7.1 Séquences et faciès hydrochimiques
Presque toute l’eau souterraine provient de la pluie ou de la fonte des neiges qui s’infiltrent dans le sol et forment les systèmes d’écoulement dans les matériaux géologiques sous-jacents. Le sol a des capacités uniques et puissantes pour modifier la chimie de l’eau, alors que l’infiltration se produit à travers cette couche mince et biologiquement active. Dans les zones de recharge, la couche de sol subit une perte nette de matière minérale au profit de l’eau qui s’écoule. Alors que l’eau souterraine se déplace le long des lignes d’écoulement des zones de recharge aux zones de résurgence, sa chimie est altérée par les effets d’une variété de processus géochimiques. Dans cette section, les changements majeurs dans la chimie de l’eau qui se produisent habituellement lorsque l’eau souterraine se déplace le long de ses chemins d’écoulement sont décrits. Une condition préalable à cette discussion est la considération de la chimie de la pluie et de la neige, qui est l’intrant du système hydrochimique souterrain.
Chimie des précipitations
La composition chimique de l’eau qui arrive à la surface du sol peut être déterminée par l’examen des analyses chimiques de la pluie et de la neige. Le Tableau 7.1 présente quelques résultats représentatifs des analyses chimiques de précipitations pour diverses régions de l’Amérique du Nord. Ce tableau indique que les solides dissous totaux (SDT) dans la pluie varient de quelques milligrammes par litre dans les zones non industrielles continentales à des dizaines de milligrammes par litre dans les zones côtières. La fonte des neiges, qui contribue en eau à la nappe d’eau souterraine, peut contenir plus de solides dissous que la pluie à cause de la dissolution des particules de poussière qui s’accumulent dans la neige à la suite des retombées atmosphériques.
L’eau de la pluie et de la neige fondue des zones non urbaines et non industrielles ont des valeurs de pH normalement comprises entre 5 et 6. Le pH à l’équilibre d’une eau non salée en contact avec du CO2 à une valeur de pression partielle dans l’atmosphère de 10-3,5 bar est de 5,7. Ceci peut être démontré en remplaçant cette PCO2 dans l’Éq. (3.18) pour obtenir l’activité de H2CO3 et ensuite résoudre pour H+ en utilisant l’Eq. (3.31). Comme l’eau doit être acide, il ressort de la Figure 3.5 (a) que est la seule espèce ionique de carbone inorganique dissous présente en quantité significative; par conséquent, (H+) = ().
Constituant | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 |
SiO2 | 0.0 | 0.1 | – | 0.29 | 0.6 | – | 0.9 |
Ca | 0.0 | 0.9 | 1.20 | 0.77 | 0.53 | 1.42 | 0.42 |
Mg | 0.2 | 0.0 | 0.50 | 0.43 | 0.15 | 0.39 | 0.09 |
Na | 0.6 | 0.4 | 2.46 | 2.24 | 0.35 | 2.05 | 0.26 |
K | 0.6 | 0.2 | 0.37 | 0.35 | 0.14 | 0.35 | 0.13 |
NH4 | 0.0 | – | – | – | 0.6 | 0.41 | 0.48 |
HCO3 | 3 | 2.0 | – | 1.95 | – | – | – |
SO4 | 1.6 | 2.0 | – | 1.76 | 0.45 | 2.19 | 3.74 |
Cl | 0.2 | 0.2 | 4.43 | 3.75 | 0.22 | 3.47 | 0.38 |
NO3 | 0.1 | – | – | 0.15 | 0.41 | 0.27 | 1.96 |
TDS | 4.8 | 5.1 | – | 12.4 | – | – | – |
pH | 5.6 | – | – | 5.9 | 5.3 | 5.5 | 4.1 |
Dans les zones industrielles, le pH des précipitations est inférieur à 5,7, souvent aussi faible que 3-4. En fait, les pluies acides sont considérées comme un problème environnemental majeur dans certaines régions d’Europe et d’Amérique du Nord. La principale cause de cette augmentation de l’acidité est le rejet de soufre dans l’atmosphère par les industries, les usines de traitement du minerai, et les centrales électriques alimentées au charbon ou au pétrole. La présence des pluies acides s’est maintenant étendue des zones industrielles aux zones de régions distantes. Les émissions de soufre dans l’atmosphère se produisent principalement sous forme de S particulaire et SO2 gazeux. Dans l’atmosphère, cela conduit à une augmentation des concentrations en H+ et en dans la pluie et la neige,
(7.1)
(7.2)
En plus du CO2 et du SO2, l’atmosphère terrestre contient d’autres gaz tels que O2, N2 et Ar. L’eau devient saturée par rapport à ces gaz. Dans les systèmes d’eau souterraine, le plus important de ces gaz est l’O2 car il confère une capacité d’oxydation appréciable à l’eau.
En conclusion, on peut affirmer que la pluie et la neige fondue sont des solutions oxydantes extrêmement diluées, légèrement à moyennement acides, qui peuvent rapidement provoquer des altérations chimiques dans les sols ou dans les matériaux géologiques dans lesquels elles s’infiltrent.
Dioxyde de carbone dans la zone du sol
Presque toute l’eau qui s’infiltre dans les systèmes d’écoulement naturels traverse la zone du sol. Dans ce contexte, le terme sol est utilisé pour désigner la couche à la surface de la terre qui a été suffisamment altérée par des processus physiques, chimiques et biologiques pour permettre la croissance de plantes avec racines. C’est une définition pédologique, soulignant que le sol est un milieu biologique aussi bien que géologique. La zone du sol exerce une forte influence sur la chimie de l’eau qui s’y infiltre. Les effets les plus importants se produisent à la suite des processus résumés schématiquement à la Figure 7.1. Le sol a la capacité de générer des quantités relativement importantes d’acide et de consommer une grande partie ou la totalité de l’oxygène dissous disponible dans l’eau qui s’infiltre.
D’un point de vue géochimique, l’acide le plus important produit dans la zone du sol est H2CO3, dérivé de la réaction du CO2 et du H2O. Le CO2 est généré par la décomposition de la matière organique et par la respiration des racines des plantes. La décomposition de la matière organique est la source principale et peut être représentée par la réaction
O2 (g) + CH2O = CO2(g) + H2O (7.3)
où l’hydrate de carbone simple CH2O est utilisé pour désigner la matière organique. D’autres composés organiques peuvent également être utilisés dans des équations d’oxydation pour représenter la production de CO2. Les réactions en conditions anaérobies telles que la réduction des sulfates et des nitrates génèrent également du CO2 (Tableau 3.11). Cependant, ces processus ne contribuent que faiblement au bilan en CO2 de l’atmosphère du sol.
Des mesures de la composition d’échantillons de gaz provenant de sols en Amérique du Nord, en Europe et ailleurs ont établi que la pression partielle de CO2 de l’atmosphère du sol est normalement beaucoup plus élevée que celle de l’atmosphère terrestre. Des valeurs dans la gamme de 10–3–10–1 bar sont typiques. En raison des variations de température, des conditions d’humidité, de l’activité microbienne, de la disponibilité de la matière organique et des effets de la structure du sol sur la diffusion des gaz, les pressions de CO2 sont très variables, tant spatialement que temporellement. Des discussions plus détaillées sur la présence et l’effet de la production de CO2 dans la zone du sol sont présentées par Jakucs (1973) et Trainer et Heath (1976). Lorsque le CO2 à ces pressions partielles réagit avec l’eau, le pH de l’eau diminue considérablement. Par exemple, en utilisant la méthode présentée ci-dessus, on peut démontrer qu’à une pression partielle de CO2 de 10-1 bar, une eau dans la gamme de température de 0-25 °C aura un pH à l’équilibre dans la plage de 4,3-4,5. Ceci est très inférieur au pH de l’eau de pluie non contaminée.
L’eau chargée en dioxyde de carbone qui s’infiltre à travers la zone du sol rencontre fréquemment des minéraux qui peuvent être dissous, sous l’influence du H2CO3 qui est consommé par les réactions eau-minéral. Des exemples de réactions de dissolution avec H2CO3 sont présentés aux Eqs. (3.49) et (3.54). D’autres exemples sont décrits plus loin dans ce chapitre. Alors que le H2CO3 est consommé dans la zone du sol, l’oxydation de la matière organique et la respiration racinaire sont une source de renouvellement de CO2 dans l’air du sol. Le CO2 se combine avec de l’eau pour produire plus de H2CO3 [Eqs. (3.14) et (3.15)]. Au fur et à mesure que la nouvelle eau des événements de recharge traverse le sol, les processus biochimiques et hydrochimiques dans le sol sont donc capables de fournir un apport continu d’acidité pour favoriser les réactions eau- minéral. La réaction de l’oxygène libre avec des minéraux de fer ferreux tels que la pyrite (FeS2) est une autre source d’acidité. Dans certaines régions, la production de H+ par cette réaction d’oxydation joue un rôle important dans l’altération des minéraux. La zone du sol peut donc être considérée comme une pompe à acide fonctionnant dans une couche très mince mais étendue de matériau riche en matière organique qui recouvre la plus grande partie de la surface de la terre.
En plus de l’acide inorganique, il existe de nombreux acides organiques produits dans la zone du sol par des processus biochimiques. Ces substances, telles que les acides humiques et les acides fulviques, peuvent jouer un rôle majeur dans le développement des profils de sol et dans le transport des constituants dissous vers la nappe phréatique. Cependant, la plupart des géochimistes pensent que, en tant que source de H+ impliquée dans la dissolution des minéraux, ces acides jouent un rôle mineur par rapport à l’effet du CO2 dissous.
Séquence d’évolution des ions majeurs
Au fur et à mesure que l’eau souterraine se déplace le long de leurs voies d’écoulement dans la zone saturée, il se produit normalement une augmentation des solides dissous totaux et de la plupart des ions majeurs. Comme on pouvait s’y attendre, on a observé dans des études sur l’eau souterraine de nombreuses régions du monde que l’eau souterraine peu profonde dans les zones de recharge contient moins de solides dissous que l’eau plus profonde du même système et moins de solides dissous que l’eau des secteurs peu profonds des zones de résurgence.
Dans un article classique basé sur plus de 10 000 analyses chimiques d’échantillons de puits en Australie, Chebotarev (1955) a conclu que l’eau souterraine a tendance à évoluer chimiquement vers la composition de l’eau de mer. Il a observé que cette évolution s’accompagne normalement des changements régionaux suivants chez les espèces d’anions dominants :
Déplacement le long du chemin d’écoulement
Augmentation de l’â
Ces changements se produisent lorsque l’eau se déplace des zones d’écoulement actif peu profondes, vers les zones intermédiaires, aux zones où l’écoulement est très lent et l’eau vieille. Cette séquence, comme beaucoup d’autres dans les sciences géologiques, doit être considérée en tenant compte de l’échelle et de la géologie spécifiques aux sites, avec la possibilité d’avoir une séquence incomplète. Schoeller (1959) se réfère à la séquence ci-dessus comme la séquence Ignatovich et Souline, en reconnaissance du fait que deux hydrogéologues en Union soviétique ont développé un concept similaire indépendamment des contributions de Chebotarev.
Pour les grands bassins sédimentaires, la séquence de Chebotarev peut être décrite en termes de trois zones principales, qui corrèlent d’une manière générale avec la profondeur (Domenico, 1972) :
- La zone supérieure – caractérisée par l’écoulement actif de l’eau souterraine à travers des roches relativement bien altérées. L’eau dans cette zone a comme anion dominant et présente une faible concentration en solides dissous totaux.
- La zone intermédiaire – avec une circulation de l’eau souterraine moins active et des solides dissous totaux plus élevés. Le sulfate est normalement l’anion dominant dans cette zone.
- La zone inférieure – avec un écoulement de l’eau souterraine très lent. Des minéraux très solubles sont couramment présents dans cette zone parce qu’il y a eu très peu de circulation de l’eau souterraine. Une concentration élevée en Cl– et des solides dissous totaux élevés en concentration élevée sont caractéristiques de cette zone.
Ces trois zones ne peuvent pas être corrélées spécifiquement avec la distance d’écoulement ou le temps, sauf pour dire que la distance d’écoulement et le temps tendent à augmenter de la zone supérieure à la zone inférieure. Dans certains bassins sédimentaires, l’eau souterraine dans la zone supérieure peut avoir des âges d’années ou des dizaines d’années, alors que dans d’autres bassins, des âges de centaines ou de milliers d’années sont courants. L’eau salée, riche en chlorures, de la zone inférieure est généralement très ancienne, mais les âges réels peuvent varier de milliers à des millions d’années.
D’un point de vue géochimique, la séquence d’évolution des anions décrite ci-dessus peut être expliquée en termes de deux variables principales, la disponibilité de minéraux et la solubilité des minéraux. La teneur en dans l’eau souterraine provient normalement du CO2 de la zone de sol et de la dissolution de la calcite et de la dolomite. Les pressions partielles de CO2 générées dans la zone du sol et la solubilité de la calcite et de la dolomite sont normalement les contraintes limitant le niveau de solides totaux dissous atteint. La Figure 3.7 indique qu’aux pressions partielles de CO2 typiques de la zone du sol (10–3–10–1 bars), la calcite et la dolomite ne sont que modérément solubles, avec des concentrations en à l’équilibre comprises entre 100 et 600 mg/ℓ. Comme la calcite ou la dolomite sont présentes en quantités significatives dans presque tous les bassins sédimentaires, et parce que ces minéraux se dissolvent rapidement lorsqu’ils sont en contact avec de l’eau souterraine chargée en CO2, est presque toujours l’anion dominant dans les zones de recharge.
Le Tableau 3.6 indique qu’il existe plusieurs minéraux sédimentaires solubles qui libèrent SO42- ou Cl– lors de la dissolution. Les minéraux sulfatés les plus communs sont le gypse, CaSO4 · 2H2O, et l’anhydrite, CaSO4. Ces minéraux se dissolvent facilement au contact de l’eau. La réaction de dissolution du gypse est
(7.4)
Le gypse et l’anhydrite sont considérablement plus solubles que la calcite et la dolomite, mais beaucoup moins solubles que les minéraux de chlorures tels que l’halite (NaCl) et la sylvine (KCl). Si la calcite (ou la dolomite) et le gypse se dissolvent dans l’eau douce à 25 °C, l’eau deviendra saumâtre, avec des solides dissous totaux d’environ 2100 et 2400 mg/ℓ pour une PCO2 de 10–3–10–1 bar. L’anion dominant sera SO42-, de sorte que nous sommes entrés dans la phase de composition SO42-– de la séquence d’évolution de Chebotarev. S’il y a suffisamment de calcite et/ou de dolomite et de gypse pour permettre à la dissolution de procéder jusqu’à l’équilibre, l’eau évoluera rapidement et directement vers cette phase et n’évoluera pas au-delà de cette phase à moins qu’elle vienne en contact avec d’autres minéraux solubles ou qu’elle subisse de l’évaporation.
La raison pour laquelle, dans la plupart des terrains sédimentaires, l’eau souterraine se déplace sur une distance considérable avant que le SO42- ne devienne un anion dominant, est que le gypse ou l’anhydrite sont généralement présents en quantités de traces. Dans plusieurs zones peu profondes, ces minéraux n’ont jamais été présents ou ont déjà été dissous par la circulation de l’eau souterraine. Par conséquent, bien que les stades et SO42- puissent être décrits en termes de contraintes de solubilité simple exercées par seulement deux ou trois minéraux, le processus d’évolution d’un stade à l’autre est contrôlé par la disponibilité de ces minéraux le long des voies d’écoulement de l’eau souterraine. Avec un temps suffisant, la dissolution et la circulation de l’eau souterraine finiront par entraîner l’élimination complète des minéraux facilement solubles de la zone d’écoulement actif du système, tels que la calcite, la dolomite, le gypse et l’anhydrite. Les systèmes souterrains progressent rarement jusqu’à ce stade, en raison des effets rajeunissants des processus géologiques tels que le soulèvement continental, la sédimentation et la glaciation.
Dans les systèmes d’écoulement profonds des bassins sédimentaires et dans certains systèmes moins profonds, les eaux souterraines évoluent au-delà du stade où SO42- est l’anion dominant à une saumure riche en Cl–. Cela se produit si l’eau souterraine entre en contact avec des minéraux de chlorures très solubles tels que l’halite ou la sylvine, qui peuvent être présents dans les bassins sédimentaires profonds sous forme de strates de sels qui se sont déposées durant l’évaporation de bassins marins fermés ou restreints il y a plusieurs millions d’années. Les solubilités des autres minéraux chlorés d’origine sédimentaire sont très élevées. En fait, comme indiqué dans le Tableau 3.6, ces solubilités sont supérieures de plusieurs ordres de grandeur aux solubilités de la calcite, de la dolomite, du gypse et de l’anhydrite. Les minéraux chlorés d’origine sédimentaire se dissolvent rapidement dans l’eau. La présence générale de Cl– en tant qu’anion dominant uniquement dans l’eau souterraine profonde ou l’eau souterraine qui s’est déplacée sur de longues distances peut donc être généralement expliquée par la rareté de ces minéraux le long des voies d’écoulement. Si une eau souterraine qui n’a pas voyagé sur de longues distances entre en contact avec des quantités abondantes de halite, l’eau évoluera directement au stade Cl–, indépendamment des autres minéraux présents dans le système. Dans les strates de siltstone, de schiste, de calcaire ou de dolomie, où Cl– est présent dans les minéraux présents seulement en quantité de traces, le taux d’acquisition de Cl– par l’eau souterraine circulant est dans une large mesure contrôlé par le processus de diffusion. Cl– se déplace des petits pores interstitiels, des pores non connectés et, dans le cas des milieux fracturés, de la matrice du milieu poreux aux pores principaux ou aux fractures dans lesquelles se produit l’écoulement principal de l’eau souterraine. Comme indiqué dans la Section 3.4, la diffusion est un processus extrêmement lent. Ceci, et la présence de minéraux contenant des sulfates et des chlorures en quantités limitées, peut expliquer le fait que dans de nombreux systèmes d’écoulement, l’évolution chimique de l’eau souterraine des stades à SO42- et Cl– se produit très progressivement plutôt que par étapes distinctes sur de courtes distances, comme on s’y attendrait sur la seule base des considérations de solubilité.
La séquence d’évolution des anions et la tendance des solides dissous totaux à augmenter le long des voies d’écoulement de l’eau souterraine sont des généralisations qui, lorsqu’elles sont utilisées dans le contexte d’une interprétation géochimique rigoureuse, peuvent fournir des informations considérables sur l’histoire de l’écoulement de l’eau. À ce moment-ci, nous souhaitons souligner que, dans certains systèmes d’écoulement, l’eau souterraine n’évolue pas au-delà du stade ou du stade SO42-. Il n’est pas rare dans certaines régions sédimentaires que l’eau présente une séquence des anions dominants inversée. Le plus notable à cet égard est l’augmentation en et la diminution en SO42- qui peuvent survenir à la suite de la réduction biochimique du SO42-. Ces processus sont décrits à la Section 7.5.
De grandes variations dans les cations majeurs se produisent couramment dans les systèmes d’écoulement de l’eau souterraine. Puisque l’échange de cations provoque souvent des modifications ou des inversions dans les séquences cationiques, la généralisation de séquences d’évolution cationique de la manière utilisée par Chebotarev pour les anions serait peu utile car il y aurait de nombreuses exceptions à la règle. Pour que les données des cations et des anions majeurs fournissent une meilleure compréhension de la nature des systèmes d’écoulement, les interprétations doivent tenir compte des processus hydrochimiques spécifiques pouvant expliquer les concentrations observées. Des exemples de cette approche sont présentés aux Sections 7.3 à 7.5.
Séquence d’évolution électrochimique
La reconnaissance de la séquence d’évolution des anions en tant que caractéristique de nombreux systèmes d’écoulement résulte de la compilation et de l’interprétation de données chimiques provenant de systèmes d’écoulement régionaux. C’est une généralisation fondée initialement sur l’observation et soutenue plus tard par la théorie géochimique. Nous allons maintenant regarder brièvement une autre séquence d’évolution, appelée la séquence d’évolution électrochimique. Cette séquence est fondée sur la théorie géochimique, mais n’a pas encore été rigoureusement évaluée sur la base de mesures sur le terrain.
La séquence d’évolution électrochimique fait référence à la tendance du potentiel redox de l’eau souterraine à diminuer lorsque l’eau se déplace le long de son écoulement. Cette tendance a d’abord été reconnue par Germanov et al. (1958). Alors que l’eau provenant de la pluie et de la neige entre dans le système d’écoulement souterrain, elle a initialement un potentiel redox élevé en raison de son exposition à l’oxygène atmosphérique. Les conditions initiales d’oxydoréduction reflètent des concentrations élevées en oxygène dissous, avec des valeurs de pE près de 13 ou, exprimées en Eh, près de 750 mV à pH 7. Dans les couches riches en matière organique de la zone du sol, l’oxydation de la matière organique consomme la majeure partie de l’oxygène dissous. Ce processus, représenté par l’Éq. 7.3, diminue le potentiel d’oxydoréduction. Une question peut être posée : dans quelle mesure le potentiel d’oxydoréduction diminue-t-il lorsque l’eau passe à travers la zone du sol jusqu’à la nappe phréatique ? Il est raisonnable de penser que la consommation d’oxygène dans la zone du sol variera en fonction de nombreux facteurs tels que la structure du sol, la porosité et la perméabilité, la nature et la distribution en profondeur de la matière organique, la fréquence des événements d’infiltration, et la température. Bien que l’oxygène dissous soit un facteur important dans la caractérisation de la nature hydrochimique de l’eau souterraine, très peu d’études sur l’oxygène dissous dans l’eau souterraine ont été rapportées dans la littérature. À partir des données disponibles, les généralisations suivantes peuvent être tirées :
- Dans les zones de recharge avec des sols sableux ou graveleux ou dans des cavernes de calcaires, l’eau souterraine peu profonde contient généralement de l’oxygène dissous détectable (c’est-à-dire supérieur à environ 0,1 mg/ℓ).
- Dans les zones de recharge de sols limoneux ou argileux, l’eau souterraine peu profonde ne contient généralement pas d’oxygène dissous détectable.
- Dans les zones avec peu ou pas de sol recouvrant des roches fracturées perméables, l’oxygène dissous à des niveaux détectables persiste souvent loin dans le système d’écoulement. Dans certains cas, l’ensemble du système d’écoulement est oxygéné.
