucun tampon carbonate-minéral ne se produit).
    3. La quantité (pourcentage en poids) de calcite qui serait nécessaire dans le déversement de fonte pour neutraliser le produit acide par oxydation de pyrite.
    4. La quantité de pyrite nécessaire pour la consommation de tout l’oxygène par la réaction d’oxydation.
    5. Les quantités de calcite et de pyrite obtenues dans les parties (c) et (d) seraient-elles perceptibles par des moyens normaux d’examen des matériaux géologiques ?