La présence fréquente d’oxygène dissous en quantité appréciable dans l’eau souterraine peu profonde dans les dépôts sableux résulte probablement de la faible teneur en matière organique du sol et des taux rapides d’infiltration dans le sol.
Même après que l’oxygène dissous ait été consommé à des niveaux inférieurs à la détection par des moyens normaux, le potentiel d’oxydoréduction peut toujours être très élevé, comme indiqué dans la Section 3.9. La consommation d’oxygène moléculaire libre par des réactions catalysées par des bactéries qui oxydent la matière organique peut se poursuivre jusqu’à ce que les niveaux d’O2 dissous soient considérablement inférieurs aux limites normales de détection. Finalement, le point est atteint où les bactéries aérobies impliquées dans ces réactions ne peuvent plus proliférer. Dans la zone aérobie, il existe d’autres réactions, telles que celles représentées au Tableau 3.10 pour l’oxydation du fer ferreux, de l’ammoniaque, du manganèse et des sulfures, qui consomment de l’oxygène. Même si ces processus d’oxydation ne consomment qu’une petite partie de l’oxygène total par rapport à l’oxydation par la matière organique, ils peuvent avoir un effet majeur sur l’évolution chimique de l’eau.
Nous allons maintenant examiner ce qui peut arriver lorsque l’eau se déplace plus profondément dans le système d’écoulement. Stumm et Morgan (1970) indiquent que dans les systèmes aqueux fermés contenant de la matière organique et les autres nutriments nécessaires à la prolifération des bactéries, l’oxydation de la matière organique accompagnée de la consommation de O2 est suivie par la réduction de . La réduction de MnO2, si présent, devrait se produire à peu près au même pE ou Eh que la réduction de , suivie par la réduction des minéraux de fer ferrique, tels que les divers composés représentés par Fe(OH)3. Lorsque des niveaux d’oxydoréduction suffisamment négatifs ont été atteints, la réduction de SO42- à H2S et HS– et la réduction de la matière organique en espèces gazeuses dissoutes de CO2 et CH4 peuvent se produire presque simultanément. Cette séquence électrochimique des processus de réduction est résumée dans le Tableau 3.11, avec les processus initiaux de consommation d’oxygène représentés au Tableau 3.10. Stumm et Morgan présentent la séquence d’évolution électrochimique comme un phénomène basé sur la théorie de la thermodynamique. Ils indiquent que cette séquence est cohérente avec les observations de la nature chimique des lacs enrichis en nutriments et des digesteurs par lots dans les installations de traitement des eaux usées. À l’exception possible de la réduction de MnO2 et Fe(OH)3, les réactions décrites dans la séquence d’évolution électrochimique sont catalysées biologiquement. La séquence des réactions redox est mise en parallèle avec une succession écologique de microorganismes, avec différentes espèces bactériennes adaptées aux différentes étapes de la séquence redox.
D’un point de vue hydrogéologique, la question importante est de savoir si la séquence d’évolution électrochimique se produit ou non dans l’environnement de l’eau souterraine et, si oui, où et pourquoi ? La séquence, ou au moins des parties de la séquence, sont connues pour se produire dans la zone d’eau souterraine. On sait, par exemple, que dans de nombreuses régions l’oxygène dissous est absent de l’eau qui recharge la mappe phréatique. Ceci est indiqué par l’absence d’oxygène dissous détectable dans des puits peu profonds. Vraisemblablement, l’oxygène a été consommé par les procédés décrits ci-dessus. Dans certains systèmes d’écoulement, est présent à faible profondeur et diminue en concentration à mesure que l’eau se déplace plus profondément dans le système d’écoulement. Edmunds (1973) et Gillham et Cherry (1978) ont attribué ce type de tendance du au processus de dénitrification, qui nécessite des bactéries dénitrifiantes et un potentiel redox modéré. On sait que dans certaines régions, l’eau souterraine a un très faible potentiel redox. Ceci est indiqué par les faibles concentrations de SO42- et l’odeur de H2S de l’eau, caractéristiques qui sont attribuées au processus de réduction du sulfate en présence de bactéries sulfato-réductrices. Le méthane (CH4) est un constituant commun de l’eau souterraine profonde dans les bassins sédimentaires et est observé à de nombreux endroits, même dans l’eau souterraine peu profonde. Son origine est attribuée à la fermentation bactérienne de la matière organique dans le système aquifère. On sait que dans certains systèmes d’écoulement, le potentiel d’oxydoréduction mesuré par la méthode à l’électrode de platine diminue le long de l’écoulement régional. Pour illustrer ce type de tendance, les données sur le potentiel d’oxydoréduction de deux systèmes d’écoulement régionaux sont présentées à la Figure 7.2.
Dans la séquence d’évolution de Chebotarev, les changements graduels dans la composition anionique et les solides dissous totaux ont été attribués à deux facteurs limitants: la disponibilité minérale et le taux de diffusion moléculaire. Dans la séquence d’évolution électrochimique, d’autres facteurs doivent contrôler la quantité et le taux de déclin du potentiel redox le long de l’écoulement.
Parce que le H2S (ou HS–) et le CH4 ne sont pas présents en quantités significatives dans de nombreuses zones d’eau souterraine et parce qu’il y a beaucoup de SO42- dans ces zones, il semble commun que l’eau souterraine n’évolue pas vers des conditions de faible potentiel redox même pour des longs temps de résidence. Les réactions d’oxydoréduction qui conduiraient progressivement à un faible potentiel d’oxydoréduction ne se produisent probablement pas dans de nombreuses régions en raison de l’incapacité des bactéries redox nécessaires à proliférer. L’hostilité des milieux aquifères aux bactéries est probablement causée par le manque de certains nutriments essentiels à la croissance bactérienne. Il se peut que, même dans les régimes hydrogéologiques dans lesquels le carbone organique est abondant, le carbone ne soit pas sous une forme qui puisse être utilisée par les bactéries. Au moment où les recherches hydrochimiques incluront les composantes organique et biochimique, une meilleure compréhension de l’environnement redox des systèmes aquifères se développera.
7.2 Méthodes graphiques et faciès hydrochimiques
Une tâche importante dans les études sur l’eau souterraine est la compilation et la présentation des données chimiques d’une manière pratique pour l’interprétation visuelle. Pour ce faire, plusieurs méthodes graphiques couramment utilisées sont disponibles. Le plus simple d’entre elles est le graphique à barres. Deux exemples sont illustrés à la Figure 7.3. Pour un échantillon unique, ces deux graphiques représentent la composition des ions majeurs en équivalents par mètre cube (ou milliéquivalents par litre) et en pourcentage du total des équivalents. La même analyse est montrée sur le diagramme circulaire de la Figure 7.4. Dans la Figure 7.5 (a), l’analyse est présentée de manière à faciliter la comparaison rapide en raison de formes distinctes du graphique. Ceci est connu sous le nom diagramme de Stiff, nommé d’après l’hydrogéologue qui l’a utilisé pour la première fois. L’analyse d’une eau avec une composition très différente est montrée à la Figure 7.5 (b). Les diagrammes en barres, circulaires, radiaux et de Stiff sont tous faciles à réaliser et permettent une comparaison visuelle rapide d’analyses chimiques individuelles. Cependant, ils ne sont pas pratiques pour la présentation graphique d’un grand nombre d’analyses.
A cet effet, deux autres diagrammes sont couramment utilisés. Le premier, développé par Piper (1944) à partir d’un modèle quelque peu similaire de Hill (1940), est présenté à la Figure 7.6; le second, introduit dans la littérature sur les eaux souterraines par Schoeller (1955, 1962), est présenté à la Figure 7.7. Ces deux diagrammes permettent de représenter les compositions cationiques et anioniques de nombreux échantillons sur un seul graphique dans lequel les principaux groupements ou les tendances dans les données peuvent être observés visuellement. Le diagramme semi-logarithmique de Schoeller montre les concentrations totales des cations et des anions. Le diagramme ternaire représente les concentrations en pourcentages. Parce que chaque analyse est représentée par un seul point, des eaux ayant des concentrations totales très différentes peuvent avoir des représentations identiques sur ce diagramme. Un diagramme ternaire unique a un potentiel élevé pour représenter un grand nombre d’analyses sans créer de confusion et est pratique pour montrer les effets du mélange de deux eaux provenant de différentes sources. Le mélange de deux eaux différentes tracera une ligne droite reliant les deux points. Le diagramme semi-logarithmique a été utilisé pour déterminer directement les indices de saturation des eaux souterraines par rapport à des minéraux tels que la calcite et le gypse (Schoeller, 1962; Brown et al., 1972). Cette approche, cependant, est souvent déconseillée, en raison des erreurs introduites en négligeant les effets des complexes ioniques et des coefficients d’activité.
Certains des défauts des diagrammes ternaires du type de celui développé par Hill et Piper sont éliminés dans le diagramme introduit dans la littérature soviétique par S. A. Durov et décrit dans la littérature anglophone par Zaporozec (1972). La base de ce diagramme, illustrée à la Figure 7.8, est la représentation en pourcentages des cations et des anions dans des triangles séparés, ce qui à cet égard est similaire au diagramme de Piper.
L’intersection des lignes s’étendant des deux points de l’échantillon sur les triangles jusqu’au rectangle central correspond à un point qui représente la composition en ions majeurs sur la base du pourcentage. À partir de ce point, les lignes qui s’étendent aux deux rectangles adjacents mis à l’échelle présentent deux paramètres choisis parmi des possibilités telles que la concentration totale en ions majeurs, les solides dissous totaux, la force ionique, la conductivité spécifique, la dureté, la carbone inorganique dissous total, ou le pH. Les solides dissous totaux et le pH sont représentés à la Figure 7.8.
Les diagrammes présentés ci-dessus sont utiles pour décrire visuellement les différences dans la chimie des ions majeurs dans les systèmes d’écoulement des eaux souterraines. Il est également nécessaire de pouvoir se référer de manière efficace aux compositions de l’eau par groupes ou catégories identifiables. À cet effet, le concept de faciès hydrochimique a été développé par Back (1961, 1966), Morgan et Winner (1962), et Seaber (1962). La définition de faciès hydrochimique est une paraphrase de la définition de faciès utilisée par les géologues : les faciès sont des parties identifiables de nature différente appartenant à tout corps ou système génétiquement apparenté. Les faciès hydrochimiques sont des zones distinctes dont les concentrations de cations et d’anions peuvent être décrites dans des catégories de composition définies. La définition d’une catégorie de composition est généralement basée sur des subdivisions du diagramme ternaire de la manière suggérée par Back (1961) et Back et Hanshaw (1965). Ces subdivisions sont illustrées à la Figure 7.9. Si le potassium est présent en pourcentage significatif, le sodium et le potassium sont normalement représentés en un seul paramètre. La définition pour la séparation des faciès pour les domaines 0-10 % et 90-100 % sur le graphique cation-anion en forme de diamant est généralement plus utile que d’utiliser des incréments égaux de 25 %. Le choix des catégories de pourcentages doit être fait de manière à représenter au mieux les caractéristiques chimiques de l’eau étudiée. Dans certaines situations, plus de subdivisions que celles montrées à la Figure 7.9 sont utiles.
Après être arrivé à un schéma de classification pratique pour la désignation de faciès hydrochimiques, il est souvent approprié, en utilisant des cartes, des coupes, ou des diagrammes de type « fence », de montrer la distribution régionale des faciès. Un exemple de diagramme de type « fence » montrant la distribution des faciès cationiques dans la plaine côtière de l’Atlantique Nord des États-Unis est présenté à la Figure 7.10. La direction généralisée de l’écoulement régional de l’eau souterraine est également illustrée sur ce diagramme.
En conclusion, on peut affirmer qu’il existe de nombreuses façons de représenter graphiquement les analyses chimiques et que l’on peut utiliser de nombreux types de classifications pour définir les faciès hydrochimiques. La nature spécifique du système étudié gouverne généralement le choix des méthodes graphiques.
7.3 Eau souterraine en terrain carbonaté
Le cadre théorique nécessaire à la prise en compte des interactions chimiques entre l’eau et les minéraux carbonatés est décrit au Chapitre 3. Garrels et Christ (1965) fournissent une description détaillée des équilibres carbonatés. L’objectif ici est de décrire comment la chimie de l’eau évolue dans diverses situations où l’eau souterraine s’écoule à travers des roches ou des dépôts non consolidés constitués de quantités importantes de minéraux carbonatés.
Dissolution en système ouvert
L’eau de la pluie et de la neige qui s’infiltre dans un terrain contenant de la calcite et de la dolomite dissout normalement ces minéraux aux niveaux de saturation. Si la dissolution se produit au-dessus de la nappe phréatique dans des conditions où le CO2 est abondant dans les vides qui ne sont pas entièrement remplis d’eau, on parle d’un processus de dissolution dans des conditions de système ouvert. Ce type de système a été décrit en termes géochimiques à la Section 3.5. Si la dissolution de la calcite ou de la dolomite passe directement à l’équilibre dans des conditions isothermes en système ouvert, l’évolution chimique et la composition à l’équilibre de l’eau peuvent être prédites. Afin de développer un modèle d’évolution chimique, on suppose que l’eau se déplace dans une zone de sol où une pression partielle constante de CO2 est maintenue à la suite de l’oxydation biochimique de la matière organique et de la respiration des racines des plantes. L’eau du sol s’équilibre rapidement avec le CO2 dans l’atmosphère du sol. L’eau dissout ensuite la calcite avec laquelle elle est en contact dans les pores du sol. À des fins de calcul, on supposera que la pression partielle de CO2 (PCO2) est maintenue à une valeur fixe en raison d’un équilibre entre la production de CO2 et la diffusion du sol.
Les valeurs d’équilibre du pH et du qui se produiraient sous différentes PCO2 avant la dissolution minérale peuvent être calculées en utilisant les Éqs. (3.5), (3.18), (3.19), (3.31) et (3.32), et la méthode des approximations successives. Les résultats pour la plage PCO2 de 10–4–10–1 bar sont représentés par la ligne (1) sur la Figure 7.11 (a). Cette ligne représente les conditions initiales. Au fur et à mesure que la dissolution de la calcite ou de la dolomite se produit, le pH et le de l’eau augmentent le long des trajectoires d’évolution pour des valeurs de PCO2 spécifiées s’étendant vers le haut sur la Figure 7.11 (a) à partir de la ligne (1). Les trajectoires d’évolution sont calculées en utilisant une relation de bilan de masse pour le carbone inorganique dissous total en combinaison avec les équations indiquées ci-dessus. Les étapes le long des chemins sont faites en dissolvant hypothétiquement de petites quantités arbitraires de calcite ou de dolomite dans l’eau. La composition de l’eau évolue le long de ces chemins jusqu’à ce que l’eau soit saturée. Les conditions de saturation à 15 °C sont représentées par les lignes (2) et (3) pour la calcite et la dolomite, respectivement. Si la température est plus élevée, les lignes de saturation seront plus basses; si la température est plus basse, les lignes seront plus hautes car la solubilité est plus grande. Les positions des trajectoires d’évolution et des lignes de saturation seront quelque peu différentes si la dissolution a lieu dans des solutions de force ionique plus élevée.
L’eau qui s’infiltre à travers la zone du sol peut évoluer vers une position sur la ligne de saturation et ensuite évoluer vers des positions de déséquilibre hors de la ligne. Par exemple, l’eau sous une PCO2 élevée peut s’équilibrer par rapport à la calcite ou à la dolomite dans les horizons supérieurs du sol et se déplacer ensuite plus profondément dans la zone non saturée, où des pressions partielles de CO2 différentes existent dans l’air du sol. Si les pressions partielles de CO2 sont plus faibles dans la zone non saturée, l’eau infiltrée perdra du CO2 dans l’air du sol. Ceci est appelé dégazage. Cet événement entraînerait une augmentation du pH de l’eau du sol. Comme le dégazage se produit normalement beaucoup plus rapidement que la précipitation des minéraux carbonatés, l’eau devient sursaturée par rapport à la calcite ou à la dolomite. L’eau évoluerait au-dessus des lignes de saturation montrées à la Figure 7.11 (a).
La pression partielle de CO2 dans la zone non saturée en dessous de la zone de production de CO2 dans le sol est contrôlée principalement par le taux de diffusion des gaz vers le bas à partir des couches riches en matière organique et le taux de perte vers l’atmosphère par des chemins préférentiels tels que des fissures de dessiccation profondes, des fissures de gel, des trous de racines et des terriers d’animaux. Par conséquent, à certaines périodes de l’année, les conditions de faible PCO2 peuvent se produire dans la zone non saturée sous la couche de sol. Si une infiltration profonde se produit pendant ces périodes, des conditions de sursaturation par rapport aux minéraux carbonatés se produiront.
Il a été indiqué ci-dessus que si des quantités importantes de minéraux carbonatés sont présentes dans le sol ou sous la couche de sol de la zone non saturée, une dissolution vers ou près de la saturation devrait se produire. En utilisant une approche de bilan de masse, nous allons maintenant déterminer la quantité de matière minérale qui doit être présente pour que la saturation soit atteinte. D’après la Figure 3.7, il est évident qu’à une pression partielle de CO2 relativement élevée de 10-1 bar, 6,3 mmol de Ca2+ seront en solution après dissolution de la calcite à l’équilibre dans des conditions de système ouvert. Parce que chaque mole de calcite qui se dissout produit 1 mole de Ca2+ en solution, on peut conclure que dans ces conditions, 6,3 mmol (0,63 g) de calcite dissoute par litre de solution est nécessaire pour produire l’équilibre. Pour déterminer cette quantité de calcite en pourcentage par poids de matériaux géologiques, on supposera que les matériaux sont granulaires et ont une porosité de 33 % et une densité de 2,65. Par conséquent, le rapport volumétrique des vides aux solides est de 1 : 2 et la masse des solides par litre de vides est de 5300 g. Si les vides sont pleins d’eau et si 0,63 g de calcite provenant de la masse des solides de 5300 g se dissout, l’eau serait saturée par rapport à la calcite. Les 0,63 g de calcite représentent 0,01 % en poids des solides totaux. Des teneurs en calcite de cette magnitude sont bien inférieures à la détection par les méthodes d’analyse minéralogique normalement utilisées par les géologues. Cet exemple sert à illustrer que les constituants minéraux présents dans ce qui est normalement considéré comme des quantités petites ou même insignifiantes peuvent exercer une forte influence sur la chimie de l’eau souterraine circulant à travers les matériaux. Cette généralisation s’applique également à de nombreuses autres espèces minérales présentes dans les aquifères.
Conditions en système fermé
Dans les situations où il n’y a pratiquement pas de minéraux carbonatés dans la zone du sol ou dans la zone non saturée au-dessous de la zone du sol, l’eau d’infiltration chargée en CO2 peut se déplacer vers la zone saturée sans trop de consommation de CO2. Pendant l’infiltration, le CO2 existera en solution sous forme de H2CO3 et de CO2(aq) et ne sera pas converti en . Dans cette discussion, la faible quantité de CO2 qui peut se convertir en suite à la lixiviation des matériaux d’aluminosilicate est négligée. L’effet de ces minéraux sur le carbone inorganique dissous dans l’eau souterraine est examiné à la Section 7.4.
Si l’eau de recharge s’infiltre dans la nappe phréatique sans consommation significative de CO2 et rencontre ensuite des minéraux carbonatés le long de son trajet d’écoulement dans la zone saturée, la dissolution se fera dans cette zone en condition de système fermé. Alors que H2CO3 est converti en (voir Éq. 3.54), la concentration de H2CO3 et la pression partielle de CO2 diminuent. Dans les roches carbonatées et dans la plupart des autres strates calcaires, il n’y a pas de réapprovisionnement en CO2 sous la nappe phréatique. Les exceptions à cette généralisation sont discutées dans la Section 7.5. Comme dans le cas du système ouvert, l’eau passera d’une condition initiale définie par le PCO2 et le pH à une condition de saturation par rapport aux minéraux carbonatés présents dans le système. La Figure 7.11 (b) montre les conditions initiales, les conditions de saturation, et quelques chemins d’évolution représentatifs de la dissolution en système fermé. Les chemins d’évolution et les lignes de saturation ont été calculés en utilisant des procédures similaires au cas du système ouvert, sauf que PCO2 est variable et que le carbone inorganique dissous total est la somme du CO2 initial et du carbone issu de la dissolution des minéraux carbonatés.
La comparaison de la Figure 7.11 (a) et (b) indique que le pH d’équilibre et les valeurs de qui résultent de la dissolution de la calcite ou de la dolomie dans des conditions de système ouvert et fermé sont différents. Parce que la solubilité est plus grande pour un PCO2 initial donné, les valeurs de pH du système ouvert à saturation sont plus faibles et les concentrations en et en Ca2+ sont plus élevées. À des conditions de PCO2 initiales élevées, la différence de chimie de l’eau entre les deux systèmes est la plus faible. La Figure 7.11 (b) indique qu’il est possible, dans une partie de la plage de PCO2 de la zone du sol, d’évoluer en conditions de système fermé vers des valeurs de pH bien supérieures à 8. Dans des conditions de système ouvert, toutefois, les valeurs de pH d’équilibre sont inférieures à 8. En terrain carbonaté, le pH de l’eau souterraine naturelle est presque toujours compris entre 7,0 et 8,0, ce qui suggère que les conditions en système ouvert sont courantes.
Dans la discussion ci-dessus, l’évolution chimique de l’eau souterraine a été prise en compte en considérant les contraintes pratiques des systèmes de CO2 ouvert et fermé dans des conditions limites spécifiées indépendantes du temps. Dans la nature, les variations des pressions partielles de CO2, des températures du sol, et des processus lents des réactions contrôlées par la diffusion peuvent entraîner des écarts significatifs par rapport aux conditions prescrites dans nos modèles hydrochimiques. Dans certaines situations, l’infiltration de l’eau souterraine et son évolution peut se produire en condition de système ouvert, puis en se déplaçant sous la nappe phréatique, l’eau évolue jusqu’à la saturation dans des conditions de système fermé. D’autres facteurs, tels que l’adsorption, l’échange cationique, la diffusion gazeuse, et la dispersion mécanique, peuvent influencer l’évolution chimique de l’eau. La dissolution en système fermé ou partiellement fermé au-dessus de la nappe phréatique peut survenir dans certaines situations. Néanmoins, les modèles de systèmes ouverts et fermés fournissent un cadre utile dans lequel interpréter des données chimiques provenant de plusieurs contextes hydrogéologiques. Cependant, il est nécessaire d’étudier davantage la distribution des pressions partielles de CO2 dans la zone non saturée pour fournir une meilleure base pour l’adoption de ces modèles dans l’interprétation des données de terrain.
Dissolution incongruente
Le concept de dissolution incongruente est présenté à la Section 3.5. L’application spécifique de ce concept au système calcite-dolomite-eau est présentée ci-dessous. La discussion précédente était basée sur la prémisse que la calcite et la dolomite, si présentes dans le système hydrogéologique, se dissolvent indépendamment l’une de l’autre. Bien que la Figure 7.11 montre des lignes de saturation à la fois pour la calcite et la dolomite, il faut garder à l’esprit que ces lignes ont été calculées pour la dissolution de ces minéraux dans des systèmes séparés. Si ces deux minéraux se trouvent dans le même système hydrogéologique, ce qui est souvent le cas, ils peuvent se dissoudre simultanément ou séquentiellement. Cela peut conduire à des relations d’équilibre très différentes de celles présentées dans ces diagrammes.
En termes de constantes d’équilibre et d’activités, les conditions de saturation de la calcite et de la dolomite peuvent être exprimées comme
(7.5)
(7.6)
où les indices c et d désignent la calcite et la dolomite, respectivement. Si l’eau souterraine à 10 °C dissout la dolomite jusqu’à saturation puis s’écoule dans une zone contenant de la calcite, aucune dissolution de calcite ne se produira, car l’eau serait saturée par rapport à la calcite. Cette conclusion est basée sur les valeurs de Kc et de Kd indiquées dans le Tableau 3.7. À l’équilibre par rapport à la dolomite, le produit d’activité ionique [Ca2+][CO32-] serait égal à , ce qui à environ 10 °C équivaut à Kc (Tableau 3.7). La comparaison de et les valeurs de Kc en utilisant les données du Tableau 3.7 indique que > Kc à des températures inférieures à 10 °C et < Kc à des températures supérieures à 10 °C. Par conséquent, si l’eau souterraine dissout la dolomite à l’équilibre à des températures plus basses, l’eau deviendra sursaturée par rapport à la calcite, ce qui provoquera la précipitation. Le système évolue vers une condition où le taux de dissolution de la dolomite est égal au taux de précipitation de la calcite. Les processus coexistant de la dissolution de la dolomite et de la précipitation de la calcite sont compris dans l’expression de la dissolution incongruente de la dolomite.
Lorsque l’eau souterraine dissout la dolomite à l’équilibre à des températures supérieures à 10 °C et se déplace ensuite dans une zone où la calcite existe, l’eau sera capable de dissoudre la calcite parce que < Kc. La dissolution de la calcite augmente [Ca2+] et [CO32-] et l’eau devient donc sursaturée par rapport à la dolomite. Comme la réaction de précipitation de la dolomite est si lente, la sursaturation peut persister pendant de longues périodes avec peu ou pas de précipitation de dolomite. Cependant, si des quantités significatives de dolomite devaient se former, le processus de dissolution de la calcite serait incongruent. Sur de longues périodes, l’incongruence des réactions de la dolomie et de la calcite peut exercer une influence importante sur l’évolution chimique de l’eau et sur l’évolution minéralogique de la roche hôte.
Lorsque l’eau souterraine dissout la calcite à l’équilibre en premier puis rencontre la dolomite, la dolomite se dissout quelle que soit la température car l’eau doit acquérir une activité en Mg2+ appréciable avant que l’équilibre de la dolomite ne soit atteint [Eq. (7.6)]. Cependant, même à partir des étapes initiales de la dissolution de la dolomite, l’eau devient sursaturée par rapport à la calcite en raison de l’afflux de [Ca2+] et [CO32-] de la dolomite, et la calcite précipite. La dissolution de la dolomite serait donc incongruente. Lorsque la calcite précipite, l’eau tend à devenir sous-saturée par rapport à la dolomite. Si cela se produit dans une zone où la dolomite existe, la dolomite continuera à se dissoudre lorsque la calcite précipite. En conséquence, il y aurait une diminution du rapport molaire Ca2+/Mg2+.
Dans la discussion ci-dessus, le concept de dissolution incongruente de la calcite et de la dolomite a été illustré en supposant que l’eau souterraine rencontre la calcite et la dolomite de manière séquentielle le long de ses trajets d’écoulement; c’est-à-dire que nous laissons l’eau réagir avec un minéral puis avec l’autre. Dans de nombreux systèmes hydrogéologiques, comme ceux de till glaciaire ou de calcaire partiellement dolomitisé, la calcite et la dolomite coexistent dans les mêmes formations et devraient donc se dissoudre simultanément si elles sont mises en contact avec de l’eau sous-saturée par rapport à ces deux minéraux. Les relations d’incongruence seraient donc contrôlées par les différences dans les vitesses de dissolution effectives ainsi que par la température et la PCO2. Les différences dans les vitesses de dissolution déterminent le rapport molaire Ca2+/Mg2+. Par exemple, si l’eau s’infiltre dans un sol et devient chargée en CO2, puis se déplace dans un horizon de sol qui contient à la fois de la calcite et de la dolomite, la dissolution de ces deux minéraux se produit. Si la calcite se dissout beaucoup plus rapidement que la dolomite, la saturation de la calcite serait atteinte bien avant la saturation de la dolomite. Une fois la saturation de la calcite atteinte, la dolomite continuera à se dissoudre, mais de manière incongruente, jusqu’à ce que la saturation en dolomite soit atteinte. Le rapport molaire Ca2+/Mg2+ évoluerait d’une valeur initiale élevée à une valeur beaucoup plus faible car Mg2+ est apporté par la dolomite et que le Ca2+ est perdu par la précipitation de la calcite. Dans ces circonstances, la sursaturation en calcite peut persister à une distance considérable le long du système d’écoulement de l’eau souterraine.
Si, par contre, la dolomite se dissout plus rapidement que la calcite, le rapport molaire Ca2+/Mg2+ serait beaucoup plus faible que dans le cas décrit ci-dessus. Cela pourrait se produire si la dolomie est beaucoup plus abondante dans les matériaux géologiques, de sorte que la surface de la réaction serait beaucoup plus grande que celle de la calcite. Si la saturation en dolomite est atteinte rapidement, il y aurait peu de chance pour que la calcite se dissolve. Le raisonnement ici est similaire au cas de la dissolution séquentielle dolomite-calcite décrite ci-dessus. La température de l’eau pourrait également affecter la tendance à l’incongruence de se développer.
En conclusion, on peut affirmer que dans les eaux souterraines contenant de la calcite et de la dolomite, les rapports molaires Ca2+/Mg2+ peuvent se développer dans une large gamme, au-dessus et en dessous de l’unité, selon l’influence de la répartition séquentielle, de la dissolution simultanée, de la dissolution incongruente, des pressions partielles de CO2, des températures et de d’autres facteurs. L’interprétation de la composition de l’eau de systèmes carbonatés dans les limites strictes de simples modèles de dissolution en système ouvert et fermé peut dans certains cas être trompeuse. Les réactions d’échange cationique peuvent également produire des variations du rapport Ca2+/Mg2+ de l’eau souterraine mais, comme indiqué dans la discussion ci-dessus, elles ne doivent pas nécessairement être invoquées pour expliquer ces variations.
Autres facteurs
Comme indiqué dans le Tableau 3.7, les solubilités de la calcite et de la dolomite dépendent assez fortement de la température. Les relations solubilité-température pour ces minéraux sont inhabituelles en ce sens que des solubilités plus grandes se produisent à des températures plus basses, car le CO2 est plus soluble à basse température et parce que les valeurs de Kc et Kd sont plus grandes. Presque tous les autres types de minéraux ont la relation inverse; ils sont plus solubles à des températures plus élevées. Dans la section précédente, l’effet de la température sur les relations d’incongruence a été noté. Notre but est maintenant d’examiner de plus près les effets de la température sur l’évolution chimique de l’eau souterraine en terrain carbonaté.
Dans les régions climatiques où les chutes de neige s’accumulent au sol pendant l’hiver, la plus grande partie de la recharge de l’eau souterraine se produit généralement au printemps, alors que l’eau de la fonte des neiges s’infiltre dans la zone froide ou partiellement gelée du sol et descend vers la nappe phréatique. Dans de vastes régions du Canada et du nord des États-Unis, les minéraux carbonatés sont abondants dans le sol ou sous la couche de sol à des profondeurs très faibles. Pendant la recharge printanière, la dissolution peut se faire à très basse température dans des conditions de système ouvert ou presque ouvert. À des profondeurs supérieures à quelques mètres sous la surface du sol, les températures sont normalement supérieures de plusieurs degrés. L’eau saturée en calcite et en dolomite qui s’infiltre à partir de la zone froide supérieure vers dans les zones plus chaudes sous-jacentes devient sursaturée par rapport à ces minéraux en raison de cette augmentation de la température.
Une situation où l’eau est initialement saturée par rapport à la calcite à une température de 0 °C est prise comme exemple. Cela peut représenter de l’eau qui s’infiltre dans le sol pendant une période de fonte des neiges printanière. Si l’eau se déplace au-dessous de la zone de gel à des profondeurs où les matériaux géologiques ont des températures plus proches de la température annuelle moyenne de l’air, l’eau deviendra sursaturée par rapport à la calcite. Si l’eau se déplace plus profondément dans le système d’écoulement, la température continuera d’augmenter en raison du gradient géothermique régional. L’eau deviendra progressivement plus sursaturée, à moins que l’effet de la température ne soit compensé par les pertes de Ca2 + et de CO32- résultant de la précipitation de la calcite. À 25 °C et à une pression partielle de CO2 de 10-2 bar, la calcite est moitié moins soluble qu’à 0 °C. Cet exemple montre que les solides dissous totaux dans l’eau souterraine n’augmentent pas nécessairement le long de l’écoulement. Si la chimie de l’eau souterraine est contrôlée presque entièrement par des interactions avec des minéraux carbonatés, il est possible que les différences de température le long de l’écoulement provoquent des diminutions des solides dissous totaux. Dans la nature, cependant, une diminution causée par la précipitation de minéraux carbonatés peuvent être masquées par l’augmentation des solides dissous causée par la dissolution d’autres minéraux.
Considérant la dissolution et la précipitation des minéraux carbonatés en termes d’un système d’écoulement régional, l’eau s’écoule des zones de recharge où les températures peuvent être basses, aux zones plus profondes à des températures plus élevées, puis aux zones peu profondes plus froides en zones de résurgence. Pour les eaux saturées en calcite et en dolomite dans les zones de recharge, les zones les plus profondes seraient des zones de précipitation de calcite ou de dolomite. Dans les zones de résurgence plus froides, la dissolution se produira à nouveau si des minéraux carbonatés sont présents et si d’autres interactions eau-minérale n’ont pas sensiblement modifié les niveaux de saturation.
Dans les processus d’évolution hydrochimique considérés ci-dessus, les effets des sels non carbonatés dans l’eau ont été négligés. Si l’eau contient des teneurs significatives en ions non carbonates formant des minéraux tels que Na+, K+, Cl–, et SO42-, l’équilibre des minéraux carbonatés est influencé par les effets de la force ionique et de la formation de complexes ioniques. Cela peut être déduit des discussions des Sections 3.3 et 3.5. Une plus grande salinité se traduit par une force ionique plus élevée, qui à son tour entraîne des valeurs plus faibles pour les coefficients d’activité de tous les ions majeurs en solution (Figure 3.3). Les solubilités de la calcite et de la dolomite augmentent donc. Dans le développement de modèles hydrochimiques, l’effet de la force ionique dans la plage de salinité de l’eau douce à l’eau saumâtre peut être pris en compte quantitativement. La modélisation de solutions salines ou de saumure implique toutefois de plus grandes incertitudes associées aux relations de coefficient d’activité.
L’eau souterraine qui est influencée chimiquement par la dissolution de la calcite ou de la dolomite est aussi souvent influencée par d’autres minéraux qui exercent un certain contrôle sur les concentrations de Ca2+ et de Mg2+. Par exemple, la dissolution du gypse (CaSO4 · 2H2O) peut entraîner une forte augmentation des concentrations de Ca2+. Par l’effet d’ions communs décrit dans la Section 3.5, cela peut provoquer une sursaturation de l’eau par rapport à la calcite ou à la dolomie ou bien limiter la quantité de calcite ou de dolomite qui se dissoudra lorsque l’eau rencontrera ces minéraux. Si des minéraux argileux sont présents, les processus d’échange cationique peuvent provoquer de grands changements dans les rapports des cations et ainsi modifier les niveaux de saturation de l’eau par rapport aux minéraux carbonatés. Les rôles de l’effet des ions communs et de l’échange cationique dans l’évolution chimique de l’eau souterraine sont décrits plus en détail à la Section 7.5.
Dans le développement de modèles géochimiques pour décrire les équilibres entre l’eau souterraine et les minéraux carbonatés, l’utilisation des données thermodynamiques obtenues à partir d’expériences sur des formes relativement pures des minéraux est une pratique courante. Dans les systèmes naturels, cependant, la calcite et la dolomite peuvent différer sensiblement de la composition idéale. Par exemple, la calcite peut contenir jusqu’à plusieurs pour cent de Mg dans une solution solide avec Ca. Les impuretés telles que Sr et Fe se rencontrent couramment dans les minéraux carbonatés. Bien que ces impuretés puissent être une source importante de ces éléments dans l’eau souterraine, leur effet sur les constantes d’équilibre de la calcite et de la dolomite est généralement faible. Dans certaines situations, cependant, des réactions d’oxydation et d’hydrolyse avec les impuretés peuvent provoquer une production importante de H+ et donc un pH plus faible. Il est nécessaire de souligner que, dans notre examen du système carbonaté, les processus de dissolution et de précipitation des minéraux carbonatés ont été isolés des nombreux autres processus qui, dans la nature, se produisent simultanément dans le système hydrochimique. Dans l’interprétation des données chimiques provenant de systèmes d’eau souterraine réels, il est généralement nécessaire de prendre en compte un ensemble plus complexe de processus hydrochimiques en interaction.
Interprétation des analyses chimiques
La calcite et la dolomite existent dans pratiquement toutes les régions du monde où les roches sédimentaires sont abondantes. Décrire l’évolution chimique de l’eau souterraine dans toutes ces régions ou même dans un nombre représentatif de régions serait une tâche insurmontable, même si de nombreux chapitres pourraient être consacrés à ce sujet. Au lieu de cela, notre approche consistera à résumer brièvement les caractéristiques hydrochimiques de l’eau souterraine dans un petit nombre de systèmes de roches carbonatées, puis à décrire quelques interprétations géochimiques développées pour ces systèmes. À cette fin, les aquifères de roches carbonatées du centre de la Pennsylvanie, du centre de la Floride et du centre-sud du Manitoba ont été choisis. Ces trois aquifères sont situés dans des environnements climatiques et hydrologiques très différents. Les localisations, géologie et les conditions de l’eau souterraine des trois systèmes aquifères sont résumés au Tableau 7.2. Jacobson et Langmuir (1970) et Langmuir (1971) ont fourni les informations sur le système aquifère en Pennsylvanie. Le système Floridien est décrit par Back et Hanshaw (1970) et Hanshaw et al. (1971). L’hydrogéologie de la partie de l’aquifère dolomitique du Manitoba utilisée dans cette comparaison a été décrite par Goff (1971). Render (1970) a fait état d’une étude régionale de ce système aquifère.
Régions étudiées | |||
Pennsylvania* | Florida | Manitoba | |
Géographie | Section Appalachienne Province Valley et Ridge, Province Centrale | Centre de la Floride Aquifère calcaire régional | Plaine glacière du centre sud du Manitoba |
Climat et précipitations annuelles | Continental humide, 990 mm | Tropical et subtropical, 1400 mm | Semi-humide, continental, 500 mm |
Type d’aquifère et âge | Lits de dolomie et de calcaires entre des shales et des grès | Calcaires tertiaires recouverts par 0–50 m d’argile, de sable et de gravier | Dolomie silurienne recouvertes par 0–30 m de till |
Profondeur de la nappe | 10–100 m | 0–30 m | 0–10 m |
Épaisseur de l’aquifère | Très variable | 100–700 m | 5–50 m |
Zones de recharge | Lits de rivières, sol mince, affleurements, et dépôts glaciaires | Zones d’affleurements et zones de sable et gravier | Zones de till mince et affleurements |
Profondeur des puits | 30–150 m | 50–400 m | 10–50 m |
Âge de l’eau souterraine | Sources locales : jours | De mois à années dans les zones de recharge à plusieurs milliers d’années autre part | Mois à plusieurs années |
Sources régionales : mois | |||
Puits : semaines à mois |
Dans les études hydrochimiques, des mesures de pH soigneuses ont été faites sur le terrain. Les erreurs de balance de charge des analyses chimiques utilisées dans la compilation des données sont inférieures à 5 % (limite acceptable de l’erreur de balance de charge indiquée à la Section 3.3).
Dans l’étude en Pennsylvanie, des analyses chimiques de 29 sources et 29 puits ont été menées. Sur les 29 puits, 20 sont dans des dolomies et 9 dans des calcaires. Vingt-deux des sources font résurgences des calcaires et 7 des dolomies. Dans l’étude hydrochimique de l’aquifère Floridien, des échantillons de 53 puits ont été analysés. Dans cette discussion, les données de 39 des puits sont utilisées. Les autres puits ont été exclus pour éviter les effets du mélange dans les zones d’eau salée près de l’océan. Dans l’étude hydrochimique de l’aquifère du Manitoba, des échantillons provenant des 74 puits ont été analysés.
Les valeurs moyennes et les écarts-types de la température, des concentrations en ions majeurs, du pH, de la PCO2, et des indices de saturation pour la calcite, la dolomite et le gypse dans les trois zones d’étude sont indiqués au Tableau 7.3, qui indique des similarités et des différences importantes entre les trois zones. Dans chacune des zones, est l’anion dominant et SO42- le deuxième anion le plus abondant. Les concentrations de Cl– sont généralement très faibles. Le contenu moyen en de l’aquifère du Manitoba est plus de deux fois plus important que les moyennes de l’aquifère Floridien et des échantillons de sources de l’aquifère de Pennsylvanie. La valeur moyenne en des échantillons de puits provenant de la zone d’étude de Pennsylvanie se situe entre ces deux extrêmes. Les valeurs de pH moyennes pour les aquifères Manitobains et Floridiens sont similaires. Le pH de l’aquifère de Pennsylvanie est légèrement inférieur. Cependant, presque tous les échantillons se situent dans la gamme de pH relativement étroite 7 – 8. Dans l’aquifère du Manitoba, le rapport molaire moyen Ca2+/Mg2+ est inférieur à l’unité, alors que dans les autres régions, il est supérieur à l’unité.
Aquifère calcaire et dolomie de la Pennsylvanie | Aquifère calcaire de la Floride | Aquifère de dolomie du Manitoba | ||||||
Sources | Puits | |||||||
Paramètre | σ | σ | σ | σ | ||||
Température (°C) | 10.9 | 1.3 | 18.0 | 1.2 | 24.4 | 1.2 | 5.1 | 0.9 |
pH | 7.37 | 1.5 | 7.47 | 0.3 | 7.69 | 0.25 | 7.61 | 0.25 |
K+ | 1.6 | 0.6 | 1.5 | 1.4 | 1.0 | 0.8 | 9 | 7 |
Na+ | 3.8 | 1.8 | 3.1 | 3 | 7.9 | 5.3 | 37 | 36 |
Ca2+ | 48 | 11 | 55 | 22 | 56 | 25 | 60 | 15 |
Mg2+ | 14 | 11 | 28 | 14 | 12 | 13 | 60 | 21 |
183 | 43 | 265 | 83 | 160 | 40 | 417 | 101 | |
Cl– | 8.2 | 3.5 | 10 | 9 | 12 | 9 | 27 | 26 |
SO42- | 22 | 5 | 20 | 15 | 53 | 94 | 96 | 127 |
PCO2 (atm) | 10–2.2±0.15 | 10–2.15±0.43 | 10–2.51±0.35 | 10–2.11±0.33 | ||||
SIcal‡ | –0.39 | 0.25 | –0.16 | 0.12 | +0.12 | 0.18 | +0.44 | 0.17 |
SIdol‡ | –1.2 | 0.74 | –0.36 | 0.23 | –0.23 | 0.49 | +0.27 | 0.35 |
SIgyp‡ | –2.0 | 0.14 | –2.2 | 0.46 | –2.3 | 0.8 | –1.8 | 0.53 |
Dans notre interprétation de cette information hydrochimique, nous commencerons par noter que les valeurs de PCO2 calculées pour les eaux souterraines dans les trois zones sont considérablement supérieures à la PCO2 de l’atmosphère terrestre (10-3,5 bar). Cela indique que l’eau souterraine de ces aquifères ont été chargées de CO2 lors de l’infiltration à travers les zones de sol. Une deuxième observation importante est qu’il existe de grandes différences de température de l’eau souterraine entre les trois zones. L’aquifère de Floride est le plus chaud, avec des températures proches de 25 °C. Dans l’aquifère de Pennsylvanie, la température moyenne des eaux souterraines est proche de 11 °C et dans l’aquifère du Manitoba, les températures avoisinent les 5 °C.
Le pH de l’eau dans les trois aquifères est significativement supérieur à 7 et inférieur à 8. La Figure 3.5 (a) indique donc que le carbone inorganique dissous existe presque entièrement sous forme . Les concentrations en sont les plus élevées dans l’eau souterraine de l’aquifère du Manitoba, ce qui indique que plus de calcite ou de dolomite s’est dissoute dans l’eau de cet aquifère que dans les autres aquifères. La quantité dissoute dans l’aquifère de Pennsylvanie est intermédiaire entre les aquifères du Manitoba et de Floride. Ces différences peuvent être attribuées à trois facteurs principaux. Le premier facteur est la température. Comme on peut s’y attendre d’après les considérations de solubilité, l’eau la plus froide a la teneur la plus élevée en produits de dissolution de carbonates. Cela ne peut cependant pas expliquer toutes les différences. Le deuxième facteur est la pression partielle de CO2. L’eau du Manitoba a la pression partielle calculée la plus élevée et l’eau de la Floride a le plus bas. Les différences sont suffisamment importantes pour expliquer la plus grande partie de la différence de valeurs en . Trainer et Heath (1976) ont attribué les pressions partielles relativement faibles de CO2 dans l’eau souterraine de l’aquifère Floridien à la présence de sables perméables dans les principales zones de recharge de cet aquifère. La région de recharge principale est illustrée à la Figure 7.12 (a). Ces auteurs suggèrent que relativement peu de CO2 est produit dans la zone du sol dans ces zones à cause du manque de matière organique abondante. Ils suggèrent également qu’en raison de la haute perméabilité du sable, le CO2 s’échappe facilement du sol vers l’atmosphère.
Le troisième facteur est le degré de saturation par rapport à la calcite et à la dolomite. À cet égard, la procédure de Langmuir (1971) est adoptée; un échantillon est désigné comme étant saturé si son indice de saturation, exprimé sous forme logarithmique, est compris entre -0,1 et +0,1. Soixante-deux pour cent des échantillons du Manitoba étaient saturés en calcite et en dolomite, 12 % étaient sursaturés et 8 % étaient significativement sous-saturés. Soixante-six pour cent des échantillons de la Floride étaient sursaturés par rapport à la calcite, 24 % étaient saturés et 10 % étaient sous-saturés. En ce qui concerne la dolomite, 59 % étaient sursaturés, 21 % saturés et 20 % sous-saturés. Les résultats pour les sources de Pennsylvanie et les échantillons de puits sont très différents : 20 % étaient saturés et 80 % étaient sous-saturés par rapport à la calcite. En ce qui concerne la dolomite, 4 % étaient saturés et le reste était sous-saturé. Si toutes les eaux sous-saturées de l’aquifère de Pennsylvanie étaient amenées à saturation par dissolution de calcite ou de dolomite, les valeurs moyennes et de pH seraient beaucoup plus proches des valeurs moyennes pour l’aquifère du Manitoba.
Étant donné que seulement 10 % des échantillons de la Floride sont sous-saturés par rapport à la calcite, la dissolution à saturation de ces eaux n’augmenterait pas considérablement les valeurs moyennes et de pH.
Il est raisonnable à ce stade de conclure que des conditions de déséquilibre (c’est-à-dire, la sous-saturation ou la sursaturation) ne sont pas rares dans les aquifères carbonatés. L’une des conditions les plus énigmatiques de déséquilibre dans les systèmes hydrogéochimiques est l’existence d’une sous-saturation par rapport à la calcite et à la dolomie dans les situations où ces minéraux sont abondants. Les expériences de laboratoire sur les taux de dissolution de la calcite indiquent que l’équilibre devrait être atteint en quelques heures ou en quelques jours (Howard et Howard, 1967; Rauch et White, 1977), mais dans les aquifères carbonatés de Pennsylvanie et de Floride, l’eau plus ancienne en contact avec la calcite et la dolomite persiste dans un état de sous-saturation. Des essais de traceur avec colorant effectués par Jacobson et Langmuir (1970) dans certaines parties de l’aquifère de Pennsylvanie ont indiqué des temps de résidence de l’eau souterraine de 2 à 6 jours sur des distances d’écoulement d’environ 7 000 m. Ils ont conclu que les temps de séjour de plusieurs des eaux de source sont généralement un peu plus longs que 2 à 6 jours et que les eaux échantillonnées dans les puits sont beaucoup plus anciennes. Langmuir (1971) a noté que le pH et les valeurs de des eaux de source ont tendance à augmenter avec leur temps de résidence sous la surface. Un pourcentage beaucoup plus élevé des échantillons de puits était saturé parce que l’eau avait eu suffisamment de temps pour s’équilibrer avec la calcite et la dolomite dans l’aquifère. Cette étude suggère que dans les situations de terrain, des semaines ou même des mois de temps de résidence peuvent être nécessaires pour que la dissolution se produise jusqu’à l’équilibre avec la calcite et la dolomite. Langmuir a conclu que les solubilités de la calcite et de la dolomite basées sur les données thermodynamiques représentent les limites de contrôle des concentrations de Ca2+, Mg2+, et H+ dans l’eau souterraine de ce système de roches carbonatées. Langmuir a également conclu que l’évolution de la chimie de l’eau suit à peu près le modèle de dissolution en système ouvert. À un niveau d’analyse plus détaillé, il a noté que la dissolution incongruente de la dolomite aux périodes de basses nappes phréatiques et la dilution par la recharge de l’eau souterraine à des niveaux d’eau plus élevés sont des processus qui expliquent de nombreuses tendances dans les données, incluant les rapports molaires Ca2+/Mg2+.
Les quelques échantillons sous-saturés de l’aquifère du Manitoba représentent l’effet de courtes voies d’écoulement locales le long des conduits de fracturation ou des plans de litage dans les zones de recharge. Bien que les estimations d’âge détaillées ne puissent être déduites des données existantes, ces eaux devraient être très jeunes.
Dans l’aquifère de Floride, où les eaux souterraines sont beaucoup plus anciennes, les conditions générales de sous-saturation par rapport à la calcite et à la dolomite [Figure 7.12 (b)] sont beaucoup plus déroutantes que dans l’aquifère de Pennsylvanie. Les vélocités moyennes dans l’aquifère Floridien déterminées par les datations au 14C sont de 8 m/a (Back et Hanshaw, 1970). Dans la région de sous-saturation, l’eau souterraine atteint des âges de centaines à des milliers d’années. Back et Hanshaw suggèrent la possibilité que dans certaines zones, une quantité importante d’eau atteint l’aquifère à travers des chenaux de dissolution remplis de sable et n’a pas été en contact avec le calcaire. Ils suggèrent également que le blindage de la surface du calcaire par des espèces ioniques inorganiques ou par des substances organiques peut produire un état de pseudo-équilibre entre les surfaces cristallines et la solution. Il y a aussi la possibilité que certains échantillons de puits semblent sous-saturés parce que l’eau de puits représente un mélange d’eaux de différentes compositions qui s’écoulent dans les puits de différentes strates ou zones de l’aquifère. La plupart des puits de l’aquifère de Floride ont des zones d’arrivé d’eau distribues sur de grands intervalles verticaux. Runnels (1969) et Thraikill (1968) ont établi l’existence d’une sous-saturation dans des eaux constituées de deux ou plusieurs eaux saturées et Wigley et Plummer (1976) en ont fait la démonstration dans des études de simulation par ordinateur.
Dans une partie importante de l’aquifère Floridien, l’eau souterraine est significativement sursaturées par rapport à la calcite et à la dolomite. Back et Hanshaw (1970) et Langmuir (1971) suggèrent que cela est causé par la dissolution de traces de gypse et que la condition de sursaturation est maintenue par un déséquilibre des taux de dissolution du gypse par rapport aux taux de précipitation du carbonate de calcium (calcite ou aragonite). Cette interprétation est cohérente avec les résultats d’un modèle cinétique de l’évolution de la chimie de l’eau dans cet aquifère décrit par Palciauskas et Domenico (1976). Ces auteurs ont développé un cadre mathématique qui indique que la distance que l’eau souterraine doit parcourir pour atteindre la saturation par rapport aux phases minérales individuelles augmente avec l’augmentation des taux de mélange et de vitesse et décroît avec l’augmentation des taux de réaction. Leur analyse montre que des concentrations chimiques à l’état d’équilibre peuvent exister et provoquer un niveau constant de sursaturation ou de sous-saturation. Cela peut se produire lorsque la vitesse de production d’une ou de plusieurs espèces dissoutes en réponse à la dissolution d’une espèce minérale est équilibrée par le taux de consommation de ces espèces par précipitation d’une seconde espèce minérale.
Une grande partie de l’eau de l’aquifère du Manitoba est sursaturée par rapport à la calcite et à la dolomite. Dans la Figure 7.13, la chimie de l’eau exprimée en termes de pH, , Ca2+ et de Mg2+ est comparée aux modèles simples de système ouvert pour la dissolution de la dolomite et de la calcite séparément et en séquence. Cette comparaison indique que les données sont généralement au-dessus des lignes d’équilibre (c’est-à-dire au-dessus des niveaux qui seraient atteints si l’eau évoluait directement jusqu’à la saturation en cas de dissolution en système ouvert). Cherry (1972) a attribué cette condition de déséquilibre à l’influence combinée du changement de température, du dégazage, de l’échange de cationique et de l’effet des ions communs causé par la dissolution du gypse. La majeure partie de la recharge vers l’aquifère se produit dans les zones où l’aquifère est recouvert par du till. Le till est riche en dolomite, calcite, quartz, feldspaths et minéraux argileux et, à faible profondeur, il contient de petites quantités de gypse. Une petite partie de la sursaturation est causée par l’augmentation de la température qui se produit lorsque l’eau se déplace de la zone froide dans le mètre supérieur ou deux du sol vers les parties les plus profondes du système d’écoulement.
Dans certaines zones de recharge, il est probable que pendant une partie de l’année, la pression partielle de CO2 dans la zone non saturée sous la couche de sol soit souvent inférieure aux pressions partielles dans les horizons de sols riches en matière organique dans lesquels le CO2 est généré. Si le CO2 dans l’eau de recharge qui s’infiltre dégaze lors de l’écoulement dans cette zone, le pH de l’eau augmenterait. Cela pourrait expliquer le fait que dans la Figure 7.13, la composition de l’eau exprimée en , Ca2+, et Mg2+ en fonction du pH se retrouve généralement au-dessus des lignes d’équilibre (Cherry, 1972).
L’un des aspects les plus frappants des données hydrochimiques des trois systèmes aquifères décrits ci-dessus est une occurrence plutôt commune de déséquilibre par rapport aux interactions calcite-dolomite-eau. Pour cette raison, on pourrait être enclin à remettre en question l’utilisation des concepts d’équilibre comme un moyen important d’interpréter les données hydrochimiques des roches carbonatées. Cependant, les concepts d’équilibre ont fourni un cadre utile pour l’interprétation des données de terrain. La reconnaissance des écarts par rapport à l’équilibre thermodynamique et le développement d’hypothèses pour tenir compte de ces écarts constituent une partie importante du processus d’interprétation. Éventuellement, il pourrait être possible d’interpréter les données hydrochimiques à partir des contextes de terrain dans un cadre quantitatif qui comprend des équations qui décrivent les parties irréversibles et cinétiquement contrôlées du système, combinées avec les processus hydrodynamiques de transport.
Les données hydrochimiques des systèmes aquifères peuvent être utilisées pour développer des interprétations de l’évolution de la perméabilité des aquifères. Par exemple, dans les parties des aquifères qui sont sous-saturées par rapport à la calcite ou à la dolomite, l’eau souterraine dissout la roche aquifère. La porosité et la perméabilité augmentent donc. En termes d’histoire humaine, ces changements sont probablement imperceptibles, mais sur des périodes de temps géologique, ils sont à la base du développement de réseaux de perméabilité et même de modifications majeures du paysage. Cet aspect des processus de l’eau souterraine est examiné plus en détail au Chapitre 11.
7.4 Eau souterraine des roches cristallines
Les roches cristallines d’origine ignée ou métamorphique ont généralement au moins une caractéristique commune : elles contiennent des quantités appréciables de quartz et de minéraux aluminosilicatés tels que les feldspaths et les micas. Ces minéraux ont été formés à l’origine à des températures et des pressions bien supérieures à celles qui se produisent à la surface de la Terre ou à proximité de celle-ci. À la surface du sol, dans la zone du sol, et dans la zone de la nappe phréatique à des profondeurs de plusieurs centaines ou milliers de mètres, ces minéraux sont thermodynamiquement instables et ont tendance à se dissoudre lorsqu’ils sont en contact avec l’eau. Les processus de dissolution amènent l’eau à acquérir des constituants dissous et la roche à s’altérer minéralogiquement.
Comme dans l’évolution chimique de l’eau souterraine dans les roches carbonatées, la dissolution des feldspaths, des micas et d’autres minéraux silicatés est fortement influencée par la nature chimiquement agressive de l’eau causée par le CO2 dissous. Lorsque les eaux chargées en CO2 et pauvres en solides dissous rencontrent des minéraux silicatés riches en cations, en aluminium et en silice, les cations et la silice sont lessivés, laissant un résidu d’aluminosilicate avec un rapport Al/Si accru. Ce résidu est généralement un minéral argileux tel que la kaolinite, l’illite ou la montmorillonite. Les cations libérés dans l’eau sont normalement Na+, K+, Mg2+ et Ca2+. Une autre conséquence de ce processus de dissolution incongruente est une augmentation du pH et de la concentration en . Les équations qui peuvent être utilisées pour décrire ces changements chimiques dans l’eau et la roche hôte, et les interprétations des données hydrochimiques des roches ignées et métamorphiques, sont décrites ci-dessous.
Considérations théoriques
De tous les minéraux avec lesquels l’eau souterraine entre en contact, le quartz est le plus abondant, à la fois dans la distribution spatiale et dans la composition massique. Cette discussion commencera donc en considérant la dissolution et la solubilité du quartz. La solubilité du quartz (SiO2) peut être caractérisée (Stumm et Morgan, 1970) par les équilibres suivants (valeurs de K à 25 °C) :
SiO2 (quartz) + 2H2O = Si(OH)4
Si(OH)4 = + H+ = SiO2(OH)22– + H+ 4Si(OH)4 = Si4O6(OH)62– + 2H+ + 4H2O |
log K = –3.7
log K = –9.46 log K = –12.56 log K = –12.57 |
(7.7) (7.8) (7.9) (7.10) |
Les espèces de silicium dissous peuvent également être écrites sous la forme H2SiO4, , et ainsi de suite, ce qui représente leur nature acide. Avec ces équations, on peut montrer que dans la gamme de pH qui inclut presque toutes les eaux souterraines (pH 6-9), l’espèce de silicium dissous dominante est Si(OH)4. À des valeurs de pH élevé, d’autres espèces dominent dans la solution, et la silice est plus soluble. Les résultats des analyses des concentrations de Si dans l’eau sont généralement exprimés en SiO2. Exprimé de cette manière, la solubilité du quartz n’est que d’environ 6 mg/ℓ à 25 °C (Morey et al., 1962). Il y a des évidences considérables pour indiquer, cependant, qu’une forme amorphe ou non cristalline de SiO2, plutôt que de quartz, contrôle la solubilité de SiO2 dans l’eau. La solubilité de la silice amorphe est d’environ 115 à 140 mg/ℓ à 25 °C (Krauskopf, 1956, Morey et al., 1964). La solubilité augmente considérablement avec la température. Pendant de longues périodes, la silice amorphe peut évoluer vers une structure cristalline et éventuellement devenir du quartz.
Compte tenu de la solubilité de la silice amorphe et de l’abondance du quartz dans la plupart des systèmes hydrogéologiques, on pourrait s’attendre à ce que le SiO2 se retrouve en concentrations majeures dans la plupart des eaux souterraines. Dans la nature, cependant, ce n’est pas le cas. Davis (1964) a compilé des milliers d’analyses d’eaux souterraines provenant de diverses régions des États-Unis et a trouvé que les valeurs de SiO2 dissous variaient généralement de 10 à 30 mg/ℓ, avec une valeur moyenne de 17 mg/ℓ. Des études effectuées ailleurs indiquent que ces valeurs sont raisonnablement représentatives à l’échelle mondiale. L’eau souterraine est donc presque invariablement fortement sous-saturée par rapport à la silice amorphe. Le quartz et la silice amorphe n’exercent généralement pas d’influence importante sur le niveau de silice dans l’eau souterraine. Les minéraux aluminosilicates tels que les feldspaths et les micas sont plus importants à cet égard.
Des études de la nature minéralogique et chimique des roches ignées et métamorphiques altérées et des considérations thermodynamiques, on sait que les minéraux de feldspath sont altérés en minéraux argileux et autres produits de décomposition. Le Tableau 7.4 indique certaines des réactions communes qui décrivent ces processus de dissolution.
Gibbsite-kaolinite | |
Na-montmorillonite-kaolinite | |
Ca-montmorillonite-kaolinite | |
Illite-kaolinite | |
Biotite-kaolinite | |
Albite-kaolinite | |
Albite-Na-kaolinite | |
Microcline-kaolinite | |
Anorthite-kaolinite | |
Andesine-kaolinite |
Pour des raisons de simplicité, les minéraux feldspathiques seront considérés uniquement en termes des pôles finaux; K-feldspath, Na-feldspath (albite), et Ca-feldspath (anorthite). Dans la nature, cependant, les feldspaths contiennent des impuretés. De nombreux minéraux de feldspath contiennent du Na et du Ca dans divers rapports sous forme de mélanges de solutions solides des deux pôles Na et Ca. Le Tableau 7.4 comprend également des réactions qui décrivent l’altération des minéraux argileux. Les réactions de dissolution incongruentes du Tableau 7.4 sont écrites simplement en introduisant l’espèce dissoute appropriée et en ajustant ensuite le bilan de masse de manière normale. Une hypothèse majeure inhérente à cette approche est la conservation de l’Al. En d’autres termes, étant donné que les solubilités des composés d’aluminium dans l’eau sont extrêmement faibles, la concentration totale en espèces d’Al (y compris les complexes et polymères) éliminée de la phase solide est supposée être négligeable. La dissolution des feldspaths est donc supposée produire des produits minéraux qui comprennent tour l’Al éliminé des feldspaths. Des études sur le terrain et en laboratoire ont montré que, dans la plupart des cas, cette hypothèse est raisonnable.
Nous allons maintenant utiliser les données thermodynamiques dans un cadre d’équilibre pour avoir un aperçu de certains des résultats plus spécifiques des interactions de l’eau souterraine avec les feldspaths et les argiles. Considérons, par exemple, la réaction de dissolution de l’albite dans le Tableau 7.4. Exprimée sous forme de masse-action, elle devient
(7.11)
où Kalb-kaol est la constante d’équilibre et les quantités entre parenthèses sont les activités. Dans ce développement, les activités des phases minérales et de l’eau sont prises comme unité. C’est une approche valable lorsqu’on considère les minéraux de compositions idéales dans des solutions non salines. L’équation (7.11) peut être exprimée sous forme logarithmique comme :
(7.12)
(7.13)
ce qui indique que la condition d’équilibre pour la réaction albite-kaolinite peut être exprimée en termes de pH et d’activités de Na+ et Si(OH)4. La réaction kaolinite-Na montmorillonite et la réaction gibbsite-kaolinite (Tableau 7.4) peuvent être exprimées en termes de Na+, Si(OH)4 et H+ ou de pH. Ces relations d’équilibre sont à la base de la construction de diagrammes connus sous le nom de diagrammes de stabilité ou de diagrammes d’activités. Des exemples de ces diagrammes sont présentés à la Figure 7.14. Les lignes qui séparent les phases minérales de ces diagrammes représentent des relations d’équilibre telles que l’Éq. (7.11). Puisque les minéraux dans les systèmes réels n’ont pas de compositions chimiques idéales, les lignes de stabilité basées sur les données thermodynamiques pour les phases minérales relativement pures ne représentent probablement pas fidèlement les systèmes réels. Néanmoins, de nombreux chercheurs ont trouvé que ces types de diagrammes étaient utiles dans l’interprétation des données chimiques des systèmes hydrogéologiques.
Il ressort du Tableau 7.4 que la dissolution incongruente des feldspaths, des micas et des argiles implique la consommation de H+. La production de CO2 dans la zone du sol est généralement considérée comme la principale source de H+. Au fur et à mesure que ces réactions se produisent, il y a une augmentation progressive du pH de l’eau. Si les réactions se produisent dans la zone du sol ou ailleurs dans la zone non saturée où le réapprovisionnement en CO2 est significatif, H2CO3, qui est contrôlé par la pression partielle du CO2 [Éq. (3.18)], reste constant alors que les concentrations en et CO32- augmentent. La concentration de carbone inorganique dissous total augmente donc. Si les réactions se produisent sous la nappe phréatique, où le réapprovisionnement en CO2 ne se produit pas, la consommation de H+ entraîne une baisse de H2CO3, une diminution du PCO2, une augmentation du et une augmentation du CO32- tandis que la concentration de carbone inorganique total reste constante. Dans ce cadre théorique, on peut voir que si les réactions vont assez loin, l’eau souterraine dans les roches constituées de feldspath et de mica peuvent atteindre des pH supérieurs à 7 ou 8, et des concentrations en de plusieurs dizaines voire centaines de milligrammes par litre.
Les stoechiométries des réactions de dissolution de la calcite et du feldspath-Ca (anorthite) sont identiques; c’est-à-dire que pour chaque mole de Ca2+ qui est mise en solution, 2 moles de H+ sont consommées. Le bilan de charge des cations et des anions en solution est maintenu car H2CO3 se dissocie pour former et CO32-, comme on peut le déduire de la figure 3.5 (a). Bien qu’en théorie l’eau souterraine de type Ca- puissent évoluer dans les roches ou les dépôts non consolidés contenant du Ca-feldspath, cela est rare dans la nature, probablement à cause des vitesses de dissolution lente qui se développent lorsque le feldspath acquiert une couche d’argile, laquelle se forme comme produit de réaction incongruente.
Nous allons maintenant considérer l’évolution chimique qui peut se produire lorsque de l’eau fraîche et légèrement acide telle que la pluie s’infiltre à travers des matériaux géologiques dans lesquels les feldspaths sont les seules phases minérales qui subissent une dissolution importante. Une hypothèse initiale est que seul le feldspath-Na se dissout à un taux significatif. Lorsque la dissolution commence, l’eau contient des concentrations négligeables de Si(OH)4 et Na. À mesure que les concentrations de ces constituants augmentent, la composition de l’eau, exprimée en termes de Si(OH)4 et de Na+/H+, se situera dans le champ de stabilité de la gibbsite de la Figure 7.14 (a). Ceci indique que d’un point de vue thermodynamique, le feldspath-Na se dissout de manière incongruente pour produire de la gibbsite et des produits dissous. À mesure que la dissolution se poursuit, Si(OH)4 et le rapport [Na+]/[H+] augmentent et la composition de l’eau se déplace à travers le champ de stabilité de la gibbsite vers le champ de la kaolinite. Dans le domaine de la kaolinite, la dissolution incongruente du feldspath-Na produit de la kaolinite. Une partie de la gibbsite formée au début est convertie en kaolinite. À mesure que la dissolution du feldspath se poursuit, les valeurs de Si(OH)4 et [Na+]/[H+] augmentent encore et la chimie de l’eau évolue vers le champ de stabilité Na-montmorillonite ou plus directement vers le champ du feldspath-Na. Lorsque la composition évolue jusqu’à la limite du champ du feldspath-Na, l’équilibre par rapport à ce feldspath est atteint. La dissolution du feldspath cesse alors. Pour que l’eau atteigne l’équilibre par rapport aux minéraux feldspathiques, de longues périodes de temps et des conditions d’écoulement très lentes sont nécessaires. Cependant, l’eau est en équilibre ou proche de l’équilibre avec au moins une autre phase minérale. Lorsque la composition de l’eau se situe dans le champ de la kaolinite, par exemple, il existe un équilibre ou un quasi-équilibre par rapport à ce minéral. Si la composition de l’eau se trouve à la limite entre la kaolinite et la montmorillonite, il existe un équilibre ou un quasi-équilibre par rapport à ces deux minéraux.
Expériences de laboratoire
La discussion précédente sur la dissolution des minéraux silicatés était basée sur les concentrations stœchiométriques et sur les concepts d’équilibre. Cette approche n’indique rien sur les vitesses auxquelles la dissolution a lieu ou sur la nature microscopique des processus de dissolution. Pour ce type d’information, des expériences en laboratoire sont utiles.
Les expériences sur la dissolution des minéraux silicatés rapportées dans la littérature peuvent généralement être classées en deux catégories. Les expériences de la première catégorie impliquent des systèmes de dissolution où l’eau et les minéraux réagissent dans des récipients dans lesquels il n’y a pas d’écoulement (Garrels et Howard, 1957, Wollast, 1967, Houston, 1972). La deuxième catégorie comprend des expériences dans lesquelles de l’eau passe à travers du matériel minéral assemblé sous forme de milieux poreux dans des contenants cylindriques (Bricker, 1967, Bricker et al., 1968, Deju, 1971). Des expériences dans les deux catégories ont indiqué que la dissolution des feldspaths et des micas se déroule en deux étapes principales. La première étape, qui se produit en quelques minutes après que l’eau est mise en contact avec les surfaces minérales, implique l’échange de cations sur les surfaces minérales pour les ions hydrogène dans l’eau. Cet échange est suivi par un taux de dissolution beaucoup plus lent et progressivement décroissant. L’étape de dissolution apporte des quantités appréciables de produits dissous dans l’eau pendant des heures ou des jours avant que le taux de dissolution ne devienne extrêmement lent. La dissolution durant la première étape est normalement congruente. Au cours de la deuxième étape, la dissolution devient progressivement incongruente.
Le type de résultats obtenus à partir d’expériences de dissolution de minéraux silicatés dans lesquelles il n’y avait pas d’écoulement d’eau (Bricker, 1967; Houston, 1972) sont présentés schématiquement à la Figure 7.15. Dans ces expériences, l’augmentation du taux de mise en solution est contrôlée par la cinétique de la dissolution minérale. Toutefois, si le minéral se trouve dans un milieu poreux, et si de l’eau s’écoule dans le milieu, la concentration en un point donné le long d’un trajet d’écoulement dépendra de la cinétique de dissolution et du débit. Si le débit est rapide par rapport au taux de dissolution minérale, la concentration des produits de dissolution à une distance spécifiée le long du trajet d’écoulement peut être faible par rapport aux concentrations obtenues après la même période de lixiviation dans des conditions sans écoulement. Ce sujet est discuté plus en détail à la Section 7.8.
Bien que de nombreux chercheurs aient mené des expériences sur la dissolution de feldspaths et d’autres minéraux silicatés dans des solutions aqueuses, les mécanismes qui contrôlent le taux de dissolution lent de ces minéraux demeurent problématiques. Pour le feldspath, Petrovic et al. (1976) ont résumé les hypothèses qui ont été avancées pour expliquer les taux de dissolution lents. Ils indiquent que de nombreux auteurs ont suggéré que la vitesse de dissolution est contrôlée par le taux de diffusion des ions à travers des couches sur les surfaces minérales. Par exemple, des enrobages continus de précipités de silice-alumine amorphe hydratées ont été suggérés par certains chercheurs; d’autres favorisent des hypothèses impliquant des précipités cristallins à travers lesquels la diffusion est supposée se produire. Dans une autre hypothèse, on suppose que la diffusion se produit à travers une couche résiduelle de feldspath lessivé constituée principalement de silice et d’alumine formées sur les surfaces de feldspath. En se basant sur un examen détaillé des surfaces de grains de feldspath ayant subi une dissolution appréciable dans l’eau distillée, Petrovic et ses collègues ont conclu que même en l’absence de couche significative sur les surfaces de feldspath, la dissolution durant la deuxième phase est très lente. Ils l’ont fait en examinant en détail la nature des surfaces de feldspath à laquelle la dissolution dans des récipients de laboratoire avait eu lieu. À la suite de ce travail, le concept d’une couche continue relativement épaisse de produits de dissolution incongruente sur les minéraux silicatés est maintenant mis en doute.
La discussion ci-dessus a indiqué d’une manière générale comment les minéraux silicatés peuvent influencer l’évolution chimique de l’eau souterraine dans un terrain silicaté. Il faut cependant garder à l’esprit que l’eau souterraine d’un système hydrogéologique réel réagit simultanément avec un grand nombre de minéraux silicatés qui ont des compositions non-idéales. Les produits solides qui se forment sur les surfaces minérales à la suite d’une dissolution incongruente sont dans certains cas des substances amorphes qui nécessitent de longues périodes de conversion en formes cristallines. Les produits de dissolution de minéraux amorphes et argileux ont couramment des capacités d’échange cationique appréciables et ont donc la capacité d’altérer les rapports de cations dans l’eau souterraine. Pour que l’eau évolue vers l’équilibre par rapport aux silicates primaires tels que les feldspaths, il est nécessaire que les concentrations de Si(OH)4 et de cations augmentent progressivement au fur et à mesure de la dissolution. Si les produits de réaction dans l’eau interstitielle sont continuellement évacués par l’écoulement de l’eau souterraine à des taux qui sont appréciables par rapport aux vitesses de réaction, l’équilibre par rapport aux minéraux de silicate primaire ne sera jamais atteint. La nature des produits d’altération des minéraux argileux produits dans le système peut donc dépendre des conditions hydrodynamiques et hydrochimiques ainsi que des facteurs minéralogiques. Un exemple de l’interprétation des données hydrochimiques de la roche granitique utilisant des concepts de dissolution hydrodynamique et minérale est fourni par Paces (1973).
Dans la section suivante, les interprétations des analyses chimiques de l’eau souterraine de terrains silicatés sont brièvement évaluées à la lumière des considérations théoriques développées ci-dessus.
Interprétation des données terrain
Un groupe d’analyses chimiques d’échantillons de puits, de sources et de débits de base de cours d’eau provenant de roches cristallines (granites, diorites, basaltes et amphibolites) dans diverses parties du monde est présenté au Tableau 7.5. Toutes ces eaux ont des concentrations en ions majeurs très faibles. Sans exception, est l’anion dominant et SiO2 est présent dans les concentrations majeures par rapport aux cations. Les anions Cl– et SO42- sont présents uniquement en concentrations mineures ou traces. Leur présence peut normalement être attribuée aux sources atmosphériques, à la décomposition de la matière organique dans le sol et aux traces d’impuretés dans les roches et les minéraux. K+ est généralement le moins abondant des cations.
Localisation* | Nombre | pH | Cl– | SO42- | SiO2 | Na+ | K+ | Ca2+ | Mg2+ | ||
(1) | Vosges, France | 51 | 6.1 | 15.9 | 3.4 | 10.9 | 11.5 | 3.3 | 1.2 | 5.8 | 2.4 |
(2) | Brittany, France | 7 | 6.5 | 13.4 | 16.2 | 3.9 | 15.0 | 13.3 | 1.3 | 4.4 | 2.6 |
(3) | Massif Central, France | 10 | 7.7 | 12.2 | 2.6 | 3.7 | 15.1 | 4.2 | 1.2 | 4.6 | 1.3 |
(4) | Source Alrance F, France | 77 | 5.9 | 6.9 | < 3 | 1.15 | 5.9 | 2.3 | 0.6 | 1.0 | 0.4 |
(5) | Source Alrance A, France | 47 | 6.0 | 8.1 | < 3 | 1.1 | 11.5 | 2.6 | 0.6 | 0.7 | 0.3 |
(6) | Corse | 25 | 6.7 | 40.3 | 22.0 | 8.6 | 13.2 | 16.5 | 1.4 | 8.1 | 4.0 |
(7) | Sénégal | 7 | 7.1 | 43.9 | 4.2 | 0.8 | 46.2 | 8.4 | 2.2 | 8.3 | 3.7 |
(8) | Chad | 2 | 7.9 | 54.4 | < 3 | 1.4 | 85 | 15.7 | 3.4 | 8.0 | 2.5 |
(9) | Côte d’Ivoire (Korhogo, saison sèche) | 54 | 5.5 | 6.1 | < 3 | 0.4 | 10.8 | 0.8 | 1.0 | 1.0 | 0.10 |
(10) | Côte d’Ivoire (Korhogo, saison humide) | 59 | 5.5 | 6.1 | < 3 | 0.5 | 8.0 | 0.2 | 0.6 | < 1 | < 0.1 |
(11) | Malagasy (hauts plateaux) | 2 | 5.7 | 6.1 | 1 | 0.7 | 10.6 | 0.95 | 0.62 | 0.04 | 0.12 |
(12) | Sierra Nevada, Calif. (source éphémère) | 6.2 | 2.0 | 0.5 | 1.0 | 16.4 | 3.03 | 1.09 | 3.11 | 0.70 | |
(13) | Sierra Nevada, Calif. (source) | 6.8 | 54.6 | 1.06 | 2.38 | 24.6 | 5.95 | 1.57 | 10.4 | 1.70 | |
(14) | Kenora, NW Ontario (aquifère nappe libre) | 12 | 6.3 | 24.0 | 0.6 | 1.1 | 18.7 | 2.07 | 0.59 | 4.8 | 1.54 |
(15) | Kenora, NW Ontario (aquifère nappe captive) | 6 | 6.9 | 59.2 | 0.7 | 0.8 | 22.1 | 3.04 | 1.05 | 11.9 | 4.94 |
Il convient de noter que Cl– et SO42- ne sont pas des constituants significatifs des roches silicatées et qu’il n’y a pas de tendance au développement des faciès SO42- et Cl– lors de l’écoulement de l’eau souterraine dans ces roches. C’est le cas même dans les systèmes d’écoulement régionaux où les chemins d’écoulement et les âges de l’eau sont très grands. La séquence d’évolution hydrochimique de Chebotarev n’est donc pas pertinente dans ces systèmes.
L’interprétation géochimique des analyses chimiques de l’eau de terrains avec minéraux silicatés implique généralement deux approches principales. La première consiste à placer les données sur des diagrammes de stabilité pour déterminer quels peuvent être les produits d’altération stables. L’autre approche implique le calcul de séquences réactionnelles qui peuvent expliquer les concentrations observées de cations majeurs, de et de H+.
De nombreux chercheurs ont observé qu’en terrain igné presque toutes les eaux souterraines à quelques centaines de mètres sous la surface du sol, et les eaux de surface dérivées de l’eau souterraine telles que les sources et les débits de base, se situent dans le champ de la kaolinite des diagrammes de stabilité comme ceux de la Figure 7.14 (Garrels, 1967; Garrels et MacKenzie, 1967; Tardy, 1971, Bricker et al., 1968, Bottomley, 1974). Un faible pourcentage d’échantillons est présent dans le champ de la montmorillonite et il n’y en a pratiquement pas dans les ceux de la gibbsite, des micas ou du feldspath, ou dépasse la limite de solubilité de la silice amorphe. Cela suggère que l’altération des feldspaths et des micas en kaolinite est un processus répandu dans les systèmes d’écoulement de l’eau souterraine dans les matériaux ignés. Dans quelques travaux, cela a été confirmé par des études des couches surface sur les matériaux ignés primaires. En général, cependant, il y a peu d’information sur les produits d’altération qui se forment dans ces systèmes souterrains, autres que ce qui peut être déduit de la chimie de l’eau et des diagrammes de stabilité. Les précipités amorphes instables ou les minéraux argileux métastables intermédiaires peuvent persister pendant de longues périodes avant que les minéraux argileux ne cristallisent réellement.
La deuxième approche d’interprétation consiste à modéliser la chimie de l’eau à l’aide de procédures de calcul. Cela peut être fait en faisant réagir les minéraux primaires pour produire des minéraux argileux et des produits dissous ou en reconstituant les minéraux primaires en combinant les minéraux argileux avec les produits dissous observés dans l’eau. Pour illustrer l’approche de la reconstitution minérale, nous utiliserons un exemple présenté par Garrels et MacKenzie (1967) dans une interprétation de l’évolution géochimique de l’eau d’une source éphémère dans une zone granitique de la Sierra Nevada en Californie. Les calculs sont résumés dans le Tableau 7.6. En haut de ce tableau, les concentrations moyennes des constituants dissous dans l’eau de source sont indiquées. En dessous, les concentrations moyennes dans les échantillons de neige sont indiquées. Ces valeurs sont supposées être représentatives de l’eau qui recharge la nappe phréatique alimentant les sources. Pour obtenir les concentrations dérivées de la roche pendant l’écoulement souterrain, les valeurs de neige sont soustraites des concentrations moyennes de la source. Une légère déficience d’anions résulte de cette soustraction. Ce déséquilibre a été corrigé en donnant à une valeur légèrement supérieure. Comme première étape dans la reconstitution des minéraux granitiques primaires à partir de la chimie de l’eau, la kaolinite est convertie en plagioclase dans une quantité qui consomme tout le Na+ et Ca+ dans l’eau (étape 2, Tableau 7.6). La kaolinite est choisie comme minéral secondaire parce que toutes les analyses de l’eau de source se trouvent dans le champ de stabilité de la kaolinite sur les diagrammes tels que ceux de la Figure 7.14. Garrels et MacKenzie (1967) notent que le feldspath plagioclase calculé résultant de cette étape est, en fait, similaire à celui trouvé dans les roches de la région. Dans l’étape suivante, tout le Mg2+ et suffisamment de K+, de et de SiO2 sont mis à réagir avec la kaolinite pour former le mica biotite. Le petit résidu de K+, de et de SiO2 est ensuite mis à réagir pour former du feldspath potassique. Après cette étape, il reste un résidu de 4 % de la silice totale d’origine. Ceci se situe dans les limites d’erreur des valeurs initiales de concentration utilisées pour la composition moyenne de l’eau de source. Garrels et MacKenzie (1967) concluent que les réactions fonctionnent trop bien pour laisser beaucoup de doutes sur le fait que le système est bien un système fermé réagissant avec le CO2 et que le produit d’altération est de la kaolinite.
Reaction (coefficients × 10 -4) |
Concentrations dans l’eau (mol/ℓ × 10 –4) |
Produit minéral (mol/ℓ × 10 –4) |
||||||||
Na+ |
Ca2+ | Mg2+ | K+ | SO42– | Cl– |
SiO2 |
||||
Concentrations initiales de l’eau de source | 1.34 | 0.78 | 0.29 | 0.28 | 3.28 | 0.10 | 014 | 2.73 | ||
(1) | Moins les concentrations de l’eau de la neige | 1.10 | 0.68 | 0.22 | 0.20 | 3.10 | – | – | 2.70 | |
(2) | Changement de la kaolinite au plagioclase | |||||||||
1.23Al2Si2O5(OH)4 + 1.10Na+ + 0.68Ca2+ + 2.44 + 2.20SiO22– = | ||||||||||
1.77Na0.62Ca0.38Al1.38Si2.62O8 + 2.44CO2 + 3.67 H2O | 0.00 | 0.00 | 0.22 | 0.20 | 0.64 | 0.00 | 0.00 | 0.50 | 1.77Na0.62Ca0.38 feldspar | |
(3) | Changement de la kaolinite back en biotite | |||||||||
0.037Al2Si2O5(OH)4 + 0.073K+ + 0.22Mg2+ + 0.15SiO2 + 0.51 = 0.0073 | ||||||||||
KMg3AlSi3O10(OH)2 + 0.51CO2 + 0.26H2O | 0.00 | 0.00 | 0.00 | 0.13 | 0.13 | 0.00 | 0.00 | 0.35 | 0.073 biotite | |
(4) | Changement de la kaolinite en Feldspar-K | |||||||||
0.065Al2Si2O5(OH)4 + 0,13K+ + 0,13 + 0.26SiO22– = | ||||||||||
0.13KAlSi3O8 + 0.13CO2 + 0.195H2O | 0.00 | 0.00 | 0.00 | 0.00 | 0.00 | 0.00 | 0.00 | 0.12 | 0.13 K-feldspar |
Une approche de calcul alternative consiste à faire réagir un groupe spécifique de minéraux primaires avec de l’eau chargée en CO2 pour produire les concentrations en cations et observées. Cette approche a été utilisée par Cleaves et al. (1970) et Bottomley (1974). Si des hypothèses raisonnables peuvent être faites concernant la PCO2 initial, le pH de l’eau peut également être pris en compte. La différence entre l’approche de reconstitution minérale et l’approche de dissolution minérale est juste une question de comptabilité. L’adhésion aux réactions stœchiométriques et les principes d’équilibre de masse et de charge sont inhérents aux deux méthodes. Il est peut-être surprenant que, bien que le terrain caractérisé par des minéraux silicatés ait de nombreuses espèces minérales et de nombreuses variations par rapport à l’idéalité dans les compositions minérales, il est souvent possible de tenir compte de la chimie de l’eau observée en utilisant un nombre relativement petit de réactions avec des minéraux de composition idéale. Des analyses plus rigoureuses de l’évolution chimique de l’eau souterraine en terrain silicatés sont actuellement entravées par le manque d’information appropriée sur la cinétique des réactions, sur le comportement des assemblages minéraux de compositions non-idéales, et sur les effets de la dispersion et autres facteurs. L’évolution chimique de l’eau souterraine qui se déplace à grande profondeur dans la roche cristalline est influencée par l’augmentation de la température et de la pression. La nécessité d’incorporer ces deux facteurs rend le processus d’interprétation beaucoup plus difficile. Certains systèmes d’écoulement en terrain formé principalement de minéraux de silicate ont des compositions d’eau qui sont très anormales lorsqu’on les considère à la lumière des généralités présentées ci-dessus. Par exemple, dans certaines régions, les valeurs de pH dépassent 9 ou 10 et les concentrations de SiO2 dépassent 100 mg/ℓ. Le lecteur peut se référer à Klein (1974) pour un exemple d’étude de ce type d’eau souterraine.
7.5 L’eau souterraine dans les systèmes sédimentaires complexes
Dans les Sections 7.3 et 7.4, l’évolution géochimique des eaux souterraines dans les roches carbonatées et dans les assemblages rocheux cristallins relativement simples a été décrite. Toutefois, de nombreux environnements sédimentaires ou dépôts non consolidés consistent en des assemblages mixtes de minéraux provenant de diverses sources sédimentaires, ignées ou métamorphiques. Même les strates individuelles comprennent généralement des assemblages minéralogiques mixtes. Les assemblages peuvent varier d’un lit à l’autre dans des séquences stratifiées. Ces variations peuvent causer de grandes différences dans la chimie de l’eau souterraine d’un lit à l’autre et d’une région à l’autre. Nous allons maintenant examiner les facteurs qui contrôlent ces variations et certaines approches qui peuvent être utilisées dans l’interprétation des données provenant de ces systèmes.
Ordre de rencontre
L’un des facteurs les plus importants de l’évolution chimique de l’eau souterraine dans des assemblages mixtes ou stratifiés est l’ordre de rencontre. Cela se réfère à l’ordre dans lequel divers minéraux ou groupes de minéraux sont rencontrés par l’eau lorsqu’elle se déplace dans le système d’écoulement. Ceci sera illustré en considérant les séquences d’évolution chimique qui se produiraient dans un système hydrogéologique hypothétique qui comporte quatre types de strates: le grès, le calcaire, le gypse, et le shale. Au fur et à mesure de cette illustration, d’autres hypothèses seront faites.
Dans la première séquence d’évolution, l’eau traverse un sol développé sur un aquifère calcaire. L’eau se charge de CO2 à une pression partielle de 10-2 bars, puis s’infiltre vers la nappe phréatique. Au cours de l’infiltration, la saturation par rapport à la calcite est atteinte par la dissolution en système ouvert. L’eau traverse le calcaire et pénètre dans une zone de gypse, où se produit la dissolution jusqu’à la saturation en gypse. À partir de la zone de gypse, l’eau s’écoule dans un aquifère de grès puis dans une zone de shale.
L’évolution chimique de l’eau souterraine dans les différentes étapes de cette séquence a été estimée sur la base de diverses hypothèses concernant la minéralogie et les processus géochimiques dans le système d’écoulement. Les résultats sont présentés au Tableau 7.7. La chimie de l’eau dans la zone du sol est supposée être entièrement contrôlée par le régime du dioxyde de carbone. Tous les autres intrants chimiques sont supposés insignifiants. La composition de l’eau du sol a été calculée en utilisant l’approche décrite à la Section 3.5. Les calculs ont été simplifiés en notant que dans la relation d’équilibre des charges, H+ est entièrement équilibré par , parce que le pH est inférieur à 8. Le Tableau 7.7 indique que le pH de l’eau du sol est de 4,9.
Au cours de l’infiltration dans le calcaire, la dissolution de la calcite à saturation en système ouvert provoque l’augmentation du pH à 7,3. Dans cette zone, l’eau acquiert une composition de type Ca-HCO3 avec une faible concentration en solides totaux dissous (Tableau 7.7). Lorsque l’eau pénètre dans le lit de gypse, la dissolution du gypse jusqu’à la saturation fait que l’eau devient saumâtre, les ions dominants étant Ca2+ et SO42-. À ce stade du calcul de la composition de l’eau, on a supposé que, bien que la dissolution du gypse entraîne une sursaturation par rapport à la calcite, la précipitation de la calcite ne se déroule pas à un rythme significatif. Ainsi, l’indice de saturation (ISc) pour la calcite est important, comme indiqué dans le Tableau 7.7. La sursaturation vis-à-vis de la calcite est provoquée par l’effet des ions communs.
Chimie de l’eau souterraine* à 25 °C | Indices de saturation | |||||||||||
Zone | Processus géochimiques | Na | Ca | HCO3 | SO4 | SDT | pH | PCO2 | ISc† | ISg‡ | ||
(1) | Horizon de sol organique près de la surface | Eau acquière CO2 à une pression partielle de 10–2 bar | 0 | 0 | 0.07 | 0 | 21§ | 4.9 | 10–2 | 0 | 0 | |
(2) | Calcaire (calcite) | Dissolution en système ouvert de la calcite par de l’eau chargée en CO2 | 0 | 66 | 203 | 0 | 290 | 7.3 | 10–2 | 1 | 0 | |
(3) | Gypse | Dissolution du gypse à saturation; la sursaturation de la calcite se développe | 0 | 670 | 202 | 1400 | 2330 | 7.3 | 10–2 | 6.7 | 1 | |
(4) | Grès (quartz and plagioclase) | Précipitation de la calcite causée par le retour à l’équilibre de la calcite | 0 | 650 | 140 | 1400 | 2250 | 6.7 | 10–1.6 | 1 | 0.95 | |
(5) | Shale (Na-montmorillonite) | Échange de Ca2+ pour Na+ cause la sous-saturation par rapport à la calcite et au gypse | 725 | 20 | 140 | 1400 | 2350 | 6.7 | 10–1.6 | 0.06 | 0.2 |
On suppose que lorsque l’eau passe à travers le grès, la précipitation progressive de la calcite provoque le rétablissement de l’équilibre de la calcite. Le grès est composé de quartz et de feldspath. On suppose que ces minéraux n’ont pas d’effet significatif sur la composition de l’eau. La précipitation de la calcite fait baisser le pH de 7,3 à 6,7 et la PCO2 augmente de 10-2 à 10-1,6 bar. Les concentrations en Ca2+ et diminuent, et par conséquent les solides dissous totaux diminuent également, d’un faible pourcentage. Ca2+ et SO42- restent les ions dominants.
Au fur et à mesure que l’eau s’écoule du grès au shale montmorillonitique, le processus d’échange de cations fait baisser la concentration en Ca2+ à une valeur que nous spécifions arbitrairement à 20 mg/ℓ. Cela fait augmenter la teneur en Na+ à 725 mg/ℓ. Le processus d’échange de cations est représenté par l’Éq. (3.109). Du fait que chaque mole de Ca2+ adsorbée est remplacée par 2 moles de Na+, l’échange cationique provoque une légère augmentation des solides dissous totaux mais pas de changement de pH et de . La perte de Ca2+ entraîne une sous-saturation de l’eau par rapport à la calcite et au gypse (Tableau 7.7).
Dans la seconde séquence d’évolution, l’eau passe à travers la surface du sol puis à travers le grès, le shale, le calcaire et finalement dans une zone de gypse. La PCO2 dans le sol est de 10-2 bars, et la composition de l’eau est la même que dans la première étape de l’exemple précédent. Dans le grès, le feldspath plagioclase se dissout de manière incongruente (pour la réaction de dissolution, voir le Tableau 7.4). On suppose que dans des conditions en système fermé, 0,2 mmol de H2CO3 est consommé par cette réaction. Une grande partie du CO2 dissous est ainsi convertie en . L’eau acquiert de faibles concentrations de Na+ et de Ca2+, le pH monte à 6,5 et la PCO2 diminue à 10-2,4 bar (Tableau 7.8).
Lorsque l’eau se déplace du grès au calcaire, la dissolution de la calcite jusqu’à la saturation fait augmenter le pH à 8,9 car H+ est consommé par la conversion du CO2 dissous en . La PCO2 diminue de 10-2,4 à 10-4,4 bar. Les faibles concentrations de Ca2+ et de de cette eau par rapport à l’eau du calcaire dans l’exemple précédent illustre la différence entre la dissolution en système fermé et en système ouvert.
Lorsque l’eau pénètre dans la zone de gypse, la dissolution du gypse la rend saumâtre, les ions dominants étant le Ca2+ et le SO42-. Un degré élevé de sursaturation par rapport à la calcite se développe (Tableau 7.8). Pour des raisons de calcul, on suppose que la calcite ne précipite pas. Dans la nature, cependant, la calcite précipiterait graduellement et de tels niveaux élevés de sursaturation ne persisteraient pas. La précipitation de la calcite entraînerait une perte de Ca2+ et la dissolution de plus de gypse. Dans certaines situations, il peut se produire un équilibre par rapport au gypse et à la calcite. Bien que dans ces exemples les strates de calcaire et de gypse contrôlent l’évolution chimique de l’eau souterraine, des résultats similaires pourraient être obtenus si l’eau coulait à travers les strates avec seulement de très petites quantités de calcite et de gypse. Il a été montré dans la Section 7.3 que les matériaux poreux avec seulement une fraction d’un pour cent par poids de calcite peuvent produire de l’eau saturée en calcite.
Ces deux séquences d’évolution hypothétiques indiquent que l’ordre dans lequel l’eau souterraine rencontre des strates de composition minéralogique différente peut exercer un contrôle important sur la chimie de l’eau. Alors que l’eau souterraine s’écoule à travers des strates de différentes compositions minéralogiques, la composition de l’eau subit des ajustements provoqués par l’imposition de nouvelles contraintes thermodynamiques minéralogiquement contrôlées. Bien que dans certaines strates, l’eau puisse atteindre localement l’équilibre par rapport à certaines phases minérales, l’écoulement continu de l’eau provoque un déséquilibre lorsque l’eau se déplace vers d’autres strates constituées de minéraux différents. Considérant que les systèmes hydrogéologiques contiennent de nombreux types de strates disposées dans une variété de configurations géométriques presque illimitées, il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que la chimie de l’eau souterraine présente des configurations spatiales complexes difficiles à interpréter, même dans de bonnes conditions lorsque l’information stratigraphique et hydraulique est disponible.
Chimie de l’eau souterraine* à 25 °C |
Indices de saturation |
|||||||||||
Zone | Processus géochimiques | Na | Ca | HCO3 | SO4 | SDT | pH | PCO2 | SIc† |
SIg‡ |
||
(1) | Horizon de sol organique près de la surface | Eau acquière CO2 à une pression partielle de 10–2 bar | 0 | 0 | 0.07 | 0 | 21§ | 4.9 | 10–2 | 0 | 0 | |
(2) | Grès (quartz and plagioclase) | Dissolution incongruente de plagioclase en système fermé (consommation de 0.2 mmol H2CO3) | 1.6 | 2.8 | 12 | 0 | 38¶ | 6.5 | 10–2.4 | 0.0005 | 0 | |
(3) | Shale (Na-montmorillonite) | Échange de Ca2+ pour Na+ | 3.9 | 0.8 | 12 | 0 | 38 | 6.5 | 10–2.4 | 0.0001 | 0 | |
(4) | Calcaire (calcite) | Dissolution de la calcite en système fermé à saturation | 3.9 | 8.4 | 31 | 0 | 35 | 8.9 | 10–4.4 | 1 | 0 | |
(5) | Gypse | Dissolution du gypse à saturation | 3.9 | 600 | 31 | 1440 | 2100 | 8.9 | 10–4.4 | 75 | 1 |
Composition de l’eau dans les dépôts glaciaires
La chimie de l’eau souterraine dans les dépôts glaciaires est assez variable, car ces dépôts sont composés de mélanges d’assemblages minéralogiques dérivés de l’érosion glaciaire du socle rocheux et de sédiments glaciaires préexistants. Certaines généralisations peuvent cependant être faites en ce qui concerne la composition de l’eau souterraine dans ces matériaux. En Amérique du Nord, il existe trois principales catégories de composition dans lesquelles la plupart des eaux souterraines naturelles de dépôts glaciaires peuvent être placées.
- Eaux de type I: Eaux très légèrement acides et très douces (<100 mg/ℓ SDT), dans lesquelles le Na+, le Ca2+ et/ou le Mg2+ sont les cations dominants et constitue l’anion abondant. Ces eaux sont douces ou très douces. (Pour une définition de la dureté et de la douceur de l’eau, voir la Section 9.1.)
- Eaux de type II: Eaux douces légèrement alcalines (<1000 mg/ℓ SDT), dans lesquelles les ions Ca2+ et Mg2+ sont les cations dominants et constitue l’anion dominant. Ces eaux sont dures ou très dures.
- Eaux de type III: eaux légèrement alcalines et saumâtres (<1000 à 10 000 mg/ℓ SDT), dans lesquelles le Na+, le Mg2+, le Ca2+, et le SO42- sont généralement présents en concentrations majeures. La plus grande partie de cette eau contient SO42- en tant qu’anion dominant.
L’eau de Type I se trouve dans les dépôts glaciaires dans certaines parties du Bouclier précambrien au Canada et dans le nord du Minnesota, le nord du Wisconsin et le nord du Michigan. Ces eaux sont également présentes dans certaines parties du Maine, du Vermont et du New Hampshire, où les dépôts glaciaires proviennent de roches ignées. L’eau de Type II est typique des matériaux glaciaires dans la région du Midwest des États-Unis et du sud de l’Ontario. L’eau de Type III est abondante dans la région des plaines intérieures des États-Unis et du Canada (Dakota du Nord, Montana, Manitoba, Saskatchewan et Alberta). L’eau de Type II existe aussi dans la région des plaines intérieures, mais elle est moins commune que l’eau de Type III.
Dans les situations où la contamination par les activités agricoles ou les réseaux d’égouts est importante, chacun de ces types d’eau peut avoir des concentrations appréciables de et de Cl–. Les dépôts formés à la suite des processus glaciaires dans les régions montagneuses contiennent également de l’eau souterraine, mais en raison de la nature plus locale et de la variabilité de ces dépôts, ils ne seront pas inclus dans notre discussion. Les catégories générales ci-dessus se réfèrent uniquement aux eaux souterraines qui doivent leur développement chimique à des processus qui se déroulent dans des dépôts glaciaires ou dans des sols développés sur ces dépôts. Au cours de leur histoire d’écoulement, certaines eaux souterraines dans les dépôts glaciaires ont traversé le substrat rocheux ou d’autres matériaux non glaciaires. La composition chimique de cette eau est généralement influencée par les processus qui se produisent dans ces matériaux non-glaciaires.
Les dépôts glaciaires dans lesquels l’eau de Type I est commune proviennent de roches ignées ou métamorphiques. L’évolution chimique de cette eau est contrôlée par des interactions avec des minéraux aluminosilicates de la manière décrite à la Section 7.4. Parce que l’altération de ces minéraux progresse lentement par rapport aux mouvements de l’eau souterraine, les eaux souterraines sont très faibles en solides dissous, avec des valeurs de pH qui n’évoluent normalement pas au-dessus de 7. Bien que Ca2+ et Mg2+ sont parfois les cations dominants, les eaux sont douces car les concentrations totales de ces cations sont très faibles. Bien que l’eau de Type I se trouve dans les dépôts glaciaires de nombreuses parties du Bouclier précambrien, de vastes zones de la région du Bouclier contiennent de l’eau de Type II. Cela se produit à cause des minéraux carbonatés provenant de l’érosion glaciaire du substrat rocheux du Paléozoïque près du Bouclier, de l’érosion des zones de roches du Paléozoïque sur le Bouclier ou de l’érosion des zones locales de marbre ou d’autres roches métamorphiques contenant des minéraux carbonatés. Les ruisseaux et les lacs du Bouclier qui sont alimentés par l’eau souterraine ont des eaux acides ou alcalines, selon leur proximité des dépôts glaciaires contenant des minéraux carbonatés.
Les eaux de Type II sont principalement le résultat d’une dissolution de carbonates dans des systèmes de CO2 en conditions de système ouvert ou partiellement ouvert. Les processus d’échange de cations sont généralement une influence sur les modifications. Les concentrations de Cl– et SO42- dépassent rarement 100 mg/ℓ parce que les minéraux tels que le gypse, l’anhydrite et l’halite sont généralement absents. Les effets de la dissolution des minéraux silicatés primaires tels que les feldspaths et les micas sont largement oblitérés par les concentrations beaucoup plus élevées de cations et de de la calcite et de la dolomite.
D’un point de vue géochimique, les eaux les plus énigmatiques dans les dépôts glaciaires sont celles de la catégorie Type III. Cette eau se distingue des eaux de Type II par des concentrations en Mg2+, Na+ et SO42- beaucoup plus élevées et, dans une moindre mesure, par des concentrations plus élevées de Ca2+. En raison de sa nature saumâtre et de son contenu élevé en SO42-, l’eau de Type III est, du point de vue de l’utilisation de l’eau, une caractéristique problématique de cette région. L’eau est généralement impropre à l’irrigation et dans de nombreux cas même impropre à la consommation humaine ou animale.
Les principales caractéristiques chimiques de l’eau souterraine de Type III peuvent être expliquées par une combinaison des procédés suivants: dissolution du calcite et de la dolomite en système ouvert ou partiellement ouvert pour obtenir des valeurs de pH comprises entre 7 et 8 et des valeurs de entre 300 et 700 mg/ℓ, dissolution de gypse (CaSO4, 2H2O) et de l’anhydrite (CaSO4) pour produire des valeurs de SO42- comprises entre plusieurs centaines et 2000 mg/ℓ et jusqu’à plusieurs centaines de milligrammes par litre de Ca2+, et altération des rapports cationiques par échange ionique. Tous ces processus géochimiques sont interdépendants. Cherry (1972), Grisak et al. (1976) et Davison (1976) ont utilisé des combinaisons stœchiométriques des quatre processus précédents pour expliquer l’eau de Type III dans diverses régions de la région des grandes plaines intérieures du Manitoba et de la Saskatchewan. Comme la calcite et la dolomite sont omniprésentes dans les sols et les dépôts glaciaires de la région, et que les valeurs PCO2 du sol sont généralement élevées, la dissolution de la calcite et de la dolomite est un moyen raisonnable pour expliquer les valeurs de pH et de observées. L’eau de Type III est généralement saturée à modérément sursaturée par rapport à la calcite et à la dolomite. Pour que SO42- se présente comme l’anion dominant dans la plupart des eaux de Type III, seules de très petites quantités de gypse doivent être dissoutes. L’eau de Type III est généralement sous-saturée par rapport au gypse. Au fur et à mesure que l’eau se déplace le long de ses chemins d’écoulement, la dissolution du gypse est la principale cause de l’augmentation des solides dissous totaux. En raison de l’effet des ions communs, le Ca2+ supplémentaire produit souvent de l’eau qui est sursaturée par rapport à la calcite et à la dolomite.
Au moyen des processus de dissolution minérale décrits ci-dessus, les valeurs pH, SDT et SO42- caractéristiques de l’eau de Type III peuvent être expliquées, mais pas les concentrations élevées de Mg2+ et Na+, et pas les concentrations faibles mais significatives de Cl–. Il y a aussi un déficit non expliqué en Ca2+ par rapport à SO42-. Une explication raisonnable des principales caractéristiques de l’eau de Type III est l’influence combinée de la dissolution de carbonates par l’eau chargée de CO2 dans la zone du sol, la dissolution de petites quantités de gypse et l’échange de Ca2+ pour Na+ et Mg2+ sur argiles montmorillonitiques. La disponibilité du gypse pour la dissolution est le facteur déterminant dans l’évolution de l’eau douce à l’eau saumâtre. L’afflux de Ca2+ dérivé du gypse provoque des concentrations accrues de Na+ et Mg2+, alors que les réactions d’échange de cations [Éqs. (3.106) et (3.109)] s’ajustent pour maintenir l’équilibre. Le gypse semble être la principale source de SO42-, qui est l’anion dominant dans la plupart des eaux de Type III.
L’origine du gypse dans les dépôts glaciaires est un sujet de spéculation important. Diverses sources de données suggèrent qu’il n’était pas présent dans les dépôts glaciaires au moment de leur mise en place. Cherry (1972) a suggéré une hypothèse dans laquelle des quantités faibles mais significatives de gypse ont précipité dans ces dépôts à la suite de la pénétration de l’eau salée dans les zones peu profondes à partir des formations profondes en raison de l’effet de la glaciation sur le bassin sédimentaire régional. Cela peut avoir eu lieu dans les zones supérieures des diverses unités de till au cours des nombreux épisodes de recul glaciaire de l’époque Pléistocène. Dans une autre hypothèse, l’origine du gypse est attribuée à l’oxydation de petites quantités de sulfures de fer tels que la pyrite (FeS2) dans le sol et l’unité sous le sol. Les effets combinés de l’infiltration, de l’oxydation du sulfure de fer, de la dissolution de la calcite et de l’évapotranspiration subséquente entraînent une précipitation du gypse à faible profondeur. Ces hypothèses n’ont pas été évaluées en détail. L’origine du minéral le plus important dans l’évolution chimique de l’eau de Type III reste un sujet de controverse.
Eau souterraine dans les roches sédimentaires stratifiées
Des séquences de roches sédimentaires stratifiées d’origine continentale, deltaïque ou marine sont courantes en Amérique du Nord. Ces séquences comprennent normalement des grès, des siltstones, des schales, des calcaires et des dolomies. Plusieurs des processus géochimiques qui ont déjà été expliqués dans nos discussions sur d’autres environnements hydrogéologiques sont également importants dans ces séquences stratifiées. Par exemple, la dissolution de minéraux carbonatés et de petites quantités de gypse, d’anhydrite ou d’halite a généralement une influence sur la composition en ions majeurs. L’altération des feldspaths, des micas et des minéraux argileux peut également être importante. Le but de cette section est de décrire quatre processus géochimiques qui sont généralement beaucoup plus importants dans les roches sédimentaires stratifiées que dans les environnements hydrogéologiques considérés précédemment. Ce sont (1) l’échange cationique, (2) la production de CO2 en dessous de la zone du sol, (3) la réduction biochimique du sulfate, et (4) l’oxydation des minéraux sulfurés. La discussion porte sur l’évolution de l’eau souterraine douce ou saumâtre à plusieurs centaines de mètres sous la surface du sol. Les systèmes plus profonds dans lesquels se développent des eaux salées ou des saumures sont examinés à la Section 7.7.
Une caractéristique frappante de plusieurs eaux souterraines dans les séquences sédimentaires stratifiées est l’apparition de Na+ et de comme ions dominants. Dans certaines situations, les concentrations en atteignent 2500 mg/ℓ, ce qui représente plus de la moitié d’un ordre de grandeur au-dessus des valeurs typiques de l’eau souterraine dans le calcaire ou la dolomite. Les eaux de type Na-HCO3 sont présentes dans les dépôts tertiaires et crétacés des plaines côtières de l’Atlantique et des Plaines Côtières du Golfe des États-Unis (Foster, 1950; Back, 1966), dans le substratum tertiaire et crétacé de l’ouest du Dakota du Nord, du Montana, du sud de la Saskatchewan et du Wyoming (Hamilton, 1970; Moran et al., 1978a; Groenewold et al., sous presse), et ailleurs. La présence de Na+ et de comme ions dominants peut être expliquée par les effets combinés de l’échange de cations et de la dissolution de la calcite ou de la dolomite. Les eaux Na-HCO3 peuvent être produites dans des séquences de strates contenant des quantités significatives de calcite ou de dolomite et des minéraux argileux avec du Na+ échangeable.
Les deux processus géochimiques sont représentés par les réactions
(7.14)
(7.15)
où (ad) désigne les cations absorbés sur les argiles. L’équilibre pour l’Éq. (7.15) est loin vers la droite tant qu’il y a une quantité appréciable de Na+ sur les sites d’échange des argiles. L’équation (7.14) procède vers la droite tant que le produit d’activité [Ca2+] [CO32-] est inférieur à la constante d’équilibre pour la calcite (c’est-à-dire aussi longtemps que IScalcite <1) et tant que la calcite est disponible pour la dissolution. L’élimination du Ca2+ de la solution par la réaction d’échange fait que l’eau devient ou reste sous-saturée par rapport à la calcite, permettant ainsi la dissolution de la calcite de se poursuivre. Lorsque ces deux processus fonctionnent au-dessous de la nappe phréatique, la dissolution des carbonates se produit dans des conditions de système fermé. Le CO2 dissous, qui est exprimé en H2CO3, est consommé alors que les valeurs de pH, de et de Na+ augmentent. Les relations entre le pH, les concentrations en Ca2+ et en pour de l’eau à faible salinité dans laquelle la calcite s’est dissoute jusqu’à l’équilibre sont présentées à la Figure 7.16. Pour la gamme de pH qui est commune pour l’eau souterraine, ce graphique indique que lorsque le Ca2+ est maintenu à de faibles concentrations, les concentrations de à l’équilibre sont élevées.
Dans les strates tertiaires et crétacées des régions mentionnées ci-dessus, les eaux souterraines de moins de quelques dizaines de milligrammes par litre de Ca2+ et de Mg2+ et de plus de 1000 mg/ℓ de sont courantes. Le pH de ces eaux est généralement compris entre 7,0 et 8,5.
Pour que l’eau souterraine dans cette gamme de pH évolue à des concentrations en aussi élevées, une production élevée de H+ est nécessaire. Dans les régions des Plaines, une source majeure de H+ est l’oxydation de la pyrite (FeS2), qui est un constituant commun dans le substrat rocheux de cette région (Moran et al., 1978). Les ions hydrogène sont libérés à la suite de la réaction
(7.16)
L’oxydation se produit dans la zone d’humidité du sol car l’oxygène est fourni par l’atmosphère terrestre. L’oxydation d’une très petite quantité de pyrite par rapport à une masse donnée du matériau géologique entraîne une forte diminution du pH de l’eau interstitielle. Une source supplémentaire de H+ provient de la production de CO2 dans la zone du sol de la manière habituelle.
Pour expliquer les caractéristiques chimiques des eaux souterraines de type Na-HCO3 de l’Atlantique et des Plaines Côtières du Golfe, Foster (1950), Pearson et Friedman (1970) et Winograd et Farlekas (1974) ont conclu que le CO2 est généré dans le système d’écoulement à des profondeurs bien au-dessous de la nappe phréatique. Le CO2 se combine avec H2O pour former H2CO3, ce qui provoque la dissolution de la calcite. Des mécanismes tels que les suivants ont été suggérés pour la production de CO2 en profondeur :
Oxydation de la matière organique par le sulfate :
(7.17)
Diagénèse de lignite :
(7.18)
Dans les environnements aquifères anaérobies, l’oxydation de la matière organique peut être réalisée par la réduction du SO42-. Ce processus, qui nécessite l’action catalytique des bactéries anaérobies, est souvent identifiable dans les échantillons de puits par l’odeur d’œuf pourri du gaz H2S (HS– + H+ = H2S). L’eau souterraine dans laquelle du CO2 a été généré par la réduction du SO42- ont généralement de faibles concentrations de SO42- et peuvent donc être clairement distinguées de l’eau de type NaHCO3 qui n’a évolué que par dissolution de calcite et l’échange d’ions.
Certaines séquences stratifiées de dépôts continentaux et deltaïques contiennent des quantités appréciables de lignite. Foster (1950) et Winograd et Farlekas (1974) ont suggéré que la diagénèse de lignite, processus par lequel la température et la pression dans un environnement anaérobie éliminent progressivement les matières volatiles réduites qui s’oxydent ensuite lors de la conversion du lignite en charbon, est une source importante de CO2 dans quelques aquifères dans les régions de l’Atlantique et de la Plaine Côtière du Golfe. Cependant, il se peut que ce ne soit pas une source importante de CO2 dans les gisements riches en lignite de la région des Grandes Plaines.
Nous avons illustré comment l’eau souterraine dans des assemblages stratifiés ou mixtes de sédiments non consolidés ou de roches peuvent suivre plusieurs chemins d’évolution géochimique, en fonction de facteurs tels que la séquence de rencontre, les taux relatifs de dissolution minérale, la disponibilité minérale et la solubilité, la présence de matière organique et de bactéries, les conditions de CO2 et la température. Bien qu’il soit souvent possible d’expliquer la composition actuelle de l’eau souterraine en termes de modèles basés sur les facteurs indiqués ci-dessus, l’hydrochimie des systèmes d’écoulement subit des changements progressifs et en grande partie irréversibles sur les longues périodes de temps géologique alors que l’eau souterraine s’écoule en continue au travers du matériel géologique. Les petites quantités de gypse et d’autres minéraux solubles qui ont fortement influencé l’évolution chimique de l’eau souterraine dans de nombreux systèmes hydrogéologiques sont progressivement retirées de ces systèmes. Le sodium qui est échangé contre le Ca2+ dans le développement d’eaux souterraines riches en Na est retiré des sites d’échange de minéraux argileux. Les minéraux silicatés tels que les feldspaths et les micas sont continuellement transformés en minéraux argileux. Les caractéristiques des profils de sol dans les zones de recharge qui contrôlent la composition initiale de l’eau souterraine alors qu’elle commence à se déplacer le long de ses chemins d’évolution changent lentement en raison du lessivage dues aux événements d’infiltration répétés. Au cours des périodes de plusieurs milliers ou millions d’années, ces changements affectent la composition et la forme de la croûte terrestre. Les effets de la géochimie de l’eau souterraine sur une échelle de temps géologique sont examinés plus en détail au Chapitre 11. À une échelle beaucoup plus récente, durant les dernières dizaines à centaines d’années, les activités humaines ont affecté l’évolution chimique de l’eau souterraine. Au Chapitre 9, certaines des façons spécifiques dont ces activités dégradent la qualité de l’eau souterraine sont décrites.
7.6 Interprétation géochimique des dates 14C
Dans la Section 3.8, les principes de la méthode au 14C pour la datation de l’eau souterraine ont été introduits. Notre but ici est de décrire certaines des façons dont les processus géochimiques peuvent faire en sorte que les âges de l’eau souterraine ajustés ou corrigés diffèrent des âges de désintégration ou des âges 14C non corrigés. L’étape initiale de la détermination de l’âge de l’eau souterraine au 14C consiste à précipiter plusieurs grammes ou plus de carbone inorganique, habituellement sous la forme de BaCO3 ou SrCO3, à partir d’un échantillon de 50 à 100 L d’eau. L’étape suivante consiste à déterminer par comptage radiométrique le pourcentage de 14C (c’est-à-dire, l’activité spécifique) dans le carbone extrait du précipité. La teneur en 14C mesurée est normalement exprimée par le rapport (R) du 14C dans l’échantillon à la teneur en 14C du carbone moderne.
Sur la base de ce ratio, l’Éq. (3.111) indique l’âge non ajusté d’un échantillon 14C. Pour tenir compte de l’effet du carbone mort qui est entré dans l’eau à la suite de la dissolution de minéraux sous la nappe phréatique, nous utiliserons un facteur d’ajustement Q, où
t = —8270 ln R + 8270 ln Q (7.19)
Q est la fraction du carbone inorganique dissous total dérivé sous la nappe phréatique par dissolution minérale ou par oxydation de la matière organique. On suppose que ce carbone ajouté ne contient pas de 14C. On suppose que le carbone inorganique qui pénètre dans l’eau par dissolution minérale au-dessus de la nappe influence peu la teneur en 14C de l’eau en raison de l’équilibre rapide avec le 14C dans l’air du sol, qui atteint 14C à des niveaux « modernes ». Cette définition de Q est conforme à celle présentée par Wigley (1975). Cette discussion portera sur les facteurs qui affectent Q et les façons dont les estimations numériques de Q peuvent être obtenues. Q est le rapport du carbone inorganique initialement apporté à l’eau souterraine dans des conditions où le carbone entrant dans la solution maintient une teneur en 14C égale à celle du carbone moderne au carbone inorganique dissous total dans l’échantillon.
La signification de Q sera illustrée par plusieurs exemples dans lesquels il est supposé que le mélange des eaux provenant de différentes sources ne se produit pas. Considérons une situation où l’eau s’infiltre dans une zone de sol et, alors qu’elle se trouve dans la zone de production de CO2 dans le sol, acquiert 100 mg/ℓ de carbone inorganique dissous du CO2 et de la dissolution de la calcite. L’eau se déplace ensuite à travers le système d’écoulement de l’eau souterraine sans autre dissolution de calcite, à un endroit où elle est échantillonnée. Dans ce cas, la valeur de Q pour l’eau échantillonnée sera de 1, car la dissolution des minéraux carbonatés dans la zone du sol produit une teneur en 14C dans l’eau identique à la teneur en carbone 14C du carbone moderne, que la calcite ou la dolomie qui se dissous dans la zone du sol ait des quantités significatives de 14C. Lorsque la dissolution de carbonates a lieu dans la zone non saturée, il y a généralement suffisamment de CO2 généré par la désintégration de la matière organique moderne pour maintenir l’équilibre des teneurs en 14C entre l’eau et l’atmosphère du sol. La question de savoir si la matière organique présente des dizaines d’années ou quelques centaines d’années est peu importante, car ces périodes sont courtes par rapport à la demi-vie du 14C (5730 ans).
Dans un deuxième exemple, l’eau acquiert 100 mg/ℓ de carbone inorganique dissous dans la zone du sol dans des conditions de système ouvert et acquiert ensuite 100 mg/ℓ de carbone inorganique par dissolution de calcite et de dolomite sous la nappe phréatique. Dans ce cas, Q a une valeur de 0,5. Presque toute la calcite et la dolomite présentes dans les systèmes hydrogéologiques sont dépourvues de 14C mesurable car ces minéraux ont été formés à l’origine il y a des centaines de milliers ou des millions d’années. Lorsque ces minéraux sont aussi vieux, leur contenu original en 14C a été perdu par désintégration radioactive. Le carbone inorganique dissous apporté à l’eau souterraine par la dissolution en système fermé provoque la dilution du carbone inorganique original dans l’eau avec le carbone non radioactif. La valeur de Q dans cet exemple est 0,5, car c’est le rapport du carbone qui avait initialement une valeur de 14C moderne au carbone total, qui inclut le carbone original plus le carbone non radioactif additionnel.
Dans le troisième exemple, l’eau souterraine décrite ci-dessus se déplace le long de son écoulement dans une zone dans laquelle la teneur totale en carbone organique dissous provenant des minéraux carbonatés augmente davantage. La valeur de Q devient donc plus petite. Par exemple, si l’eau pénètre dans une zone où du CO2 est généré par réduction de sulfate et si la calcite est dissoute à la suite de l’augmentation du CO2 et de l’échange Na-Ca, le carbone supplémentaire devrait être exempt de 14C. La matière organique présente dans les strates géologiques est normalement très ancienne et, par conséquent, n’a généralement pas de teneur significative en 14C. Si l’eau acquiert 100 mg/ℓ de carbone inorganique de la matière organique et de la calcite, la valeur de Q sera de 100/300 = 0,33.
Comme autre exemple, nous considérerons l’eau souterraine qui se déplace le long de chemins d’écoulement dans la roche granitique complètement dépourvue de minéraux carbonatés. L’eau traverse une zone de sol dans la zone de recharge, où elle est chargée de CO2 à une pression partielle de 10-2 bar à 15 °C. La teneur en carbone inorganique dissous est donc de 21 mg/ℓ, et comme le pH de l’eau en équilibre avec cette PCO2 serait de 5,0, le carbone inorganique dissous est presque entièrement sous forme de H2CO3. Ces valeurs ont été obtenues en utilisant le type de procédure de calcul décrit à la Section 3.5. Le fait que la plus grande partie du carbone inorganique dissous existe sous forme de H2CO3 peut être déduit de la Figure 3.5 (a). Au fur et à mesure que l’eau se déplace le long des voies d’écoulement dans le granite, le pH et les valeurs de augmentent graduellement au fur et à mesure de la dissolution des minéraux silicatés tels que les feldspaths et les micas. Finalement, le pH peut s’élever au-dessus de 7 et presque tout le carbone inorganique dissous existera comme . La valeur de Q, cependant, restera à l’unité pendant que ces changements se produisent, car aucun nouveau carbone inorganique n’est introduit dans l’eau souterraine à partir de la masse rocheuse.
Ces exemples montrent que lorsque l’eau souterraine évolue chimiquement au cours de son déplacement le long d’un écoulement régional, Q peut dans certains cas diminuer. Si l’on veut obtenir des estimations utiles de l’âge « réel » de l’eau souterraine à partir des données de 14C, il faut d’abord acquérir une compréhension relativement détaillée de l’origine géochimique du carbone inorganique dans l’eau. Cela peut être fait en utilisant des modèles géochimiques conceptuels tels que ceux décrits dans les sections précédentes de ce chapitre. Ces modèles peuvent être testés et améliorés en utilisant des données sur la teneur en 13C du carbone inorganique dans l’eau souterraine et des sources de carbone dans les milieux poreux. Pearson et Hanshaw (1970), Wigley (1975) et Reardon et Fritz (1978) ont fourni des explications plus détaillées sur les méthodes d’ajustement des âges 14C fondées sur l’interprétation des données hydrochimiques et de 13C.
Bien que dans les exemples précédents, l’attention ait été mise sur le fait que la dilution du 14C par les processus géochimiques peut influencer fortement les dates 14C de l’eau souterraine, il faut souligner que les âges 14C peuvent être utiles dans de nombreux types d’études hydrologiques souterraines. Les données du 14C peuvent apporter une information inestimable, même s’il existe une incertitude considérable dans les estimations de valeurs de Q. Les estimations d’âge détaillées ne sont souvent pas nécessaires pour résoudre un problème. Par exemple, le fait que l’eau ait ou non 15 000 ou 30 000 ans peut ne pas être crucial si l’on a un degré de confiance raisonnable dans l’information indiquant que l’âge se situe quelque part dans cette gamme, voire plus ancienne. Avec cette approche à l’esprit, il est heureux que de grandes incertitudes dans les estimations Q pour les anciennes eaux souterraines aient une influence relativement faible sur l’âge de l’eau souterraine calculé.
Par exemple, si l’âge non corrigé d’un échantillon d’eau souterraine est de 40 000 ans et que la valeur est de Q est 0,7, l’âge ajusté ou corrigé obtenu à l’aide de l’Éq. (7.19) est de 37 050 ans. Si l’incertitude associée à Q est grande, par exemple ±0,2, l’intervalle correspondant à l’âge de 14C est de 34.250-39.135 ans. En raison de la forme logarithmique des termes dans l’Éq. (7.19), l’effet de Q est petit à de grandes valeurs de t.
Dans l’un des cas hypothétiques présentés ci-dessus, une valeur de Q de 0,3 a été obtenue. Il convient de noter que dans des situations réelles, cela serait considéré comme une valeur extrême. À titre de guide général, Mook (1972) a suggéré qu’une valeur de Q de 0,85 est une estimation raisonnable pour de nombreuses situations. Wigley (1975) a montré que dans les situations où le CO2 n’est pas généré sous la nappe phréatique, il est très improbable que des valeurs Q inférieures à 0,5 se développent.
Nous prévoyons qu’au cours des prochaines décennies, on s’intéressera de plus en plus à l’identification des zones dans lesquelles se trouvent de l’eau souterraine ancienne. Cela se produira lorsque la société développera un plus grand désir de consommer de l’eau qui n’a pas été affectée par la variété presque illimitée de produits chimiques qui sont maintenant libérés dans le cycle hydrologique. Certaines zones d’eaux souterraines profondes qui contiennent des eaux salines ou de la saumure qui peuvent être identifiées comme étant isolées de l’hydrosphère peuvent avoir une valeur particulière en tant que zones d’élimination des déchets. Pour ces raisons et d’autres, l’identification de la distribution du 14C dans l’eau souterraine dans les quelques milliers de mètres supérieurs de la croûte terrestre sera importante dans les années à venir.
7.7 Effets de membrane dans les bassins sédimentaires profonds
Dans ce texte, l’accent est mis principalement sur les processus et les caractéristiques des systèmes aquifères dans les quelques centaines de mètres supérieurs de la croûte terrestre. Dans ces zones, les températures sont généralement inférieures à 30 °C et les contraintes de confinement sont faibles. Cependant, la plupart de l’eau souterraine dans la croûte terrestre existe à de plus grandes profondeurs, où les températures et les pressions sont très supérieures à celles qui ont été considérées dans nos discussions précédentes. Les caractéristiques chimiques des eaux à ces profondeurs sont généralement très différentes de celles des eaux peu profondes. L’effet de la température et de la pression sur les solubilités minérales et la complexation ionique, et le grand âge des eaux souterraines profondes, sont des facteurs qui produisent différentes compositions d’eau. Les eaux salées ou les saumures sont communes à ces profondeurs, bien que dans certaines régions, il y ait des eaux saumâtres.
Parmi les divers effets qui ont une influence particulière sur l’évolution chimique de l’eau souterraine dans les systèmes d’écoulement profond, nous en choisirons un seul, connu sous le nom d’effet de membrane, comme base pour une discussion plus approfondie. D’autres effets résultent des extensions des processus chimiques qui ont été décrits pour les systèmes peu profonds. L’effet de membrane, cependant, est relativement unique aux systèmes profonds dans les roches sédimentaires stratifiées. Pour des discussions plus générales sur la géochimie des eaux souterraines profondes, le lecteur est référé à White (1957), Graf et al. (1965), Clayton et al. (1966), van Everdingen (1968b), Billings et al. (1969), et Hitchon et al. (1971). Pour une revue des études géochimiques des eaux souterraines notées pour leurs hautes températures, le lecteur est référé à Barnes et Hem (1973).
Lorsque l’eau et les éléments dissous sont entraînés sous l’influence de gradients hydrauliques à travers des membranes semi-perméables, le passage des solutés ioniques à travers les membranes est restreint par rapport à l’eau (voir Section 3.4). Les concentrations d’éléments dissous sur le côté d’entrée de la membrane augmentent donc par rapport aux concentrations dans la sortie. Cet effet d’exclusion d’ions est appelé filtrage du sel, ultrafiltration ou hyperfiltration. Le filtrage du sel peut également se produire en l’absence de gradients hydrauliques significatifs dans les situations où le mouvement différentiel des ions se produit en raison de la diffusion moléculaire. Berry (1959) a d’abord suggéré que les effets de filtration du sel causés par les shales étaient un processus important dans les bassins sédimentaires. Le concept a également été utilisé par Bredehoeft et al. (1963) pour expliquer la concentration de la saumure dans les roches sédimentaires stratifiées. Le procédé a été démontré au laboratoire par Hanshaw (1962), McKelvey et Milne (1962), Hanshaw et Coplen (1973), Kharaka et Berry (1973) et Kharaka et Smalley (1976). On pense que les propriétés membranaires des matériaux argileux sont causées par des charges superficielles déséquilibrées sur les surfaces et les bords des particules d’argile. Comme indiqué dans la Section 3.7, la charge nette sur les particules d’argile est négative. Ceci conduit à l’adsorption d’un grand nombre de cations hydratés sur les surfaces minérales argileuses. En raison d’un nombre beaucoup plus petit de sites chargés positivement sur les bords des particules d’argile et du déséquilibre de charge local causé par la ou les couches de cations adsorbés, il y a aussi une tendance à inclure des anions dans cette microzone d’ions et de molécules d’eau autour des particules d’argile. La capacité des argiles compactées et des shales à provoquer une filtration du sel se développe lorsque des particules d’argile sont pressées si étroitement que les couches adsorbées d’ions et de molécules d’eau associées occupent une grande partie de l’espace poreux restant. Puisque les cations sont les espèces chargées dominantes dans les microzones adsorbées autour des particules d’argile, le fluide relativement immobile dans les pores comprimés développe une charge positive nette. Par conséquent, lorsqu’une solution d’électrolyte aqueux se déplace à travers les pores à la suite d’un gradient externe ou d’une diffusion moléculaire, les cations dans la solution sont repoussés. Afin de maintenir la neutralité électrique à travers la membrane, les anions sont également restreints du passage à travers la membrane. De légères différences de charge, appelées potentiels d’écoulement, causées par un faible degré de migration différentielle des cations et des anions, produisent des courants électriques à travers la membrane. Le potentiel d’écoulement contribue également au retardement des cations dans le fluide forcé à travers la membrane.
Kharaka et Smalley (1976) ont défini le ratio de filtration comme étant la concentration d’espèces dans la solution d’entrée divisée par la concentration dans la solution d’effluent comme moyen pratique d’exprimer l’efficacité de la membrane argileuse pour retarder l’écoulement des espèces ioniques.
Berry (1969) et van Everdingen (1968c) ont décrit les facteurs relatifs influençant les effets de la filtration membranaire dans les environnements géologiques. En raison des différences de taille et de charge ioniques, il existe des différences relativement importantes dans les rapports de filtration pour les principaux cations présents dans l’eau souterraine. Les cations divalents sont filtrés plus efficacement que les cations monovalents. L’effet de la membrane est plus fort à des débits d’eau souterraine inférieurs. Des différences distinctes dans les rapports de filtration entre les cations monovalents et les cations divalents ne se produisent pas toujours et, dans certaines conditions expérimentales, l’évolution des rapports de filtration est inversée (Kharaka et Smalley, 1976). La température du fluide a également un effet significatif sur les rapports de filtration. Dans des expériences de laboratoire utilisant de la bentonite compactée, Kharaka et Smalley ont observé que les rapports de filtration pour les métaux alcalins et alcalino-terreux diminuaient jusqu’à un facteur 2 entre 25 et 80 °C. Ils attribuent ce changement à l’effet de la température sur la nature et le degré d’hydratation des cations. Coplen (1970) a observé expérimentalement que l’hydrogène et l’oxygène sont tous deux fractionnés au travers des membranes de montmorillonite. En raison des différences de masse, 2H et 18O s’accumulent du côté haute pression de la membrane. Une autre conclusion importante dérivée des expériences en laboratoire utilisant différents types d’argiles est que les argiles avec des capacités d’échange cationique plus élevées ont des efficacités de filtration d’ions plus élevées. Les argiles montmorillonitiques sont donc généralement beaucoup plus efficaces que les argiles kaolinitiques.
Si le filtrage du sel influence réellement l’évolution géochimique de l’eau souterraine dans les bassins sédimentaires, les effets devraient être évidents lorsque les distributions spatiales des cations et des anions sont étudiées dans des bassins sédimentaires profonds où l’eau souterraine coule ou se diffuse à travers l’argile ou des couches de le shale. Il est extrêmement difficile d’obtenir des combinaisons de données chimiques et potentiométriques qui montrent clairement les effets du filtrage de sel dans les zones profondes des bassins sédimentaires car les conditions hydrodynamiques et stratigraphiques sont généralement assez complexes par rapport au nombre et à la répartition des puits de surveillance de l’eau souterraine normalement disponibles pour ce type d’étude. Néanmoins, l’hypothèse du filtrage du sel a été identifiée par de nombreux chercheurs comme une explication raisonnable des compositions anormales d’eau dans diverses zones des bassins sédimentaires profonds en Amérique du Nord et en Europe. Bien que des explications alternatives basées sur des interactions eau-roche ou différentes interprétations hydrodynamiques puissent être acceptables pour expliquer certaines de ces situations, il semble y avoir peu de doute que le filtrage de sel est dans de nombreux cas un facteur important. Dans certaines études, les distributions des isotopes stables 18O et 2H ont été utilisées pour faciliter l’interprétation des données chimiques et hydrodynamiques (Graf et al., 1965; Hitchon et Friedman, 1969; Kharaka et al., 1973).
Toutes les expériences de laboratoire qui ont été menées sur les propriétés membranaires des argiles et des shales ont montré que de grandes contraintes effectives doivent être appliquées pour obtenir des efficacités significatives de filtration du sel. Sur la base d’évidences de laboratoire, il semble très improbable que la filtration du sel se produise dans la plupart des dépôts sédimentaires à des profondeurs inférieures de moins de 500-1000 m de la surface du sol. Si la filtration du sel devait se produire communément à des profondeurs plus faibles, la généralisation bien connue qui stipule que les solides dissous totaux dans l’eau souterraine ont tendance à augmenter le long des trajets d’écoulement serait, bien sûr, invalide dans de nombreuses régions.
Un problème non résolu, cependant, est de savoir si les dépôts argileux tels que le till argileux qui ont été soumis à des contraintes de confinement efficaces très élevées à un moment donné dans le passé géologique peuvent conserver des propriétés membranaires significatives longtemps après que les contraintes de confinement ont été éliminées. Cette question est particulièrement pertinente dans les régions de terrain sédimentaire qui ont été envahies par les glaciers. Les glaciers continentaux qui ont traversé la majeure partie du Canada et la partie nord des États-Unis avaient des épaisseurs de plusieurs kilomètres. Dans les situations où les pressions des fluides sous-glaciaires ont pu se dissiper pendant la période de charge glaciaire, les dépôts argileux sous les glaciers ont été soumis à de fortes contraintes verticales effectives. La question de savoir si ces dépôts conservent ou non des capacités membranaires significatives après la déglaciation et le rebond de la croûte reste à établir. Schwartz (1974) et Wood (1976) ont invoqué le filtrage du sel dans les dépôts glaciaires argileux comme hypothèse pour expliquer certaines tendances chimiques anormales dans les données des puits peu profonds dans les zones de tills argileux du sud de l’Ontario et du Michigan. Leurs preuves sur le terrain ne sont pas sans équivoque. L’hypothèse doit encore être évaluée par des études dans d’autres domaines ou par des tests en laboratoire sur les dépôts pour vérifier s’ils sont capables de provoquer une filtration du sel.
7.8 Taux des processus et diffusion moléculaire
À ce stade de notre discussion sur l’évolution chimique de l’eau souterraine, l’accent a été mis sur les réactions de dissolution de minéraux et d’échange opérant dans un cadre d’équilibre. Les conditions d’équilibre sont couramment observées dans les expériences de laboratoire et sont commodément accessibles à la description en utilisant des concepts thermodynamiques. Dans la nature, cependant, les processus hydrochimiques se déroulent souvent très lentement, même lorsqu’ils sont considérés sur une échelle de temps géologique. Parce que les taux de plusieurs réactions sont lents, l’eau souterraine reste souvent sous-saturée par rapport aux minéraux qui se trouvent dans les milieux poreux. Les vitesses peuvent être lentes parce que les ions ne sont pas facilement libérés des structures cristallines, ou parce que le flux d’eau et de produits de réaction entre l’eau s’écoulant et les surfaces cristallines est lent, ou parce que des séries de réactions sont impliquées, une est lente et donc détermine le taux pour le système. Les matériaux géologiques poreux non fracturés tels que le gravier, le sable, le limon et l’argile sont caractérisés par une large gamme de tailles de pores. La majeure partie de l’eau qui coule se déplace à travers les plus grands pores. C’est cette eau qui est obtenue lorsque des puits ou des piézomètres sont échantillonnés. La surface sur laquelle les réactions se produisent, cependant, est principalement la zone qui englobe les plus petits pores. La surface qui englobe les pores larges dans lesquels la plus grande partie de l’écoulement se produit n’est habituellement qu’une petite fraction de la surface des petits pores. Les processus par lesquels l’eau souterraine en écoulement acquiert sa composition chimique peuvent donc être fortement influencés par la vitesse de transfert de l’eau et des produits de réaction des surfaces de réaction dans les pores plus petits à l’eau dans les pores plus grands. Ce taux peut être lent. Il est raisonnable de s’attendre à ce que, dans de nombreuses situations, cette vitesse soit contrôlée par la diffusion moléculaire des produits de réaction à travers le fluide dans les petits pores dans les pores plus grands, où ils sont ensuite transportés dans le régime d’écoulement hydraulique contrôlé. De ce raisonnement, il est évident que le temps requis pour atteindre l’équilibre dans une expérience dans laquelle des matières particulaires minérales réagissent dans un récipient dans lequel les solides et le liquide sont agités est normalement inférieur au temps d’équilibre dans une situation où l’eau passe à travers une colonne remplie de la matière minérale en tant que milieu poreux.
L’effet de la vitesse de transfert des produits de réaction de surfaces à la majeure partie de l’eau qui s’écoule est illustré schématiquement sur la Figure 7.17. Dans un champ d’écoulement uniforme, la distance pour atteindre la saturation, appelée distance de saturation, augmente à mesure que la vitesse effective de transfert des produits de réaction entre les surfaces de réaction et l’eau qui s’écoule diminue [Figure 7.17 (a)]. Dans un système d’écoulement donné, différents minéraux peuvent avoir différentes distances de saturation. La Figure 7.17 (b) illustre l’effet du débit sur la distance de saturation pour une seule espèce minérale. Dans de nombreuses situations, la relation entre le débit et la vitesse de réaction effective est telle que l’eau traverse des systèmes complets d’écoulement sans atteindre la saturation par rapport à de nombreuses espèces minérales de la roche hôte. Ceci est particulièrement le cas pour les minéraux aluminosilicates, qui ont des vitesses de réaction effectives qui sont limitées à la fois par le taux de transfert par diffusion des produits de réaction à travers les pores plus petits aux plus grands et par les faibles taux de libération ionique des structures cristallines. Pour une discussion plus détaillée de l’effet des vitesses de réaction et de la diffusion sur l’évolution chimique de l’eau souterraine, le lecteur est référé à Paces (1976). Domenico (1977) a révisé la théorie du processus de transport et le phénomène de taux dans les sédiments. Les expériences de laboratoire sont décrites par Howard et Howard (1967) et Kemper et al. (1975).
Dans de nombreux systèmes d’écoulement, le mouvement dominant de l’eau souterraine se fait par des fractures ou le long des plans de litage. Les roches fracturées telles que les calcaires, les siltstones, les shales et les basaltes, ainsi que les dépôts non consolidés fracturés tels que certaines argiles et les tills argileux, ont une porosité appréciable dans la matrice non fracturée des matériaux. Bien que la matrice présente une porosité importante, sa perméabilité est généralement si faible que le débit dans la matrice est faible par rapport à l’écoulement dans les réseaux de fractures. Lorsque les puits ou les piézomètres de ces matériaux fracturés sont échantillonnés, les échantillons représentent l’eau qui s’écoule dans le système de fracturation plutôt que l’eau présente dans la masse du milieu poreux. Cependant, la chimie de cette eau peut fortement refléter les résultats de la diffusion des produits de réaction de la matrice poreuse aux fractures. Les ouvertures de fracture sont généralement petites, même dans les strates ayant une grande perméabilité à la fracture. Par rapport au flux de solutés dans les fractures résultant de la diffusion à partir de la matrice poreuse, le volume d’eau dans le réseau de fractures est généralement faible. Le flux diffusif issu de la matrice peut donc être le facteur déterminant de l’évolution chimique de l’eau souterraine circulant dans le réseau de fractures. L’évolution chimique de l’eau souterraine dans les systèmes d’écoulement de fractures peut dépendre de la minéralogie du matériau de la matrice, des coefficients de diffusion effectifs des ions dans la matrice, de l’espacement des fractures et des variations de débit d’écoulement dans les fractures. Le phénomène couramment observé des augmentations progressives des ions majeurs le long des systèmes d’écoulement régionaux peut souvent être attribué à l’effet de la diffusion de la matrice.
Lectures suggérées
BACK, W., et B. B. HANSHAW. 1965. Chemical geohydrology. Adv. Hydrosci., 1, pp. 49–109.
GARRELS, R. M., et C. L. CHRIST. 1965. Solutions, Minerals, and Equilibria. Harper & Row, New York, pp. 74–91.
HEM, J. D. 1970. Study and interpretation of the chemical characteristics of natural water. U.S. Geol. Surv. Water-Supply Paper 1973, pp. 103–230.
PACES, T. 1976. Kinetics of natural water systems. Proc. Symp. Interpretation of Environmental Isotopes and Hydrochemical Data in Groundwater Hydrology, Intern. Atomic Energy Agency Spec. Publ., Vienna, pp. 85–108.
STUMM, W., et J. J. MORGAN. 1970. Aquatic Chemistry. Wiley-Interscience, New York, pp. 383–417.
Problèmes
Plusieurs des problèmes ci-dessous nécessitent des calculs utilisant la loi d’action de masse et les équations de bilan de charge et de bilan de masse. Les méthodes de calcul appropriées peuvent être déduites du matériel présenté aux Chapitres 3 et 7. Nous suggérons que les étudiants excluent l’occurrence des paires et des complexes ioniques de leurs calculs. Dans les solutions aux problèmes, cette approche introduira une erreur qui pourrait être évitée en réalisant des calculs plus fastidieux. Les erreurs sont généralement faibles et la nature instructive des problèmes n’est pas significativement modifiée. Les valeurs des constantes d’équilibre peuvent être obtenues à partir du Chapitre 3 ou, lorsqu’elles ne sont pas incluses dans le Chapitre 3, elles peuvent être calculées à partir de données d’énergie libre répertoriées dans des textes connus tels que Garrels et Christ (1965), Krauskopf ( 1967), et Berner (1971). On peut supposer que les eaux souterraines mentionnées dans les problèmes sont situées à une profondeur suffisamment faible pour que l’effet des différences de pression de fluide de la valeur standard de 1 bar soit négligé.
- Un échantillon de pluie a la composition suivante (concentrations en mg/ℓ) : K+ = 0,3, Na+ = 0,5, Ca2+ = 0,6, Mg2+ = 0,4, = 2,5, Cl– = 0,2, SO42- = 15, et = 1,2; pH 3,5; température 25 °C. Le pH de cette eau peut-il être expliqué par un modèle hydrochimique basé sur l’hypothèse que la chimie de la pluie peut être représentée par l’équilibre de l’eau avec le dioxyde de carbone atmosphérique comme contrôle dominant du pH ? Si ce n’est pas le cas, proposez une autre explication pour le contrôle du pH.
- La pluie qui s’infiltre dans une zone de sol a un pH de 5,7, K+ = 0,3, Na+ = 0,5, Ca2+ = 0,6, Mg2+ = 0,4, = 2,5, Cl– = 0,2, SO42- = 0,8 (concentrations en mg/ℓ).
- Dans la zone du sol, l’eau s’équilibre avec l’air du sol qui a une pression partielle de CO2 de 10-2 Calculez les concentrations en H2CO3 et et le pH de l’eau. Supposons que l’eau ne réagisse pas avec les phases solides dans le sol.
- Dans la zone du sol, l’eau qui a initialement une teneur en oxygène dissous en équilibre avec l’atmosphère terrestre (soit 9 mg/ℓ), a la moitié de son oxygène dissous consommé par l’oxydation de la matière organique, et la moitié consommé par l’oxydation du sulfure de fer (FeS2). Supposons que le sol soit saturé avec l’eau lorsque ces processus se produisent, que l’eau ne réagisse pas avec d’autres phases solides et que l’oxydation de la matière organique produise du CO2 et H2O comme produits de réaction. Estimez les teneurs en PCO2, H2CO3, et SO42- et le pH de l’eau interstitielle. Quel processus exerce le contrôle dominant sur le pH, l’oxydation de la matière organique ou l’oxydation des minéraux sulfurés ?
- L’eau avec une concentration en oxygène dissous de 4 mg/ℓ migre sous la nappe phréatique dans des matériaux géologiques contenant 0,5 % par poids de pyrite (FeS2). Dans cette zone, l’oxygène dissous est consommé par l’oxydation de la pyrite. Estimez le pH de l’eau après que l’oxydation se soit produite. Le pH initial de l’eau est de 7,9. Supposons que l’eau ne réagisse pas avec d’autres phases solides et que l’eau souterraine soit à 10 °C.
- Les résultats suivants ont été obtenus à partir d’une analyse chimique d’un échantillon d’eau souterraine (concentrations en mg/ℓ) : K+ = 21, Na+ = 12, Ca2+ = 81, Mg2+ = 49, = 145, Cl– = 17, SO42- = 190, et Si = 12; pH 7,3; température 15 °C.
- Existe-t-il des preuves suggérant que cette analyse comporte des erreurs analytiques significatives ? Expliquez.
- Représentez cette analyse chimique en utilisant les diagrammes suivants: diagramme à barres, graphique circulaire, diagramme de Stiff, diagramme ternaire de Piper, diagramme semi-logarithmique de Schoeller et diagramme de Durov.
- Classez l’eau en fonction de son contenu en anions et en cations.
- Sur lequel de ces diagrammes l’analyse chimique serait-elle impossible à distinguer de celle d’une analyse d’eau avec des concentrations différentes mais ayant des pourcentages ioniques similaires ?
- Les eaux souterraines profondes dans un bassin sédimentaire ont une conductivité électrique de 300 millisiemens (ou millimhos).
- Faites une estimation des solides dissous totaux de cette eau (en mg/ℓ).
- Quel est l’anion dominant dans cette eau ? Expliquez.
- Un échantillon d’eau d’un puits dans un aquifère calcaire a la composition suivante (concentrations en mg/ℓ) : K+ = 1,2, Na+ = 5,4, Ca2+ = 121, Mg2+ = 5,2, = 371, Cl– = 8,4, et SO42- = 19; pH 8,1; température 10 °C.
- En supposant que ces données représentent la chimie réelle de l’eau dans l’aquifère à proximité du puits, déterminez si l’eau est sous-saturée, saturée ou sursaturée par rapport au calcaire.
- La valeur du pH indiquée dans l’analyse chimique a été déterminée en laboratoire plusieurs semaines après la collecte de l’échantillon. Commentez le caractère raisonnable de l’hypothèse énoncée dans la partie (a).
- En supposant que les concentrations et la température indiquées dans la partie (a) sont représentatives des conditions in situ de l’aquifère, calculez le pH et la PCO2 que l’eau aurait si elle était en équilibre avec la calcite dans l’aquifère.
- Dans la zone de recharge d’un système d’écoulement, l’eau du sol se charge en CO2 à une pression partielle de 10-2,5 L’eau s’infiltre à travers un sable quartzique jusqu’à la nappe phréatique puis s’écoule dans un aquifère contenant de la calcite. L’eau dissout la calcite à l’équilibre dans une zone où la température est de 15 °C. Estimez les teneurs en Ca2+ et dans l’eau et le pH, et la PCO2 après que cet équilibre soit atteint.
- Dans quels types de conditions hydrogéologiques attendriez-vous que de l’eau de type existe avec peu ou pas d’augmentation des solides dissous totaux sur toute la longueur d’un système d’écoulement régional ? Expliquez.
- Un aquifère de roche carbonatée hautement perméable contient une eau souterraine naturelle à 5 °C avec la composition suivante (concentrations en mg/ℓ) : K+ = 5, Na+ = 52, Ca2+ = 60, Mg2+ = 55, = 472, Cl– = 16 et SO42- = 85; pH 7,47. L’eau est saturée ou sursaturée vis-à-vis la calcite et de la dolomite. Il est décidé de recharger l’aquifère en eau de surface avec la composition suivante (concentrations en mg/ℓ) : K+ = 2.1, Na+ = 5.8, Ca2+ = 5.2, Mg2+ = 4.3, HCO3– = 48, Cl– = 5 et SO42- = 3; pH 6,5. La recharge se fera au moyen d’un réseau de puits d’injection qui recevront l’eau de surface d’un réservoir de stockage aéré. Estimez la composition de l’eau rechargée dans l’aquifère après qu’elle a atteint l’équilibre par rapport à la calcite à une température de 20 °C. Négligez les effets du mélange de l’eau d’injection et de l’eau naturelle dans l’aquifère. Expliquez pourquoi il y a une différence majeure entre les compositions des deux eaux.
- De l’eau chargée en CO2 à une pression partielle de 10-1,5 bar dans la zone du sol s’infiltre dans un système d’écoulement régional dans une roche granitique légèrement fracturée. L’eau dissout lentement l’albite de façon incongruente jusqu’à ce qu’elle soit saturée par rapport à ce minéral. Supposons que toutes les autres interactions minéral-eau ne sont pas importantes. Estimez la composition de l’eau [Na+, Si(OH)4, , pH et PCO2] après que la saturation de l’albite soit atteinte.
- L’eau souterraine dans un granite fracturé a la composition suivante (concentrations en mg/ℓ) : K+ = 5, Na+ = 5,8, Ca2+ = 10, Mg2+ = 6,1, = 62, Cl– = 2,1 et SO42- = 8,3, et Si = 12; pH 6,8. L’eau a acquis cette composition à la suite de la dissolution incongruente de feldspath plagioclase dans le granite. En raison du processus de dissolution, de l’argile se forme sur les surfaces des fractures.
- Indiquez les espèces de minéraux argileux ou de minéraux que vous vous attendriez qui se formeraient. Supposons que le produit de la réaction en phase solide est cristallisé plutôt que sous forme amorphe.
- Le processus de dissolution incongruente fera-il augmenter ou diminuer la perméabilité des fractures? Expliquez.
- Estimer la composition de l’eau qui résulte de la réaction dans 1 L d’eau avec 1 mmol de H2CO3, avec (a) la calcite, (b) la dolomite, (c) l’albite, (d) la biotite et (e) l’anorthite. Exprimez vos réponses en millimoles par litre et en milligrammes par litre. Pour chaque cas, indiquez la direction dans laquelle le pH évoluera au fur et à mesure de la dissolution.
- Des études d’un système d’écoulement régional en terrain sédimentaire indiquent que, dans une partie du système, il y a une forte diminution de SO42- et une forte augmentation de dans le sens de l’écoulement régional.
- Quels processus géochimiques pourraient provoquer ces changements dans les concentrations d’anions ?
- Indiquez les autres caractéristiques chimiques de l’eau qui devraient présenter des tendances qui supporteraient votre explication.
- L’eau souterraine dans un lit de grès au sein d’une séquence sédimentaire stratifiée composée de shale, de siltstone, de lignite et de grès, d’une déposition d’origine continentale, a la composition suivante (concentrations en mg/ℓ) : K+ = 1,2, Na+ = 450, Ca2+ = 5,8, Mg2+ = 7,9, = 1190, SO42- = 20 et Cl– = 12; pH 7,5; température 15 °C. Quelle combinaison de processus hydrogéochimiques pourrait expliquer ce type de chimie de l’eau? Écrivez les réactions chimiques qui forment le cadre de votre réponse.
- Une eau souterraine s’écoule dans une strate argileuse caractérisée par un coefficient de sélectivité de 0,7 par rapport à la réaction d’échange Mg-Ca décrite par les Éqs. (3.105) et (3.107). La capacité d’échange cationique est de 10 méq/100 g. Les fractions molaires de Ca2+ et Mg2+ adsorbés sont toutes deux de 0,5. L’eau souterraine pénétrant dans la couche argileuse a une concentration en Ca2+ de 120 mg/ℓ et une concentration en Mg2+ de 57 mg/ℓ. Supposons que la concentration des autres cations est négligeable. Estimez les concentrations à l’équilibre de Ca2+ et Mg2+ qui résulteront suite à la modification de la composition de l’eau par la réaction d’échange Ca-Mg.
- Une eau souterraine à une température de 25 °C s’écoule dans un lit de calcaire où elle atteint la saturation par rapport à la calcite. Elle s’écoule ensuite dans les strates qui contiennent beaucoup de gypse. Estimez la composition de l’eau après qu’elle a atteint l’équilibre par rapport au gypse. Supposons que le taux de précipitation de la calcite est très lent par rapport au taux de dissolution du gypse. Avant de passer dans les strates riches en gypses, l’eau a la composition suivante (concentrations en mg/ℓ) : K+ = 3, Na+ = 8,1, Ca2+ = 110, Mg2+ = 9,2, = 310, Cl– = 12 et SO42- = 36.
- Préparez un graphique qui montre la relation entre l’âge 14C non corrigé (non ajusté), l’âge 14C corrigé (ajusté), et le paramètre désigné comme Q dans les Sections 3.8 et 7.6. Pour une valeur spécifiée de Q, les différences entre les âges corrigés et non corrigés sont-elles les plus grandes chez les âges jeunes ou les âges vieux? Expliquez pourquoi la méthode du 14C n’est généralement pas utile pour la datation des eaux souterraines qui sont plus jeunes que plusieurs milliers d’années.
- Au fur et à mesure que l’eau passe au travers de la zone du sol, elle acquiert, à la suite d’une dissolution en système ouvert, une teneur en de 96 mg/ℓ et un pH de 6,1. L’eau se déplace ensuite sous la nappe phréatique dans un aquifère de dolomie. Dans l’aquifère, la teneur en augmente rapidement jusqu’à 210 mg/ℓ.
- Quelle sera la valeur de Q à utiliser dans l’ajustement des dates 14C de l’eau de cet aquifère?
- L’eau a un âge non corrigé de 43 300 ans. Quel est l’âge corrigé en fonction de la valeur de Q obtenue de la partie (a) ?
- Un aquifère de grès horizontal se trouve entre deux lits épais de shale. Le grès est composé de quartz et d’un faible pourcentage de feldspath. L’eau dans le grès n’est pas capable d’acquérir une concentration appréciable de solides dissous par réaction avec les minéraux de l’aquifère. L’eau porale du shale, cependant, a de fortes concentrations de solides dissous. En considérant diverses combinaisons d’épaisseur de l’aquifère, de vitesse d’écoulement de l’eau souterraine dans l’aquifère, de gradients de concentration dans les aquitards, et de coefficients de diffusion, déterminer les conditions dans lesquelles la chimie de l’eau de l’aquifère serait contrôlée par le flux vertical par diffusion moléculaire des solides dissous, du shale vers l’aquifère. Supposons que les solides dissous qui pénètrent dans l’aquifère sont répartis uniformément sur l’épaisseur de l’aquifère en raison de la dispersion. Pensez-vous que de telles conditions pourraient se produire dans la nature ?
- L’eau souterraine A, à PCO2 = 10-2, a une composition qui résulte de la dissolution en système ouvert de la sidérite (FeCO3) dans une strate sans calcite ni dolomite. L’eau souterraine B, à la même PCO2, a une composition qui résulte de la dissolution de la calcite en système ouvert dans une strate sans sidérite ni dolomite. Ces deux eaux, chacune ayant été en équilibre avec leur phase solide respective, sont interceptées par un puits dans lequel elles sont mélangées dans des proportions égales au moment du pompage. Le système a une température de 25 °C.
- Calculez les concentrations de cations et d’anions et le pH de chacune de ces eaux.
- Calculez la composition de l’eau mélangée dans le puits.
- Ce mélange est-il capable de produire de la calcite ou de la sidérite par précipitation ?
- Après le pompage du puits dans un réservoir de stockage ouvert à l’air libre à 25 °C, la calcite et/ou la sidérite précipiteraient-elles ?